LIMPRIMERIE
A LECOLE |
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morale de notre groupe |
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Avant de repartir hardiment pour
l'année qui commence, nous devons à nos adhérents et à nos lecteurs un compte-rendu
spécial des importants Congrès d'août qui ont montré d'une façon éclatante et notre
force morale et les résultats déjà tangibles de notre action. Nos camarades savent
dans quelles conditions difficiles s'est réuni notre Congrès de Bordeaux. Nous n'avons
certes par redouté un instant le jugement de nos adhérents, mais nous avions une
ambition plus haute que de nous justifier personnellement : nous voulions continuer la
tradition de notre Coopérative et grouper à nouveau, sur les questions importantes et
vitales de notre Congrès, non pas une majorité statutaire, mais une unanimité
susceptible d'encourager et de renforcer notre action à venir. Nous avions raison
d'avoir pleine confiance. Si quelques camarades mal renseignés étaient d'abord
hésitants, les explications totales données par le C.A. sur toutes les questions
portées à l'ordre du jour ont rassuré tous les assistants. Et c'est à l'unanimité
moins une abstention, que l'ordre du jour final - qu'on lira plus loin - a été, voté. Nous ne pouvons
qu'être pleinement satisfaits de ce résultat. Il montre la puissance idéologique et
tactique de notre position : comme les années précédentes nous n'avons rien abdiqué
ici de nos conceptions sociales ou syndicalistes ; nous avons répété bien souvent
encore pourquoi nous voulons mettre la pédagogie au service de l'école populaire et
quelle nous parait être la voie sûre du renouveau pédagogique. Nous n'avons à
prononcer aucun acte de foi mais seulement à
rester nous-mêmes, avec notre classe, décidés à dire ce que nous voyons, ce que nous
pensons, ce que nous vivons sans égard pour les marchands et les politiciens que notre
franchise pourrait blesser. L'expérience a
montré que, par-dessus les partis politiques et les groupes syndicalistes, cette
formule pouvait animer, en une sorte de front unique permanent, tous les éducateurs honnêtes, dévoués à leur classe, aux enfants de leur
classe et décidés à chercher, sur la voie révolutionnaire les solutions définitives
aux graves problèmes que la décadence capitaliste rend chaque jour plus tragiques. On ne manque pas, on
manquera encore moins à l'avenir, d'essayer en toute occasion de nous couper de la masse
enseignante en nous présentant comme un épouvantail révolutionnaire. Aussi tenons-nous
à préciser encore une fois dans ce numéro de lancement que, coopérative légalement
constituée, ne pouvant pas faire de politique, nous accueillons fraternellement tous les
camarades qui souscrivent nos statuts. Mais cette neutralité politique ne signifie
nullement que nous devions nous mettre servilement aux ordres d'un gouvernement, d'une
classe, dun trust. Nous resterons décidés à uvrer pour que nos camarades
éducateurs prennent toujours davantage conscience des nécessités actuelles, qu'ils
jugent sainement des questions diverses qui les sollicitent et qu'ils nous aident à jeter
dès aujourd'hui les fondements de l'école nouvelle prolétarienne. Nous ne vous
présentons aucun credo ; nous ne vous imposerons aucune théorie. La discussion est
toujours libre et bienfaisante au sein de notre groupe, mais notre véritable crédo c'est
l'action. Ceux qui vivent ce sont ceux qui agissent et pour agir il faut d'abord, et
toujours, lutter. Nous avons dépassé
les cinq cents adhérents. Nous devrions dépasser les mille cette année. Camarades qui nous
lisez, soyez des nôtres, puis, autour de vous, faites connaître notre action. ..... Il ne faut pas
croire cependant que ces discussions pour ainsi dire théoriques, aient accaparé tant
