Des enfants qui
recherchent
Approches de phénomènes dordre scientifique par le tâtonnement expérimentalde la maternelle au C.M.2.
Avec lanalyse de documents
provenant des classes de Avec les réflexions de Jacques
Lévine |
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Sommaire :
- Les points de départ des recherches des enfants
- Essai d'analyse du comportement des enfants
- En classe
maternelle (grande section)
- En grande section de maternelle
- Un type de recherche en classe de CM2
- Un deuxième type de recherche en CM2
- Le point de vue du psychologue (Jacques Lévine)
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de la maternelle au C.M.2.
Avec lanalyse de documents
provenant des classes de
Dany Baud
Jacques Couturier
Jacqueline Jannière
Thérèse et André Lefeuvre
Coordination de André Lefeuvre
Avec les réflexions de Jacques Lévine
La B.T.R. numéro 21 « La curiosité chez lenfant » nous a familiarisé au comportement de lenfant en observation scientifique.
Quelques camarades vendéens ont
voulu, sans entrer dans lanalyse psychologique du type laboratoire, étudier
doù partait cette curiosité, comment elle se prolongeait chez lenfant ou
dans le groupe denfants. Ils ont opté pour une étude portant sur des catégories
dâge allant de la maternelle au C.M.2. Volontairement ils sont restés dans le
vécu quotidien des classes avec toutes les incidences dues au milieu scolaire, aux
locaux, aux maîtres
Cette étude a donc été faite à
partir de documents, dannotations, découtes denregistrements pris dans
des classes de différents niveaux. Ils ont pensé quil fallait introduire une
nouvelle présentation qui puisse permettre au lecteur de mieux se repérer dans le temps,
dans les lieux, dans les circonstances qui ont entraîné des apports du maître et les
réflexions. Le lecteur pourra ainsi apporter ses propres remarques plus facilement face
à la documentation qui lui est transmise.
Les documents étudiés sont le plus souvent en corrélation avec des observations de phénomènes physiques. Dabord parce quils tiennent une grande place dans la vie du jeune enfant. Ensuite, parce quil a semblé plus facile de prendre des notes, de garder des documents et de les commenter dans ce domaine. En fin de B.T.R. nous essaierons de voir quelques prolongements de cette attitude des enfants en recherche dans dautres secteurs.
Très jeune, dès la maternelle
lenfant manifeste sa curiosité par des questions, des attitudes, des cris de
surprise. Pourtant, souvent une même question est posée aux différents camarades qui
dans leur classe laissent pratiquer la recherche à leurs enfants :
« Cest pas venu comme ça ! Pourquoi le gosse a-t-il cherché
ça ? ». Essayons dy répondre en prenant quelques exemples de
démarrage de recherches dans une classe de C.M.2. de vingt-deux élèves. Les enfants et
cest important, peuvent prendre la parole, discuter, tenter des essais, ils sont
habitués à la vie coopérative depuis plusieurs années. Ils savent que le travail de la
classe est en majeure partie basé sur leurs apports et leur organisation. Ce sont des
fils et des filles douvriers souvent sans qualification, de commerçants,
ostréiculteurs et artisans. Pas denfants des milieux « intellectuels »
de cadres moyens ou supérieurs. Ils ont pour la plus grande partie dentre eux des
difficultés dexpression écrite ou orale. Toutes ces raisons sont peut-être à
elles seules déjà porteuses dune réponse à la question. Voyons dans la pratique
quelques cas.
Un
matin, au cours dun « entretien-actualités » les enfants
font part de ce quils ont entendu ou vu à la radio, à la télévision, de
conversations auxquelles ils ont assisté, de ce quils ont lu dans le journal. Les
faits sont souvent des événements survenus dans la localité, la région ou dans le
monde.
Tony relate un accident de la
route : un camion a percuté une voiture. Question dun camarade :
« pourquoi ? » Tony : « Il allait trop vite, il na pas
pu sarrêter. »
Christophe : « Cest
normal, plus un camion va vite plus il pèse lourd ».
Un débat sinstaure pour savoir si la réflexion de Christophe
est juste. Aucune justification négative ou poisitve nen ressort. Cela se termine
par : « Il faudrait
vérifier
..
Aucune dans toute cette
première partie dentretien.
Ici Christophe sest
proposé de faire des essais mais « pas seul ». Je demande si un camarade
désire laider. Spontanément Jacques est daccord pour lui prêter son aide.
Pendant un mois, en
séances dune demi-heure, trois quarts dheure, ils travailleront à des essais
divers. Leur plus grande difficulté à résoudre sera de trouver un moyen de remplacer le
camion par un mobile plus commode. Finalement cest le système du téléphérique
qui est adopté.
Expériences et mesures
seront présentées à la classe. Un résumé en sera fait pour une B.T. (numéro 837).
Pourquoi Christophe
était-il si affirmatif ? Durant la discussion Christophe a fait le rapprochement
avec la pierre lancée par une fronde, avec la boulette qui
quitte un disque qui tourne lorsquelle est posée dessus. Il semblait
sêtre fait une sorte de loi personnelle en amalgamant des observations.
Dailleurs il ne sentira que difficilement même après ses expériences la notion de
force ( au lieu de la notion de poids).
Il faut noter que
Christophe acceptera que son affirmation soit mise en doute et la nécessité de
vérifier.
Est-il inutile de dire que
tous les entretiens ne débouchent pas sur des recherches ?
Au départ lentretien
na pas ce but et je ne crois même pas nécessaire de forcer les choses pour arriver
à de telles situations. Nous pouvons noter déjà que Christophe a préféré prendre un
camarade avec lui pour chercher. Nous y reviendrons plus en détail dans les pages
suivantes.
Denis a apporté en classe le vieil
appareil photographique que lui a remis son grand-père. Lintérêt que ses
camarades ont porté à son apport ne fait quaccentuer son plaisir davoir
reçu ce cadeau. Il suffit de feuilleter lalbum quil a laissé pour suivre la
démarche quil a empruntée.
Il dessine ce quil voit : la vue
de face de son appareil et un détail : le viseur. |
Une autre vue de face.
Il décode des détails. |
Une vue de profil. Il
a demandé de la documentation. |
Il dessine la vue intérieure et copie des
schémas sur de la documentation après avoir démonté son appareil. |
Il fait des essais en
sinspirant de la documentation. |
Il sest rendu
chez le photographe qui lui a donné des explications et fournit des morceaux de
pellicule. |
Au départ, Denis a vraiment montré
sa joie de pouvoir apporter un appareil photo en classe. Dautant que cet appareil
avait appartenu à son grand-père.*
Deux faits motivent la mise en chantier de lalbum. Denis aime beaucoup le dessin. Il sait que son album sera lu par les camarades de la classe mais aussi par les correspondants à qui il peut lenvoyer. La part dintérêt apparu chez ses camarades va lencourager à en connaître davantage.
Quand Denis a présenté son
appareil, je lui ai demandé ce quil comptait en faire. Réponse :
« Jveux le dessiner ! » Je lui ai fourni du papier.
Quelque temps plus tard il
me demandera de la documentation sur les appareils. Je lui sortirai la documentation.
De même il me faudra
laider lorsquil aura envie de le manipuler et de le démonter.
Les enfants aiment apporter
des objets très divers en classe, parfois ce sont des animaux. Bien souvent ces objets
sont à eux seuls une motivation suffisante pour lenfant qui va vouloir en
connaître davantage soit sur le fonctionnement, soit sur lorigine, soit sur son
utilité
Surtout que lenfant ajoute à lobjet même une valeur de
possession et une pointe daffectivité du fait que cest « son
objet ».
Pourtant quelques fois ces
apports ne donneront aucune motivation de curiosité ou de recherche : lapport
est simplement montré pour le plaisir de voir les camarades le regarder. Lenfant
dans ce cas peut ne manifester que le sentiment de posséder quelque chose que les autres
nont pas.
A quoi bon dailleurs
vouloir systématiquement obtenir de lenfant une démarche de recherche sil
nen ressent pas le besoin ! Lobjet peut avoir une qualité bien
suffisante : être agréable à entendre, ou à voir, ou à regarder.
SATISFAIRE UN DESIR PASSAGER LA SITUATION DE DEPART ET SON EVOLUTION
Durant un moment de travail
individuel, Pascale et Isabelle viennent me parler : -Msieur, on voudrait faire un
robot ! - Oui ! Comment ? Manifestement elles nont pas du
tout pensé aux difficultés de la réalisation : forme, matériaux,
mécanismes
Jajoute. - Tracez un croquis sur un papier et
nous en reparlerons. Elles reviennent un quart dheure
plus tard avec un dessin, premier dessin (voir ci-contre). Cest un robot aux « formes
classiques » celui des bandes dessinées. Elles précisent que ce robot pourra
bouger les bras et les jambes et que le nez, la bouche et les yeux pourront
sallumer. Avec elles je trie des fiches du F.T.C. portant des montages électriques
et je leur donne la boîte C.E.L. de montage. En sinspirant des fiches, elles vont
tracer un deuxième croquis (voir ci-dessus). En fait, elles vont délaisser complètement
larticulation des membres pour ne se consacrer quau montage électrique. Elles
iront jusquà la réalisation finale après avoir scié, découpé, collé, pointé
et assemblé les différentes pièces. Je naurai à intervenir que pour combler
quelques maladresses de maniement des outils
et effectuer des collages. |
En
sommes Isabelle et Pascale ont provoqué, seules, leur propre curiosité. Au départ la
motivation semble mince : un désir passager. Mais la recherche dun croquis
puis la manipulation vont servir à accélérer le processus de réalisation. Si comme le
note Michel Pellisier, le maître, la classe, peuvent provoquer la curiosité (p. 28
B.T.R. 21) les enfants eux-mêmes peuvent exciter leur désir de connaître. Il se passe
un peu la même chose quand un enfant va lancer des pierres vers leau. Dis fois,
vingt fois
Il va recommencer son geste avant de modifier ses tirs, la forme des
cailloux pour obtenir des ricochets et de se demander pourquoi les pierres rebondissent
sur leau.
On pourrait se demander si les enfants ont le loisir maintenant (surtout en ville) deffectuer tous ces essais et de les analyser quand ils le désirent et si ces carences dans les apprentissages de gestes, de manipulations napportent pas des perturbations du comportement.
Il sagit dun
démarrage en recherche de deux fillettes. Or, trois fois sur quatre ce sont des garçons
qui provoquent et demandent des recherches. En cinq ans le milieu social et familial
évoqué (p.2 et 3) na pas changé et les enfants garons et filles ont reçu la
même pédagogie. Je me refuse à penser que les filles soient
« naturellement » moins
curieuses, moins chercheuses, moins bricoleuses, moins sensibles à lentourage
préhensible que les garçons. Par contre connaissant bien le milieu familial de chaque
élève, avec les camarades de lécole, nous nous sommes aperçu que lattitude
des parents était modifiée considérablement en fonction du garçon ou de la fille. Non
seulement su le plan affectif mais aussi sur le plan matériel : on fait davantage
participer la fillette à la vie matérielle de la maison. La fille va ainsi se plier plus
vite aux modèles, modèles scolaires y compris, imposés par les parents. Le garçon
prend un peu plus ses distances et va se retrouver avec davantage de loisirs qui vont lui
permettre des essais supplémentaires et lui laisser plus de temps de se poser des
questions. Le milieu familial sert de prolongement au modèle de société actuel :
regardez les jouets offerts et leurs publicités très sexuées ! A nous de savoir si dans
nos classes nous devons prolonger, à notre tour, ce modèle, ou si nous devons habituer
les enfants des deux sexes à se comporter identiquement... même s'il faut employer des
moyens artificiels pour accélérer la curiosité et la recherche chez les filles.
