L'EVOLUTION DES TECHNIQUES
« Quand
on se repose les problèmes, lorsqu'on ne se contente pas d'emboîter
le pas, lorsqu'on critique et qu'on essaie d'améliorer, on est toujours
sur la bonne voie. » (Freinet)
Il
est impossible de dissocier l'autogestion des techniques de travail
utilisées, car elles conditionnent l'attitude des enfants et celle
du maître, et la prise en main par les enfants de leur vie fait
évoluer inéluctablement les techniques. Cela permet, comme le souhaitait
Freinet, de « ne pas jalonner de routines les voies nouvelles ».
(L'Educateur, 1.11.45)
|
Ne
pouvant donner ici une vision complète de l'évolution de toutes les techniques,
j'ai choisi :
• deux techniques Freinet qui tendent
actuellement à se généraliser :
- la correspondance interscolaire ;
- le texte libre et le journal scolaire.
• deux techniques institutionnelles :
- le conseil de coopérative ;
- le président de jour ;
et
afin de cerner avec le maximum de précision le processus de remise en
cause, je me suis plus particulièrement attaché à la correspondance.
1.
LA CORRESPONDANCE INTERSCOLAIRE EN CLASSE DE PERFECTIONNEMENT MIXTE 12-14
ANS
Lorsque,
en septembre 1965, j'ai été nommé dans une classe de perfectionnement
mixte, j'avais déjà pensé y pratiquer la correspondance interscolaire,
technique que je connaissais par une expérience de cinq années au cours
élémentaire.
Je trouvai un camarade, H.Thomas, qui avait une classe
de perfectionnement de même niveau que la mienne et de même structure :
8 garçons, 7 filles. Nous déterminâmes ensemble les modalités de nos échanges :
- une lettre individuelle une semaine ;
- une lettre collective la
semaine suivante (avec albums éventuellement) ;
- un colis par trimestre ;
- des textes libres ;
- occasionnellement des bandes
magnétiques.
Je
proposai à Henri une présentation du travail qui m'avait satisfait au
CE :
-
une lettre individuelle sur page double de cahier, avec un dessin
sur la première page, la lettre à l'intérieur, un texte libre sur la 4e
page ;
- une lettre collective avec
une lettre composée collectivement, des parties individuelles (texte sur
un thème choisi par le groupe et retenu par l'enfant, textes libres non
choisis) et des dessins décoratifs.
Nous
attribuâmes à chacun un (ou une) correspondant, en tenant compte des âges,
des possibilités, du milieu, etc.
Je
déterminai, en fonction de mon expérience passée, des enfants, des modalités
retenues, l'organisation du travail sur une semaine.
HORAIRE DE TRAVAIL SUIVI (Lettres individuelles, semaine du 29.11 au 4.12)
Mardi 30 novembre
13 h 45 à 14 h 30
Réception du paquet, pesée, affranchissement.
Lecture silencieuse
des lettres. Discussion libre.
Lecture à haute
voix et dessin pour la réponse pendant la lecture.
Suite du dessin
et recherche d'idées pour la réponse.
Etude :
Mercredi 1er décembre
9 h PLAN en commun au tableau
(1) Je réponds
:
- Je parle de
sa lettre
comment
elle est
l'écriture,
les dessins.
- Je parle de
ce qu'il y a dans sa lettre
- Je réponds
à ses questions.
(2) Je parle
de ma vie
(3) Je termine :
Je pense à toi
Je te serre la main
Bien amicalement.
9 h 15 à10 h15 Rédaction de la REPONSE
Sur le cahier de correspondance, au crayon.
Je suis
le travail. Je note les erreurs en les soulignant pour les plus forts
(groupe 3 et 2).
Je corrige, j'aide.
Toute l'heure
est utilisée à la rédaction.
Chacun fait le
maximum pour corriger
(carnet
(ortho-dico
(Gr 3-2
10 h 50 A 11 h 45 Les enfants sont en calcul aux bandes.
Je corrige les
lettres avec les enfants.
Certaines sont
longues.
Je souligne les
erreurs qu'ils peuvent corriger : (je compte 8 minutes par enfant,
pour le groupe
des CE‑CM1 1e correction
2e correction
Mise à jour,
au fur et à mesure, du planning
« lettre
0 erreur »
12 h 45 A 13 h 25 CORRECTION sans les enfants
de 7 cahiers sur les 9 restant.
(J'avais commencé
le matin par le groupe 3 (CE-CM).
Je n'ai pas pu
corriger les lettres de Jean6Luc (G 2)
et Patrick (G
1), qui sont illisibles à cause de la déformation des mots.)
13 h 45 Je fais le BILAN de la rédaction
des lettres,
puis mise à jour
du planning lancement
« lettres
0 erreur » (10 échelons : 3l ‑ 41 ‑ 51 ‑ 61
- 71 – 81 – 91 – 101 – 111 - 121).
Dans le G3(CE-CM),
Annie réussit 24 lignes, Philippe 16, les autres entre 10 et 15.
14 h A 14 h 40 COPIE DE LA LETTRE. Code de travail
(adopté par les enfants) :
-Silence pendant
la copie
-Les enfants
peuvent s'isoler (ateliers du couloir, atelier derrière les bahuts).
Je corrige les
lettres de Jean-Luc et de Patrick.
Ceux qui ont
terminé illustrent et me font revoir leur lettre.
Je note par un
point les lignes où il y a des erreurs de copie,
et nous mettons
à jour le planning-lancement
« copie
de lettres 0 erreur » (10 échelons qui vont de 3 à 20 lignes ;
dernier échelon
: 1 lettre de plus de 20 1. sans erreur).
Plusieurs atteignent
16, 18, 20 lignes : Annie réussit le dernier échelon.
15 h 30 A 16 h 15 Pendant l'« atelier », fin
de la copie de la lettre pour quelques enfants
qui ont de longues
lettres : Philippe 3 pages, Marylène 2 ½
ou pour Patrick
et Gérard qui écrivent très lentement,
et illustration
des pages intérieures avec les crayons-feutres
et les crayolor
(recherche de couleurs, fignolage).
Ateliers pour
ceux qui ont terminé copie et illustration.
Etude ‑ maison Recherche des cartes postales
et des éléments de découpage pour des collages.
Vendredi
3 décembre
13 h 451. Rechercher 3 questions
à poser au correspondant, sur le cahier de brouillon ;
2. Copie d'un
texte libre et illustration. Pendant ce temps, je corrige les questions.
3. Lorsque copie
et illustrations sont terminées,
les enfants copient
leurs 3 questions sur une feuille de dessin (format cahier)
qu'ils décorent
ensuite s'ils le désirent de cartes postales
et découpages
divers ou de dessins. Je corrige les copies de T.L.
15 h 30 à 16 h 15 Suite du travail pour ceux qui n'ont
pas terminé et ateliers pour les autres.
Une équipe de
3 se charge de la lettre de Renée qui est absente.
Samedi 4 décembre
9 h à 9 h 30 Pendant les « activités libres
», ceux qui le désirent viennent lire
leur lettre à
leurs camarades ou présenter leurs dessins.
L'enveloppe est
préparée, puis le paquet pesé et affranchi.
Il sera expédié
à midi et arrivera ainsi le mardi chez nos correspondants.
PLAN DE LA LETTRE
Nous utilisons des feuilles
doubles de cahier :
1re page
Collage d'un dessin réalisé
sur papier dessin. Ce dessin peut être fait d'avance par chaque enfant
et est rangé alors dans une enveloppe (Educateur) qui recueille aussi
les coupures de presse, les cartes postales, photos, etc. Certains ont
deux ou trois dessins terminés et en donnent aux absents.
2e et 3e page
Lettre copiée sur la feuille
et illustrée.
4e page
Copie d'un texte libre et illustration.
N-‑B. Deux enfants utilisent maintenant deux feuilles doubles.
Les
trois questions sont copiées sur une feuille de dessin qui sera décorée
de découpages, de cartes postales, de dessins, puis glissée dans la lettre.
Cette
organisation du travail nous permet d'obtenir d'excellentes et agréables
lettres, tout en sauvegardant la liberté d'expression de l'enfant dans
les textes et les dessins.
Pour
ces enfants de 10 à 13 ans qui sortaient d'une classe traditionnelle,
ces échanges étaient un rayon de soleil riche de possibilités. Et effectivement
ils s'enrichirent sur le plan des relations sociales, de l'expression,
de la formation de l'esprit, par cette technique qu'ils avaient adoptée
avec joie. Que de progrès dans l'écriture, dans l'expression écrite, le
goût du travail bien fait !
Certains
y trouvèrent aussi un meilleur équilibre psychique, les échanges leur
apportant cette part de relations affectives dont ils avaient été frustrés.
L'intérêt
global pour ces échanges réguliers s'est nuancé au fil des jours. L'attirance
des enfants pour les lettres individuelles s'affirmait rapidement, du
fait qu'elles apportent davantage sur le plan affectif. La lettre collective
provoquait des moues de désappointement parfois, bien que chacun admirât
cette oeuvre des camarades lorsqu'elle était largement déployée à la sortie
du paquet.
Mais
pendant la première année et jusqu'au troisième trimestre de cette année
d'échanges avec la classe d'Henri Thomas, jamais les enfants ne ménagèrent
leurs efforts pour « faire plaisir aux correspondants ».
Depuis
la rentrée de Pâques, j'ai senti des refus, qui se manifestent surtout
par une certaine passivité : dessins inachevés lorsque le groupe
a prévu de les réaliser à la maison, lettres moins copieuses, etc.