soit peu notre Congrès. Nous leur avions réservé notre dernière séance après avoir
consacré deux jours entiers à l'examen approfondi, attentif et sérieux, des nombreuses
questions soumises à notre Assemblée générale. A la lumière de ces
discussions, guidés par les décisions prises, il nous sera plus facile de poursuivre,
au cours de l'année qui commence la tâche chaque jour plus impressionnante que nous
avons entreprise. ..... Le Congrès de Nice,
de la Ligue Internationale pour l'Education Nouvelle nous fut à nous-mêmes une
révélation du rayonnement que, malgré le silence unanime de la presse, nous a valu le
travail méthodique et hardi de ces dernières années. On a dit, et la
Révolution Prolétarienne a écrit, en un style énigmatique : Freinet a quitté le
Congrès de Bordeaux pour se rendre à un Congrès bourgeois à Nice. Non
délégué au Congrès de la Fédération, j'ai personnellement quitté Bordeaux lorsque
notre Congrès a été terminé et l'exposition pédagogique installée. Nous sommes
d'ailleurs nombreux à avoir assisté au Congrès bourgeois de Nice, et nous ne le
regrettons pas. Il est d'ailleurs abusif d'appeler Congrès une importe
manifestation qui a été avant tout une rencontre de plus d'un millier d'éducateurs des
divers points du globe. Nous avons seulement eu le tort, à notre avis, de sous-estimer le
libéralisme qui y a présidé et de ne pas en avoir tiré, pour notre cause, tout le
bénéfice possible Nous
avions ici même, en fin d'année, donné notre opinion sur la Ligue et sur son Congrès,
afin d'aider nos camarades à se dépouiller des illères pacifistes qui pouvaient
les laisser croire encore aux possibilités de paix par l'éducation en régime
capitaliste. Il est malheureusement avéré que, de bonne foi, de nombreux pédagogues en
sont encore à cette conception progressiste que les événements journaliers sapent
irrésistiblement. Leurs conférences ont été le reflet de ces croyances et il a été
salutaire pour tous les auditeurs, et pour la pédagogie en général que partout nos
camarades puissent prendre la parole pour ponctuer les contradictions nées de cette
incompréhension sociale des possibilités pédagogiques. Cette incompréhension a d'ailleurs
été bien moins générale que nous n'aurions pu le supposer - et la campagne que nous
menons dans ce sens depuis plusieurs années n'aura pas été inutile. Il y avait au
Congrès une importante proportion de camarades qui, en contact direct, chez eux, avec la
misère prolétarienne, ne pouvaient se résoudre à voir traiter avec cette indifférence
scientifique, hypocritement bourgeoise, ce qui constituait le thème même du Congrès :
l'Education dans ses rapports avec l'évolution sociale. Le Congrès
pédagogique de Saint-Paul, a permis justement à ces critiques de se faire jour, de se
concrétiser pour s'affirmer ensuite dans les diverses réunions du Congrès. Il faut avoir connu
l'organisation chaotique du Congrès de Nice, la multiplicité des conférences, cours,
visites, discussions, qui s'imposaient aux éducateurs pour comprendre les difficultés
que nous allions rencontrer pour emmener, pendant tout un jour, des groupes de camarades
à Saint-Paul. Et pourtant, le 7
août au matin, des cars spéciaux amenaient sur la place du village près d'une centaine
de camarades adhérents ou sympathisants parmi lesquels Roger Cousinet, Mme Guéritte,
Delaunay, F. Dubois, Lucien Welens, Lebbe, Mlle Jadoulle pour la Belgique, Roubakine pour
l'U.R.S.S., Otto Müller-Main pour l'Allemagne (R.Dottrens,
Suisse, qui avait dû quitter Nice quelques jours auparavant, envoya au Congrès un
télégramme, d'encouragements sympathiques). Et à midi un déjeûner amical - à la
vériré extraordinairement animé réunissait une soixantaine de camarades heureux
de se rencontrer ainsi en intimité dans l'atmosphère familière qui manquait trop à
Nice. Nous n'avons certes