A travers la B.T.R. 21 de nombreux
exemples montraient dautres points de départs de recherche. Les causes peuvent
comme nous lavons vu être diverses. Nous pourrions y ajouter (en vrac) :
- La parole du maître :
questions
- Attitude du maître : la surprise,
lencouragement.
- La boîte à questions : avec dépouillement journalier.
- laffichage des remarques : croquis, trouvailles
- lobservation régulière des plantes et animaux.
- la notation dobservations sur un cahier.
- la classe promenade.
- les boîtes de recherches C.E.L.
- les boîtes « bric à brac »
Lorganisation coopérative de la
classe qui permet la prise de parole par les enfants, les déplacements, les essais grâce
à des ateliers divers offrira sans nul doute la possibilité de démarrage aux
recherches. Pourtant, cet certain, des enfants nont aucune envie de poser des
questions et se laissent « porter » par la classe. Lesprit
dimitation les incite souvent à devenir plus curieux mais pas forcément
chercheurs. Ne serait-il pas trop tard, déjà au C.M.2, pour que ces enfants changent
dattitude ? Linfluence de certains leaders parmi les enfants de la classe
jouera le rôle de moteur ou de frein dans la démarche initiale des camarades. Il
marrive donc de veiller à ce que les connaissances dun élève sur un sujet
ne viennent pas arrêter le désir dessayer dun autre élève.
Essai
danalyse du comportement denfants en recherche
NOTRE BUT était dessayer de
suivre le comportement des enfants durant une recherche. Pour cela nous pensé quil
fallait
-connaître leurs propos
-connaître leurs réactions
-connaître leur démarche au fur et à mesure des observations.
Un seul moyen technique
soffrait à nous : lenregistrement. En raison de la mauvaise qualité
denregistrements qui ne permet pas une reproduction, nous avons transcrit ici
fidèlement les échanges des enfants.
LE PREMIER ENREGISTREMENT a
été fait avec des enfants de la classe de C.M.2 déjà présentés. Partant de
lexpérience de Piaget sur la perception chez lenfant de la conservation de la
masse pour un corps dissous dans un liquide, jai attendu loccasion dune
discussion portant sur la dissolution des corps pour inciter des enfants à chercher. A la
suite de ma question : « Qui veut essayer de plonger des sucres dans de
leau et regarder ce qui se passe ? », deux garçons ont accepté
dessayer. Je les ai installés dans une pièce où ils pouvaient disposer
deau, de verres et dune quantité importante de sucre (1 kg) morceau. Je suis
parti en laissant le magnétophone branché et les prévenant de sa présence. Aucun
adulte nest donc avec eux.
LENREGISTREMENT | QUELQUES EXPLICATIONS COMPLEMENTAIRES | LES REFLEXIONS ET LES REMARQUES |
Philippe Nous mettons deux sucres dans le
verre. |
Le « il » employé
remplace le maître. |
Au début
de lenregistrement les enfants manquent de « naturel », mais très vite
ils finiront par oublier le magnétophone. Dailleurs on note que déjà Fabrice veut
mettre un demi-sucre au lieu de deux sucres : cétait la seule consigne que
javais donnée. Pourquoi lavoir donnée ? |
F. Oh, cela fait des bulles. |
Les verres sont disposés sur une
table mais souvent ils les prendront dans les mains pour observer. |
Cest une exclamation
marquant létonnement dune première découverte. Fabrice restera tout au long
de lenregistrement le plus curieux et le plus chercheur. |
P. Le sucre grossit, on voit des
bulles, elles vont à la surface ; le sucre se dissout. |
Le sucre semble prendre du volume
avec les cristaux qui sen détachent. |
|
F. - Oh oui ! regarde ! des produits ! regarde-là ! | Cette fois il tient à faire
part de son étonnement à son camarade et veut lentraîner à faire la même
observation que lui. |
|
P. Le sucre se dissout. | Cest la deuxième fois que
Philippe répète : « le sucre se dissout » comme sil prenait
plaisir à employer lexpression. Ne serait-ce pas un mot récent de son vocabulaire
quil tient à faire ressortir ? |
|
Une pause
marquant lobservation des enfants. |
||
P. Quand on secoue, cela forme des
tourbillons. Leau par rapport à celle de lautre verre est plus trouble, on
voit moins bien. |
Ils ont donné un mouvement de
rotation et leau tourne dans un des verres. Ils comparent avec leau calme du
verre resté sur la table (eau sans sucre). |
Cest
une deuxième découverte : le mouvement de rotation qui modifie la surface de
leau. |
F. On dirait une
« taire » qui serait dans le verre. On dirait comme de petits rochers. |
Le sucre qui se désagrège au
fond du verre rappelle à lenfant une taire (poisson) qui creuse le sable au fond de
la mer. Les petits cristaux de sucre sont pour lui des rochers. |
Imagination ! Non, Fabrice va à la pêche en mer avec son père. Il lie son observation du moment à ce quil a pu observer ultérieurement en dautres occasions. |
P. Oui ! des morceaux de sucre
se détachent. |
Les cristaux de sucre se
détachent peu à peu. |
|
F. On va mettre un peu deau du
verre dans lautre verre. |
||
P. On voit des morceaux de sucre qui
se dilatent
|
Ils ont ajouté dautres
sucres et brassé. Lenfant aperçoit les couches de densité différentes qui
flottent dans le verre deau : légère coloration. |
Le vocabulaire de base
quils possèdent suffit à peine à traduire verbalement leurs observations. Deux
autres enfants au cours dun même essai verront très bien la promenade des
cristaux. |
F. Comme si on mettait du citron
dans un verre. |
Cest une bonne comparaison
avec une observation précédente mais il ne donne pas dexplication. |
|
P. Cest le sucre qui se
mélange. |
||
F. L'eau qui se mélange |
|
|
F. Oh ! cest bien sucré. |
Ils goûtent des verres deau plus ou moins sucrée. |
Le kilo de sucre que je leur ai
donné sera sérieusement entamé à la fin de lenregistrement. Ils se seront
donnés loccasion de boire plusieurs verres. Cest un moment agréable ! |
P. Goûte donc par rapport à
lautre. |
Ils rient. |
|
F. Cest moins sucré. |
||
P. On va mettre un peu deau. |
Ils se donnent loccasion
den boire à nouveau. |
|
F. On voit comme des grosses bulles
puis cela se trouble. On secoue ? |
Encore des bulles ! Et cela
reste un constat. Aucun essai dexplication napparaît. |
|
P. On met le verre un peu penché |
Leau coule le long du verre
penché car ils la font couler lentement. |
Ont-ils déjà observé ce
phénomène ? Cest encore une observation quils mettent dans doute en
réserve. |
F. leau elle coule le long du
verre, puis elle tombe. |
||
P. - Tu as vu le verre ? Il y a des
petits morceaux de sucre collés dessus. |
Des petits cristaux de sucre
restent, en effet, accrochés au verre. Ils ont mis une grande quantité de sucre. |
Ils constatent un nouveau
phénomène. A la réflexion de Fabrice qui suit, on saperçoit quils ont bien
enregistré ce qui sest passé mais pas danalyse profonde sur les raisons
réelles de lapparition de ces cristaux. Je ne pense pas quils soient capables
de faire référence à dautres observations semblables faites ultérieurement. |
F. Oui cest tout à
lheure quand on a versé et maintenant le sucre est resté collé en haut. |
||
F. Les verres de loupe comme tu
disais tout à lheure ( ?) ça doit se faire avec deux verres et entre eux de
leau. Attends ! Je vais essayer, il me faut de leau propre. Le facteur
qui passe est bien plus gros quavant. |
( ?) je
ne comprends pas à quoi fait allusion Fabrice. |
Ils ont
donc abandonné « passagèrement » leur recherche avec leau et le sucre.
Leur attention est retenue par dautres phénomènes. Fabrice veut vérifier le
grossissement obtenu avec son verre rempli deau. Notons les phénomènes
optiques : * Le grossissement (comme
avec une loupe).
|
P. Fais voir !Ah oui !
Fais voir. Larbre, les arbres de chez la mère Brard ; ils sont vachement gros.
On va regarder le ciel. On dirait que le ciel est blanc mais les couleurs se mélangent
avec le vert. |
Ils
regardent les arbres dun parc dune voisine situé en face de lécole. Ils tiennent les verres dans
les mains et les orientent dans des positions différentes. |
Vérification par le camarade. |
Cest
la bouteille en plastique qui leur sert à remplir les verres. Il a repris un verre
deau sucrée très sucrée. |
* Les déformations
dimages Essai de comparaison avec conditions différentes : bouteille plastique remplie deau puis verre deau sucrée . |
|
P. On voit le vert qui se mélange avec le
rouge. Tas vu lorange et le rose se mélangent avec le vert. Ca fait une nappe
dorange, ça fait drôlement beau une nappe, deux nappes de vert et une nappe
dorange. |
Ils
regardent le vert des arbres et le rouge orangé des toits. |
* La superposition en nappes des
couleurs, les formes réelles étant déformées. |
F. Le sucre diminue de plus en plus.
Leau est de plus en plus trouble. Maintenant, tas vu ce qui reste du
sucre ? Il nen reste pas beaucoup à côté de tout à lheure. |
Combien de sucres ont-ils mis
dans un même verre deau. Ils nemploient que de leau froide. |
Ils sont donc revenus à la ligne maîtresse de leurs observations : le sucre dans leau : lentracte est passé. Est-ce le sentiment de navoir rien expliqué ? |
P. Tiens ! Regarde-là !
Cela sagite hein ! |
Par instants les cristaux de
sucre se détachent plus rapidement. |
Ils saperçoivent donc que
la vitesse avec laquelle les cristaux se détachent du sucre varie. Ils niront pas
plus loin. Encore un petit acquis à leur actif. |
F. Oui ! |
Fabrice répond mais il observe
autre chose. |
|
P. Il y a de moins en moins de sucre pourtant |
|
|
F. Peut-être quon voit pas.
Ce tantôt on avait mis une feuille et du sucre et de leau dessus. Regarde il y a de
grosses bulles. |
Ce « tantôt » veut
signifier tout à lheure. Je ne vois pas à quoi veut faire allusion Fabrice. |
Cette fois il a
limpression de tenir une explication concernant la formation des bulles. Ce
nest pas facile à expliquer. Il sappuie (une fois de plus) sur un autre
acquis visuel. Avant dexpliquer oralement il montre (par lessai) à son
camarade. |
P. Oui ! |
Philippe suit Fabrice dans son
explication. Par sa présence il laide même sûrement. |
|
F. Heu ! Oui ! Je sais
pourquoi, parce que, quand, je verse là
|
Il continue à montrer et à agir | Fabrice continue à soutenir sa
pensée en agissant comme si, lui-même avait besoin de se convaincre. |
P. Hein ! |
||
F. Tu vois là, le verre est sur la
table et puis là, le verre il est en lair. Il y a de lair puis leau
elle pousse lair dans le verre. Puis lair est enfermé puis, hop ! ça
repart en lair. |
Lorsquil verse de
leau sur un sucre, il apparaît des bulles dair. Lair contenu dans le
sucre est prisonnier de leau. Mais plus léger, il monte à la surface. |
Son
explication verbale est difficile à suivre même pour le camarade sui suit la
démonstration. |
P. Ah !
Peut-être ? |
Philippe nest pas
convaincu
et cest bien utile car Fabrice est obligé dapporter des
précisions. |
|
F. Mais si ! Cest comme si tu faisais tomber une pierre dans leau, tu verrais, il y aurait de lair : tiuc ! tiuc ! tu verrais, il y aurait des bulles qui sortiraient. |
A nouveau il emploie le rapprochement avec un phénomène connu. Nous avons suivi le chemin tortueux emprunté pour arriver à une petite explication. Les analogies sont certainement nécessaires pour que les enfants structurent leur pensée. On est tenté de dire quil est préférable dentendre une recherche dexplication venant denfants quune explication bien construite dun adulte. |
Cela peut paraître déroutant. Pourquoi brusquement ont-ils
abandonné provisoirement les observations avec le sucre ?
