I ‑ CONDITIONS NECESSAIRES
A) L'EDUCATEUR
1°. La pratique de l'autogestion exige un certain
type d'éducateur
Certes, nous pensons que l'éducateur idéal n'existe
pas. Cependant nous croyons qu'il doit posséder ‑ ou essayer d'acquérir
les « vertus coopératives » suivantes :
-
être généreux et disponible de façon permanente ;
- avoir une valeur morale, intellectuelle,
technique, pédagogique certaine et sans cesse en voie de perfectionnement ;
- avoir une conception démocratique
de la vie des sociétés futures ;
- savoir s'intégrer dans une unité
de conception de l'homme et de l'éducation au sein d'un Etablissement ;
- savoir se retirer de l'équipe
si ses conceptions ne sont pas celles de l'ensemble des membres de ce
groupe ;
- savoir prendre des responsabilités ;
- savoir collaborer à tous les niveaux
: parents, enfants, etc ;
- savoir se passer de directives,
d'ordres hiérarchiques, tout en s'accommodant de ceux qui sont indispensables ;
- savoir « écouter » les
autres, enfants ou adultes ;
- savoir aussi se taire, s'éloigner
à certains moments ;
- savoir s'intégrer aux activités
des enfants, en « participant », en aidant les uns et les autres ;
- savoir « communiquer »
avec les enfants et les adultes ; comprendre les autres ;-
avoir un jugement sûr, mais jamais définitif ;
- laisser toujours aux enfants une
possibilité de se reprendre, de faire mieux ;
- écarter toute forme de paternalisme
incompatible avec un climat d'auto-organisation. « L'adulte ne doit
s'intéresser à l'enfant que pour lui-même, et non pour lui imposer ses
propres intérêts » (P. Yvin) ;
- être entraîné au travail collectif ;
- être décidé à faire oeuvre commune
avec l'ensemble des éducateurs ;
- être équilibré ;
- être réaliste (vue sur le monde
environnant) ;
- respecter l'enfant dans sa personnalité ;
- aimer l'enfant (amour oblatif
et non captatif) (P. Vernet).
2°.
L'organisation en autogestion de la classe exige une nouvelle conception
du rôle de l'adulte
La
situation de l'adulte, dans le cadre d'une telle pédagogie, est tout autre
que celle de l'enseignant qui dispense son savoir.
Le
maître a sa place au sein de l'équipe au même titre que chacun des membres
qui la composent.
Il
a cependant la « responsabilité officielle » du groupe, et il
est de son devoir de veiller à ce que soient bien appliquées les décisions
de celui-ci et que soit entrepris un travail réellement efficace. Il est
toujours disponible.
Dans
la mesure où son rôle est bienveillant et aidant, il s'intègre parfaitement
à la bonne coopération du groupe.
B) LES TECHNIQUES
A
l'Ecole Moderne, nous pensons que l'attitude du maître ne peut, à elle
seule, transformer les relations d'élève à élève et d'élèves à maître.
Le climat d'une classe est lié à l'organisation du travail et à l'utilisation
de nouveaux outils de travail, de techniques nouvelles qui, lorsqu'elles
ne sont pas imposées, sont vivifiantes et enrichissantes pour l'individu
et la collectivité.
Nous
citerons des techniques qui aident adulte et enfants à créer le climat
d'autogestion.
1°. Les techniques d'expression libre
Par
le texte libre, par le dessin libre, par la parole comme par le chant,
l'enfant raconte, exprime ce qu'il ressent. Il crée, il invente. Au cours
de ces activités d'expression libre, pouvant être étendues à l'enquête,
à la conférence, l'enfant se soustrait à la domination et à la pensée
de l'adulte ; il devient, avec l'aide de ce dernier, maître de son
activité, il autogère son activité.
2°. Le journal scolaire de classe ou d'établissement
A
travers cette activité, qui doit être gérée par les enfants, se créent
les responsabilités.
Le journal scolaire est un travail d'équipe qui prépare
pratiquement à la coopération sociale. L'échange des journaux permet d'établir
des rapports directs entre des enfants, de les familiariser avec d'autres
modes de vie, et les aide à mieux comprendre les autres, par-delà les
frontières, ou seulement les départements.