pas pu, au cours de cette trop courte journée, largement coupée encore par une attentive
visite à l'exposition pédagogique de Saint-Paul, amorcer l'intéressante discussion
technique que nous nous proposions. Nous avons essayé
de donner à ce Congrès pédagogique de Saint-Paul un sens précis : éducateurs
prolétariens, souffrant chaque jour de la misère matérielle, intellectuelle et morale
qui accable le peuple, nous ne pouvons nous résoudre à faire de la pédagogie purement
idéaliste, sans assises solides dans la vie même des enfants. Notre technique, en
normalisant dans une large mesure l'activité scolaire, a hautement contribué à nous
révéler la voix saine de l'éducation nouvelle populaire. Nous avons pensé
alors qu'il était de notre devoir d'exprimer la pensée de nos nombreux camarades, de
dénoncer la timidité, et parfois la complicité, des congressistes de Nice qui
n'osaient jamais aborder totalement le véritable thème du Congrès. Nous avons
rappelé, par des exemples, hélas ! trop précis - puisque les visileurs allaient les
contrôler sur place - comment l'école populaire était accablée matériellement,
administrativement et socialement par le régime ; nous avons dit l'impuissance des
théories et des exhortations en face d'un état de fait logiquement né du capitalisme
- pour dire enfin notre espoir qu'une profonde rénovation sociale, que l'avènement du
socialisme vainqueur en U.R.S.S., viennent rendre possible l'éducation nouvelle que nous
rêvons et que nous préparons. L'approbation
enthousiaste de tous les éducateurs présents nous assura que ces saines et vigoureuses
paroles avaient besoin d'être dites et il en résulta pour la journée une atmosphère
nouvelle, parce que nous avions extériorisé le solide lien prolétarien qui unit nos
efforts et motive notre activité pédagogique. Après une longue et
passionnante visite à l'exposition de Saint-Paul, la discussion fut reprise et, malgré
notre désir de la consacrer à l'étude des questions coopératives, ce sont les grands
problèmes sociaux-pédagogiques évoqués le matin qui en ont été l'objet. C'est dans une
atmosphère de parfaite cordialité que Roger Cousinet nous exposa les fondements de sa
méthode, que Fernand Dubois, si souvent cité ici, nous parla de la méthode Decroly et
répondit à nos critiques. Otto Muller Main fit comprendre à tous la nécessité d'une
action pédagogique systématiquement internationale et Roubakine enfin parla de
l'éducation en U.R.S.S. - sujet passionnant qui aurait pu, à lui seul, occuper plusieurs
journées du Congrès et qui, sous la pression de nombreux camarades devait du moins être
brillament traitée par Roubakine en une séance très suivie, quelques jours plus tard,
au Palais de la Méditerranée. L'heure du retour approchait ; les
curieux du village envahissaient peu à peu la vaste salle où Roubakine évoquait les
grands problèmes du renouveau soviétique, et l'avide attention de tous était comme un
hommage silencieux rendu à l'effort révolutionnaire. ..... Malgré le peu de
temps dont nous avons pu disposer pour la tenue de ce Congrès de St-Paul, il nous a été
à tous un précieux réconfort. Une sorte de courant idéologique a uni une centaine de
bons camarades qui ont senti dès lors les faiblesses et les contradictions du Congrès de
Nice ; une sorte « d'esprit du Congrès de St-Paul » a imprégné le Congrès
International et a permis à nos camarades de s'en retourner avec la conscience d'avoir
fait du moins à Nice une besogne de clarification pédagogique sans précédent. C'est dans ce sens
que notre réunion de St-Paul a été plus qu'une assemblée de camarades ; elle a été
un acte, conclusion naturelle de notre effort passé et de la vigueur de notre action,
mais un acte qui a eu sur le Congrès de Nice une influence morale que nous avons eu le
tort de sous-estimer.