Que
faire ? Nous avons un contrat avec nos camarades de St-Brieuc, mais
la correspondance doit s'inscrire dans un climat de liberté et de prise
en mains par les enfants de leur vie scolaire. « Ce n'est jamais
par l'abstention ou la répression qu'il faut tâcher de solutionner le
problème, jamais par l'inhibition, mais toujours par l'audace et l'action »,
écrit Freinet dans son Essai de Psychologie sensible.
Alors
essayons d'agir ; mais comment ? Plusieurs attitudes sont possibles :
·
Avoir un comportement
directif :
- l'ordre et la menace étant
exclus, je peux conseiller, essayer de faire prendre une décision par
le groupe, afin de maintenir nos structures et relancer leur bon fonctionnement ;
- je peux aussi apporter une aide
plus grande à ceux dont l'intérêt faiblit ;
- je peux avoir un comportement
d'évaluation : « Tu sais, un bon coopérateur répond à une lettre
reçue. Ton correspondant a fait un effort : ce serait très mal de
ne lui envoyer qu'une lettre sans valeur... »
- ou bien un comportement d'interprétation :
« Je comprends pourquoi tu n'as pas fait une longue lettre. Tu n'as
rien à dire à ton correspondant ! »... » ou bien :
« Tu n'as pas eu le temps de faire ton dessin : peut-être pensais-tu
pouvoir le faire en classe... »
·
Avoir un comportement
non directif, le comportement
de « compréhension ». J'essaie de me mettre à la place des enfants
et de comprendre le pourquoi de ce refus inconscient.
C'est
ce dernier comportement que j'ai essayé d'adopter. J'ai senti qu'il
me serait difficile d'avoir un intérêt profond pour une correspondance
qui tend à devenir routinière par sa périodicité régulière et sa forme
inchangée, qui risque de devenir une technique scolaire et non plus une
technique de vie. Et puis j'ai aussi ressenti combien était artificielle
cette attribution aux enfants d'un correspondant sans demander leur avis...
Alors que faire ?
Il
existe bien une solution : celle de la correspondance LIBRE, dont
je connais les éléments essentiels. Je pourrais la proposer. Mais ne serait-ce
pas maintenir pratiquement l'enfant en situation de dépendance ?
Or ce qui est notre but final, c'est d'amener l'enfant et le groupe a
l'autonomie.
Il
faut donc que je les mette en situation de responsabilité face à leur
problème. Mais alors dois-je attendre qu'ils prennent conscience de ce
problème ? ou bien dois-je essayer de les amener à prendre cette
conscience et à expliciter leurs refus ou leurs désirs ?
Je
choisis cette dernière voie, et je demande l'inscription de la correspondance
à l'ordre du jour du conseil de coopérative du 6 mai.
*
Comme il est de coutume, le président donne la parole
à celui qui a proposé une question à discuter. C'est mon cas. Je propose
donc à tous les enfants, à la lumière de leur expérience, d'examiner le
problème de la correspondance, car il me semble remarquer un manque d'intérêt
certain. Or on ne peut correspondre que dans la liberté. Il faudrait donc
essayer de voir s'il existe des solutions plus satisfaisantes.
Je
leur explique le pourquoi de nos habitudes présentes et leur demande d'exprimer
leurs critiques et leurs désirs. A eux de décider éventuellement des nouvelles
modalités et de les proposer aux camarades de St-Brieuc.
Après
trois minutes de silence, les enfants se polarisent sur les cas de Guy
et de Gilles. Guy n'a plus de correspondant, le sien ayant quitté l'école.
Quant à Patrick, il répond par 6 ou 7 lignes aux deux pages de son correspondant
Gilles.
Quelques
enfants estiment que Guy pourrait écrire à Gilles, puisque Patrick (qui
a de grandes difficultés graphiques) ne montre guère d'enthousiasme pour
l'expression écrite. Mais Philippe pense que l'on ne peut rien changer
sans l'avis de Gilles, et Martine (qui préside) demande à Patrick de réfléchir
sur la question.
La
discussion a bien démarré. Renée propose que les filles écrivent aux garçons.
Marylène, qui a un garçon pour correspondant, n'est pas d'accord et aimerait
changer. Françoise lui propose un échange.
Il
semble que se manifeste une certaine lassitude. Quelques-uns écrivent
au même correspondant depuis un an et demi, et nous n'avons pu réaliser
un voyage-échange l'an passé. Cependant, les lettres individuelles conservent
une nette avance sur les échanges collectifs.
La discussion se porte maintenant sur la lettre collective.
Aline : « Moi je préfère recevoir une lettre pour moi ! »
Après discussion, on s'oriente vers une lettre collective où chacun
mettrait « quelque chose » pour son correspondant, qui pourrait,
à l'arrivée, le lire aux autres. Mais les enfants ne précisent pas :
il faudra donc y revenir.
Puis
on aborde le problème des échanges individuels. Un enfant propose d'écrire
le mardi au lieu du mercredi, proposition qui permet à chacun de préciser
ses désirs. J'interviens alors pour aider l'enfant à raisonner son choix.
Plusieurs jours sont proposés : lundi, mardi, mercredi, vendredi...
et diverses raisons sont invoquées.
Le
délai de 15 jours est lui aussi remis en cause. Certains proposent une
semaine (« quinze jours c'est trop long… »), d'autres
un mois (« on ne sait plus quoi dire… »), d'autres le
statu quo (« une semaine c'est trop court, on ne saurait pas quoi
dire ; mais un mois c'est trop long... ») Gérard propose
alors : « Chacun aura plusieurs jours pour faire sa
lettre ; il choisira son jour ». Mais Dominique pose la
question : « Ferons-nous un envoi ou plusieurs clans la semaine ? »
L'heure de sortir arrête le débat, que les
enfants reportent au lundi 8 mai.
LE 8 MAI
Nous
recevons une lettre collective format « accordéon ». Ils l'étalent
sur les pupitres après avoir admiré l'illustration : « Ils
ont fait du progrès ! » On se bouscule un peu pour pouvoir
lire la lettre. Nous en discutons immédiatement et Philippe propose :
« Chacun devrait mettre une page pour son correspondant ».
(En
général, je découpais les pages de la lettre reçue et les faisais circuler.
Ceux dont les correspondants avaient écrit un texte le lisaient ;
les autres étaient souvent mécontents que leur correspondant n'ait pas
mis sa part dans la lettre collective. J'ai observé la même réaction pour
les textes imprimés : « Moi, mon correspondant il n'a jamais
de texte choisi ! » C'est d'ailleurs le correspondant qui
semble mis en cause, et non la collectivité qui ne lui choisit pas de
texte. Dans notre classe, les enfants ont décidé que chacun aurait un
texte dans chaque journal et un texte seulement.)
Après
cette parenthèse pour situer le fond d'expérience qui a servi de base
au débat, je reprends le fil de l'observation.
Après
la proposition de Philippe, Patrick propose de demander aux camarades
de St-Brieuc : « Comment faites-vous pour lire la lettre
collective ? » Puis Marylène demande que l'on lise la lettre,
chacun lisant une page à haute voix. Après lecture, la collectivité décide
d'y répondre le mardi 9.
Le
8 mai, au conseil de classe, nous reprenons comme prévu la discussion
sur la correspondance. Je fais la synthèse des débats du lundi et je propose
de discuter deux questions importantes restées en suspens : Quel
jour écrirons-nous ? Ferons-nous un envoi ou plusieurs envois dans
la semaine ? Cette fois, la discussion démarre rapidement :
DOMINIQUE :
Si on fait plusieurs envois dans la semaine, on n'aura plus d'argent ;
il vaut mieux faire un seul envoi.
Voilà déjà la contrainte financière
qui apparaît.
MARYLENE : Chacun apporte
30 c pour acheter un timbre.
MARTINE : Il vaut mieux
apporter un timbre.
GERARD : On envoie une
lettre nous, dans une enveloppe.
(La correspondance individuelle
va-t-elle sortir du cadre de la classe pour acquérir une liberté totale ?)
ANITA : Il faut avoir des
enveloppes ! (Anita
est d'une famille très pauvre).
DOMINIQUE : Chacun recevra
alors sa lettre à son tour ; ça sera pas très bien !
PHILIPPE : Il faut l'avis
des correspondants.
MARYLENE : On peut la
poster nous-mêmes.
GUY : Qui la corrigera ?
MARTINE : Nos parents.
FRANÇOISE : Oui, mais
Anita et Aline, leur maman ne sait pas lire !
GERARD : On l'amène ici pour la
corriger !
Le
débat tourne autour de :
1°. Un envoi ou plusieurs envois ?
Qui fera l'envoi ?
2°. La rédaction de la lettre :
le jour ? qui corrigera ?
Je demande la parole et je fais
la synthèse en précisant ces deux points et je pose deux questions :
1°. Comment saurai-je que chaque
camarade de St-Brieuc aura reçu une lettre ?
2°. Comment sauraije que les lettres
sont « bien », c'est-à-dire bien écrites et sans erreurs ?
L'heure de la sortie arrête encore
le débat. Je me demande si mes deux questions ne relèvent pas d'une attitude
de contrôle injustifiée. Si les échanges prennent la voie de la liberté,
le problème de la réception ou de la non-réception d'une lettre se règlera
entre les enfants. D'ailleurs Henri pourrait éventuellement me faire part
confidentiellement des réactions. Reste le problème de la présentation :
puis-je accepter que des lettres mal écrites, non corrigées, soient envoyées
à St-Brieuc ? Je laisse la question en suspens, car elle demande
réflexion.
9 MAI
Nous
répondons à la lettre collective et cette fois les désirs et les propositions
se précisent.
« Nous
avons reçu votre lettre le lundi 8 mai, Les dessins étaient jolis mais
vous mettez trop de textes libres, Nous aimons les poèmes, les contes.
Vous pourriez parler de votre vie, de ce qui se passe autour de vous.