3°. La correspondance interscolaire
Je
ne redirai pas ici, après Yvin, l'intérêt de cette technique. Sur la trame
de la correspondance se tisse, jour par jour, riche et authentique, le
Livre de vie de la classe, du groupe ou de l'établissement.
Ci-après un exemple des
échanges ainsi réalisés entre la classe IMP Bourneville, Limoges (filles)
et la classe de perfectionnement de Decazeville (garçons) :
Envoi
du 3/11/1967 de Bourneville à Decazeville
-
Une page : « Nous
avons retenu dans vos dernières lettres… »
-
Une lettre de la maîtresse ;
-
Quinze lettres individuelles ;
-
Un panneau: dessin et
collage (collectif) ;
-
Nos textes : L'hélicoptère
Oradour-sur-glane
Cueillette des châtaignes
Une invitation ;
-
Notre journal : GERBE
BAUDE n°1 – 1967 ;
-
Nos réponses aux questions
posées par les correspondants ;
-
Nos questions (la pétanque,
les châtaignes...) ;
-
Une bande enregistrée
au magnétophone : A propos de la Découverte de Decazeville :
lecture d'un texte ; questions posées aux correspondants sur cette
« mine à ciel ouvert ».
Un exemple de ce que nous
avons reçu : (le 17/11/67)
-
Une page : « Nous
avons retenu dans vos lettres »
-
Un journal AU PAYS DES
MINEURS ;
-
Réponses à nos questions
(la pétanque; les châtaignes ;
-
Photos et diapositives
couleurs : La Découverte de Decazeville (reportage‑enquête) ;
-
Bande de magnétophone
explicative
-
La lettre du maître ;
-
Quinze lettres individuelles ;
-
Textes libres : La Pêche ;
Notre Panorama ;
Les Champignons.
4°.
La technique de l'enquête, l'utilisation de la T,V. scolaire
Elles
modifient la situation du maître en lui donnant une autre fonction que
celle d'enseignant.
5°.
Les bandes programmées
Leur
utilisation permet à l'enfant de se libérer davantage du maître. En lui
permettant de se diriger lui-même, de se contrôler, l'éducateur donne
à l'enfant un sentiment plus grand de sa responsabilité.
6°.
Les activités physiques, le plein air contribuent également à mieux
souder la communauté maître-enfants.
Je
ne peux donner en détail les caractéristiques de techniques qui peuvent
aider ou favoriser le fonctionnement démocratique de l'institution. L'essentiel
est de proposer aux enfants le plus large éventail d'activités entre lesquelles
ils pourront choisir.
Il
faut encore signaler :
-
l'emploi de plans individuels,
de plannings collectifs, de brevets, pour l'organisation du travail libre
et le contrôle de ce travail ;
-
l'utilisation du journal
de Coopé (autre forme du journal mural) ;
-
les ateliers de travail :
de calcul, de travail manuel, d'expérimentation scientifique ;
-
l'utilisation des moyens
audiovisuels : photos, bandes magnétiques, films, diapositives, etc. ;
-
la pratique de techniques
d'expression corporelle (danse, théâtre, marionnettes...).
Certes,
l'organisation de toute communauté ne se fait pas en un jour, surtout
lorsqu'il s'agit d'enfants instables ou débiles, perturbés ou agressifs,
ou présentant toute autre sorte de troubles.
Ce
n'est pas l'institution hâtive d'un bureau d'enfants, l'introduction dans
la vie de la communauté de quelques techniques dites « coopératives »
(conseil de classe par ex.) qui permettront le départ de cette forme nouvelle
de vie.
Mais
c'est avec l'aide de ces techniques que s'installera un nouveau « climat
de vie » et que, par la création de responsabilités nouvelles et
variées, naîtra chez l'enfant cette prise de conscience de la liberté
dans le travail et l'éducation.
C) L'ENFANT
Un
système d'organisation du travail n'est démocratique que dans la mesure
où activités et techniques sont renouvelées, où l'enfant a son mot à dire
quant à leur utilisation.