.. La réunion
d'adhérents et de sympathisants que nous avions prévue pour l'étude approfondie de nos
diverses réalisations a eu lieu à Nice le 10 août. Nous avons pu y discuter longuement
et utilement du Bulletin, du Fichier de calcul, de la Chronologie mobile d'Histoire de
France, de la Bibliothèque de Travail. Nous y avons aussi défini la position
pratique que notre groupe devait prendre au Congrès et nous avons décidé de présenter
les motions suivantes qui traduisaient l'opposition des camarades révolution-naires. Sur
mandat des camarades de notre groupe, nous nous sommes rendus le lendemain matin, avec
notre ami Roger, présenter à Mlle Flayol, d'abord, à M.Langevin, président du
Congrès, ensuite, les motions ci-dessous. ..... PROPOSITIONS
DU GROUPE ________ Le VIe Congrès
d'Education Nouvelle, Après avoir entendu
les divers discours et communications reflétant les tendances générales de l'éducation
nouvelle, Constatant que ce
Congrès a été dominé par les problèmes que pose aux éducateurs la faillite du
régime économique actuel ; Persuadé que
l'éducation nouvelle doit nécessairement être élévation harmonieuse et libération
maximum, des individus ; Considérant que les
diverses conceptions des rapports normaux entre l'éducation et l'évolution sociale ont
pu seulement se faire jour au cours des discussions qui viennent de finir ; Décide de consacrer
l'effort du VIIe Congrès à l'étude approfondie des questions suivantes : 1° « Dans
quelle mesure, et par quels moyens, l'éducation nouvelle peut-elle être réalisée dans
des milieux sociaux basés sur la concurrence, sur l'exploitation, sur la compétition
armée ? 2° « Dans quelle mesure, et par quels
moyens précis, par quelles méthodes, selon quelles techniques, l'éducation nouvelle
peut-elle hâter la venue d'un monde nouveau dans lequel l'organisation sociale répondra
au maximum aux besoins pédagogiques de la masse des enfants ? » *** Les instituteurs et pédagogues
participant au VIe Congrès d'éducation
nouvelle, Venus à Nice pour y étudier et y voir
exposés tous les aspects de l'éducation nouvelle dans ses rapports avec l'évolution
sociale, Regrettent que l'expérience russe, qui
pouvait être parmi les plus édifiantes pour la compréhension du thème proposé, n'ait
eu aucune place, tant dans les conférences que dans l'exposition générale ; Demandent au Comité de la Ligue de
prévoir à l'avenir toutes mesures utiles pour que la pédagogie russe puisse au même
titre que les autres pédagogies nationales, participer à nos grandes rencontres
internationales. En cette période de chômage
accentué, alors que des milliers, que des millions d'enfants sont profondément
atteints dans leur vie même, il est impossible de discuter des rapports entre
l'éducation et l'évolution sociale sans considérer la crise sans précédent qui
annihile en partie ou totalement les efforts des éducateurs. Nous demandons au Congrès de marquer
d'une façon tangible qu'il ne peut effectivement se désintéresser de ces graves
considérations sociales et nous proposons : 1° Que le reliquat éventuel de ce
Congrès soit versé aux organisations ouvrières internationales pour venir en aide aux
fils de chômeurs des divers pays ; 2° Que chaque congressiste, à l'issue
de la séance, verse une souscription de dix francs au moins, dont le montant sera versé
également aux mêmes organisations ouvrières internationales. *** M.Langevin nous
accueillit avec sympathie, nous promettant, dans l'impossibilité où on était de faire
émettre un vote à un Congrès qui n'avait jamais voté, d'inclure notre demande dans le
discours de clôture qu'il allait prononcer le soir-même. Pour ce qui concerne les fils
de chômeurs, il reconnaissait tout le bienfondé de notre demande et se réservait
seulement de soumettre la proposition au Comité pour la réalisation pratique. Roger dit ensuite la
déception des nombreux camarades qui étaient venus à Nice sur la promesses formelle que
l'école soviétique y serait représentée. M. Langevin nous assura que la Ligue avait
fait tout son possible pour s'assurer la participation soviétique, mais que des raisons
indépendantes de sa volonté ne lui avaient pas permis d'aboutir. Il semblait donc,
après cette entrevue, que nous allions avoir satisfaction. Hélas ! Si nous connaissons
l'esprit libéral et pacifiste de M.Langevin, nous ne nous sommes jamais fait d'illusion
sur la vigueur morale des milieux petits-bourgeois, verbalement pacifiste, conformistes à
l'occasion dont la Ligue est la véritable expression et nous restions sceptiques sur la
bienveillance du comité à notre égard. Nous avions bien
raison. La séance de
clôture ne fut qu'une mise en scène mondaine où nul n'essaya de tirer de ce Congrès
les conclusions qui s'imposaient, où il fallut se congratuler mutuellement, louer le
Maire de Nice et aussi le propriétaire du tripot de la Méditerranée et s'assurer, par
maintes courbettes, les sympathies officielles des gouvernements qui, de plus en plus,
patronnent et subventionnent la Ligue. M.Langevin ne dit
pas un mot de notre première motion. Nous en avons été peinés et déçus car nous
avions une autre confiance en la conscience du professeur Langevin. Nous avons attendu
que, du moins, avant la clôture, soit lue notre motion sur les enfants de chômeurs et
décidé le geste que nous avions demandé au Congrès. Lorsque, désabusé, nous aurions
voulu réclamer contre cet escamotage de demandes aussi naturelles et aussi pondérées,
le Congrès avait entonné je ne sais quelle chanson pacifiste en formant la chaîne
symbolique que nous avons délibérément rompue - car notre chaine est constituée par
d'autres anneaux et l'hymne que nous aurions voulu entonner que nous aurions dû entonner
- c'est notre Internationale.
