Le
Nouvel Educateur Documents n°218 Supplément au numéro 21 de septembre 90
Pratiques pédagogiques
par le secteur
"Maternelle" |
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Télécharger le texte au format RTF compressé Sommaire Une pédagogie centrée sur l'enfant |
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Ont collaboré à ce dossier Jean Astier - Sylvie Becchino -
Jacqueline Benais - Nicole Beme - Laurence Destrade Solange Durand -Émilie Faure -
Paulette Germain - Jean Roucaute - Denise Roux - Florence Sabathé - Annie Solas -Claire
Vuillequez et l'équipe de l'école maternelle des Béalières 38 - Meylan.
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Introduction |
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Une
pédagogie centrée sur l'enfant Rythmes biologiques
Il en résulte que, dans un premier temps, les repas seront
servis en deux lieux distincts. Une salle qui sert d'atelier pour le primaire et qui est
située dans les locaux de la maternelle (c'est l'ancienne salle de jeux coupée en deux,
une partie pour le repos, une partie pour le primaire) servira de restaurant pour la
maternelle. Ainsi les petits passeront directement de l'école à ce restaurant, puis ils
feront la sieste à 12 h 30 dans la nouvelle salle de jeux attenante aux anciens locaux.
Le second local de sieste déjà en service sera occupé à 13 h 30 par les enfants
n'ayant pas dormi chez eux. Cela rend possible les arrivées échelonnées de ceux qui
préfèrent dormir chez eux. Les enfants qui ne veulent pas dormir, y compris certains CP,
sont pris en charge après le repas par l'ASEM pour des activités calmes, histoires,
dessins... L'ASEM est totalement déchargée du ménage, une autre personne s'occupe de la
sieste de 12 h 30. * ASEM : assistante d'école maternelle. Cela n'aboutira pas, faute de moyens financiers mais le projet
reste à l'étude. Parallèlement, notre expérience de coucher les enfants tout de suite
après le repas comme le préconisait le docteur Delormas n'est pas une réussite. Salle
trop grande ? Pas assez sombre ? Nous revenons à une sieste à 13 h 30 dans le local
initial. Quitte à revoir nos positions, respecter les rythmes biologiques
des enfants (alternance repos-mouvement) a été possible grâce à la participation de
tous les partenaires de l'école et cela dans une structure non figée s'adaptant avant
tout à l'enfant. Besoins affectifs Rémi Benjamin écoute, lui, dont les parents vont peut-être se
séparer. Rémi arrive donc. Intégration facile. Je propose une
correspondance avec la maîtresse de Toulon. Que puis-je faire d'autre, sinon apporter des repères à cet
enfant qui ne sait guère où il habite ? Je conseille au père de fournir à Rémi un
agenda personnel, où il cochera quand il est à Toulon et quand il est à Herbeys. C'est
reconnaître sa situation difficile. Nous montrons que nous le comprenons. La correspondance proposée n'aura aucun écho auprès de la maîtresse de Toulon. Rémi s'adaptera, comprenant que tous les adultes n'ont pas les mêmes façons de travailler. Celle qui ne trahissait pas - en rapportant à un enfant, devant sa mère, les griefs que
celle-ci avait eus contre lui à un moment précis... essayant « d'arranger » les choses
et... outrepassant ainsi mon rôle d'institutrice pour me substituer à celui de la mère,
enlevant par là-même un espace de liberté à l'enfant qui ne m'avait jamais montré cet
aspect de sa personnalité. Au papa de Julien, qui, le mardi soir précédent, me demandait
comment se comportait son fils, j'avais pris soin de dire, devant celui-ci, que je le
trouvais dispersé, avec des tendances à beaucoup se dissiper (Noël peut-être... ) et
que je lui demandais de faire un petit effort.
Des règles de vie dans la classe - des problèmes affectifs - de la gestion du travail - de la gestion matérielle de la classe - de nos projets. |
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Le repas sera entièrement réalisé par les enfants : salade de
riz composée, gâteaux au jambon, glaces au chocolat et sorbets aux trois fruits.
L'escargot sera peint sur du carton par les enfants. Chaque enfant tous niveaux confondus,
réalise donc une ou plusieurs fiches correspondant à chaque case. J'écris le nom de
l'activité (nécessité d'une bonne lisibilité), les enfants inscrivent le numéro
correspondant et dessinent l'activité. - un travail coopératif à tout moment : former des équipes
différentes pour chaque projet, mise en commun des idées, élaboration collective du
programme de la journée, du menu, - une expression orale reconnue - un travail vrai ; - un travail de lecture ; recettes, fiches d'activités ; - un travail en mathématiques : calcul des quantités
d'ingrédients nécessaires en fabriquant ceux-ci en pâte à modeler, numérotation des
activités ; - une approche de la gestion du temps : repères sur le
calendrier, organisation de la journée, répartition pendant les dix-huit jours des
travaux à faire, et pendant la semaine pour la préparation du repas ; - un travail sur l'espace avec le repérage des maisons de chacun
dans le village ; - une expression plastique : peinture de l'escargot, dessin des activités sur les fiches. Il est difficile de demander à de jeunes enfants d'organiser
seuls une journée (difficultés à mesurer le temps et les contraintes) et la part du
maître reste importante avec des enfants de maternelle. Mais leur donner la parole, leur
permettre d'exprimer leurs idées et essayer d'en tenir compte, leur expliquer pourquoi
telle proposition n'est pas réalisable, n'est-ce pas un pas vers la démocratie et le
respect de l'enfant ? Correspondance avec la RoumanieDébut décembre 1989 : notre village a été jumelé avec
un village roumain grâce à SOS Village roumain. Cela est paru sur le bulletin municipal.