Chaque
membre de la communauté doit avoir la possibilité de conserver sa liberté
d'action au sein du groupe. Chacun doit pouvoir trouver sa voie dans cette
vie collective : les uns s'affirment mieux dans un travail de groupe
qui les valorise, les autres par un travail individuel. Chacun doit pouvoir
s'épanouir selon ses goûts, ses possibilités, ses potentialités.
D) LA CLASSE FREINET EN AUTOGESTION
1°.
Elle ne s'accommode pas d'une méthode traditionnelle de travail basée
sur le manuel, le devoir, la leçon, ou de toute méthode basée uniquement
sur le travail individuel et incompatible avec toute forme de collaboration
communautaire.
2°.
Elle ne se confond pas avec le laisser-aller. S'il n'y a pas une organisation
rationnelle des activités de la communauté, on tombe inévitablement dans
le désordre, la nervosité, et donc l'inefficacité.
« Si
vous êtes seul à rouler sur une route privée, vous n'avez pas besoin de règlement, et vous trouveriez ridicule
le fait d'appliquer ici le code de la route sous prétexte que ce
code existe ailleurs. Mais dès que la circulation deviendra un peu plus
complexe, alors oui le règlement s'imposera » (Dossier pédagogique
I.C.E.M. 34-35).
Aussi,
progressivement :
-
des règles de vie sont
élaborées en commun, donc senties
et approuvées, et respectées par tous. En effet, le matériel collectif
appartient à tous. Il permet un travail d'équipe. Cela suppose une entente,
une organisation, un règlement ;
-
l'éducateur doit supprimer,
de façon sûre et rapide, tout climat d'irresponsabilité et de bagarre,
opposé à l'esprit de collaboration. Il se peut qu'au départ les enfants
n'aient aucun sens coopératif ; les rivalités de clans hostiles,
les jalousies individuelles, des rapports sociaux basés sur la loi du
plus fort, des troubles du comportement et de la conduite risquent de
constituer un obstacle sérieux. C'est justement là que l'éducateur doit
intervenir pour remettre de l'ordre, en agissant constamment sur l'acquisition
de l'esprit de coopération ;
-
l'éducateur sait réduire
au minimum les sanctions négatives qu'elles demeurent un pis-aller
et qu'elles soient distribuées par le conseil de coopérative et non par
un coopérateur, surtout si c'est le maître. Les sanctions s'opposent,
par leur définition même, à toute acquisition du goût du travail, à tout
effort personnel d'amélioration.
« Le
propre des enfants difficiles ou retardés c'est qu'ils ne veulent pas,
ou ne peuvent pas obéir, La sanction peut, dans certains cas, avec des
élèves normaux, produire un effet, ne serait-ce que passager. Avec des
enfants difficiles, toute punition manque totalement son but et ne fait
qu'aggraver le mal, Ces enfants sont rebelles au dressage. » (C.
Freinet)
3°.
Elle s'oppose à toute forme bureaucratique d'organisation. Il faut laisser
les enfants s'essayer à cette forme nouvelle de vie par tentatives et
tâtonnements.
L'organisation
ne peut être le fait d'un bureau plus ou moins autoritaire, plus ou moins
actif, se substituant parfois à l'autorité ancienne du maître, elle est
l’œuvre de tous.
Elle
ne peut admettre le « caporalisme » dans la technique des responsabilités.
Pour cela, il faut multiplier les postes de manière que chacun ait les
deux possibilités : commander et obéir.
4°.
L'autogestion en établissement suppose une unité de vues, des aspirations
communes. En effet, les enfants ressentent inévitablement toutes les
failles dans les relations entre adultes qui vivent avec eux.
Il
faut un lien entre les adultes d'une communauté, pour que soit fort l'esprit
de coopération ; et ce lien ne peut être qu'une volonté commune d'aboutir
à une éducation totale des enfants, et ceci dans la perspective de la
formation civique, intellectuelle, morale, psychologique, sociale, économique,
démocratique de l'homme de demain, associé aux décisions à prendre quelles
qu'elles puissent être.