.. Nous pouvons bien apporter ici, sans
restriction aucune, nos critiques. Nous avons, tout au cours du Congrès,
participé loyalement à tous les travaux pédagogiques, assisté aux diverses
commissions, apporté dans toutes les discussions, mais sans sectarisme, notre point de
vue, nous contentant de dire ce que nous croyons, ce que nous savons juste et humain. Mais
hélas ! qu'y a-t-il de plus subversif, en notre époque, que la vérité ? Qu'un Congrès d'éducation nouvelle,
qui se pare d'une renommée de libéralisme, de loyauté dans la recherche pédagogique,
d'indépendance idéologique, ait cru devoir brimer l'expression d'une tendance
pédagogique largement représentée au Congrès, n'est-ce pas aussi un signe des
temps ? On est ou pour la libération populaire contre les exploiteurs - ou avec nos
maîtres contre toutes les forces daction et de vie. Après avoir accepté les
subsides gouvernementaux, la Ligue se devait en effet de prendre position et de montrer
qu'elle saurait aussi, sur le terrain pédagogique, barrer insidieusement la route à
l'idéal révolutionnaire.
.. Toutes ces observations confirment à
merveille le jugement préalable que nous avions porté sur le Congrès de Nice. Nous
savions que ce Congres serait une mosaïque de discours et de discussions, d'idées et de
suggestions mais qu'il y manquerait le nerf vital qu'une ligne directrice ferme aurait pu
suggérer ou imposer. Il en a été ainsi, en effet. Des
idées intéressantes, des conférences au plus haut point instructives données par les
maîtres du monde pédagogiques actuel. Mais le visiteur était sollicité de toutes
parts, accablé par tant de richesses sans parvenir à s'en assimiler une partie pour son
enrichissement personnel. Car ce ne sont pas les idées nouvelles, intéressantes qui
manquent à la pédagogie actuelle, mais bien la ligne générale et l'effort constructeur
qui feront de cette science une des chevilles essentielles de la rénovation sociale. Aussi tous les assistants sont-ils
unanimes à demander pour lavenir une subordination plus sévère de tous les
travaux au thème central du Congrès afin d'aboutir à des conclusions susceptibles de
faire avancer effectivement la pédagogie. ..... Le Congrès, nous l'avons dit, fut un
bon Congrès bourgeois. La Ligue tend malheureusement à prendre de plus en plus - et ses
congrès de même - une allure officielle dans le monde capitaliste. Les déclarations de loyauté
intellectuelle, même teintées de religiosité, ne nous suffisent pas pour nous persuader
de l'action inoffensive de la Ligue sur le terrain social. Il y a des faits patents qui sont là. Que la ville de Nice ait accordé une
forte subvention pour l'organisation du Congrès, qu'elle soit intervenue vigoureusement
pour offrir le Palais de la Méditerranée aux congressistes que le Conseil général ait,
lui aussi, accordé sa subvention - une subvention d'ailleurs plus importante avait été
réservée aux gymnastes catholiques qui avaient évolué à Nice quelques semaines
auparavant - ce sont là de simples mesures commerciales, dont la faveur n'est refusée
qu'aux Congrès révolutionnaires. Mais que le Gouvernement français accorde une
subvention officielle ; que les divers pays - U.R.S.S. exceptée - envoient leurs
délégations officielles, qui pensent officiellement, qui parlent officiellement, cela ne
suffit-il pas pour faire perdre à la Ligue, à ses congrès leur caractère initial
d'organismes de recherche désintéressée pour le seul progrès de l'Ecole ? Ces gestes -
sollicités et acceptés par le Comité de la Ligue - ne sont-ils pas le signe regrettable
d'une évolution, d'un tournant définitif : la Ligue se met volonlairement au service des
gouvernements, au service d'une classe. Il est de notre devoir de dénoncer
cette collusion et de rappeler aux chercheurs sincères qui ont créé et animé la Ligue