A un entretien du matin, je parle de la Roumanie et de mon voyage fait en 1982 dans ce
pays. Je le situe sur le planisphère constamment exposé à la portée des enfants, dans
le couloir. J'ai l'habitude d'y placer des repérages pour qu'ils situent les pays dont
nous parlons et ce qui peut y être rattaché (la photo d'une camarade qui est retournée
au Canada, un nid venant de l'île Maurice, une carte postale de Tunisie, envoyée par
l'un d'entre eux, etc.). - on devrait leur écrire, - leur envoyer des dessins, - des jouets...
Une éducation pour la réussite Illustration d'une histoire pour J Magazine Les premiers jets se font souvent au stylofeutre. Parfois, nous
faisons des recherches. Par exemple, la dernière fois, pour l'histoire de la grenouille :
« Ben moi, jsais pas dessiner une grenouille. »
Un coin sonoreen section des petits - un magnétophone permet l'enregistrement des productions
sonores (voix, découvertes individuelles ou collectives...) ainsi que l'écoute de
cassettes introduites par moi-même ou par les enfants. Cela donne à tous la possibilité
d'aller à la rencontre du monde sonore : comptines, chansons enfantines, extraits
musicaux divers (classique, jazz, folklore, opéra, musique contemporaine, variétés...)
poésies, bruitages... ·
d'enrichir les perceptions auditives du « petit » en lui
permettant de faire, au fur et à mesure de ses tâtonnements, des discriminations de plus
en plus fines et de l'amener «naturellement » du SON vers la MUSIQUE, de la phase de
découverte ou de défoulement à la phase d'expression musicale, de création ; ·
de permettre à l'enfant de découvrir et de différencier des
sons produits par diverses sources sonores ; ·
d'aider le jeune enfant à se repérer dans le monde sonore; ·
de développer la créativité et l'expression (verbale-musicale)
par le jeu libre, le tâtonnement, le plaisir.
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Accès
à l'autonomie Autonomie en maternelle : un tableau pour les ateliers Ce tableau présente plusieurs avantages : 1. grâce à lui, on voit d'un coup d'oeil la répartition des
enfants dans les ateliers, et on ne perd plus de temps à savoir qui a choisi quoi ; 2. on n'a pas besoin de le refaire chaque fois que l'on change
les ateliers, puisqu'il suffit d'effacer les croix et de recomposer son « programme
» avec les cartes mobiles. NB : en principe, pour effacer les croix, un simple coup de chiffon suffit. Toutefois, si elles ont séché, on peut utiliser du White Spirit ou de l'essence de térébenthine. Dans notre classe, nous avons décidé ensemble d'une convention : si un enfant n'a pas terrniné son travail dans un atelier, il fait une croix au feutre rouge dans le tableau. Le jour suivant, il doit se réinscrire obligatoirement dans cet
atelier (il a priorité sur les autres enfants). Une fois son travail terminé, il efface la croix rouge et la
remplace par une noire. Ce système permet de voir qui n'a pas terminé son travail et
d'éviter que des travaux commencés ne soient jamais finis. Nota : En haut du tableau des petits dessins que nous ne
reproduisons pas ici illustrent les noms des ateliers. |
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Des conditions
pour la réussite
Construction d'une mezzanine - 60 m² pour trente-cinq enfants de trois ans ; - fenêtres de type « Jules Ferry » à 1,20 m de haut : pas de
regard sur l'extérieur, pas de possibilité de mettre des plantations à hauteur des
enfants. Un seul point lumineux : la portefenêtre réservée au coin-bibliothèque ; - pas de place pour installer un coin-marionnettes permanent :
les castelets installés provisoirement sont monopolisés par les plus hardis, et les
timides qui en auraient le plus besoin n'y ont pas accès librement ; - impossible d'installer un coin-magnéto : il y a trop de
passage et d'agitation au sol... - gain de place au sol ; - dégagement du seul espace lumineux à ras de terre, pour y installer élevages et plantations ; - mise en hauteur, et au calme, de la bibliothèque et
possibilité d'aménager au même endroit un coin-magnéto ; - possibilité, grâce à un simple rideau disposé entre deux
piliers, de disposer d'un coin marionnettes permanent et d'accès facile. - plan d'une mezzanine en bois inspiré de la BTJ n°268* ; - projet de financement basé sur la vente de calendriers
imprimés par les enfants (sérigraphie, papier à la cuve...). Si chaque famille arrivait
à vendre dix calendriers à 10 F, j'aurais les 3 000 F nécessaires à l'achat du
bois ; - appel aux bonnes volontés et aux diverses compétences pour