2 ‑ NOTRE EXPERIENCE
A) PRESENTATION DE L'EXPERIENCE
Il
s'agit ici d'une expérience tentée en I.M.P. pour enfants déficients intellectuels
et présentant des troubles associés. Nous relaterons les étapes successives
de cette tentative et nous donnerons quelques exemples pratiques des structures
et de la vie coopérative. L'expérience porte ici sur 6 années.
1°. Première et deuxième
année
Constitution
d'une coopérative de classe (grandes filles). Pas de cotisations ‑
pas de bureau constitué ‑ pas de statuts. Mais achat de matériel
permettant la réalisation d'un journal (imprimerie + limographe).
Utilisation
des fichiers autocorrectifs. Demande de correspondants.
BILAN de jolies réalisations ;
du travail certain ;
un enthousiasme suscité chez
les enfants ;
éveil de l'intérêt des adultes
environnants.
2°. Troisième année
Choix
de responsables dès le début de l'année dans cette même classe. Une autre
classe de moyens coopère. Des échanges se font de la classe des grandes
à celle des moyens. Les grandes initient les moyens au travail d'enquête,
à la peinture, à la confection d'albums, au travail d'imprimerie.
Deux
pages du journal des grandes sont consacrées aux textes des moyens. Les
jeux, les sorties communes, les comptes rendus collectifs se multiplient
entre ces classes.
En
correspondance, on commence les échanges de bandes magnétiques.
Le
directeur de l'Etablissement s'intéresse à l'aspect coopératif et aux
réalisations des enfants. On tente de créer une Coopérative d'Etablissement ;
mais elle restera trop formelle. Les réunions de responsables sont encore
trop artificielles.
3°. Quatrième année
La
classe des grandes filles échange ses travaux avec celle des grands garçons
ils sont conquis, ainsi que leur maîtresse, à notre forme de travail ils
achètent des Bibliothèque de Travail, ils font un journal, avec nous ils
viennent visiter une laiterie.
Ils
réalisent un album, et nous de même ; ces albums sont envoyés à un
concours de l'O.C.C.E. et gagnent un prix.
Dans la maison, adultes et enfants considèrent cette
activité très constructive et intéressante dans ces classes de grands.
Les moyens continuent à nous suivre et font seuls leur journal.
Une
classe de petits, au 3e trimestre, démarre le texte libre, le dessin libre.
Les
réunions de maîtres ou d'enfants au niveau de la Maison sont un peu moins
rigides, mais encore peu satisfaisantes.
Un
travail intéressant est entrepris au niveau de l'internat. Les grandes
filles ont la possibilité, avec leurs éducatrices, de faire le marché
en dehors des heures de classe, pour l'enseignement ménager.
La
fête scolaire de Noël est préparée au niveau du groupe avec les enfants,
les éducatrices, la maîtresse.
On
invite les éducatrices à déguster les plats préparés en enseignement ménager.
Les
enfants peuvent continuer en internat ou en classe un travail commencé
(correspondance, peinture, imprimerie). On a confiance.
4°. Cinquième année
1)
Au niveau de la classe :
Un conseil de classe ‑ un statut des responsables élues ‑une
organisation plus structurée (réunions plus nombreuses) ‑ tout ce
travail est coopérativement organisé.
2)
Au niveau de l'Etablissement
-
4 journaux édités ;
-
3 réunions par des responsables
de groupes, d'internat et de classes ;
-
participation d'une maîtresse
au conseil d'administration des coopératives du département ;
-
activité très réelle, mais
encore jugée insuffisante par l'ensemble des coopérateurs (lourdeurs administratives
en cause, et manque de temps...).
5°. Sixième année
-
5 journaux édités
-
voyage-échange avec les correspondants
(2 classes de l’I.M.P. reçoivent deux classes de Decazeville) ;
-
activité de plus en plus
riche et prenante ;
-
la principale difficulté,
s'opposant à cet enthousiasme réel des enfants et de certains adultes
de la maison, c'est l'inertie, l'incompréhension de l'ensemble des adultes.