le péril extrême, la faillite morale et idéologique qui seront inévitablement la
conséquence de ces agissements. Nous demandons à tous les éducateurs qui s'intéressent
au sort et à la vie de la Ligue de protester avec nous et d'exiger qu'à l'avenir
l'association garde son entière liberté pour la recherche hardie des meilleures
solutions éducatives, que, sans souci de plaire ou de déplaire aux dirigeants du jour,
elle accepte, elle favorise toutes les initiatives, toutes les discussions qui sont dans
le sens de l'éducation nouvelle - ou bien qu'elle révise alors ses principes de
ralliement afin que la bonne foi des éducateurs ne soit pas surprise par des
déclarations idéalistes incompatibles avec les tendances nouvelles du Comité directeur. ..... Quant à nous, nous
voyons une double raison de continuer notre campagne en faveur d'une éducation nouvelle
prolétarienne : Les quelques associations pédagogiques qui avaient, ces
dernières années, camouflé sous des apparences libéralistes leurs sympathies
réactionnaires, se démasquent peu à peu et choisissent le camp auquel elles croient
devoir prêter main forte. D'autre part, la
campagne que nous menons depuis plusieurs années pour donner à la pédagogie populaire
tout son contenu social, tout son sens de classe, commence à porter ses fruits les
événements aidant. Non seulement
plusieurs conférenciers ont affirmé à Nice des points de vue semblables au nôtre, mais
tous les représentants des pays durement touchés par la crise ont affirmé la
nécessité de traiter toutes les questions pédagogiques à la lumière des enseignements
sociaux et politiques de ces dernières années. L'école, organisme d'évolution
pacifique ; la pédagogie en tant que science dégagée des nécessités vitales de la
masse du peuple l'éducation, séparée de la vie et soustraite aux pénibles
boulever-sements de l'heure présente, tous ces beaux rêves de penseurs jaloux de leur
quiétude morale s'évanouissent peu à peu. Il faudra bien que
les éducateurs décidés à lutter pour le triomphe de leurs idées se résolvent à
regarder en face la stricte réalité, qu'ils comprennent la misère du peuple, qu'ils
participent aux luttes de ceux qui prétendent jeter les bases du monde nouveau qu'ils
donnent avec nous, au mot éducation toute son ampleur et sa complexité, toute sa
« vie ». Il ne s'agit plus seulement d'agiter des idées, d'écrire et de compulser
des livres. Les générations que nous devons former attendent de nous que nous leur
enseignions l'action dans un monde où l'organisation sociale et politique appuiera
inévitablement l'effort de l'éducation. Plus que jamais,
lions l'école à la vie ; tâchons de créer l'école prolétarienne. C'est là une
saine besogne de vérité à laquelle tous les éducateurs sincères doivent collaborer. Un effort sans
précédent fait pour les expositions de fin d'année, a doublé notre action au sein des
Congrès. Notre exposition de
Bordeaux fut facilitée par la proximité de camarades imprimeurs qui, en
organisant la salle du Congrès, avaient prévu pour nous un petit hall admirablement
placé, qu'ils nous ont aidé à aménager : imprimerie avec nos quatre modèles de presse
- ordinaires et de luxe - fichiers, dessins, cinéma... Grâce au dévouement de Mlle
Meiffret (Var) qui en a assuré la
permanence, tous les congressistes ont pu, encore une fois, se rendre compte de nos
réalisations. L'exposition
organisée au Congrès du Syndicat National à Clermont-Ferrant, sous l'active
direction de notre ami Cazanave et avec l'appui des imprimeurs du S.N. a eu un succès qui
a dépassé de loin celui des congrès précédents, et qui prouve que la masse des
instituteurs, après s'être intéressée en curieux à notre technique, commencent à
regarder de plus près, à s'essayer au travail nouveau pour se préparer à nous suivre.