« Nous allons vous poser quelques questions :
- Le journal et la TV ne
parlent plus du mazout : avez-vous des nouvelles sur la marée noire ?
Où en est le nettoyage ?
- Qu'est-ce qu'un crabinodrome ?
(mot trouvé dans le texte).
- Que mangent vos tourterelles ?
- Que pensez-vous de la guerre ? »
A
ce moment, Françoise propose : « On pourrait coller les pages
sur des cartons et ne pas les attacher ». Une discussion s'engage
sur le procédé le plus pratique. Finalement les feuilles libres obtiennent
l'accord.
Au
cours de cette discussion, je suis intervenu plusieurs fois pour aider
les enfants à pousser leur raisonnement jusqu'au bout. « Tu dis
d'agrafer, mais si on agrafe les feuilles, comment feront les camarades
pour lire les textes ? »
Et nous continuons la rédaction de la réponse
collective : « Que pensez-vous de la présentation des lettres
collectives ? Nous vous proposons de ne plus attacher les feuilles :
ce sera plus pratique... »
Je
pose alors la question : « Ne mettrons-nous dans notre lettre
que cette page ? » La totalité des enfants pense qu'il est
nécessaire de parler de notre vie, comme nous faisions jusque là, chacun
choisissant un thème. Cette partie individuelle est remise au mercredi
10 mai.
LE
10 MAI, comme prévu, les enfants proposent des thèmes tournant
autour de notre vie, puis ils font leur choix :
Je
note avec plaisir un approfondissement des textes ; ceux de Martine,
Annie et Renée, en particulier, posent des problèmes humains aux correspondants :
ANNIE :
Ce matin, Martine nous a parlé de la mère et l'enfant. Pourquoi il y a
des enfants malheureux sur la terre ? Parfois le journal parle des
enfants malheureux. Il y a beaucoup d'enfants qui sont mal habillés et
d'autres bien habillés. Quand je suis allée en colonie de vacances il
y avait des filles et des garçons qui étaient de l'assistance ou en nourrice.
Ils ne voyaient leurs parents que de temps en temps, c'est triste pour
eux. Je me demande pourquoi on vit sur la terre. Car on meurt. Heureusement que les enfants
sont enlevés à leurs parents quand ils sont malheureux.
MARTINE : Le devoir de
la maman est de ne pas rendre malheureux son enfant. Si elle n'aime pas
les enfants, elle n'a qu'à pas en avoir, Ce n'est pas l'enfant
qui demande à venir au monde. Pour moi la maman qui rend son enfant malheureux
est une mère indigne Pourtant les enfants, c'est tellement mignon, souriant,
Moi j'adore les enfants. S'il fait des bêtises, c'est qu'il est trop petit.
Pourquoi alors les taper, les tuer parfois. Il devrait y avoir une loi
qui oblige la mère à rendre son enfant heureux...
RENEE (Le Viet-Nam) : Au Viet-Nam
il y a la guerre, c'est très triste. Il y a des enfants qui meurent et
de pauvres mamans qui souffrent. Les papas se battent pour défendre leurs
enfants et leurs femmes. Tous les jours, il y a des morts et des blessés.
Ils n'ont rien à manger, moi je les plains les pauvres petits ainsi que
les parents. Je pense que les autres qui leur font ça sont des méchants.
Qu'en pensez-vous ?...
Le
soir, au conseil de classe, le débat reprend. Je présente d'abord la synthèse
des discussions précédentes et nous redémarrons sur le problème des envois.
L'obstacle
financier est remis en avant. Je leur propose de le laisser de côté momentanément
afin qu'il ne les empêche pas d'aller dans le sens de leur plus grand
intérêt. Le problème demeure pourtant sans solution ; j'interviens
alors et je demande :
« Qui
voudrait écrire chaque semaine ? » ‑ Marylène et Jean-Luc.
« Qui voudrait écrire tous
les quinze jours ? » ‑ Tous les autres.
Je
demande : « Marylène et Jean-Luc doivent-ils faire comme
tout le monde ou bien pourront-ils écrire chaque semaine ? »
Les enfants sont d'accord pour que Marylène et Jean-Luc écrivent chaque
semaine. Je propose alors que Marylène et Jean-Luc écrivent une lettre
à leur correspondant le vendredi 12, leur lettre partant avec la lettre
collective. Proposition acceptée. Mais Marylène voudrait changer de correspondant
avec Françoise : cette dernière écrira aussi pour expliquer à sa
correspondante.
Patrick
propose alors que chacun choisisse un nouveau correspondant ; mais
plusieurs enfants ne sont pas d'accord ; la question reste en suspens.
Je
fais ensuite porter la discussion sur le format et la présentation des
lettres. La majorité préfère écrire sur le format de son choix. Sur proposition
de Philippe, il est décidé que le vendredi nous ferons une lettre collective
pour envoyer nos propositions aux camarades de St-Brieuc.
VENDREDI 12 MAI
Nous
essayons donc de préciser nos propositions aux correspondants et je demande
d'abord aux enfants quels sont les problèmes que nous avons posés. Ils
trouvent, après réflexion :
-
les correspondants à changer ;
-
le jour où l'on écrit ;
-
le jour où l'on envoie ;
-
les délais ;
-
envoi individuel ou dans
le paquet collectif ;
-
format et présentation des
lettres.
a)
Les correspondants à changer
Jean-Luc
propose de conserver chacun le sien, puisque nous irons bientôt à St-Brieuc.
Tous (sauf Marylène et Renée) acceptent cette proposition. Martine demande
à Marylène et à Renée pourquoi elles désirent ce changement.
RENEE :
Parce qu'il ne dessine pas bien.
MARYLENE : Il ne répond
pas à mes questions.
b)
Le jour où l'on envoie les lettres
Après
discussion, il est décidé que les lettres partiraient dès qu'elles seraient
terminées.
c) Comment saurons-nous que chacun a écrit ?
Je repose ma question. Renée propose de marquer le nom
de tous sur une feuille : « Quand on reçoit la lettre on
marque la date, et puis ensuite on marque quand on envoie notre lettre ».
Avant
de passer aux propositions écrites, Guy P. tire la conclusion du débat :
« On peut faire un essai ».
Avec la lettre collective, nous envoyons le texte suivant
PROPOSITIONS
LETTRES INDIVIDUELLES :
1°. Renée et Marylène aimeraient changer de correspondant ;
2°. Certains veulent écrire chaque
semaine et d'autres tous les 15 jours ;
3°. Chacun enverrait sa lettre quand elle serait terminée ;
4°. Chacun envoie ce qu'il veut
(lettre, carte, coupures de journaux, textes libres, contes, dessins.
Il
ne reste plus qu'à attendre les réactions des camarades. Mais nous recevons
un paquet de lettres individuelles le mardi 16 mai, que je ne donne que
le vendredi 19, car je suis absent de la classe. Aussitôt six enfants
décident de répondre. Leurs lettres partent le samedi soir avec des propositions
collectives pour notre voyage à St-Brieuc. Je note que tous ont conservé
notre présentation habituelle.
LE
LUNDI 22 MAI, les autres enfants écrivent. Cette fois
quelques-uns sortent de nos habitudes. Une émulation vers la lettre la
plus originale, la plus richement décorée, semble naître. Seul un enfant
copie un texte libre en plus de sa lettre. Marylène ne semble plus désireuse
de changer de correspondant, pas plus d'ailleurs que Renée, qui écrit :
« Je suis très contente de ta lettre ».
LE
MARDI 23 MAI, nous recevons une très riche lettre collective
de St-Brieuc où nos camarades nous écrivent :
« Nous
sommes d'accord pour la nouvelle présentation des lettres collectives :
nous aurons besoin de moins de couvertures de cahiers et de moins de ruban
adhésif.
« Nous sommes ennuyés car, ici, personne ne veut changer
de correspondant. Nous ne sommes pas d'accord pour recevoir les lettres
chez nous.
« Quant à l'expédition, nous n'aurons chez nous
ni timbre ni enveloppe. Et qui corrigera les fautes ? »
LE
26 MAI, je reçois une lettre d'Henri Thomas, qui me fait savoir
que les réactions ont été assez violentes le mardi 23 lorsque sont
arrivées les six premières lettres.
Nos
correspondants restent fermes, d'ailleurs, sur leur envoi groupé le samedi.
*
Le
mois de juin ayant été très perturbé par mes absences fréquentes, je n'ai
pu suivre de très près l'évolution de la technique, mais j'ai cependant
constaté :
-
que les enfants appréciaient la plus grande liberté qui leur était donnée ;
- qu'ils avaient tendance à conserver
la présentation habituelle des lettres individuelles.
Après
notre voyage-échange avec St-Brieuc, nous avons fait le bilan de deux
années d'échanges, et les enfants m'ont fait des propositions pour notre
demande de correspondants 1967-68 :
- Trouver des correspondants, garçons et filles,
que nous puissions aller voir (nous aurons par ailleurs des échanges avec
une classe de Porto-Novo au Dahomey) ;
- Continuer la correspondance libre ;
- Choisir soi-même son correspondant.
Chacun enverrait sa photo, avec son nom, sa taille, ses goûts, etc.
Il
me reste maintenant à trouver des correspondants pour pouvoir démarrer
une nouvelle expérience...
LE PROBLEME DU CHOIX
En juin 67, les enfants ont donc défini au cours
de leurs conseils, les modalités des échanges qu'ils voudraient établir
pour l'année scolaire 67-68 :
-
Echanges réguliers avec une classe mixte suffisamment proche pour que
nous puissions organiser des rencontres ;
- Echanges collectifs et individuels avec une classe
à l'étranger ;
- Correspondance libre, avec pour critères :
- choix par chacun de son correspondant
;
- rédaction libre des lettres (contenu, forme, périodicité) ;
- part du maître : correction des
brouillons ‑ vérification des copies ;
- échanges collectifs de lettres
collectives, d'albums, de colis, etc.