- Pensent-ils navoir plus rien à regarder de nouveau.
- Manque dattention prolongée ?
- Sont-ils saturés par la même observation ?
- Ont-ils limpression de saccorder une récréation en goûtant différentes
eaux sucrées ?
Il faut encore attendre la fin de
lenregistrement pour avancer un embryon dexplication.
De
toute manière il me paraît difficile de dire quils ont perdu leur temps ;
tous ces petits acquis leur serviront à nen pas douter par la suite lorsquils
auront à mener dautres recherches. Nous avons pu noter quils effectuaient
souvent des rapprochements pour essayer de comprendre ce qui se passait.
Un arrêt dans
lenregistrement. Philippe et Fabrice sont venus me retrouver à dautres
ateliers. Nous avons alors une courte conversation. M. vous avez terminé ? Ils repartent finalement avec de
lalcool et de lhuile. Ils se sont certainement mis daccord sur les
essais à faire dans le temps qui sépare larrêt de lenregistrement de leur
venue jusquà moi. Afin de rendre cette étude moins fastidieuse, jai établi
un résumé très fidèle des essais des enfants. On y note une structuration beaucoup
plus grande de la recherche facile à suivre. Voici dans lordre strictement
chronologique les faits : 1ère expérience :
sucre plongé dans lhuile ; ils obtiennent des bulles mais le sucre ne se
dissout pas. 2ème expérience :
sucre plongé dans lalcool ; il se dissout tout de suite. 3ème expérience :
huile, alcool et sucre ; le sucre ne se dissout pas. Ils trouvent une raison :
lalcool est monté à la surface. 4ème expérience :
huile, alcool, eau et sucre ; ils obtiennent une sorte démulsion quils
appellent oeufs à la neige. « Cest peut-être comme
cela quon fait la lessive » dit même Fabrice. Ils enregistrent une
argumentation sensible de la chaleur du contenant et du contenu. Pourquoi ce phénomène ? Ils
décident de continuer leurs essais. 5ème expérience :
alcool, eau, sucre ; pas démulsion. 6ème expérience :
alcool, eau, huile, sucre ; lémulsion se produit. * ils comparent ce quils ont
obtenu à la neige du Mont Dore où ils vont au ski. * ils prennent de « la mousse
blanche » sur leurs doigts * ils sentent * ils repèrent le placement des
liquides superposés : eau, alcool, huile. Ils viennent mannoncer
quils arrêtent leurs essais. |
Durant toute cette
deuxième partie, on retrouve les exclamations, les marques de létonnement et
peut-être plus denthousiasme. Leur motivation est plus personnelle puisquils
ont cette fois eux-mêmes ouvert leur voie de recherche. On retrouve des comparaisons
avec des phénomènes analogues (ou qui leur semble analogues). Une réflexion que jai
notée : « Lalcool va brûler les sucres » (Philippe). Une sorte de tabou :
lalcool brûle - cest lalcool
sui senflamme - cest lalcool
qui brûle la langue Lalcool doit brûler
le sucre. Cette fois leur recherche
est construite : les mélanges sont faits dans un ordre précis. Leur tâtonnement es
plus raisonné : ils vont éliminer puis reconstituer pour mieux observer. Cest
ainsi quils vérifieront quil leur faut les quatre éléments pour obtenir une
mousse blanche et laugmentation de chaleur. Cest un procédé que jai vu assez souvent employé
par les enfants dans dautres cas. Cest lintroduction dune
variable, puis de deux
qui permet lanalyse partielle dun phénomène.
Mais par des enfants entraînés à chercher. En cours de chemin ils ont
encore effectué des observations en marge de leur domaine principal de recherche : - le grossissement apparent
du doigt à travers le verre rempli deau, - la superposition des
liquides. Lenregistrement a duré vingt minutes. Aucune suite ne sera donnée à leur travail : pas de présentation à la classe, pas de croquis Ils écouteront lenregistrement en ma présence ; cest ce qui ma permis de mieux suivre leurs manipulations. |
En classe unique | ||||
Une
classe unique. Onze élèves (dont quatre maternelle) dans le bocage vendéen. Christophe, Sonia : C.E.1 Philippe, Landry : C.E.2 Nathalie, Jérôme : C.M.2 Une grande salle de classe. |
||||
Un matin,
à lentretien
Parfois la discussion démarre sur une remarque. Je prends des notes rapides que je
relis de temps en temps et que je relis aussi parfois aux enfants
|
||||
Tous les
dialogues qui suivent sont des notes prises à ces moments. Ils ne suivaient pas :
dautres remarques et discussions sintercalent entre eux. |
||||
Nathalie Moi, jai remarqué que leau dans le sable, ça coule et dans la terre ça coule pas. | Nous sommes dans une
région où il y a des étangs. |
Perméable Imperméable | Nous
ferons des essais avec toutes sortes de matériaux (tissu, plastique, sable, terre glaise, |
|
Philippe
- Si, ça coule dans la terre ! Christophe Ce nest pas
vrai, tas quà voir aux Ardias que cest de la glaise. Nathalie Ce que je comprends
pas cest pourquoi un bateau ça coule pas et une planche, ça coule
quand on
monte dessus. Philippe Quand cest lourd
et en bois, ça coule pas. Christophe Pourquoi que les
bateaux en fer ne coulent pas ? Isabelle Le bateau est plus
lourd, il devrait couler. |
||||
Dominique Il y a des
bateaux qui coulent pas parce que les voiles les entraînent, ou le moteur, ils ont pas le
temps de couler. |
Dominique reviendra sur
cette donnée à propos des avions (rôle de la vitesse). |
Laprès-midi et les jours suivants, nous ferons
des tas dessais. |
Les
enfants chercheront à savoir si ça dépend de : Mais ces quatre
suppositions napparaîtront quaprès de très nombreux essais. |
|
Dominique
Ca dépend quel bois. Sil est léger comme le liège ça coule pas. Christophe Les bateaux en
papier, quand ils sont mouillés, ils coulent. Philippe Les bouteilles de
plastique, ça coule pas. Christophe Tiens, ça mon
ptit pote quand elle est pleine, elle coule. Dominique Ca dépend, si elle
est pas complètement remplie. Christophe Une gomme, ça
coule. |
||||
Philippe
Les règles en bois ça coule pas parce que le bois est léger, ça dépend du
bois. Christophe Si on prenait une
grosse, grosse planche et quon faisait un trou au milieu, je sais pas si elle
coulerait. |
Notion de densité. Le mot nest pas dit,
bien sûr. Je leur apprendrai ce mot plus tard. Christophe fait intervenir
la masse et la forme en même temps. Il en faudra des essais où ils feront
varier ces données pour quils puissent être en mesure de posséder des éléments
de réponse. |
|||
Jérôme
Ben si, elle coulerait. Christophe Ca, ça
métonnerait. Nathalie Ce que je ne comprends
pas cest quest-ce que lair ? Ca ménerve. |
Référence culturelle qui intervient ici non comme un
élément constructif de recherche, mais comme un moyen déviter la question. « air » :
ambiguité du vocabulaire. Pour Christophe : air = espace à avion. |
|||
Jérôme Ben si, lair ça nous fait vivre. Moi tu ne réponds pas à la
question de Nathalie, quest-ce que cest lair ? Christophe Moi ce que je ne
comprends pas cest comment ça peut voler un avion. Sonia Nous, avec des ailes on
vole pas. |
||||
Jérôme
- Si on court, pourquoi on vole pas. Nathalie On est trop lourd pour
senvoler. Christophe Ben et
lavion ? Dominique Cest le moteur
qui fait avancer lavion. (rôle de la vitesse, voir discussion précédente). Philippe Tu disais quon
vole pas avec des ailles mais les oiseaux, eux, les oiseaux, ils bougent les ailes, mais
pas les avions. |
- la vitesse ? - la masse joue un rôle |
|||
Nathalie Cest peut-être lair qui les fait
voler. Christophe Ca va pas toi ! Philippe Si, quand il y a du
vent des fois, ça fait voler les feuilles. Jérôme Comme quand je suis en
vélo et que vais à toute vitesse et que le vent est derrière, je suis prêt à
menvoler. Christophe Ah oui, toi parce
que tas un grand vélo aussi. Philippe Oui, ben si ça
souffle par devant aussi, ça freine. Nathalie Quand on court vite
des fois, on sent lair ça nous freine. Philippe Cest comme quand
on fait tourner un bâton à toute vitesse ça siffle. Sonia Quand on saute aussi, on
le sent lair. Christophe Si tu veux faire
péter un ballon, tu le gonfles beaucoup, beaucoup, beaucoup, lair se met partout et
quand il peut plus loger ça pète. Jérôme Moi, jai
remarqué quavec une pompe à vélo, si on bouche le trou au bout et quon
enfonce, ça force et si on lâche ça part dun seul coup. Philippe Cest lair
qui résite. |
Cest Nathalie qui fait cette remarque. Cest
elle qui avait posé la première question. Elle y avait déjà réfléchi. |
|||
Toutes ces remarques (et il y en aura
dautres !) qui reposent sur leurs observations, leurs expériences, faites à nimporte
quel moment ont pour but de prendre conscience de ce quest lair.
Leur sens, leurs observations antérieures, alimentent leur réflexion. |
Après maintes autres observations, on énoncera quatre
données. à il
résiste (vélo)
à il peut faire du bruit (bâton)
à on peut le faire bouger (éventail) |
|||
On essaiera des tas de fois. Les enfants mettront un
capuchon de stylo sur le manche pour le faire voler en lair. Ils constatent que
lair « peut prendre moins de place » (on peut le comprimer) et utilisent
cette découverte. Je leur parlerai de la carabine à air comprimé. |
||||
Philippe Pourquoi, quand jouvre un robinet, ça
coule fort et quand jouvre les deux, les deux coulent moins fort. Christophe Lautre robinet
prend de leau au premier. Philippe Ils partagent. Jérôme Je sais, je vais faire
un dessin, je sais comment cest chez Philippe. Leau qui arrive va dans les
deux robinets. Nathalie Je reviens aux
bateaux. A la Barre de Monts, ils ont fait un bateau en ciment, il fait 10 kg et il coule
pas. Cest parce quil est creux. Ca dépend de la forme. Landry Si on prend un verre
droit et quon enfonce il veut remonter à la surface, ça force. Christophe Ca je le sais,
cest parce que leau résiste. Philippe Cest vrai, tu
sais quand on avait mis la pierre dans la mare*, eh bien elle était moins lourde dans
leau, parce que leau la pousse. Cest comme quand on marche dans
leau avec des bottes, leau pousse les bottes. Christophe Tu prends un
couvercle de soupière et tu lenfonces, il remonte en vitesse. Jérôme Leau résiste et
fait remonter les objets, y a longtemps quon le sait. Philippe Ah oui ! Et la
pierre, elle remonte la pierre ? Jérôme Non mais ça la pousse
quand même. Sonia Si tu mets le verre
dune autre façon, il coulera. Philippe Cest vrai. |
|
Nathalie
change de discussion. Dans sa tête : eau à bateau et elle repense aux remarques antérieures.