Mais les enfants ne désespèrent pas ; ils sont courageux, ils nous
donnent l'exemple, et avec eux tous les espoirs sont permis : la
Coopérative progresse ; elle vivra
B) A PROPOS DU JOURNAL
DE COOPERARIVE
Il
circule dans la classe et est à la disposition de tous ; il remplace
le journal murai qu'on trouve dans certaines classes. Il a pour but de
préparer de façon permanente les réunions du conseil de coopérative (qui
seront alimentées de cette manière).
Il permet une fois de plus aux enfants de s'exprimer
en toute liberté. Il reflète tous les aspects de la vie de la petite communauté,
dont il faut discuter ensemble.
Voici
ce qu'en pensait Freinet :
« Nous,
adultes, quand nous affrontons une discussion, nous avons le soin de rédiger
au préalable, sur un aide-mémoire, les points a discuter.
« Sans le journal de coopérative,
les enfants n'auront évidemment rien à discuter, sinon ce qui s'est passé
quelques instants auparavant.
« Avec le journal, il
y en aura toujours trop...
« En aucun cas, le journal
de coopérative et sa lecture en réunion de la coopérative ne sont /à pour
juger et sanctionner. Il s'agit plutôt de chercher ensemble les solutions
techniques et affectives qui peuvent corriger les erreurs intervenues
dans la vie de la communauté.
« Ni juge, ni règle,
ni loi. Il faut que les enfants prennent conscience des problèmes qui
se posent à eux. »
COMPTE
RENDU D'UNE REUNION DU CONSEIL DE COOPERATIVE D'UNE CLASSE
Conseil du 27 avril 1968.
Présidente :
Paulette, 14 ans, groupe des grandes, Q.I. 80 (B.S.)
1°. La présidente ouvre la séance.
2°. Elle lit les critiques, les remarques,
les questions ou suggestions qui ont été inscrites sur le Journal de la
classe. (Dans certaines classes, ce journal est mural ; ici, en raison
d'un manque de place pour l'affichage, nous avons préféré un « journal
tournant »).
3°. Chaque sujet est repris un à
un, avec essai de trouver des solutions quand c'est nécessaire, ou bien
dans le but de porter à la connaissance de tous certaines réflexions méritant
la considération de toute la communauté.
4°. Première partie : JE
CRITIQUE
Remarques
Propositions
‑ Les tableaux ne sont pas effacés quand on en a besoin
-
A la cuisine, les torchons ne sont pas assez souvent changés ;
il faudrait les changer tous les lundis.
-
Les fiches sont mal classées dans le fichier des problèmes.
-
Notre journal n'est pas aussi propre que celui des correspondants
de Decazeville.
|
Solutions et Décisions
Annie,
responsable de ce travail, reconnaît qu'elle oublie souvent
le soir de faire son travail. Elle assure qu'elle va s'en occuper
plus sérieusement.
‑ Béatrice et Evelyne pensent que la lingère sera d'accord
pour renouveler plus souvent ces torchons. Elles vont aller la trouver
pour s'entendre avec elle.
‑ On pourrait aussi
demander que soit placé un portetorchons, pour éviter que les torchons
ne tombent et ne se salissent (ils n'ont pas de place propre).
‑ Thérèse, responsable
de ce travail, demande aux deux camarades qui ont mis du désordre,
de bien vouloir l'aider à reclasser ces fiches.
‑ La maîtresse fait
ici remarquer que ce travail n'est pas faisable par la responsable
seule et que c'est chacun d'entre nous qui aidera à maintenir un
ordre parfait dans les fichiers ou les documents ou la bibliothèque,
ceci en respectant la classification prévue.
Chacune
est responsable des fiches ou des documents :
‑ quand elle les sort
‑ quand on les utilise
‑ quand on les replace.
‑ Anne‑Marie,
responsable des journaux, dit que nous pourrions mettre moins d'encre
pour imprimer.
‑
Chantal pense que nous ne laissons pas sécher assez
longtemps nos feuilles imprimées.
‑ Marie‑Josée
dit que nous en recevons de plus sales que le nôtre.
‑ Paulette affirme qu'il
ne faut pas copier les plus sales, mais les plus beaux.