CHOIX DES CLASSES CORRESPONDANTES,
Ces
critères me laissent une marge de recherche très limitée. La rentrée a
lieu sans que j'aie trouvé « l'oiseau rare » qui acceptera nos
conditions d'échange. Je présente donc un bilan négatif à la collectivité :
pas de classe pour des échanges réguliers et pas de classe à l'étranger,
la classe du Dahomey sur laquelle nous comptions ne répondant pas.
Malgré
la déception, nous demeurons optimistes, ce en quoi nous avons raison,
car un coup de téléphone venant de St-Nazaire vient nous proposer une
solution : une classe mixte de 10 filles et 5 garçons aimerait entrer
en relation avec nous.
Une
courte discussion en conseil extraordinaire règle le problème principal :
des garçons accepteront-ils de correspondre avec des filles ? Nous
venons donc de trouver l'oiseau rare tout près de nous, et au mois de
décembre nous établirons aussi le contact avec une classe de Cotonou au
Dahomey.
CHOIX PAR CHACUN DE SON
CORRESPONDANT
Immédiatement,
le conseil programme les premiers travaux de correspondance :
-
lettre collective de propositions
-
préparation d'un imprimé
pour la fiche d'identité.
FICHE D'IDENTITE
Nom et prénom :
Date de naissance :
Age:
Taille :
Poids :
Adresse :
Goûts:
|
J'aimerais
écrire à une fille
à un garçon
J'écrirai chaque semaine ‑ tous les 15 jours
Je suis capable d'écrire lignes
pages
Signature
Photo
|
Chacun
remplit consciencieusement sa fiche, mais il nous manque les photos. Nous
décidons de prendre des photos de groupe et nous expédions des imprimés
vierges àSt-Nazaire.
Le 26 octobre, nous recevons les photos et les fiches
de nos correspondants. Comment allons-nous choisir ? La discussion
s'engage entre les enfants et je n'interviens que pour permettre à chacun
d'exprimer son point de vue. Robert Brenans à St-Nazaire et moi-même ayant
décidé d'adopter une attitude non-directive. Rapidement, un tableau des
vœux exprimés sur les fiches apparaît nécessaire ; Guy nous en propose
un :
RAGON
|
ST‑NAZAIRE
|
Désirent
1 fille
|
1
garçon
|
1
fille
|
1
garçon
|
Patrick R
Gérard
Dominique
Jacky
Guy
Etc…
|
Jean-Luc
Philippe
|
Joël
Jean-Paul
Lionel
Pascal
Pierrette
MarieClaude
|
Marcel
Anna
Simone
Mimi
|
Nous
nous trouvons devant un problème apparemment insoluble. Martine présente
son avis en s'appuyant sur notre expérience antérieure : « Nous,
nous voulons des filles, et les garçons eux ont tous choisi une fille.
Nous, nous préférons une fille, car on se confie mieux à une fille !
Pourquoi on ne ferait pas comme l'an dernier, un garçon prend un garçon,
une fille prend une fille. Quand on ira à St-Nazaire, quand le garçon
se trouvera devant nous, il ne saura pas quoi dire. Un garçon c'est timide,
et il partira avec les autres garçons. Alors nous qu'est-ce qu'on deviendra ?
C'est pas la peine ! »
Mais
Guy et Patrick Rousseau, qui ont déjà choisi une fille d'après les photos
n'admettent pas l'argumentation de Martine. Renée et Jean-Luc pensent
que la solution serait de se rencontrer avant de choisir.
Après
un court débat sur les éléments qui peuvent permettre de choisir :
aspect extérieur, écriture, goûts.... Dominique propose que les filles
choisissent d'abord. La proposition est adoptée par 10 voix, mais Guy
proteste : « Je corresponds à condition que je garde toujours
celle-là ! »
Jean-Luc
demande alors : « On devrait faire comme l'an passé. Les
deux maîtres choisiraient ; ça irait plus vite ! » Proposition
repoussée par 11 voix. J'interviens pour faire la synthèse de la discussion,
et je demande comment seront faites les propositions à St-Nazaire. Il
est décidé que nous enverrons nos fiches, nos photos, une lettre collective,
des lettres individuelles de proposition.
Comme prévu, les filles vont d'abord choisir :
Anita
choisit Jean‑Paul
Aline » Claudine
Renée » Claude
Françoise » Claudine (elle ne veut
pas de Marie-Claude,
parce
que cette dernière boude)
Martine » Mimi
Annie » Brigitte
Jeanne » Pierrette.
Puis
c'est le tour des garçons. Guy et Jacky veulent Simone. Guy est en colère :
« Moi j'ai choisi quelqu'un, mais Jacky fait exprès de choisir
la même » Ils abandonnent alors leur choix tous les deux et c'est
Gérard qui prend Simone.
Patrick Rousseau choisit
Anna
Dominique « Claude
Gérard « Simone.
5 garçons ne choisissent pas.
La
lettre collective est écrite en commun, puis ceux qui ont choisi préparent
leur première lettre. J'extrais de celle de Renée (qui se trouve en compétition
avec Dominique) : « Je t'écris pour la première fois
et j'espère que tu me choisiras. Si tu ne me choisis pas, je ne sais
pas qui choisir d'autre. Moi j'aime la peinture et le cinéma. J'ai les
mêmes goûts que toi... »
Que se passe-t-il à St-Nazaire lorsque notre paquet
arrive le 3 novembre ?
Les
8 enfants qui ont reçu une ou deux lettres sont heureux. Claude choisit
Renée, car « elle me dit comment faire la confiture » et
Claudine choisit Aline : « Moi je garde Aline, elle m'a fait des
beaux dessins ».
Les
enfants qui n'ont pas été choisis sont déçus. Ici se pose le problème
de la frustration, qui fera l'objet d'un autre article.
PATRICIA :
Pourquoi il y en a qui en ont eu et pas les autres ?
NELLY : Ils ne veulent
pas de nous ?
(Vont-ils choisir parmi les
enfants de Ragon qui n'ont pas de correspondant ?)
NELLY : Je ne veux pas un
garçon. Si quand on l'a en face de nous il ne nous plait plus ?...
Je prends Dominique, mais il n'est pas beau !
LIONEL : Je prends Jean-Luc,
(Pascal choisit Guy et Joël
choisit Patrick R).
MARIE-CLAUDE : Moi je veux
Françoise ou personne d'autre !
MARCEL : Moi aussi je
veux Philippe ou personne !
Il
reste Patricia, qui ne veut que Jean-Luc. Lionel accepte de prendre Jacky.
Ainsi tout le monde a maintenant choisi.
Mais
ce choix sera-t-il accepté à Ragon ?
Nous
recevons une lettre collective avec les nouvelles propositions de choix,
Ceux qui ont vu leur choix retenu sont heureux. Dominique accepte le rejet
de Claude, mais Françoise est très mécontente et refuse Marie-Claude.
Guy, qui voulait une fille, n'accepte pas Pascal. Quant aux autres, ils
attendent une lettre individuelle pour se décider.
Le
10 novembre, les lettres individuelles sont là. C'est l'effervescence.
Chacun se précipite à l'appel de son nom, y compris Guy et Françoise.
Mais Guy manifeste rapidement son refus. Martine lui demande de préciser
la raison. Guy s'obstine dans son refus, alors que Françoise accepte finalement
Marie-Claude.
Philippe
ne veut pas de Marcel : « Je veux un grand, pas un petit.
Il a onze ans ! » (Philippe est le plus grand de
notre classe et a 14 ans). Après quelques minutes de discussion, Guy accepte
Pascal, Philippe écrira à Patricia, Jean-Luc à Joël et Patrick à Marcel.
Le choix est accepté à St-Nazaire et ne sera plus remis
en cause jusqu'au voyage-encontre du 20 janvier. Nous notons que Françoise
et Marie-Claude sont particulièrement accrochées et que Guy fait un effort
exceptionnel pour envoyer des lettres originales à Pascal.
Que
se passe-t-il au cours du voyage à St-Nazaire le 20
janvier ?
Le
contact est difficile. Au cours de la promenade au port, les clans de
chaque classe se reforment, puis petit à petit les contacts ont lieu ;
mais les relations ne s'établissent pas pour tous sur la base du choix
qu'ils avaient fait. Anna et Marie-Claude forment un groupe avec Jeanne
et Françoise. Plus tard, Guy et Dominique viendront se joindre à eux.
Mimi, Simone et Claude se promènent bras dessus bras dessous avec Martine
et Annie. Renée et Nelly fraternisent et s'embrassent.
Chez
les garçons, seul Jean-Paul accroche avec Patrick R. Tout au long de cet
après-midi on s'aperçoit que les choix primitifs sont remis en cause.
En fin de journée, plusieurs enfants souhaitent de changer de correspondant
et des propositions directes sont faites.
Le 21 janvier, la discussion
est animée à Ragon et à St-Nazaire
A
Ragon, Jeanne est critiquée pour ne pas avoir parlé à Pierrette. Guy veut
écrire à Marie-Claude, mais Françoise n'accepte pas le partage. Martine
veut écrire à Mimi et à Simone. Renée désire avoir Nelly pour correspondante.
Chez les garçons qui avaient choisi une fille, c'est la déception. Gérard
n'a pas osé parler à Simone et Patrick Rousseau est vexé d'avoir été délaissé
par Anna. Philippe a été mal accueilli par Patricia, qui s'est montrée
très perturbée. Quant à Dominique, Renée lui a enlevé Nelly.
A
St-Nazaire, le processus de choix initial est remis en cause.