Ici, elle « rumine » les expériences faites sur les objets qui coulent. Nous
avions convenu que la forme jouait un rôle. Elle éprouve le besoin de le redire
et son affirmation est un peu une remise en question. Très souvent les enfants éprouvent
le besoin de refaire leurs expériences. Les enfants feront cette expérience pendant plus
dun quart dheure. Ils remarqueront que des bulles séchappent quand on
incline le verre et la poussée sarrête. Des tas dobservations sur les bulles
seront énoncées (chambre à air dans leau, les poissons
etc). |
||
Sonia
Quand leau va dans le verre, ça fait du poids et il coule. Landry Jai essayé avec
un verre en plastique, il coule pas. Philippe Jarrive pas à
comprendre moi. Landry Tas vu il reste de
lair dans le verre, leau ne va pas jusquau bout. Jérôme Cest comme avec
la pompe à vélo, tu te rappelles on peut pas pousser le manche jusquau bout et il
revient dun seul coup. Cest lair qui est tassé et qui le renvoie. ** Landry Là, cest
lair qui est dans le verre qui le fait remonter peut-être. Philippe Ca y est, jai tout compris, tas raison Landry, cest lair, regarde. Leau tasse lair et lair pousse le verre vers le haut, comme dans la pompe. |
Pourquoi ici Jérôme repense à la pompe à
vélo ? Cest peut-être lexpression « jusquau bout »
que lon a beaucoup employé en manipulant la pompe qui le fait penser à ça. ** rappel. Expérience faite
au moment des discussions sur lair. La remarque de Philippe est acceptée à lunanimité, avec un grand soulagement et le sentiment dune découverte. Lair résiste, il peut exercer une force. Ils lavaient dit, ils lavaient senti, mais là ils le découvrent encore. |
|||
Christophe Jai une remarque à faire. Quand je vais
chercher de leau pour la peinture avec la bouteille où y avait de la citronnade, eh
bien quand je mets le robinet dans le goulot, au bout dun moment leau coule
moins vite. Jérôme Cest parce que
tu tournes le robinet. Moi tous les jours je vais chercher du vin à la barrique pour les
hommes et cest toujours pareil. Philippe Cest que le
robinet prend toute la place. Lair est coincé. Mais il devrait rester avec
leau. Nathalie Lair ne peut pas
pousser leau parce que leau cest liquide. Philippe Lair résiste
alors, il peut pousser leau. Landry- Oui, mais lair peut
passer à travers leau. Nathalie Si le goulot prend
toute la place, lair restera dans leau. Landry- On pourra pas la remplir
toute, sinon ça passerait par-dessus. Le bouchon sautera. Nathalie Si on renverse la
bouteille, lair sera dans leau, il ira à lautre bout. Philippe Je comprends pas
comment lair traverse leau. Nathalie Et si on remplit toute
la bouteille. Christophe Oui, on peut remplir
toute la bouteille parce que y a des tuyaux aux robinets et lair va remonter
dans le tuyau et ira dans le puits. Après il sortira par la plaque. Jérôme Il ne peut pas sortir
par la plaque. Il ny a pas de trou, autour et le crochet est fixé dans le ciment. Christophe Si, y a des petits
trous autour, cest jamais complètement bouché, et même, de toute façon
lair le débouchera. Philippe Lair peut
sortir, mais peut rentrer aussi. Jérôme Quand il pleut,
leau rentre dans le puits par les petits trous. Nathalie Quand on est dans le
cimetière, il y a des petites bêtes minuscules qui nous mangent. Elles creusent. Il peut
y avoir plein de trous quon ne voit pas. Si on prend un rond avec de lair
dedans, sans trous, est-ce que lair peut sortir, est-ce que lair peut passer
quand même. Philippe Jai rien
compris. Fais un dessin. Nathalie Sans compter les
petites bêtes ou les petits trous, lair peut sortir, il peut passer partout. Landry Lair peut bien
passer à travers la terre, mais pas à travers la pierre. Nathalie Les fantômes passent
bien à travers les murs, pourquoi que lair pourrait pas passer aussi ? Jérôme Les fantômes ça
existe pas, mais lair si. |
Cette remarque sera refaite quand on se servira
dun entonnoir pour transvaser des produits photo dans une bouteille. On sort avec la bouteille pour vérifier. La constatation de Christophe est vraie. |
Lobservation, le tâtonnement sont bien des actions de tous les moments. Ce questionnement est permanent, cest « plus fort que lui », lenfant cherche. Regardez-le faire rouler son crayon sur la table : il cherche. Mais cette recherche peut bien passer inaperçue. Pour quil y ait
résistance, il doit y avoir une force de réaction. La difficulté est de comprendre
pourquoi lair contenu dans la bouteille et qui est comprimé, peut empêcher
leau de couler, puisque lair peut passer à travers leau. |
||
Un jour, je leur apporterai un niveau. Ils contestent la
réalité. |
||||
Nathalie
est beaucoup intriguée par les microbes. Elle a arrêté de sucer son pouce parce
quelle avait peur den avaler. |
Approche de linfiniment petit. Densité de la matière.
Les enfants sentent quil y a des éléments plus « serrés » que
dautres. Cest une nécessité de toucher, de soupeser, de caresser, de casser
(pierres, bois
), de tailler
des objets pour le sentir. |
Nous apportons maintenant des
documents montrant des recherches telles quelles se sont passées dans le contexte de vie
dune classe.
Nous pensons que dans lessentiel
nous retrouverons une démarche voisine de celle que nous avons analysée jusquà
cette page.
Nous avons choisi de faire le compte rendu de recherches prises
dans des classes de niveau différent puisque cela sétale de la maternelle au
C.M.2.
En classe maternelle (grande
section)
1-
Alors que je surveillais la récréation des
enfants, Olivier et Sylvain minterpellent/
- « Hé ! la maîtresse on joue
au manège ». |
- Allez-y, je vous regarde ». |
- « Tiens, ça fait un rond dans le
sable » remarque Olivier. |
- « Nous aussi on voudrait jouer au
manège » |
Pendant ce
temps, un enfant étranger au jeu du manège, avait pris une brindille et dans le sable
reproduisait le même mouvement et annonce : « Moi aussi ça fait un
rond. »
Le jeu découvert par Olivier suscite
un intérêt et beaucoup denfants y jouent mais peu sont étonnés et intrigués par
la trace laissée dans le sable ; si bien que lorsque nous rentrerons en classe,
seule une dizaine denfants poursuivront la recherche. Les autres nen sont pas
pour autant exclus mais ce nétait pas leur recherche, ils nétaient pas en
état de recherche, leurs préoccupations étaient autres aussi ils ne sy associent
pas.
Je propose alors :
« Si on essayait den faire avec autre chose que du sable lorsque nous serons
en classe ».
1-
En classe.
Un groupe dune dizaine
denfants part à la recherche du matériel : règles, bâtonnets, peinture,
papier
Chacun essaie de retrouver « le
rond ».
3-
Quelques jours plus tard Mathias en mettant ses
doigts dans les trous de chacune des extrémités dun jeu de mécano remarque :
- « Je le fais tourner et ça fait comme le rond dans le sable ». « Les
hélices des hélicoptères ça fait pareil aussi ».
La
communication de notre recherche na pas été faite à la classe, non pas parce que
le groupe de chercheurs sy soit opposé mais parce que les autres enfants ne se sont
absolument pas intéressés au travail.
Si Mathias
fait le rapprochement entre ce quil décrit dans lespace avec son mécano et
ce quOlivier a décrit dans le sable avec son rondin cest parce quil
avait participé à la recherche en classe ; de même que les enfants qui se sont
intéressés à la recherche avaient déjà perçu dautres images analogues :
mouvement
du rondin à manège qui tourne
mouvement du mécano à hélice qui tourne
traces des bâtonnets
à aiguilles de la pendule.
En maternelle lenfant raisonne très souvent par
association dimages et didées.
DEUXIEME
RECHERCHE
Au début de lannée scolaire, je mets en place dans ma classe de grande section de maternelle, des ateliers permanents auxquels chaque enfant a accès, la seule règle de vie étant : chaque outil et chaque matériau utilisés, doivent être nettoyés et rangés après usage et des ateliers semi-permanents que je dirige ou semi-dirige en fonction du vécu de la classe. | Cette
structuration rigoureuse mapparaît pratiquement obligatoire pour quune vie
sorganise dans la classe compte tenu dun espace restreint, dun mobilier
encombrant car mal adapté, dun nombre denfants beaucoup trop important ;
elle est cependant pesante parfois et lorsque jai essayé denlever ses
structures, la vie de la classe sest désagrégée, et la situation a tourné au
grand DESORDRE générateur dappauvrissement, ; cependant je remarquai que
lorsque le nombre denfants dans la classe diminuait, cette nécessité de structures
tombait delle-même et il métait alors possible dindividualiser
davantage le travail. |
|
Samedi matin, 12 mars 1977, peu denfants en classe, vingt sur trente, je les laisse organiser leur matinée : au bout dune demi-heure la répartition est la suivante : - un groupe de six discutait, saffairait autour de latelier dessins, puis sy installe, - un autre groupe de six décide demblée de jouer à « sur quelle case » (jeu collectif), - trois
enfants se retrouvent au coin déguisement, - quatre
enfants discutent entre eux. |
Larrivée des enfants se
faisant très progressivement ce matin-là, je remarquai leur comportement : soit ils
allaient vers des camarades et discutaient soit ils allaient terminer un travail à un
atelier. |
|
Mathias fait le tour des groupes, regarde, écoute, entre un peu dans les discussions, puis me crie : « Jveux faire deux ptits bonshommes en marionnettes ! », et sans attendre quoi que ce soit de moi, il récupère tous les outils nécessaires une paire de ciseaux, de la colle, du papier tapisserie, sinstalle à latelier bricolage et commence ses petits bonhommes. | Les quatre enfants qui discutaient entre eux, entendent Mathias, se regroupent autour de lui et vont peu à peu sintégrer à son travail. Tony minterpelle : « Regarde !! la maîtresse, je tiens bien pour que ça sèche ! » et il ajoute : « Comme çà Mathias peut couper lautre », il tenait entre le pouce et lindex la jambe et le corps dun petit bonhomme. Sylvain dit : « Tiens avec ça on pourrait faire une couronne, ce serait un roi ! ». | Je fais un
signe de tête affirmatif à Mathias, me trouvent à ce moment-là, à lautre bout
de la classe en train de fixer le déguisement dune petite fille. Mathias était un enfant
bagarreur et le fait quil réunisse autour de lui des enfants non pour
« attaquer » ou pour se battre mais pour travailler à une réalisation
commune fut déterminant pour son intégration dans la classe, ses rapports avec les
autres changèrent : ce ne sera plus Mathias le chef et le bouc émissaire mais
Mathias qui a fait des marionnettes avec Tony, Sylvain etc. les liens noués dans le
travail ont été très forts. |
Mathias accepte que ses petits bonhommes
deviennent un roi et une reine et la nouvelle équipe sactive et chacun
saide : « Passe-moi la colle », « Tu veux me tenir la tête
et la couronne, », « Tiens bien, cest pas sec
attention ! tu
bouges ». |
||
Environ une heure après, Mathias brandit
deux petites marionnettes et tout sourire aux lèvres vient vers moi :
« Regarde jai fabriqué deux marionnettes, un roi et une reine ». Tony
avait fait une dame, Jean-Michel avait fixé un brin de laine au bout dune branche
de peuplier. Cyril et Sylvain avaient aidé et se sentaient solidaires de la fabrication. |
Je propose alors : « si nous allions en salle de projection faire jouer nos petites marionnettes de la même façon que nous faisons jouer nos doigts sur le mur éclairé par le projecteur ! ? » Aussitôt dit, aussitôt fait. | Tous les enfants se sont regroupés autour de
Mathias, ils ont été conquis par la joie de Mathias, joie qui venait de la réussite
dans la réalisation de son désir. |
Mathias avec ses marionnettes |
Les autres groupes avaient
cessé leurs activités et appréciaient le travail de Mathias et de ses camarades. |
Jinsiste sur le fait que les camarades de
Mathias ne lui disputent pas le devant de la scène » car ils ont conscience
de l importance du moment pour Mathias. |
Tous ensemble nous sommes donc partis en salle de projection. Mathias tenait avec précaution ses marionnettes, les autres enfants lui faisant place. | En salle de projection le groupe sinstalle de manière à ne pas gêner Mathias, lui laissant un maximum despace. | |
Jallume le projecteur,
sur le mur apparaît lécran lumineux. |
||
Mathias dun pas décidé va se placer
à deux centimètres de lécran (panneau n°1) ; perplexe, Mathias recule
sans mot dire et il va se placer près du projecteur (panneau n°2). |
-
« Cest tout petit » |
Au cours de cette recherche pour obtenir
lombre sur lécran, je ne suis absolument pas intervenue car tous les enfants
se sont impliqués entièrement et tous attendaient consciemment ou non que la réussite
soit celle de Mathias (les rapports étaient Mathias à ses camarades) |
Silence de Mathias. Il
regardait ses copains comme pour sexcuser de cette double déception et en demandant
de laide. |
Silence des enfants. Frédéric, enfant très timide, utilise le silence et dit : « si on est près de lécran cest trop petit ; si on est loin de lécran cest trop grand et on voit mal » Isabelle interrompt sa démonstration et dit : « il faut se mettre là », elle indique une position centrale sur une ligne allant de lécran projecteur. |
|
Aussitôt Mathias se précipite à la position indiquée, mais cette fois-ci il ny a reine sur lécran (panneau n°3). | Frédéric reprend
la parole à la faveur dun nouveau silence : « Pour quon voie
lombre des marionnettes, il faut se mettre en face de la lumière ». |
|
Mathias recherche le rayon et aussitôt lombre apparaît ; elle est un peu floue. Mathias avance ou recule lavant-bras jusquà temps quil obtienne une silhouette nette. |
Ses camarades laident dans son
tâtonnement : |
|
Tony, Jean-michel se joignent à lui avec leurs marionnettes, Mathias manipule le roi, donne la reine à Cyril et ensemble montent une scènette. | -« On dirait du cinéma » dit Bruno. «
« Oui, mais nous, on voit pas bien » disent les spectateurs. |
Ce qui apparaît important pour les enfants cest quils puissent voir les ombres de leurs marionnettes, ce quils recherchent ce nest pas : pourquoi une ombre? mais : comment une ombre? et lorsquils lont enfin obtenue, leur curiosité sarrête là ; peut-être chercheront-ils à savoir le pourquoi en dautres circonstances mais ce jour-là il leur suffisait davoir résolu le comment. |
En grande section de maternelle 22 mars 1977
REPRESENTATION DE LA SITUATION Cest notre atelier eau qui est
en permanence installé dans la classe. Les enfants y travaillent avec des
bouteilles de toutes grandeurs, de différentes formes, en plastique et en verre,
quils ont apportées. On y trouve aussi un entonnoir, un tube plastique souple, des
pots de différentes formes, des bouchons,
|
Remarques de la maîtresseImportance de la
constitution coopérative dun atelier : lenfant sintéresse
dautant plus à latelier quil a participé à sa constitution.
