L’enfant témoin de sa classe « Parler peinture vous fait engager dans un labyrinthe dont vous ne trouverez pas facilement l’issue » E.DABIT Il est bien difficile de parler de ce qui est grand et beau, tellement les mots trop fréquemment employés se sont usés vulgarisés par un vocabulaire excessif. Il faudrait retrouver leur valeur première pour donner à nos amis absents, l'impression que nous avions à Caen. Et c'est en interrogeant une jeune à son premier Congrès que j'ai pensé à relever quelques-unes des réflexions de nos visiteurs de l'Exposition. - Alors, Colette, qu'en dis-tu ? - « Oh !... C'est magnifique ! » Et c'est dans la joie de Colette que le mot magnifique a repris tout son sens. Ses yeux se sont agrandis, m'offrant son admiration avec le scintillement de leurs paillettes. J'ai continué, cherchant des camarades chevronnés mais aussi de tout jeunes et des « étrangers » au monde enseignant. - « C'est formidable ! Je suis habituée à voir les expositions du Congrès... Celle-là est plus proche de l'âme enfantine... elle est à la fois plus riche et plus variée... » (Mlle M., Ec. Mat.). - « C'est un encouragement de voir des peintures de tous genres, de toutes tendances et surtout de tous les départements. Cela ne donne pas de complexe... Et il y en a une à moi ! » (Une jeune -Vienne). |
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« Ah ! les pauv's ch'tiots liv's que ceuss' des malettes ?... Et dans c'ti qu'est là (la vie) y a d'quoué s'empli 'coeur ! » (G. COUTE ‑ L'Ecole). Trente ans plus tard, les petits - mes petits - n'attendaient pas même l'heure de la classe. Aussitôt arrivés ils venaient gratter à ma porte pour me raconter leur dernière « histoire », m'apporter leur première violette ou le « roubzi » (roitelet solognot) gelé dans leurs chaudes menottes... Alors, j'écoutais ravie et recevais toute offrande, sûre que la classe serait bonne et ouverte comme leur coeur. Climat de confiance et d'heures poétiques... les peintures fleurissent, écloses dans l'élan. On raconte, on choisit le texte qui plaît, on le travaille dans l'enthousiasme, on en peint une phrase... et c'est beau, parce que jailli d'une émotion. Le compliment arrive, il sert d'étincelle. L'enfant a réussi, il recommencera et ce sera comme une conquête. Et bien, l'exposition de Caen était le magnifique bouquet de réussites nombreuses et le témoignage de classes où l'enfant s'exprime avec liberté, avec un incontestable bonheur. Ce fut pour les jeunes congressistes le choc qui déterminera leur orientation, et pour les plus anciens le réconfort de voir leur oeuvre chaque année grossie et magnifiée. Le cadre, il est vrai, cet « aquarium » si clair, si vaste faisait merveilleusement valoir chaque alvéole. Rien ne demeurait dans l'ombre, à toute heure, et les visiteurs furent nombreux, nombreux aussi les amateurs de clichés. Puissent-ils nous en envoyer quelques-uns ! La variété des couleurs où dominaient les teintes éclatantes, la variété des tendances depuis les graphismes purs et sobres à la Matisse jusqu'aux dessins fouillés de petites filles rappelant les broderies compliquées d'une haute coiffe bretonne. Tous les genres étaient là, prouvant cette liberté d'expression qui nous est chère. |
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« L'histoire est le prétexte et non le contenu d'une œuvre » a dit si justement Venturi.
Et chacun puisait un enseignement.
Tous les âges y avaient leur place. Dessins de l'Ecole Maternelle aux traits hardis et couleurs audacieuses, aux oeuvres des grands plus dessinées et brodées, pleines de frémissement, jusqu'à ces « jeunes filles » si personnalisées d'un garçon de 15 ans. Nous avons la certitude que le hiatus ne se produit pas quand la continuité de l'enseignement est assurée.
Je pense à « ma » Christiane, entrée aux beaux-arts à 15 ans et nullement dépaysée, ayant acquis aussi bien que ses camarades les notions nécessaires à son travail actuel et ayant gardé très vibrant, « du coeur à l'ouvrage ».
Je lus un regret poignant dans les yeux de Delbasty à l'heure du décrochage : « Oh ! c'est fini ! Je n'ai pas tout vu ! Je n'ai pas assez vu ! Montre-moi... ». C'est vers la table aux monotypes que je l'emmenai... Mais il fallait partir et son regard voulut s'emplir de tout, d'un coup, comme si c'était possible.
L'exposition, c'est le coeur du Congrès. Chacun voudrait l'emporter en entier.
Jeanne VRILLON.