Nous ne pouvons que nous en féliciter. L'exposition que
nous avions organisée à Saint-Paul même, dans le local coopératif, a eu un succès
considérable. Il faut dire que là rien n'avait été oublié : pendant que, en
parcourant les salles les visiteurs se rendaient compte de la complexité et de la
structure de nos services actuels, ils pouvaient examiner en détail nos diverses
réalisations. Le riche stand russe que nous avions organisé avec ses grandes affiches,
ses photos couvrant les murs, ses livres d'enfants ses revues impressionnantes a paré
dans une certaine mesure à l'absence totale de la pédagogie russe à Nice. Une salle enfin
avait été réservée aux plus beaux dessins d'enfants reçus au cours de l'année. Ce
fut pour tous une surprise et un émerveillement. Plusieurs centaines de visiteurs
français et étrangers ont longuement visité notre exposition, et le spectacle d'une
nouveauté si originale contribuera certainement à la propagande mondiale en faveur de
notre technique. Nous avons de même pu, étant donnée
la proximité de Nice, organiser sans peine ni dépenses excessives un stand qui était
certainement un des plus originaux de l'exposition mondiale. Il est seulement regrettable
que la direction de l'exposition nous ait relégué dans une salle excentrique, sans
aucune indication extérieure, et qu'elle nous ait obligé à partager entre deux salles
notre matériel et nos documents. Malgré cela, et grâce au dévouement
de nos camarades Alziary et de tous les adhérents présents au Congrès de Nice, de
nombreuses démonstrations ont été faites devant les pédagogues de tous pays, des
explications ont sans cesse été fournies. Le résultat en sera inévitablement un
accroissement rapide de nos adhérents et de nos abonnés. Notre ami Bourguignon, délégué au
Congrès espérantiste mondial de Paris, y avait organisé une petite exposition de nos
réalisations et a pu ainsi faire une sérieuse propagande en notre faveur. Un de nos plus anciens amis
espagnols, Manuel Cluet, présent à notre Congrès de Bordeaux, a également emporté
en août le matériel nécessaire pour une exposition et des démonstrations à l'Ecole
d'Eté de Barcelone, où un millier d'instituteurs catalans sont venus se mettre au
courant des méthodes nouvelles. Il y a rencontré deux propagandistes enthousiastes de
l'Imprimerie à l'Ecole : Jésus Sanz Poch et H. Almendros qui travaillent à créer à
Barcelone un groupe actif d'imprimeurs dont nous aurons bientôt l'occasion de parler. Nos éditions et nos réalisations ont,
de même, été exposées à la Semaine Pédagogique de Gand à laquelle assistaient
plusieurs centaines de professeurs et instituteurs.
.. Toutes ces diverses
manifestations donnent une idée du rayonnement actuel de l'Imprimerie à l'Ecole et des
diverses techniques coopératives. Des centaines d'éducateurs vivent et travaillent avec
nous ; cherchent avec nous les réalisations qui peuvent servir lécole et ses
maîtres ; et il ne se passe guère de semaine sans que quelque proposition intéressante
soit faite par des camarades des divers coins de France. Forts de notre
succès actuel, nous ne pouvons qu'encourager cet enthousiasme, accueillir avec sympathie
toutes les offres de collaboration. Notre revue agrandie nous permettra justement de les
étudier attentivement en les soumettant à la critique de tous nos lecteurs. Notre effort
commence à porter des fruits. Cela doit nous encourager à poursuivre notre action dans
le sens que l'unanimité de nos congrès a sans cesse définie et approuvée. Bon courage donc, et
au travail coopérativement pour le progrès pédago-gique et l'amélioration sociale. |