Cest une façon de se projeter dans son expérience. |
|
Franck
a besoin de me montrer et de me dire ce quil a découvert. Il a déjà travaillé
plusieurs fois à cet atelier. Il a dû déjà constater ce phénomène. Pour un jeune enfant il faut de
nombreuses expériences répétées et parfois espacées dans le temps et dans des
conditions différentes pour quil puisse formuler sa découverte. |
||
10
heures Franck et Grégory travaillent à
latelier eau. Franck a pris une grande bouteille en
plastique vide et il la pose dans la bassine contenat de leau aux trois quarts. Puis il remplit cette bouteille à
laide dun entonnoir et dun gobelet et la remet dans la bassine
deau. Je lobservais de loin, je mapproche. Il me dit : « Cette
bouteille, quand elle est vide, elle tient pas dans leau, il faut appuyer dessus,
quand je mets de leau dedans, elle tient ». |
Intervention de la maîtresse La présence de la
maîtresse est une forme dintervention. |
|
Il
continue : « Quand elle est vide, la bouteille ne tient pas dans la bassine deau, elle tient sur la table. Quand je mets beaucoup deau
dedans elle tient droite dans la bassine ». |
||
Il prend
une autre grande bouteille en plastique. - « Avec une autre bouteille, cest pareil :
* elle tient pas dans la bassine, elle est vide
* je mets de leau dedans, elle tient pas encore. * maintenant elle tient parce que jai mis beaucoup deau. |
Intervention du
groupe classe - « Forcément, tu
nas pas mis assez deau », dit Aurélie qui regarde depuis un moment,
intéressée. Elle touche la bouteille
pour voir sil faut vraiment appuyer dessus pour la faire tenir droite dans la
bassine. |
Lexplication de lautre ne suffit pas. Regarder, avancer une
idée, ne suffit pas à Aurélie qui a besoin de toucher, de faire son tâtonnement à
elle. Elle reviendra peut-être
à latelier pour vérifier elle-même cette affirmation. |
Il prend une troisième grande bouteille en plastique. - «Celle-ci non plus elle tient pas dans la bassine deau, elle est vide. Je mets un peut deau, elle tient pas. Je mets encore un peu deau, elle tient pas. Jen mets encore dautre, leau arrive là, elle tient. Leau dans la bouteille arrive jusquà leau de la bassine, à la même grandeur ». |
Verse
leau doucement Franck Regarde où arrive leau Je précise (à la même hauteur, au même
niveau) |
Je pense que Franck va trop vite, quil
nobserve pas tout assez précisément (manque danalyse des éléments qui
influent sur lexpérience chez les enfants de cet âge), notamment le niveau de
leau aux différents moments de lexpérience. Ai-je eu raison
dintervenir ? Doit-on orienter, aider ? Franck recommence avec une
autre bouteille à chaque fois (importance de varier, de changer), il est très pressé de
voir sil arrivera au même résultat. Il se dépêche aussi parce quil tient
à ce que jassiste à toute son expérience (son regard en dit long). |
Grégory qui travaille à latelier depuis le
début regarde, écoute, tâtonne de son côté avec une toute petite bassine et une
petite bouteille de jus de fruit en verre. Il dit : - « La toute
petite bouteille vide tient dans la petite bassine, elle ne tient pas dans la grande
bassine ». - « Cest
quil y a beaucoup deau dans la grande bassine et pas beaucoup deau dans
la petite bassine ». |
Grégory navait encore rien dit. Il vient de découvrir un
phénomène qui complète celui découvert par Franck. Les expériences sont
faites dans des bassines peu profondes dans lesquelles les bouteilles touchent le fond.
Personne na pensé à utiliser un récipient plus profond (un seau par exemple). Mais il est intéressant de
voir que Grégory a entrevu une explication en faisant varier les éléments :
bassine et bouteille. |
|
Franck propose : - « On va faire tenir cette petite bouteille (de jus de fruit) dans la grande bassine ; elle tient, jai mis de leau jusquà leau de la bassine ». |
Au même niveau
(lacquisition du langage nest pas immédiate). |
|
Il rajoute ainsi, deux, trois petites bouteilles de jus de fruit quil emplit deau. | Aurélie est partie parce quelle ne peut pas
faire elle-même sa propre expérience. Grégory continue ses
tâtonnements à latelier, sans intervention. Les autres enfants
travaillent en atelier. |
Je nai pas
sollicité les autres enfants, occupés en ateliers, en raison de leffectif trop
important de la classe. |
- « Je prends celle-ci maintenant (une grande bouteille en plastique). Il lemplit de la même façon. Mais voici que la première grande bouteille placée se renverse maintenant : « Oh, elle tombe, comment ça se fait ? » Il la retient avec sa main. Il a un court instant, très peur que tout sécroule. Mais il entrevoit très vite une solution : « Evidemment jai ajouté une autre bouteille ! Les
autres bouteilles ne tombent pas, alors je vais rajouter de leau dans la bouteille
qui tombe ; elle tient maintenant. |
Le niveau de leau de la bassine est monté à
cause des nouvelles bouteilles mises et la première bouteille nest plus assez
lourde. Franck ne sattendait
pas à cela, il est très étonné, mais son étonnement est de courte durée, il
entrevoit très vite une solution. Franck ne me demande rien,
aucune aide, il cherche, il manipule, il veut faire et trouver seul. Le fait quil ne mait rien demandé tout au long de son expérience peut prouver quil a déjà vérifié de nombreuses fois ce résultat mais cette fois il a besoin de la présence de ladulte. |
|
-« Si jenlevais toutes les bouteilles et si je laissais que celle-là qui tombait ? » Il enlève les bouteilles et remarque que le niveau de leau
de la bouteille laissée dépasse celui de leau de la bassine. « Et oui Et Franck répète ce quil vient de constater, mais oralement seulement : - « Si jenlève les bouteilles ( leau de la
bassine baissera - « Si je mets les bouteilles
(leau de la bassine montera
cest le contraire ». Cest lheure de la récréation, les enfants sortent. - « Moi, je sors pas, je joue encore à leau »
dit Franck. |
Pourquoi répète-t-il ? Cest peut-être un
besoin, pour mieux comprendre. Ce travail dure depuis une
demi-heure. Franck va continuer ses
expériences, il ne semble pas fatigué, mais il nira pas plus loin dans la
découverte. Il y a eu présence
constante de la maîtresse au cours de cette recherche. Je voulais voir jusquoù ce tâtonnement pouvait aller, la façon
dont Franck le mènerait, et je découvrais en même temps lesprit de curiosité et
leffort constant de cet enfant qui est un enfant très remuant. Cet exemple pose le
problème de lattention que lon doit porter aux ateliers. Ici cela a été
possible mais au détriment des autres enfants. Comment faire autrement avec trente
enfants ? La pédagogie de léveil est nécessaire mais comment la mener avec
tant délèves ? |
|
Au cours préparatoire
Automne 72
Les enfants, tantôt lun,
tantôt lautre ont lhabitude dapporter des objets de toutes sortes pour
les montrer en classe. Par exemple : couvercle de bidon de peinture, coquillage
Ils savent que tout est accepté, regardé par la maîtresse et les camarades. Ce
matin-là, cétait donc un caillou.
Pourquoi Franck la-t-il
apporté ?
* La cause immédiate : son papa,
maçon, a fait venir des cailloux.
* les causes profondes :
-
nous sommes dans un pays de sable (côte sablonneuse dune) de terre argileuse
(marais) donc sans pierres
-
ce caillou était « beau » : gris, brillant, dur,
« exceptionnel »
-
cétait pour lui un objet curieux, valable pour être montré en classe.
Voici lalbum avec les
réflexions des enfants notées dans lordre telles quelles ont été émises.