‑ Nous allons donc y
veiller.
|
Deuxième partie : JE FELICITE
‑
Béatrice range très bien les caractères d'imprimerie dans les casses.
‑
Chantal Gauthier a réussi à grimper à la corde, C'est formidable.
‑
Yvette a entrepris de changer tout le classement des bibliothèques
de travail; elle y passe beaucoup de temps.
‑
Isabelle et son équipe ont fait le plus beau grand dessin pour décorer
la classe: La Mer,
|
‑
Béatrice précise qu'elle n'est pas toute seule pour faire ce travail.
Heureusement! ajoute Thérèse.
‑ Je croyais que je
n'y arriverais jamais, dit Chantal.
‑ Oui, mais il y a deux
ans que tu essaies, et tu vois, tu y arrives maintenant ! lui dit
Anne-Marie.
‑ On pourrait bien l'aider,
si elle veut. C'est d'accord ! dit Yvette.
On s'entendra avec elle pour
continuer, comme elle a commencé ! dit Béatrice.
‑ Toute la classe reconnaît
que ce panneau est bien joli, et on va le fixer au mur.
‑ Il fera très gai,
avec ses jolies couleurs, sur ce mur du fond de la classe, affirme
Paulette.
‑ C'est bien réussi,
ajoute la maîtresse.
|
Troisième partie: JE PROPOSE
‑
Il faut remettre à jour le panneau d'affichage de nos textes libres.
‑
Je propose qu'on prépare l'album sur la visite de la Laiterie des
Fayes avec les garçons de la grande classe, puisqu'on fait la visite
avec eux.
|
‑
Renée En effet, il manque les deux derniers. ‑Yvette Je veux
bien m'en occuper.
‑ Paulette : On pourrait
composer chacune des paragraphes plus courts et se remplacer au
fur et à mesure que l'une a flni.
‑ Anne-Marie : Je préfère
être seule pour composer tout un paragraphe. Quand je suis lancée,
ça va plus vite.
‑ Nicole : Moi je ne
vais pas vite ; si on était à deux, ça irait mieux.
‑ Paulette : Si vous
êtes d'accord, on peut laisser composer des grands morceaux à celles
qui vont vite, comme Anne-Marie, et on remplacera celles qui vont
plus lentement, quand elles auront fait deux lignes.
‑ La maîtresse : Mais
alors celles qui vont lentement n'apprendront pas beaucoup à travailler
mieux !
‑ Toutes : C'est vrai
! (C'est ici une question difficile : on y repensera).
‑ Yvette et Chantai
iront voir les grands et leur maîtresse pour savoir si c'est possible
‑ On pourrait aussi se partager le travail (Paulette) ; eux
prendraient des photos, et nous, par exemple, on enregistrerait
au magnétophone.
‑ La maîtresse (avec
toute la classe) : Il faudra réunir des responsables des deux classes
pour préparer cette visite-enquête.
|
Une telle
institution coopérative permet :
-
d'établir des contacts directs
et libres entre tous les membres de la communauté ;
-
de poursuivre des échanges
qui sont une source d'enrichissement mutuel, ainsi qu'un moyen nouveau
de développer l'esprit de fraternité ;
-
de transformer nos maisons
en familles accueillantes où enfants et adultes aiment vivre dans un désir
collectif d'amélioration intellectuelle, morale et civique ;
-
à tous les membres de la
communauté, d'avoir une action sur la gestion et le fonctionnement administratif
ou financier des établissements.
A ce sujet, je préfère parler de co-gestion non-directive, et j'en donne
la définition suivante :
La co-gestion non-directive en pédagogie institutionnelle, permet d'enthousiasmer
enfants et adultes vivant dans un même établissement, pour des activités
correspondant à leurs besoins et visant à la formation et à l'évolution
de l'être humain tout entier, et par là-même de la société de demain.
Cette co-gestion non-directive
ne peut se ramener à l'utilisation de quelques techniques libératrices,
ni à quelques formules de vie nées des conseils de coopérative ; mais
elle doit s'exercer à tous moments de la vie dans l'établissement, à tous
les niveaux et dans chaque activité.