Simone :
« Il fallait pas les choisir sur les photos ; il aurait fallu
aller devant eux ! »
Pascal : « Avant
de correspondre il aurait fallu passer une journée avec eux. »
Un
grand nombre d'enfants désirent changer de correspondant. Mais seule Patricia,
qui n'a d'ailleurs parlé à aucun garçon de Ragon, désire encore avoir
un garçon pour correspondant ; les autres filles veulent une fille.
Un
nouvel échange de proposition a lieu, mais cette fois les choix sont beaucoup
plus motivés. La frustration est plus grande pour les enfants qui ne reçoivent
pas de proposition.
A
ce jour 17 février, et alors qu'une nouvelle rencontre est prévue à Ragon
pour le 2 mars, les liens sont solides entre :
Françoise et Marie-Claude
Patrick Rublon et Marcel
Martine et Mimi Jean-Luc
et Joël
Renée et Nelly Dominique
et Pascal
Annie et Claudine Jeanne et
Anna.
Les liens se créent entre
Anita et Pierrette
Philippe et Lionel
Aline
n'a pu établir de contact. Brigitte ne répond pas à la proposition de
Patrick Rousseau, car elle ne veut pas d'un garçon. Claude accepte Jacky
mais ne lui écrit pas. Gérard, qui avait repris ses échanges avec Simone,
se retrouve seul, Simone ayant quitté l'école. Quant à Guy, qui avait
reçu une lettre de Marie-Claude et qui en était enthousiasmé il vient
de subir une grande déception : Françoise a réussi à obliger Marie-Claude
à abandonner Guy en la menaçant de la quitter si elle continuait cet échange.
QUELLES
CONCLUSIONS PROVISOIRES pouvons-nous
tirer de ces 4 mois d'échanges libres en ce qui concerne le problème particulier
du choix ?
-
Tout d'abord qu'au niveau de nos enfants de 12 à 14 ans, les relations
filles-garçons sont difficiles ;
- Que la fiche d'identité ne permet
pas un choix solide, et qu'il serait préférable d'organiser une ou plusieurs
rencontres avant d'engager des échanges individuels ;
- Qu'il paraît difficile, sinon
impossible, que chaque enfant trouve dans la classe correspondante un
camarade qui lui convienne. (Pour éviter une frustration trop forte, il
serait nécessaire de trouver des correspondants dans d'autres classes).
- Que le maître doit accepter le
refus de quelques enfants d'écrire.
L'expérience
continue...
*
Jusqu'au
mois de mai, Robert et moi-même n'intervenions pas dans les échanges,
sauf pour corriger les lettres, à la demande des enfants.
Or,
voici que les lettres individuelles se font plus rares et deviennent moins
intéressantes ; une certaine lassitude se fait sentir. D'autre part,
le groupe s'avère incapable d'animer les échanges collectifs. Aussi, d'un
commun accord, nous décidons de participer plus activement.
Immédiatement,
l'intérêt est relancé. Les enfants sont heureux de cette nouvelle attitude
de ma part et le manifestent à plusieurs reprises sur le journal mural
et au conseil.
Cette expérience ne permet pas d'affirmer que la correspondance
de classe à classe, d'enfant à enfant, ne pourrait avoir lieu sans la
participation du maître ; mais elle montre que cette participation
est un facteur indéniable de réussite. Aussi, en septembre 1968, je démarre
l'année avec une nouvelle hypothèse : celle du maître-participant.
Les
enfants, cette fois, font des propositions à plusieurs classes les filles
trouvent des correspondants à Couëron (cdp) et à St-Servan (4e
pratique), et les garçons à La Baule (cdp). Quelques enfants ont des échanges
avec deux classes.
Tous
écrivent librement ; mais je suis attentif à la richesse du contenu des
lettres que l'on me fait corriger, ainsi qu'à la propreté des copies.
Je soutiens l'effort des handicapés. J'écris moi aussi aux maîtres pendant
les séances programmées de correspondance, et j'ai ma page dans les lettres
collectives et les albums.
Depuis
un an ce processus n'a pas été remis en cause et il semble donner satisfaction
à tous. Mais il serait étonnant qu'un incident imprévu ne nous oblige
pas à nous reposer le problème, et ainsi à reprendre notre recherche...
2. TEXTE LIBRE ET JOURNAL SCOLAIRE
En
septembre 1965, je propose aux enfants le processus adopté en général
par les classes pratiquant les techniques Freinet :
- Chacun écrit ses textes quand
il veut et où il veut
- Les lundi, mercredi et vendredi,
celui qui a un texte peut le lire au groupe ; nous choisissons par
un vote celui qui nous plaît ; nous le mettons au point ensemble,
et il est ensuite tiré soit à l'imprimerie, soit au limographe.
Je
n'exige pas que les enfants écrivent, mais tous utilisent largement ce
moyen d'expression. Ils expérimentent pendant plusieurs mois cette technique
sans la remettre en cause ; puis, en mai 1966, une exigence de justice
se manifeste sur deux plans :
-
le plan du droit : il est décidé en conseil que chacun aura droit
à une page dans le journal, et à une page seulement ;
- le plan du devoir : chacun
devra présenter un texte par semaine.
A
cette époque, l'application des décisions revient soit au président, soit
au groupe, soit au maître. Pour ce qui est de la première, pas de problème
relationnel : à chaque séance de texte libre, le choix se fait entre les
enfants n'ayant pas encore de texte dans le journal, les autres textes
inscrits au tableau restant exclus de la compétition. Seul le journal
en subit les conséquences : comme notre rythme de tirage est trop lent,
de mensuel il devient trimestriel.
La
deuxième décision, reprise aux rentrées de 66 et de 67, provoque quelques
discussions durant les conseils ; mais en général les enfants écrivent
beaucoup et il est rare que quelqu'un ne présente pas un texte au cours
d'une semaine.
Il n'en est plus de même en octobre et novembre 67.
Le groupe s'oppose de plus en plus à Martine, qui est une déviante et
qui rejette à cette époque quasi systématiquement nos règles de vie et
nos activités quand elle ne fait pas partie du groupe qui les a décidées.
Elle n'écrit que rarement, malgré les rappels du conseil de coopérative
et mes propositions d'aide.
Le
conseil m'ayant donné pouvoir au niveau de l'application, le vendredi
10 novembre je décide de provoquer un choc. je donne une rédaction à quatre
enfants pendant que les autres travaillent avec moi à la mise au point
du texte choisi.
Martine
rédige à contrecœur et la semaine suivante nous présente un texte sur
le Vietnam, qui est choisi à l'unanimité :
La guerre au Vietnam doit être horrible. On doit entendre
tous ces gens se plaindre et crier de peur. Les enfants ne doivent plus
retrouver leurs parents. Nous, en France, on est heureux, On n'a pas de
soucis de guerre. On peut se promener dans les rues, rigoler, passer de
bons week-end. Mais eux, ils n'ont pas ce bonheur-là. Ils sont sans cesse
bombardés par les autres, Je dis qu'on ne se soucie pas assez de la guerre
au Vietnam. Si on s'en était occupé bien plus, eh bien, il n'y aurait
plus de guerre. Tout le monde serait heureux ; ça ne sert à rien
de se tuer. Mais ce n'est pas facile d'arrêter la guerre. Moi, je plains
de tout mon cœur ces gens comme nous. Je voudrais qu'ils soient heureux.
MARTINE
Ce texte donne lieu à une discussion intense au cours
de laquelle les enfants me demandent quelle est ma position. Educateur
engagé dans la lutte pour la paix, et soucieux d'être authentique et de
parler vrai aux enfants afin que le dialogue s'établisse, je n'hésite
pas à donner mon avis.
Cependant,
en dépit du succès de mon expérience, je pense avoir commis une erreur.
Aussi, au cours d'un conseil, je pose une question à Martine, que je sens
riche d'idées originales propres à nous faire progresser vers plus de
profondeur : « Martine, pourquoi ne présentes-tu pas de textes ? »
MARTINE :
Je n'ai pas d'idées.
MOI : Que proposes-tu
alors ?
MARTINE : La rédaction
ne m'apprend rien ; il vaut mieux que je participe au texte libre
avec vous (sans attendre la mise au point).
FRANCOISE : Tu écoutes
nos textes, ça te donnera des idées tu écriras ensuite.
MOI : C'est en écrivant
que tu apprendras à écrire.
MARTINE : Je n'ai pas
d'idées; vous n'avez qu'à me donner un sujet !
MOI : Mais si, tu as
des idées. Tu nous dis des choses intéressantes en discussion, le matin.
Je ne te donnerai plus de sujet.
Après cette discussion, et sans qu'une nouvelle décision
soit prise, le groupe abandonne son exigence et chacun devient libre de
ne pas présenter un texte par semaine.
Au
mois de février, au cours d'une discussion sur le texte libre, à une Journée
départementale du groupe Freinet, je suis amené à penser et à dire que
le maître devrait aussi participer à l'expression libre écrite dans la
classe. Je me mets donc à écrire : « Mon vélo demi-course »,
texte sur un vélo que j'ai acheté à la communauté d'Emmaüs le jour
de la visite qu'a fait notre classe.
Lorsque
j'annonce mon texte, les yeux reflètent la surprise et quelques sourires
se dessinent. Quand il est lu, des questions me sont posées, en particulier
si je vais venir à l'école à vélo, chacun se promettant de bien rire à
mes dépens.
Quelque
temps après, mon texte « Février » est choisi à son tour,
et au conseil de classe les enfants décident que j'aurai ma page dans
chaque numéro du journal, « comme tout le monde »
(ajoute Gérard), puisque le maître fait aussi partie de la
coopérative.