1 Neuf heures : En début de
discussion il fait sombre, léclairage électrique fonctionne. |
2 Le brillant du caillou frappe
lattention des enfants. Marc est attiré par les reflets et rapproche son observation avec un mot : « diamant ». Il nen a jamais vu réellement. Peut-être à la T.V. ? Mais il sait pour lavoir entendu dire que cest une pierre éclatante. |
3 Première explication du brillant du
caillou. Cest un constat : léclairage électrique fait briller certains objets. |
4 La vérification de lexplication
est sollicitée par la demande dun changement de situation. Avec lintroduction dune
variable cette démarche de pensée est un pas vers lessai. La variable introduit
des modifications dans les phénomènes observés. Il se trouve que cette fois deux
variables se trouvent superposées ! La lumière est éteinte. |
5 - mais le soleil venait
dapparaître ! Deux variables ensemble
cétait trop pour les enfants. Ils ont admis lexplication de Franck. Pas dintervention de la
maîtresse (conversation libre). Cela montre combien lapproche de phénomènes
apparemment simples demande beaucoup de précisions et dattention. |
6 Sylvie cite dautres objets
brillants mais personne ne reprend lexplication de Franck ; cette dernière
était pourtant plus facile à appréhender avec le caillou dont les petites facettes en
mica renvoyaient nettement la lumière. Sylvie procède par
rapprochements : « Les enfants emploient souvent lexpression
« cest comme
» et citent des listes dobservations
référentielles ». |
7 Un vide dans la conversation.
Intervention de la maîtresse -« Doù viennent les
cailloux ? » Deux enfants apportent une
réponse : « connaissance-vocabulaire ». Mais ce nest plus dans la
recherche dialogue noté jusquà maintenant La
preuve est dans la page suivante, la question tombait à côté de la préoccupation des
enfants. |
8 Vincent revient au mot
« diamant » ; son papa peintre vitrier en possède un. Mais pour cet
enfant cest un outil qui na rien à voir avec la roche-diamant ; la
maîtresse explique que loutil porte ce nom parce quil possède une
extrémité dure en diamant capable de couper le verre et que cest ce diamant-là
qui est fragile. Même si la réflexion de Vincent a une attache affective, cet enfant reste « branché » sur lidée du brillant de la pierre et sur la valeur de celle-ci |
Un type de recherche en classe de C.M.2
Un type de recherche en classe
de C.M.2.
En suivant le déroulement des
essais relatés par les enfants on aperçoit la dispersion en « branches » des
diverses observations. Michel, Freddy et Christophe avaient de la peine à suivre ou à
mettre en place un raisonnement logique. Dès leur plus jeune âge, ils avaient demandé
beaucoup dattention de la part des maîtres.
Les rayons du soleil renvoyés
par un miroir éblouissant
* Ils ont commencé cela au
cours dune récréation.
Le miroir réfléchit la
lumière et donne une tache lumineuse sur le mur gris de la cour.
Les formes lumineuses obtenues
varient suivant langle de projection.
* Je les ai encouragés à mesurer : ils nont pas poursuivi.
Un miroir
peut-il faire brûler du polystyrène ? * Ils confondent leffet produit par une loupe avec celui obtenu avec un miroir. Un camarade intervient : cest ce qui explique la bonne représentation du chemin suivi par les rayons dans les deux cas. |
Ils
ont recommencé leurs essais avec du papier remplaçant le polystyrène. *Ils ont une impression
intuitive : le miroir ne renvoie pas que la lumière, il doit réfléchir la chaleur. |
|
La
mesure apparaît avec lemploi du thermomètre. * Je leur ai fourni un
thermomètre pour quils puissent enregistrer avec précision les variations de
température. |
Ils enregistrent une variation de
température thermomètre à lombre thermomètre au soleil. |
Ils « éclairent » le
thermomètre placé à lombre avec les rayons du soleil provenant du miroir. |
* A partir de ces essais ils suivent une ligne de recherche continue. Ils utilisent les comparaisons dans des lieux différents. | ||
Ils ont
recommencé un autre jour leurs essais. * Ils notent une variation
de la température ambiante (chaleur variable suivant les jours) et un effet semblable du
miroir. |
Ils
multiplient le nombre de miroirs afin dobtenir une montée de température plus
importante. * Pour ces trois enfants ce
nétait pas du tout une évidence. Ils nont admis vraiment le fait
quaprès avoir recommencé plusieurs fois. Linstallation était facile :
ils utilisaient les morceaux dun miroir cassé quils enfonçaient dans le
sable. |
|
La montée de
température est progressive. Michel sest souvenu
avoir vu une gravure avec beaucoup de miroirs : cétait celle représentant le
four de Mont-Louis. Ils liront avec soin la documentation que je leur ai fournie. Lors de la présentation de
leurs essais à la classe ils donneront des précisions sur le four solaire et son
fonctionnement. Voir BT2 14 : Pièges à soleil. |
Un deuxième type de recherche en classe de C.M.2
Le pourquoi de la recherche :
au cours dune récréation, des élèves ont pris une loupe dans la classe et
essaient de faire brûler du papier. Beaucoup denfants veulent essayer. Le groupe
dobservateurs se fait et se défait. Les essais se multiplient : ils
saperçoivent que la réussite est liée à la variation des distances séparant la
loupe du papier. Didier plus astucieux pensera à planter le manche de la loupe dans le
sable, à orienter correctement sa lentille par rapport au soleil : il lui suffit de
déplacer le papier pour trouver le point dinflammation. La récréation se termine.
Didier, accompagné de Sophie, vient me trouver. Didier (10 ans et demi) sera le meneur,
Sophie son aide. Il me demande sils peuvent faire une « expérience »
avec la loupe et une ampoule électrique. Aucune explication sur ce quils veulent
essayer. Mais Didier savait sans aucun doute à cet instant ce quil voulait obtenir.
1 Sophie et Didier ont résumé,
dans ces deux premières pages, les essais effectués dans la cour. |
2 * Leurs croquis sont bien
schématisés. La représentation des rayons aboutissant en un point est bonne. |
3 Didier avait sorti son double
décimètre pour mesurer. * Les mesures et les
observations enregistrées leur serviront pour la suite de leurs montages. |
4 Après être venus me
trouver : ils commencent leurs essais. * La chance a voulu que
lannée de cette expérience, je disposai dune petite pièce obscure dans
laquelle les deux enfants ont pu travailler tranquillement. A la demande de Didier je
lai aidé à monter une ampoule électrique sur un support. |
5 Sur ces pages 4 et 5, ils ont
observé limage à lenvers et pris des mesures. * Cest à ce moment
que quittant dautres ateliers je leur rends visite. Ce quils ont bu me paraît
intéressant mais ils sont pourtant déçus : « Le polystyrène ne brûle
pas ! mannonce Didier. Lessai (page suivante) avec le papier ne donnera
rien. Mais cest à cet instant que jai compris son désir : faire brûler
avec de la lumière ! |
6 Il est allé lire une B.T. sur
le Soleil mais il na pas eu une réponse à sa question. * Je suis incapable moi-même
de le renseigner et lui propose de remplacer le papier et le polystyrène par un
thermomètre qui pourrait indiquer une variation : rien ! |
7 Ils attribuent leur échec à la faiblesse de la
lampe. Ils me demandent le projecteur de la classe. Ils obtiennent une montée de
température de 1°. * Il est dommage, peut-être, de passer sous silence toutes les précautions quils ont dû prendre : tenir compte des distances (faisceau convergent sur le réservoir) des alignements, de la température ambiante. |
8 Une ampoule de 500 W va enfin
leur donner une montée de température probante : 4° C ; * Encouragés par leur
essai précédent, ils voulaient une lampe plus puissante. Cest une ampoule de
projecteur de scène qui sera employée. Les deux enfants sont
satisfaits et ils en parlent beaucoup à leurs camarades. |
Didier est certain quant à lui que la
lumière produit de la chaleur. Moi, pas ! Cest pour cela que le doute
apparaît à la fin de leur compte rendu. Il ne faut pas en rester là. Didier prépare un
petit résumé des essais et lenvoie à Monsieur Rumebé, ingénieur physicien au
Palais de la Découverte. La réponse (ci-contre) ne laisse aucun doute sur la validité
de leurs expériences. Lhypothèse du départ, la lumière peut brûler, ressentie
par Didier puis vérifiée sans détours était correcte. |
Tout au long des réflexions
portant sur les documents, nous avons situé la part du maître. Les interventions ont
été placées dans lordre chronologique des faits. Aussi nous pensons inutile
dy revenir maintenant. Par contre dautres points qui apparaissent moins (ou
pas du tout) jouent un rôle dans le comportement de lenfant.
-
LORGANISATION COOPERATIVE DE LA CLASSE
Elle permet la présentation
des recherches des enfants à leurs camarades, la discussion, les rebondissements
didées, les vérifications, les hypothèses nouvelles. Elle donne loccasion
de se rendre compte que des enfants ont plus de difficultés que dautres à
coordonner leurs trouvailles, à structurer leurs idées. Il est évident que
lutilisation du F.T.C. programmant une série dexpériences pourra aider le maître conscient dune aide
nécessaire à certains enfants.
- LACCUEIL FAVORABLE
DES CAMARADES A LA PRESENTATION DUNE RECHERCHE
Elle joue parfois un rôle
important dans la prise de conscience de la personnalité de lenfant placé devant
le groupe. Surtout pour lenfant adroit mais qui a de la peine à sexprimer
oralement. Il faudrait encore vérifier, bien sûr, mais il semble bien que lenfant
qui a monté une expérience, fabriqué un objet se sente plus à laise pour
sexprimer et que lauditoire soit plus attentif du fait de la présence
dun support matériel. Petit à petit lenfant valorisé par le groupe-classe
prend mieux conscience de ses moyens et augmente ses efforts pour mieux présenter, mieux
écrire, mieux sexprimer.
- LES
ECHECS On est tenté de dire :
existent-ils vraiment ? Et surtout ne sont-ils pas nécessaires ? Deux enfants ont fabriqué une
« voiture » à vapeur (propulsion à réaction). Au cours des essais, la
machine a pris feu. Voici ce quils ont remarqué (daprès mes notes) : - la voiture navançait
pas : rapport poussée-poids du véhicule ils ont mis en cause :
les roues qui tournaient, mal,
les matériaux employés
la quantité deau employée. - comment éteindre le
feu : ne pas employer de leau (alcool enflammé), ils sont allés chercher du
sable. La fin de lannée ne
serait pas arrivée, ils partaient sur un autre montage, forts de lexpérience
manquée. |
- LA REPONSE A TOUT
Des phénomènes, des
connaissances échappent aux enfants. Pourquoi pas ? Laurent et Christophe ont
cherché autour deux tout ce qui pouvait donner de lélectricité. Je vous
laisse lire le brouillon de la lettre écrite à Paris et la réponse de Monsieur Rumebé.
La sincérité de cet ingénieur face à la demande des enfants est très importante. Des
adultes cherchent encore et toujours et ne peuvent pas tout expliquer.
Si les enfants sont curieux
(et la B.T.R. numéro 21 ne manque pas dexemples) ils aiment aussi des réponses
mais pas obligatoirement celle du « je sais tout ». La sincérité leur
convient aussi bien et les encourage tout autant.
- LA
REPRESENTATION DESSINEE Les enfants, partant de faits
qui les entoure, pour évoquer des remarques vont souvent employer une représentation que
nous appellerons »totale » de leur observation. Voici lexemple dun
dessin de Jacques (C.M.2) Tout y est :
lherbe, le personnage
Finalement la remarque
apportée dans lobservation est noyée dans un contexte complexe de représentation. |
|
Au contraire,
dans lexemple ci-contre Jacques a schématisé à lextrême ses observations. Quatre mois se sont écoulés
entre les deux représentations. Il lui arrivera par la suite
de faire apparaître des détails inutiles mais il a déjà fait un pas important dans la
schématisation explicite. |
- LE
PASSAGE DU CONCRET AU REEL Lenfant est curieux,
observateur, chercheur mais il na quune approche « concrète » des
phénomènes. Cette approche parfois suffit (nous avons vu des exemples) mais parfois elle
est insuffisante. Lenfant pressent que quelque chose lui échappe (exemple de
lélectricité) et il veut connaître. Cest ce qui arrivé à Philippe avec
une recherche patiente, acharnée et précise portant sur des gouttes deau. Il avait en particulier
remarqué, noté, dessiné avec soin : - que la mine dun crayon
posée sur une goutte deau « attirait », leau si on soulevait le
crayon légèrement, - que les gouttes deau prenaient une forme de petits globes en tombant
dun tube, - que si on approchait deux
gouttes près lune de lautre elles semblaient sattirer et nen
formaient quune, - lépaisseur des gouttes suivant leur importance etc. |
|
Ses
observations minutieuses étaient justes. Il a très bien perçu le
phénomène dattirance mais le stade du « concret » ne suffisait pas. Il
fallait atteindre le stade du « réel », chose
impossible dans une classe, et parler « molécules ». Une fois
de plus le courrier sera employé. Christophe posera ses questions et attendra patiemment
la réponse : la lettre ci-contre. |
- LA DOCUMENTATION
Les enfants ne découvrent pas
tout à partir des manipulations et des observations. Ils ont bien souvent besoin de
prolonger leur acquis par une documentation. Nous avons vu que la correspondance pouvait
jouer un grand rôle. Mais elle nest pas la seule : les B.T., les livres sont
parfois bien utiles.
