Octobre 1966
Hommage à freinet
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Les pionniers sen vont. Avant les vacances, la mort de Roger Gal nous avait bouleversé ; et voici que cest, hélas ! le tour de Célestin Freinet.
Les militants, les adhérents du Groupe Français dEducation Nouvelle, tous les enseignants soucieux dune pédagogie adaptée à notre époque, orientée vers lHomme, ressentent cette disparition comme un grand vide. Par delà les discussions et les querelles salutaires, ils saluent la mémoire de Célestin Freinet. Le GFEN, qui a pour vocation, dunir tous ceux qui travaillent dans le sens dune éducation nouvelle, et qui rassemble déjà de nombreux éducateurs dans le respect de leurs options particulières se doit de souligner le rôle imminent que joua Freinet, quil ne cesse et ne cessera de jouer malgré sa mort.
Je suis pourtant de ceux-là que rebutèrent parfois, irritèrent même quelques aspects de ses théories ou de ses activités : un côté artisanal, praticiste, une certaine sous-estimation de la Science, peut-être une surestimation des techniques, et surtout une sorte dimpérialisme de sa pensée qui le rendaient moins libéral à légard des amis et des collègues quà celui des enfants. Mais à tout prendre, ses défauts nétaient que lenvers de ses qualités ; ses outrances étaient celles dune esprit conquérant, dynamique et bouleverseur ; et surtout, elles nenlèvent rien au fait que le combat de Freinet était fondamentalement le nôtre, le combat pour le souci de lHomme, pour la formation de lHomme dans le petit enfant un combat contre laliénation et pour la liberté.
Un combat courageux, né de la haine de la guerre, livré contre vents et marées.
Et comment ne pas se souvenir quil fut la victime des « Officiels » et quil fut soutenu alors contre larbitraire par les deux illustres présidents du GFEN : Paul Langevin et Henri Wallon ?
Un combat qui entraîna des milliers dinstituteurs. Qui pourrait nier aujourdhui limportance des textes libres, de limprimerie à lécole, des bibliothèques de travail, du dessin libre et de lépanouissement artistique de lenfant ? Un combat qui marqua son époque. Et qui rend possible, ajouté au combat des autres - à celui du GFEN la grande bataille nécessaire pour que ce combat de pionniers ne se limite pas à des pionniers et devienne la chose de tous les enseignants de France. Et dabord ce Congrès des Etats Généraux de lEducation Nouvelle qui devra en constituer la première étape.
Célestin Freinet était un Homme et non pas une idole, dieu merci. Un homme qui fut un grand bonhomme. Cest pourquoi léquipe de Dialogue tenait à lui rendre cet hommage. Et dire à son épouse, à ses amis, à ses collaborateurs son émotion. Et sa volonté de continuer le même combat. Ensemble.
Henri Bassis
Editorial paru dans le N°2 de Dialogue (Ronéoté alors), à la mort de Freinet
Et à la suite dun article publié dans lHumanité sous la signature de Fernande Seclet-Riou[1], alors Secrétaire Générale du GFEN. Article qui fut aussitôt condamné vivement par le Bureau National du GFEN et suivi dune lettre du même Bureau à Elise Freinet et dune autre à lICEM présentant ses condoléances attristées et ses saluts fraternels.
Pour lhistoire : Fernande Seclet-Riou ne demeura plus la Secrétaire Générale du GFEN.
[1] La signature de cet article du 19 Octobre 1966 était précisément : Fernande Seclet-Riou, ancienne inspectrice de lenseignement primaire, rapporteur de la commission du plan Langevin-Wallon. (précisions issues du tome 2 de « Célestin Freinet, un éducateur pour notre temps » de Michel Barré).
Les lettres du GFEN à Elise Freinet ainsi quà lICEM restent à retrouver dans des archives.