En
septembre 68, je m'engage plus délibérément dans l'expression libre. Mon
texte, « Au bois » est choisi
AU BOIS
Samedi
Nous courons
le bois nous accueille, nous grimpons
l'air est doux, nous
sautons
tout est calme, nous
jouons.
le soleil ravi Nous
admirons les eaux calmes
laisse ses rayons de l'étang
endormi,
jouer à cache-cache les premières
feuilles détachées
dans les buissons. des grands
arbres
viennent s'y poser
comme des papillons légers.
L'expression
devient rapidement plus riche, plus confidentielle. Et nous nous posons
des questions : qu'est-ce que le texte libre ? pourquoi les
textes libres ?
Josée
l'exprime ainsi : « Vous êtes tous mes amis, j'aime
vous lire mes textes, j'aime que vous les écoutiez et qu'ensuite vous
me parliez ».
Autres
questions : pourquoi un journal ? Comment sera-t-il fait ?
Que contiendra-t-il ?
A
la suite de ces réflexions, nous décidons de lire nos textes chaque matin
pendant l'entretien et de ne plus choisir. Une nouvelle règle est instituée :
chacun aura une page dans le journal et le maître aussi. Chacun choisira
lui-même son texte, l'illustrera et le tirera. La mise au point se fera
avec l'aide de tous.
Actuellement, le conseil programme deux ou trois séances
de mise au point par semaine, et c'est le suivant sur la liste alphabétique
qui présente un texte pour sa page du journal. S'il n'a encore rien à
proposer, il cède son tour.
L'an
passé, comme notre journal paraissait irrégulièrement, le conseil avait
décidé de tirer éventuellement des suppléments, pour diffusion rapide.
Un seul tirage a eu lieu (annexe la Solidarité Internationale). Cette
année, cette décision n'a pas été reprise.
J'ai
proposé d'adopter le format 21 x 27 et de faire figurer nos discussions
dans notre premier numéro. Ces deux propositions ont été adoptées, mais
nous n'avons pas encore résolu le problème de la rapidité du tirage. Faut-il
envisager une organisation plus rationnelle des outils nouveaux ?
Nous cherchons.
(Jean LE GAL)
3. RENCONTRES D'ENFANTS
La
mode est aux rassemblements d'enfants et d'adolescents, aux congrès des
coopérateurs. Loin de moi l'idée de dénigrer ce genre de rencontres, qui
comportent certes des éléments positifs.
Mais
je pense qu'elles pourraient être plus enrichissantes, plus fructueuses
encore pour les adolescents, si ceux-ci, au cours de l'année scolaire,
dans leur classe, avaient véritablement le droit à la parole, le droit
de critique, et s'ils étaient habitués au travail coopératif. Pour nos
enfants « d'âge primaire », cela ne semble pas aller de soi.
Certes, les expositions des travaux popularisent davantage les techniques
coopératives (échanges, étude du milieu, etc.), mais pourquoi faut-il
vouloir calquer les organisations d'enfants sur celles des adultes ?
Le
voyage-échange, hélas souvent irréalisable et surtout les rencontres entre
correspondants (peu éloignés les uns des autres) assez fréquentes, permettent
réellement une confrontation d'idées à propos du travail de la classe,
des techniques qui y sont utilisées, du climat d'amitié qui y règne.
En
conseil de coopérative, en fin d'année, nous décidions de continuer les
échanges. Mais la correspondance se ferait désormais avec des camarades
que l'on pourrait aller visiter, avec qui nous pourrions jouer ou discuter
dans la plus franche camaraderie.
Nos
correspondants sont à La Baule, à 11 kilomètres de St-Nazaire. Depuis
la rentrée, nous nous sommes rencontrés deux fois.
Je n'insisterai pas sur les multiples avantages de
ces échanges très rapprochés, surtout au niveau de nos classes de perfectionnement.
Je mettrai l'accent sur le côté original, je crois, de nos rencontres.
Auparavant,
je dois vous dire que dans ma classe, quotidiennement ou presque, en conseil
de travail, les enfants donnent leur avis sur ce qui se fait en classe
et sur la manière dont cela se fait. Ils émettent leur opinion sur les
techniques utilisées, le matériel en usage, etc. L'atmosphère permet une
totale liberté d'opinion.
Dès
l'arrivée en classe des correspondants, c'est spontanément que se formèrent
les groupes. Par deux ou par trois, les enfants se mirent à parler des
travaux réalisés : dioramas, peintures, maquettes, travaux de rotin,
naturalisation d'oiseaux, etc.
Et
Didier d'expliquer comment il avait fabriqué son diorama. Et Richard de
dire comment fonctionne le limographe, Philippe de montrer son casseau
de caractères bien rangé.
Rien
de figé, je vous assure ; des enfants très détendus, parlant spontanément
de leur travail avec fierté et enthousiasme.
Une
réunion s'organisa ensuite, sous la présidence d'un enfant. En somme,
une assemblée extraordinaire d'enfants, ayant les mêmes préoccupations,
les mêmes habitudes. Et les questions fusaient nombreuses. Je ne mentionne
que quelques thèmes de discussion, quelques idées lancées spontanément.
Le journal scolaire
Les
enfants discutèrent de la présentation de leurs journaux, des moyens d'illustration,
du contenu, de la nature des textes (vrais ou inventés).
Michel
(St-Nazaire) : « Nous vendons 80 journaux ».
Un
enfant de La Baule : « Comment faites-vous pour en vendre
tant ? »
Yannick
(St-Nazaire) : « A l'école on en vend déjà vingt, aux maîtres
et aux maîtresses ; et puis, c'est une question de bonne volonté
de la part de chacun ».
Ils
discutèrent aussi des dépenses occasionnées par le journal feuilles, encre,
stencils. « A St-Nazaire, c'est la mairie qui nous donne les feuilles
pour rien » - « Nous, à La Baule, on les achète ».
La peinture
Les
enfants de La Baule demandèrent à leurs camarades comment ils s'y prenaient
pour réaliser de si belles peintures. Et Michel d'expliquer sa technique,
puis Gilbert, puis Pierre. Tout ceci n'avait rien de formel d'ailleurs ;
nos enfants se comprenaient d'autant mieux que leurs techniques de travail
étaient voisines : texte libre, journal scolaire, classe-exploration,
peinture libre, travail aux bandes, etc.
Ils
cherchèrent aussi les moyens d'améliorer la qualité des échanges :
échanges de travaux personnels, découpages libres.
Le
travail apparaît alors comme le seul moyen d'expression et d'exaltation
de ce « besoin d'être », et conséquemment, comme le seul lien
commun entre les membres de la société. (C.
Freinet, L'Education du travail).
Gilbert était en classe, l'an dernier, à Biarritz.
Il a gardé une certaine nostalgie de cette région, qu'il exprime d'ailleurs
dans ses textes libres, ses poèmes, ses peintures. Sans doute voulait-il
la communiquer à ses correspondants. Sa conférence sur Biarritz et sur
le Pays Basque, il l'avait réservée pour les « corres. ». Cartes
postales, banderilles, tout était prêt. Avec quel bonheur il sut évoquer
cette région et passionner son auditoire, uni dans une même attention !
Charles
réalise beaucoup de bandes individuelles. Il est triomphant quand il en
a terminé une. Le jour de la visite des correspondants, il leur a présenté
sa bande La tortue. La bande, abondamment illustrée, se déroulait
sous les yeux des camarades étonnés, cependant que Charles, épanoui, donnait
ses explications.
Des
enfants ouverts à d'autres enfants ! Des camarades ouverts à des
camarades ! Les éducateurs doivent exploiter ce besoin naturel de
l'enfant de communiquer avec d'autres.
Nos
deux rencontres ont permis à nos enfants handicapés de devenir plus confiants,
plus ouverts, plus libres. Elles les ont réhabilités en valorisant leur
travail, et dans ces échanges d'idées, de travaux, de sentiments, nos
enfants ont connu des heures de fraternité joyeuse.
La
vraie fraternité, c'est la fraternité du travail (C. Freinet).
(P. YVIN)
4. LE CONSEIL DE COOPÉRATIVE
Dans
ma classe, depuis 10 ans (c'est-à-dire depuis que j'ai adopté la pédagogie
Freinet), le conseil de coopérative du samedi a été un des éléments importants
de la prise en main par les enfants de leur vie scolaire.
Ils
y établissent leurs lois, jugent les infractions commises (avec humanité),
examinent les propositions concernant les activités et les relations au
sein du groupe, mettent au point leur plan collectif de travail pour la
semaine suivante, discutent de leurs réalisations.
L'évolution
de ce conseil, institutionnalisé la première année par moi-même dans un
CE1, fut variable. Cela tenait à ma propre évolution tâtonnée, car nous
nous heurtions, dans ces classes à un seul cours, à un élément fondamental
de toute éducation : le temps.
Cette
dimension s'est trouvée complètement bouleversée dans ma cdp actuelle,
où je garde pendant plusieurs années les mêmes enfants. L'esprit critique,
l'esprit d'initiative, le goût de la liberté, le sens des responsabilités
vis-à-vis de soi-même et du groupe, se développent en profondeur.
Il
serait trop long d'étudier d'une manière exhaustive les diverses formes
prises par le conseil de coopérative du samedi. Je donnerai simplement
le compte rendu d'une évolution, ce fait pédagogique permettant d'apprécier,
dans son aspect expérimental, l'attitude du groupe et la mienne en face
de ce problème.
*
Nous
sommes au début du 2e trimestre de l'année scolaire 67-68.
Les enfants sont dans la classe pour la 3e année. Ils ont programmé
pour le lundi un conseil de coopérative.
Avant
de démarrer, je demande que soit examiné le problème de ce conseil lui-même,
car il devient de plus en plus routinier ; on le programme plus par
habitude que par une nécessité profondément ressentie ; les propositions
y sont rares et le président a fort à faire pour secouer l'inertie des
participants.