Manuel a cherché comment un
sous-marin pouvait senfoncer dans leau. Mais il avait besoin den savoir
davantage.
Manuel a tenu reproduire les
croquis et les explications trouvés dans une page dun livre de sciences. Il a su en
retirer ce qui lintéressait et répondait à sa demande : cest important
et fait partie dune certaine démarche logique dans la recherche.
Nous sommes tentés de nous
demander si le maintien de la curiosité et de la recherche en sciences fait que
lenfant a une démarche semblable dans dautres domaines. Voici deux
exemples :
* Des plans du P.O.S. ont été exposés en mairie. Nous
sommes allés visiter lexposition. Les enfants ont eu envie décrire ce
quils pensaient de leur commune. Ils ont demandé à participer à
lexposition. Accord donné. Un album de textes et des lettres ont été disposés
sur des panneaux. Voici trois modèles.
* Une école neuve doit se construire dans la commune.
Des plans ont été conçus par les enfants. Voici deux brouillons de plans.
Après discussion
Nous avons échangé nos remarques après avoir écouté et lu nos documents. Puis il nous a paru intéressant de résumer nos observations.
* Mis à part quelques cas particuliers, le fait de parler est un point dappui, un élément indispensable à la réflexion des enfants. Les exclamations sont fréquentes. Les enfants cachent difficilement leur enthousiasme et leur imagination. Avec un « si » et partant dune simple observation ils inventent souvent une autre situation.
* Dans leur tâtonnement, ils emploient en premier la vue, puis le toucher (main), le goût, parfois lodorat, plus rarement louie. Il lui faut avoir vu ladulte lemployer pour se servir enfin de la sensibilité de la peau (exemple : peau du visage pour la chaleur dun objet).
* Lenfant doit refaire souvent la même expérience avant de lavoir assimilée suffisamment pour en donner une explication.
* Très souvent il fait des rapprochements inconscients et spontanés dès quune apparence danalogie semble surgir. Lenfant ne distingue pas les différences physiques ou chimiques ou il ne retient que limpact visuel de première apparence (faisant concordance) laissé dans sa mémoire. Exemple : de la taire et du sucre. Pourtant il semble bien que ces liens qui se créent entre tous les faits dobservation soient nécessaires à la bonne mise en place de son raisonnement. En somme des expériences sensibles seront des points dappui constants pour le cheminement de sa pensée.
Ceci étant noté et vérifiable dans nos comptes rendus de documents, nous avons ainsi mieux saisi le cheminement dun enfant en recherche. Prenons le point de départ dune recherche : nous avons vu combien l peut être varié : question, objet apporté
Le point de départ se trouverait prolongé sans arrêt après que lenfant ait fait ses réflexions, quil ait apporté ses questions et ses suppositions. On sest aperçu que ce cheminement sappuyait sur les références personnelles de lenfant, références qui lui serviraient de déclic. Plus ses références sont nombreuses, plus la faculté, plus
ses possibilités de compréhension des phénomènes semblent grandes. |
Les recoupements (involontaires sous semble-t-il) alimentent en permanence sa réflexion et permettent de professer dans la recherche en direction dun point daboutissement (exemple : fin première partie sur le sucre).
Lenfant commence à abstraire quand ses points dappuis (références) et ses recoupements sont suffisamment nombreux. Il possède alors un réel sur lequel il peut sappuyer. En somme il sest « repéré » dans lensemble des coordinations. A lexamen des documents il semble bien que la capacité dabstraction napparaisse que par à-coups.
Avec le sucre (on peut en ajouter) |
Avec le bateau |
Nous avons écouté un long enregistrement. Il retransmettait les paroles dun maître et dun enfant. Le maître essayait de faire trouver à lenfant laugmentation de masse dun verre deau recevant un sucre. En somme la séquence relatait des comportements semblables à ceux qui apparaissent dans une leçon traditionnelle habituelle. Nous pensons pouvoir résumer la séquence par un schéma :
Mise en place de lexpérience à effectuer par lenfant (matériel
présentation
)
Cela nous a mené à pensé que bien souvent les programmations de fiches dans différents secteurs (art physique français ) sont articulées en fonction de la demande de ladulte (dernier croquis) et non en fonction du comportement de lenfant (croquis précédents).
¤
Lenfant nest pas neutre par rapport au monde qui lentoure. Il se pose des questions et cherche des réponses à ces questions. Cette recherche est une action de tous les jours qui se fait souvent à notre insu.
Il est naturellement intéressé et sa réflexion est alimentée par ses sensations, ses observations, ses expériences antérieures et aussi par ses lectures, les réponses quil a déjà pu obtenir.
- Tout le monde connaît le « Dis, maman, pourquoi ça » qui a fait lobjet de tant de sketchs et histoires « drôles ». Il est la manifestation de ce questionnement permanent de lenfant qui est souvent bien peu aidé dans sa recherche par le monde adulte, qui, bien au contraire, lui impose souvent un savoir tout fait inodore et insipide, bien en dehors de ses préoccupations personnelles, des questions quil se pose ; et petit à petit ce savoir inculqué entrave cette recherche personnelle fondamentale, seule source du véritable apprentissage, seule voie vers un savoir véritable et moyen de formation scientifique.
¤
- Il faut dire que le questionnement de lenfant apparaît souvent comme déroutant et bien compliqué alors que notre esprit adulte a appris à classer, ordonner, répartir les connaissances, ce qui devrait faciliter, apparemment, par un enseignement bien conçu, bien programmé, la satisfaction des questions que se posent les enfants. Mais il faut être adulte pour percevoir la réalité avec tant de recul et lenfant, lui, vit ce monde et si son questionnement est complexe cest parce que le monde est complexe.
- Lenseignement tend aujourdhui à isoler les phénomènes pour les expliquer, mais il est physiquement impossible disoler un phénomène (quand un enfant regarde bouillir de leau dans une casserole, il observera les bulles, le reflet de son visage dans la casserole, la vapeur ) et bien dautres choses encore.
¤
Cest une démarche intellectuelle qui suppose quon fasse abstraction des phénomènes annexes qui laccompagnent. Cette démarche est une démarche dadulte car elle exige un acquis suffisamment important qui permette de classer les observations faites en deux catégories :
- celles qui concernent le phénomène étudié
- celles qui ne le concernent pas.
Cette démarche est impossible à lenfant qui appréhende le monde dans sa globalité, comme il se présente à lui. La démarche de lenfant vers la connaissance nest pas rectiligne, elle est divergente, et elle le sera dautant plus que son champ dexpériences sera limité.
Lenfant a besoin dun nombre dacquis indispensables à un âge donné pour quil puisse être chercheur et créateur. Un conditionnement dû à un milieu familial ou à un milieu social (cf. filles déjà citées) conduit lenfant à un manque dacquis ou un bagage suffisant ou pour le moins aidant de références et dessais. Puisque nous vous transmettons des documents disons quils sont le reflet du comportement de la majorité des enfants de nos classes. Parmi ceux qui naiment pas observer et chercher nous avons trouvé
- des enfants venant dun milieu familial peu ouvert à lapprentissage manuel et plus axés sur les lectures,
- des enfants attachés à leur famille seulement par un lien matériel : le manger, le sommeil
En somme des enfants manquant dacquis qui nont rien à voir obligatoirement avec des acquis scolaires.
1. Consiste dabord à ne prendre que sa part, cest-à-dire prendre conscience et faire en sorte que cette attitude de recherche se déroule aussi en dehors de lécole.
2. Au départ dun travail dans ce sens, il faut savoir quon est souvent rééducateur avant de redevenir éducateur, donc il faut :
* inciter ) apport de matériel
* favoriser ) fiches F.T.C.
* provoquer ) réserver des moments
) laisser faire les recherches tous azimuts.
3. Dans une classe où le travail de recherche existe, le maître peut intervenir différemment.
( enfant : - doit préciser sa pensée
il faut ( - doit ordonner ses remarques
favoriser ( - devient plus critique sur ses affirmations (interventions des autres)
le rapport ( - la discussion permet déliminer une partie des suppositions fausses
oral (
( maître : le moment de prendre des notes
à
mettent en évidence des recoupements
à
Ces notes permettent des interventions a posteriori qui peuvent relancer lintérêt ou permettre de débloquer une situation. On peut revenir sur ce qui a été dit, reprendre des thèmes de réflexion qui peuvent avoir été « noyés » par dautres observations.
¤
Ladulte ne doit téléguider la recherche pour aboutir à un résultat quil pressent (en fonction de ses propres connaissances) à travers la démarche de lenfant.
Par contre, il me semble quil doit intervenir pour permettre daboutir à des résultats « à froid »
- par la mise en parallèle dexpériences (utilité des notes)
- par lapport dinformations précises (livre )
- par des apports personnels qui peuvent compléter et consolider des éléments de réponse des enfants (apport dune carabine à air comprimé, dun niveau de maçon - voir avant ).
Il est nécessaire assez souvent de « souffler » à lenfant occupé par ses observations : « Prends ton double-décimètre pour mesurer » ou « Prends une balance » pour quil ait des vérifications précises ; Il emploie peu les mesures de façon spontanée. Cette remarque nous conduit à la suivante.
¤
Les enfants en recherche ont besoin de disposer du temps nécessaire. Lenregistrement pris dans son intégralité a duré vingt minutes sans aucune intervention humaine extérieure. Les deux enfants nont pris aucune note, aucun croquis. Les recherches menées ordinairement en classe sont formées de durées variables étalonnées de vingt minutes à trois quart dheure : avec prises de notes, de croquis, regroupement de matériel, discussion. La recherche peut durer huit à dix jours de classe. Mais il ne faut pas prendre ces données chiffrées comme des valeurs absolues. Les conditions de travail matérielles et leffectif de la classe peuvent modifier bien des comportements.
¤
Malgré lintérêt que nous portons à la recherche chez lenfant nous ne pensons pas que le fait dêtre curieux, chercheur pour un enfant et que le fait de lui donner les moyens de répondre à ces états le rendent moins apte à la poésie ou le prive de sentiments. Mais ce nest quà partir dune documentation fournie quil sera possible de le prouver et dapporter toutes les nuances nécessaires.
¤
Nous avons voulu que cette étude soit la transmission la plus complète possible de documents pris dans les classes. Les propos, les dessins des enfants sont ceux que nous détenons. Les réflexions que nous avons faites ne conduisent pas systématiquement à des théories, même quand il y a essai dexplication de la part des maîtres.
Nous savons que ces documents demandent dautres documents et quil est nécessaire dapprofondir bien des points
Action du milieu familial
Action du milieu social
Si seulement,
- nous avons provoqué chez le lecteur le doute qui le fera observer davantage ses enfants,
- nous avons suscité la naissance de questions
Tant mieux !