3 ‑ ROLE DE LA FORMATION DES EDUCATEURS
La
formation des éducateurs doit jouer un rôle essentiel pour la pratique
d'une pédagogie de l'autogestion. J'estime qu'elle doit répondre aux critères
ci-après :
1°. Une pédagogie de l'autogestion ne s'enseigne pas,
elle se vit
Il
est essentiel que les éducateurs, stagiaires ou élèves-maîtres puissent
vivre des expériences d'autogestion par un travail effectif dans les classes
; qu'ils puissent vivre l'esprit de cette pédagogie dans les stages de
formation :
-
où l'on développera l'habitude
et le goût du travail en commun et de la discussion ;
-
où l'on apprendra à écouter
avec sympathie les idées énoncées par d'autres ;
-
où l'on bannira toutes possibilités
de briller aux dépens des autres, de les écraser pour s'imposer.
2°. Former la personnalité des éducateurs
Plutôt
que de faire acquérir aux futurs éducateurs une somme de connaissances
livresques, scolaires ou autres, il convient de mettre l'accent sur la
formation de la personnalité de l'éducateur.
L'éducateur
doit être formé à l'animation et à l'organisation. Dès l'école normale,
les enseignants seront entraînés à des travaux d'équipe, à des techniques
de groupe. Une place importante sera faite à la dynamique de groupe.
3°. Donner aux éducateurs une large information
Il est nécessaire que l'éducateur ait une bonne connaissance
de la psychologie des enfants et des adolescents, et du développement
intellectuel et effectif de leur personnalité.
Toute
formation doit permettre à l'éducateur de maîtriser les techniques pédagogiques
: techniques d'expression libre, techniques audio‑visuelles, éducation
artistique, travaux manuels, expression corporelle, etc.
4°. Nécessité d'une formation permanente
C'est
tout au long de leur carrière que les éducateurs doivent avoir la possibilité
de s'informer et de se former.
Il
faudra que soient organisés de façon régulière des stages, des rencontres
où enseignants, psychologues, inspecteurs pourront confronter les expériences,
les recherches, et les discuter.
Des stages de perfectionnement devront permettre aux
enseignants de s'informer des nouvelles techniques pédagogiques. Ces stages
ne seront pas seulement limités à l'enseignement, mais pourront se dérouler
en usine, à la campagne, dans les hôpitaux, etc., pour permettre une meilleure
connaissance de la vie réelle.
Cette
formation permanente pourra être organisée au sein même des établissements,
le directeur pouvant en être l'animateur pédagogique.
5°. Importance du choix
personnel et de la philosophie de l'éducateur
Au
sein d'un même établissement, il est nécessaire d'accorder les points
de vue sur les perspectives d'éducation des adultes. Je ne reviendrai
pas sur les options philosophiques, déjà exprimées par P.Yvin, touchant
à l'individu, aux rapports humains, à la société. On conçoit aisément
que l'adhésion volontaire des éducateurs est la condition première de
la pratique de l'autogestion.
Cet
effort de renouvellement et de perfectionnement des enseignants ne pourra
se réaliser que si on leur en offre les moyens : stages compris dans
les horaires de travail, facilités matérielles.... et que, parallèlement,
les conditions de travail soient améliorées (effectifs, locaux, horaires,
programmes). C'est à ce prix seulement que pourra s'amorcer une véritable
réforme de l'enseignement.
Cependant,
différents groupements d'éducateurs travaillent déjà en vue de la rénovation
et de la modernisation pédagogique. Parmi ceux-ci, l'Institut Coopératif
de l'Ecole Moderne constitue un vaste chantier de confrontation et de
création, par ses groupes départementaux et ses commissions. Il offre
à chaque éducateur l'occasion de contribuer à élaborer et à approfondir
des outils et des documents.
Par les nombreux stages qu'il organise, dont certains
désormais en période scolaire, en collaboration avec d'autres organismes
(S.N.I.., C.R.A.P., O.C.C.E.) avec des pédagogues (professeurs, inspecteurs),
il apporte sa part dans le recyclage des éducateurs et prépare une sorte
d'Université pédagogique permanente.
Lucette MAGNE
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