Je
demande donc : « Désirez-vous conserver le conseil de coopérative ? »
Personne ne réagit, malgré l'invitation de Philippe, qui demande qu'on
se prononce sur ma question. Je précise que si la classe ne prend pas
de décision, ce sera à moi de la prendre. Alors je deviendrai celui qui
commande, et dans ce cas ils n'auront plus qu'à obéir. Je donne quelques
exemples de décisions les concernant qui seront à prendre soit par tous
soit par moi seul.
Mais désirent-ils donner leur avis en ce qui concerne
leur vie ? Sollicités par le président, les enfants répondent unanimement
par l'affirmative. Françoise s'abstient dans un premier temps, mais je
lui rappelle qu'elle intervient souvent quand les décisions la concernent ;
elle participe alors à l'adhésion de ses camarades.
Cette
question étant réglée, je demande : « A quel moment donnerons-nous
notre avis ? » Jusqu'ici nous avions un conseil chaque soir
et un conseil de coopérative en fin de semaine.
Renée
répond : « Il faudrait qu'il n'y ait pas de critiques ;il
faudrait qu'il y ait des félicitations. Quand les gens viennent, ils voient
les critiques ! » (Depuis deux ans, les critiques ont été
écrites sur le journal mural, solution que j'avais proposée à la suite
des « rapportages » des premiers jours. Le journal a été largement
utilisé).
Une
discussion suit la proposition de Renée : on pourrait écrire les
critiques derrière le tableau, ou bien sur une feuille accrochée derrière...
Je demande : « Maintenons-nous les critiques ? »
ANITA :
S'il n'y a pas de critiques, on viendra rapporter.
L'argument d'Anita emporte la décision : les critiques
sont maintenues.
MOI : Les mettrons-nous sur le
journal mural ou derrière le tableau ?
Gérard propose de les écrire
sur un cahier. Après discussion, Annie est choisie pour tenir le cahier
des critiques et pour les lire au conseil.
MOI : Que ferons-nous au
conseil ??
FRANÇOISE : Le travail
fait pendant la semaine.
DOMINIQUE : Faire le plan de l'autre semaine ;
voir ce que l'on n'a pas fait et les ateliers qui marchent.
MOI : Quand verrons-nous
le cahier de critiques ?
FRANÇOISE : … et l'examen
des propositions ?
GERARD : Sur le journal mural resteront les félicitations
et les propositions.
MOI : Qui est d'accord ?
Douze. Quand examinerons-nous les propositions ?
(Jusqu'à
ce jour le conseil avait lieu le samedi ; il s'était d'ailleurs déplacé
de l'après-midi au matin afin de dégager l'après-midi entière pour le
plein air, à la suite d'une proposition d'un enfant.)
MARTINE :
On devrait faire tous les deux jours l'examen des propositions.
Guy
démontre que les conseils ne tomberaient jamais les mêmes jours. Gérard
propose le samedi. Je relance les deux propositions au groupe. Dominique
propose le vendredi, en motivant sa proposition par le fait que nous pourrions
éventuellement le terminer le samedi.
Il
est alors décidé que le conseil aura lieu le vendredi, de 14h15 à 15h15.
Cette décision tient compte des institutions externes : heure de
la récréation et travail des filles avec une collègue de 15h30 à 16h30.
MOI :
Qui présidera le conseil ? Ce ne sera jamais moi.
Le
premier trimestre, les enfants avaient décidé de choisir Dominique comme
président unique, car il leur paraissait seul capable de donner la parole,
Mais quelques camarades étaient jaloux de lui. Il est intéressant de remarquer
qu'il y a deux ans, 14 enfants tenaient fermement à présider, alors que
maintenant les candidats sont moins nombreux, sans doute se sont-ils rendu
compte de la difficulté qu'il y a à diriger une discussion ?
Guy
demande qu'il y ait deux présidents, afin de pouvoir se remplacer en cas
d'empêchement.
MARTINE : Il faut prendre ceux qui n'ont jamais
été présidents.
RENEÉ : Non ; chacun son tour...
GUY : Ceux qui ne président
pas bien seront enlevés.
Après
discussion, les six candidats sont retenus, et on commencera par le plus
petit. Je propose alors à Patrick de prendre la présidence de ce premier
conseil de coopérative du deuxième trimestre.
*
Chaque
année le conseil évolue, car il est une des pièces maîtresses de l'autogestion,
avec le président de jour et le conseil de classe quotidien. Nous cherchons,
à travers de multiples tâtonnements, l'organisation qui permette :
-
à chacun, de présenter ses propositions et de donner son point de vue
dans les discussions ;
-
au groupe, de prendre des décisions et de veiller à leur application.
La
maturation sociale des enfants se faisant progressivement, il est indispensable
de prévoir des réflexions périodiques sur le conseil lui-même, afin de
mieux l'adapter à nos besoins.
(J. LE GAL)
5. LE PRÉSIDENT DE JOUR
En
1960‑61 à la suite de la lecture du Poème Pédagogique de Makarenko,
je propose aux enfants de mon CE1 une nouvelle institution : le président
de jour.
Cette
proposition est unanimement acceptée, car elle permet à chacun de diriger
les activités à son tour et évite la directivité contraignante d'un président
élu pour une certaine durée. Elle correspond aussi à mes buts éducatifs :
donner à chacun alternativement les fonctions d'organisateur et de travailleur,
de responsable et d'exécutant. Un président permanent en face d'enfants
réduits au rôle d'exécutants, cela peut fabriquer de futurs « chefs »,
mais non donner à tous le sens des responsabilités.
Appliquée
chaque jour par un président différent, la loi élaborée en commun au cours
des conseils est beaucoup mieux respectée. Lorsqu'un enfant refuse de
la suivre, le conseil lui enlève un tour de présidence de jour. Pour être
capable de diriger les autres, il faut d'abord savoir se diriger soi-même.
Au
mois de février, le président de jour préside presque toutes les activités
avec une aide plus ou moins grande de ma part, l'exercice de cette fonction
ne pouvant s'acquérir que par tâtonnement.
Lorsque, en 1965, je prends la cclp de Ragon avec des
enfants de niveau CP-CE de 10/12 ans, je propose immédiatement la même
institution. La première et la deuxième année, tous les enfants acceptent
de présider. Mais est-ce à cause de l'âge, du déficit intellectuel, des
difficiles problèmes posés par les enfants caractériels, l'institution
ne fonctionne pas aussi bien qu'au cours élémentaire.
En
1967, les enfants cherchent d'autres solutions, car c'est souvent moi
qui dois présider, or ils savent que je désire les voir prendre en main
la vie de leur coopérative.
Ils
essaient d'un président élu, mais ils ne respectent pas plus ses décisions
que celles des présidents de jour antérieurs. Ils reviennent au président
de jour ; mais devant les difficultés de la tâche, deux enfants seulement
acceptent encore ce rôle, devenu trop ingrat, les refus d'obéissance enlevant
toute autorité. Un seul d'entre eux est suffisamment autonome pour s'imposer
à lui-même les règles de vie qu'il est chargé en tant que président de
faire respecter.
En 1968-69, je ne conserve que quatre anciens. Les
nouveaux arrivés acceptent de jouer le rôle de présidents de jour. Je
les aide plus que l'année précédente, afin d'éviter au groupe de se trouver
sans un de ses membres comme animateur, et je les conduis à réfléchir
sur les problèmes du maître et du président de jour, au cours de réunions
exceptionnelles organisées en Philips 6 x 6, technique que j'ai apprise
durant les vacances, en stage de pédagogie Freinet.
*
RÉUNION
EXCEPTIONNELLE DEMANDEE PAR MOI-MEME
Le
lundi 2 décembre 1968, en entrant en classe, à 13h45 :
MOI :
Vous aviez prévu de faire éducation physique, et moi je ne veux pas aller
sur le plateau avec des enfants qui se disputent, qui n'entendent pas
les autres, qui n'écoutent pas les directives de travail.
Vous savez ce que je voudrais
que vous soyez :
- des enfants qui respectent les autres
: pas de moqueries, pas de coups, pas d'injures ;
- des enfants qui dirigent
eux-mêmes leur classe.
Je
vous propose de me dire clairement CE QUE VOUS VOULEZ QUE JE SOIS, Et
pour que tout le monde puisse parler, on pourrait se réunir en 4 groupes ;
dans chaque groupe un camarade note ce qui se dit et le fait ensuite connaître
à tous.
Proposition
adoptée à l'unanimité. Dans les groupes, les enfants discutent à voix
basse. Fabien, Q.I. 57, embête les autres, et Jacky fait appel à moi.
L'attitude de Fabien, agressif, incapable d'« entendre » les
autres, de proposer quoi que ce soit, pose le problème des limites de
l'autogestion, limites dues à des conditions objectives : maître-enfants,
moyens techniques, milieu scolaire, milieu social et économique, etc.
Résultats
après 10 minutes de discussion :
Groupe 1 (l
ancien, 2 ‑‑> CdP, 1 ‑‑> cl, traditionnelle)
-
soit ami avec nous - ne
se fâche pas - ne crie pas
-
soit à notre disposition
quand nous avons besoin de lui
-
que le maître ne fait
pas le gendarme
-
nous donne un coup de
main.
Groupe
2 (3 anciens ayant déjà vécu les difficultés de la présidence de jour)
-
reste toute la journée
avec nous pour travailler, car quand il y a un président, il y a toujours
du bruit ;
-
nous voulons un président
qui sait bien présider.
Groupe 3 (3
nouvelles, 2 ‑> cl. trad., 1 ‑‑> CdP)
-
qu'il soit le président,
qu'il soit le chef.
Groupe 4 (1 ancien, 2 ‑‑> CdP, 1 ‑‑>
cl, trad,)
-
on veut que vous êtes
respecté ;
-
on veut pas que vous criez.