Nous aurons ouvert la voie à de nouvelles B.T.R.
Le point de vue du psychologue
En bonne pédagogie Freinet, on considère dans cette BTR que le plus court chemin pour former au raisonnement de type scientifique nécessite un long détour par la parole « naturelle » de lenfant, et peu importe si elle est confuse, laborieuse, pauvre ou envahissante. Nathalie évoque les vers du cimetière pour expliquer le passage de lair par des trous qui existent mais quon ne voit pas Chaque enfant sengage à sa manière dans un circuit dassociations libres où il se réfère à son expérience quotidienne. Autrement dit, on convient que lenfant a dabord besoin daccoucher de sa façon pré-scientifique de voir le problème.
Contrairement au préjugé des adultes, lenfant a en effet toujours une information personnelle sur la question, quelle soit appropriée ou hors sujet. Elle fonctionne à la fois comme écran qui bouche laccès au savoir objectif et comme médiatrice qui, par la question irritante quelle pose, en rapproche. Il faut donc la mettre au dehors de si, se la donner à parler, pour que le langage puisse faire sur elle son travail, cest-à-dire la situer dans lespace où se fait la recherche du savoir juste. Alors que lenseignement traditionnel tient pour négligeable et puérile cette information pré-existante ou, à la rigueur, dans ses formes les plus libérales, lui donne un coup de chapeau récupérateur, ici, cette parole est mobilisée à fond, délibérément.
Mais pour créer quel type de relation psychologique à la classe et au savoir ? Pour quels résultats pédagogiques et psychologiques ?
¤
Au risque de surprendre, je dirai que toute classe traditionnelle ou Freinet fonctionne dans le cadre de lécole élitiste, comme un champ dont le rôle est de mettre chacun en rapport avec un autre champ, transcendant celui-là, mystérieux, de type religieux, qui est le champ de la Loi, du savoir des autres, de la culture des autres. De ce champ supra-scolaire, qui est la raison dêtre, le donneur de sens symbolique du champ scolaire, proviennent toutes sortes de formes dérivées de la Loi, selon les matières : théorèmes en mathématiques, règles en grammaire, lois en physique-chimie
¤
La classe traditionnelle fonctionne exactement sur le modèle de la famille patriarcale. Non pas, comme on le dit ordinairement, parce que lenseignant et le père de famille se comportent en chefs, mais parce que ce sont des courroies de transmission dans le cadre dun culte de type totémique reliant à des ancêtres fantasmiques, dépositaires de savoirs, véritables potions désignées comme dispensatrices de pouvoirs sociaux (en gros, les secrets distribués devenus anachroniques, sont les codes-écriture, calcul, géographie, sciences qui ont permis lavènement du règne de la bourgeoisie marchande à la fin du Moyen Age). Quen est-il de lenfant dans ce double champ, dont seul lun est visible ? La loi lui est « assénée » et il est un récepteur, coupable ou valeureux, selon sa soumission aux sources de force totémiques.
Dans le champ scolaire Freinet décrit ici, la classe renvoie à un type de famille, probablement plus rurale quurbaine, plus artisanale quindustrielle, où enfants et parents sont des producteurs associés et où existe une façon, respectueuse mais démystifiante, de dialoguer avec le champ de la Loi et du savoir. Ce qui me frappe le plus, cest de voir comment ces enfants de CM1 et CM2 recréent un « chez soi » en classe par leur façon de disposer de lhuile, du sucre, de lalcool, des instruments ménagers, daller à la fenêtre, de parler de la vache de la mère X, du facteur. Bien sûr, lessentiel du climat vient de limportance institutionnelle accordée à lopinion de chacun du statut qui lui est fait de porteur de savoir et de réinventeur en puissance. Mais il y a aussi le temps prévu pour lerreur et le tâtonnement, la sérénité des rythmes, le fait que la parole de lun senchaîne à celle de lautre autour dun objectif commun. Bref, on change le sens du rapport au savoir par la façon dont on fait entrer lenfant dans le champ supra-scolaire, castrant, de la science établie. On dé-castre ce champ dans la mesure où lon organise, comme ici, un champ scolaire de type familial où lon prend en compte les besoins doralité, de complètement affectif, de valorisation narcissique de chacun. Ce qui nexclut nullement un climat de confrontation collective au problème. Dans cette approche, lappareil culturel cesse dêtre pour lenfant un monument étranger qui va lécraser.
Dautant plus quune autre particularité de ce mode daccès au savoir consiste en un déplacement de lobjet du savoir. Ce nest jamais seulement sur le phénomène extérieur que lenfant sinterroge mais, en même temps, sur le savoir naturel, spontané quil croit posséder de ce phénomène.
La priorité nest donc plus donnée au monde impersonnel des autres, vu par les autres, comme dans les livres qui parlent de « la » plante , de « l »homme, de « l »animal. Ici, lenfant oppose un monde qui est le sien, concret pour lui, où il sagit de « son » expérience, de « son » imagination du travail des microbes, de « sa » pompe à vélo. Le problème pédagogique devient donc celui de linvention de modalités de passage entre ces deux mondes. La double question du maître, cest : a) comment faire pour que lenfant explore et élucide à sa façon son propre territoire pré-scientifique en fonction des lièvres quil y lève ; b) quelles passerelles aménager pour, de là, lamener au monde et au langage des « savants » ?
¤
Troisième particularité : si on relit le discours des enfants, on voit quils pensent pour le plaisir de penser. Ils cherchent moins à expliquer linvariance de la qualité de sucre ou à rassembler des conclusions précises sur les problèmes de perméabilité du sol quà en parler et à faire des expérimentations papillonnantes, là aussi, en associations libres. Bien sûr, lenfant est capable, quand il entreprend des constructions et des recherches, de donner la priorité au but à atteindre. Mais dans ses cheminements pré-scientifiques, il adopte souvent une mentalité de non-rentabilité, de non-menée à terme de son questionnement qui irrite ladulte et constitue même pour certains enseignants un véritable scandale. Et là aussi, la pédagogie Freinet ne fait pénétrer dans le monde des raisonnements adultes de type efficace et responsable quen laissant se développer autant que nécessaire des modes de questionnement et de raisonnement de lenfant largement hétérogènes à ceux de ladulte.
Au total, on saperçoit que toute appropriation de savoir est loccasion dun conflit interne chez lenfant. Apprendre, cest au préalable, opter entre deux statuts sociaux ; entrer dans le territoire des adultes et accepter dintérioriser leurs motivations, leurs pratiques, leurs théories, ou bien se maintenir dans son camp denfant immature, tantôt denfant parfaitement mûr mais méfiant envers le monde adulte et dont il serait dangereux dattiser trop précocement lopposition à ce monde. Lhétérogénéité de la composition de la classe fait quil y a des enfants capables de sinstaller très rapidement dans la position d adhésion au monde adulte alors que pour dautres, très nombreux, cest contre nature, une auto-violence à sinfliger.
Il ne sagit pas seulement dun conflit au niveau du cognitif entre des systèmes opératoires de la pensée, comme la psychologie génétique piagétienne le suggère, pas seulement dune non-intégration suffisante du point de vue de lautre en tant que condition de la pensée opératoire de la réversibilité, mais dune lutte à lintérieur des enfants en mal dadhésion scolaire où le rêve du statut duel et de la famille première idéalisée perçu avec son cortège de désappointements ou quand il a été vécu par lenfant comme le trahissant, linvestissant mal, ou source de top lourds problèmes pour lui.
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Dans sa façon de négocier ce conflit qui conditionne lacte dapprendre pour ceux qui ne sont pas les bons élèves, la pédagogie Freinet a-t-elle raison de refuser la bousculade, limpatience, la logique adulte-tout-de-suite ? A-t-elle raison de ne pas tomber dans le piège, dans lénorme contre-sens de ceux qui utilisent les expériences de Piaget dans la direction du dépassement le plus rapide par lenfant, de la pensée syncrétique, alors quelles sont faites pour rappeler au respect des structures spécifiques de la pensée enfantine ?
Il se trouve que je viens de montrer ce projet de BTR à un universitaire renommé pour être brillant philosophe et scientifique efficace. Première réaction après une lecture dont il admet quelle est oblique : « Ces enfants bavardent comme des bergers de lAntiquité ou des paysans sur les phénomènes de la nature. Cest pittoresque mais peut-être as sans inconvénient. Il y a un aspect « science du café du coin » qui personnellement me plairait beaucoup mais qui risque de ne jamais rattraper la science telle quelle est ».
Je lui demande de penser moins aux bons élèves quà ceux qui forment la cohorte des « largués » depuis le C.P. jusquà la fin du CES et pour qui un avenir manuel ou de technicien rend encore plus nécessaire lutilisation de la science.
Deuxième réaction : « Peut-être faut-il en effet que ces enfants commencent par leurs bavardages pour pouvoir écouter le nôtre. Moi aussi, jai dû refouler un premier mouvement dirritation pour faire de la place à une attitude plus réfléchie. La philosophie bachelardienne du « non » cest aussi lacceptation de laisser monter en soi limaginaire non-scientifique. Et pas seulement pour sen débarrasser après lavoir formulé, mais pour le laisser fonctionner à lintérieur de la pensée scientifique elle-même comme un ferment qui réunit des données qui semblent sans lien entre elles. Mais je maintiens mes réserves, il y a une transmission à assumer, on ne réinvente pas la science et on ne peut éviter un certain formalisme dans cette transmission ».
Cest un problème de stratégie. Faut-il faire comme la mère qui corrige les fautes de français de son enfant de trois ans dès quil ouvre la bouche ou participer de bon cur à sa joie de bafouiller en sachant que cest la condition pour quil accède le moment voulu, à un langage châtié ? Autrement dit, faut-il faire suivre dune leçon de science très structurée chaque occasion de philosopher sur les mystères de fonctionnement de la nature ?
Pourquoi pas, avec ceux que çà ne rebute pas.
Mais pourquoi ne pas envisager également, conformément à ce que nous enseigne la psychologie génétique, que les enfants qui ont du mal à assimiler les explications de type scientifique dun certain niveau dabstraction, commenceront par sen approcher à la manière décrite ici, puis poursuivront par des réalisations concrètes, voire des prises de décision, autant que possible en contact avec ceux qui appliquent la science, et nauront à se confronter que bien ultérieurement au langage des opérations formelles. Et sils nen sont pas capables à ladolescence, ils nauront pas tout perdu et dautres voies techniciennes dont on ne les aura pas dégoûtés prématurément leur resteront ouvertes.
Cela correspond à une conception étalée dans le temps de lapproche scientifique. Et cette B.T.R. ne prend tout son sens que comme premier temps dune démarche qui doit parcourir toute la scolarité.
Mais ne soyons pas naïfs. Lil surmoïque qui nous regarde du champ supra-scolaire, fait que nous sommes tous culpabilisés voire foudroyés dès quil est question de toucher au tabou de lappropriation obligatoire, rapide et littérale, du savoir. On est criminel si lon propose, par exemple, que le français et le calcul cessent dêtre des enseignements « prioritaires » à lécole élémentaire.
Pourquoi cette angoisse apocalyptique ? Est concerné rien moins que le statut dappartenance de lenfant aux adultes, leur désir de le dresser vite, de lui administrer vite la preuve de leur puissance, le besoin de revivre vite leur scolarité au travers de celle de lenfant pour la réparer ou en re-jouir.
Autrement dit, paradoxalement, une véritable approche populaire de la science à lécole implique dabord que soient dénoncés les mécanismes qui expliquent linvolontaire et inconsciente collusion avec lécole élitiste, des parents qui y ont le plus à perdre.
Jacques LEVINE
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