Je
présente alors le bilan des réponses à ma question : QUE VOULEZ‑VOUS
QUE JE SOIS ?
DISCUSSION GENERALE
JOSEE :
Quand on ne fait que parler, vous êtes obligé de vous fâcher.
MOI : Qui veut la parole ?
P RUBLON : Le maître
pourrait marquer au tableau mural.
P.ROUSSEAU : Josée,
tu dis que le maître doit être le chef, et s'il n'est pas là, qui va commander ?
RENEE : On choisit le
meilleur président.
JOSEE : Le maître ne
peut pas venir tout de suite s'il est occupé avec un autre.
BRIGITTE : S'il est
occupé on dit au président.
MOI : Et si c'est le
maître le président ?
P.ROUSSEAU : Il faudrait
deux présidents.
JOSEE : On pourrait
mettre un président par semaine. (Murmures approbateurs.)
MOI : Qu'est-ce que vous
en pensez ?
MARIEL : C'est trop
long.
CHRISTIAN : Ce sera
trop long.
JACKY : Ceux qui obéissent
pas on les met au coin. (Murmures
de protestation.)
JOSEE : Il y aurait un président
pour un mois, et un autre tous les jours.
MOI : Nous parlons beaucoup
du président. Nous pourrions nous poser des questions : que doit
faire le président ? ‑ à quoi sert-le président ? - qu'attendez-vous
du président ? ‑ Qui serait président. Vous avez 10 minutes
pour en discuter.
Je
m'absente ; et quand je reviens :
RENEE :
Qu'est-ce que c'est silencieux maintenant !
On s'interpelle entre groupes :
« Je te critique... etc. »
Bilan
2e discussion
G
1 Le président sert à nous contrôler - un président par groupe - qu'une
fille soit la présidente.
G 2 un président qui ne bat pas quand on ne lui obéit
pas proposition : les 2 Rousseau et Renée présidents pendant 1 semaine ;
quand on a besoin de lui il faudrait qu'il soit près de nous et qu'il
préside bien.
G 3 que çe soit J. Flouré
et P. Chapeau le président ; le président sert à diriger - on attend
du président des ordres.
G 4 sert à diriger la classe
et la sortie ; le président sera Jacky Flouré et Patrick Chapeau.
DISCUSSION GENERALE
JOSEE : Je voudrais deux présidents par semaine.
(Josée vient d'une classe normale
mais a été plusieurs années dans une classe Freinet. Elle est un élément
moteur de la collectivité, bien qu'elle n'ait pas atteint sa propre autonomie).
MOI : Qui veut la parole ?
P. ROUSSEAU : Jacky
quand il est président menace de battre comme tout à l'heure pendant l'absence
du maître.
RENEE : Tout à l'heure
Jacky donnait des ordres. Je lui ai dit: « Ce n'est pas à toi de
commander, on n'a pas encore décidé ! » Il m'a dit un gros mot.
J. FLOURE : Je ne m'occupais
pas de Renée. J'ai dit: « Assis-toi » à J. Provost. Renée m'a
dit : « C'est pas toi qui commandes. Occupe-toi de tes oignons ».
C'est pour ça que j'ai répondu.
J. PROVOST : Je voudrais
que J. Flouré et P, Chapeau soient présidents.
MARIEL : Un président par groupe
ce serait mieux.
JOSEE : P. Rousseau
disait à tout le monde de le choisir.
ALAIN : Je ne choisis
pas Renée et P, Rousseau parce qu'ils demandent à tout le monde de les
choisir.
MOI (j'interviens à cause des interruptions) : Chacun
a le droit de dire ce qu'il a à dire.
RENEE : Alain est un menteur : je n'ai pas
demandé à me choisir.
JOSEE : C'est vrai.
P. FLOURE : C'est vrai;
ce n'est pas Renée.
P. ROUSSEAU : Je ne
serai pas président, d'accord ; on verra si vous présidez mieux que
moi. Jacky, tu dis que Renée a bien présidé l'autre jour.
MOI : Et les autres
alors ? ils n'auront jamais le droit de présider ? Jeannette
aussi l'autre jour a bien présidé. Est-il juste que ce soient toujours
les mêmes qui dirigent et toujours les mêmes qui obéissent ?
RENEE : Qui est-ce qui
veut être président ?
(Tous,
sauf P. Rublon, Violette et Anita.)
RENEE : On les marque tous au tableau et on vole
pour en choisir un.
JOSEE : On est chacun
notre tour comme avant, on en parle le soir: ce qui a été bien présidé,
ce qui a été mal présidé.
RENEE : Y en a qui président
bien et d'autres pas; quand c'était Jeannette on disait : Oh !
ma petite Jeannette ! Elle est petite Jeannette.
MOI : Il faut décider !
Proposition Renée :
2 voix
Josée : 13 voix.
MOI :
Je répondrai à votre demande : ne pas crier, ne pas me fâcher, être
à votre disposition.
Il est 15h15. Après 1h30 de
débat, prise de conscience : les rôles respectifs de l'adulte participant
et du président de jour sont mieux perçus.
*
UNE ASSEMBLÉE GÉNÉRALE EXTRAORDINAIRE
Thème : LE PRESIDENT
Le
samedi 7 décembre, le conseil décide de programmer pour le mardi 10 une
Assemblée générale extraordinaire de la coopé à 16 heures. Les enfants
sont répartis en 4 groupes. Je demande d'en être l'animateur ; le
groupe accepte.
OBSERVATIONS
1° Question : QUELLES QUESTIONS VOUS
POSEZ-VOUS A PROPOS DU
PRESIDENT ? Le groupe 4 s'amuse.
(6 minutes)
Je lui fais l'observation : il se met en discussion.
Gr 1 : A quoi
sert le président ?
Gr 2 : Qui va
être le président ? (posée oralement)
Gr 3 : Pourquoi il y a un président ?
A quoi sert le président ?
Je fais préciser
Que doit faire le président ??
qu'on ne peut
Qui sera le président ?
choisir QUI qu'en
Gr 4 : Que
doit faire le président ? fonction
de QUOI
Qui sera le président ?
et nous sommes
Moi : Quelle question allons-nous discuter en
d'accord pour la
premier lieu ?
2e question.
Patrick : A quoi sert le président ?
Je pose la 2e q.
2° Question : QUEL EST LE TRAVAIL DU
PRESIDENT ?
A QUOI SERT LE PRESIDENT ?
Gr 4 : Le président :
doit aider les camarades
diriger la sortie
Dans 2 groupes, un
ramasser les cahiers
ou deux éléments
regarder si les lettres sont bien faites
sont inactifs.
diriger les ateliers
Les groupes sont
déplacements
agités (fatigue de la
regarder le magnétophone
fin de journée
» les bahuts
cependant, les
» les mains
enfants discutent.
» les bureaux
» les fenêtres
Le groupe 2 bavarde
» le plancher (propreté)
pendant le rapport.
Gr 3 :
Le président sert : à diriger-‑ à aller au
courrier - à aider à travailler
- à aller
chercher le maître quand
on a besoin
de lui.
Il doit respecter les ordres
du maître
Il doit respecter les élèves
Il doit venir quand on en a besoin
C'est ce Gr 3 qui
Il ne doit pas faire de bruit
avait demandé que
Il doit parler à voix basse
le maître soit le
Il ne doit pas crier
chef, lors du pré-
pas battre
cédent Philips 6x6
pas rouspéter
pas être égoïste ou impoli
Gr 2 Le
président sert à donner l'exemple
il décide le travail)
(1) J'interviens
il remplace le maître quand celui-ci est absent
samedi le conseil a
il commande bien
décidé que ce serait
il regarde si le travail est bien fait
au conseil de pren-
il regarde si les mains sont propres.
dre les décisions.
Gr 1 : Le président sert à nous contrôler
il veille à ce qu'il n'y ait pas de bruit
il aide quand on a besoin de lui
il est à notre disposition
il fait le rapport du travail au conseil
il nous commande
il nous donne le code de gentillesse.
Je
relis toutes les réponses, et chacun peut exprimer accord ou désaccord.
RÈGLES ÉLABORÉES
- Quand le président ne peut
pas aider, il appelle le maître ;
- Il contrôle l'électrophone, mais ce n'est pas lui qui met les disques.
La discussion sur les fonctions
respectives du MAITRE et du PRESIDENT laisse en suspens les questions
suivantes :
-
Que fait le maître quand
le président est incapable de présider ?
-
Quel est le travail du maître ?
-
Le maître doit-il donner
des ordres au président ?
La question : QUI SERA PRESIDENT ? n'est
pas discutée, faute de temps. Nous conservons la décision précédente (ordre
alphabétique).
Je
demande alors : LE MAITRE POURRA-T-IL ETRE PRESIDENT ? Réponse
à l'unanimité : OUI. Décision : le maître sera président le
samedi.
*
A
la suite de ce débat, j'établis une fiche‑-guide pour le président
et j'assume moi-même ce rôle chaque samedi.
L'institution
fonctionne de façon satisfaisante. Des heurts se produisent évidemment,
car la marche vers l'autonomie est longue, mais à aucun moment il n'y
a eu régression, peut-être à cause du climat d'amitié de la classe.
Arriverons‑-nous
à faire disparaître la REPRESSION ? Seule l'expérience pourra répondre
à ce problème, qui est celui de toute société réellement fondée sur la
liberté.
*
Nous
continuerons donc à chercher les solutions les plus propres à assurer
notre marche vers l'autogestion ; et, comme le demandait Freinet,
nous ne tiendrons jamais nos pistes et nos lumières pour définitives,
car tout résultat est « sujet à révision, à modifications, à aménagements,
selon les milieux et les temps ».
(J.
LE GAL)
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