travailler le bois et monter la mezzanine. L'accord fut général, et un papa a proposé les services
bénévoles d'un copain menuisier... Inattendu ! - le papa bricoleur avec son ami menuisier, - les parents qui ont vendu les calendriers et aidé aux
finitions (poncer, traiter le bois, placer un filet de protection et la moquette), - les enfants qui ont fabriqué les calendriers. |
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« Un joueur de guitare perdu dans la forêt vierge entend un
éléphant qui s'approche : affolé, il s'enfuit en abandonnant sa guitare. L'éléphant
la trouve, en joue, et tous les animaux de la forêt viennent l'écouter. Mais un
perroquet jaloux s'en empare et l'emporte à travers ciel jusqu'à Paris où il finit avec
elle dans un zoo. » Nous recevons d'un aveugle une lettre en braille et cherchons un
moyen pour lui répondre (des dessins en relief, un essai en braille, un domino tactile
... ). Nous travaillons en profondeur, sur l'acceptation des races
différentes. Les petits Arabes mettront quinze jours à trois semaines avant d'apporter
fièrement des photos, objets, vêtements et musiques de chez eux. Des mamans tunisiennes, marocaines, algériennes se mettent
ensemble pour nous faire un gigantesque couscous. Là aussi, nous dansons et écoutons musiques et chants arabes. En peinture, après avoir travaillé la forêt, les gammes de
vert, nous travaillons sur le désert, les gammes chaudes, ocre jaune... Nous survolons la mer, le bleu et la France les vues d'avion, le
plan, Paris... Puis nous construisons des décors, masques, totems, arbres. |
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Part du maître
Accueillir : il est primordial d'accorder la
place qu'ils méritent aux travaux d'enfants trop souvent négligés et considérés comme
parasites du « vrai savoir ». L'activité « naturelle », au sens d'« habituelle
», de l'enfant est riche car elle est mue par la volonté de l'individu. Elle exprime ce
qu'il est, ce qu'il désire. Elle est révélatrice de ses motivations comme de ses
capacités. Elle est le substrat naturel de qui veut travailler avec l'enfant. Aussi, nous
travaillons avec les productions, les créations des enfants. Stimuler : lorsque le mécanisme de création est
grippé, notre rôle consiste à le relancer grâce à de petits artifices, des
stimulants. Ces stimulants sont de deux ordres : celui de la recherche et celui du
narcissisme. Nous pouvons stimuler les enfants... en les gratifiant pour leurs initiatives
mais aussi en leur faisant pressentir des champs de recherche excitants qui leur sont
encore étrangers. Valoriser : la valorisation a pour fonction
fondamentale de signifier à l'enfant sa place originale et indispensable dans le groupe.
Elle est un outil de narcissisation. Elle consiste à pousser l'enfant à prendre place au
sein du groupe. Elle tend à le rassurer quant à ses capacités et devrait le conduire à
des démarches toujours plus assurées, le sécurisant afin qu'il ose, de lui-même, se
lancer dans l'exploration hardie de terrains inconnus. Induire : l'enfant ne peut pas tout réinventer.
Pour lui faciliter la tâche, l'éducateur l'aiguille, l'informe. Ceci consiste en un
savant dosage de laisser-faire et d'intervention de la part de l'éducateur qui doit
intervenir ou se taire au moment opportun. Confection d'un album Décloisonnement entre la classe des petits et celle
des grands. L'après-midi, les petits étant moins nombreux (sieste
à la maison ou à l'école) un groupe de grands, par roulement, va travailler chez ma
collègue. Atelier proposé : Découpage-collage de petits morceaux de papiers
colorés pris soit dans des catalogues, soit dans du papier-affiche pour remplir des
surfaces représentant des dessins faits par les enfants. Ainsi se trouvent représentés
des chevaux, des escargots, des maisons, un train, une tente et une énorme araignée,
selon l'inspiration des enfants, au bout de deux ou trois séances. Je propose alors : « Et si on inventait une histoire pour savoir ce qui
arrive à tous ces animaux ? » Regroupement de tous les enfants et des
découpages-collages. « Il était une fois une grosse araignée... » L'histoire est partie. Très vite des idées fusent de
tous côtés : « L'araignée, elle habite dans un château. Elle
fait peur à tout le monde. - Oui, mais elle a des copains : le cochon,
l'escargot... -Et si la tente c'était une tente d'indien ? -Il est où l'indien ? S'il arrivait en
train !... » Très rapidement l'histoire se construit oralement avec les
différents personnages déjà créés. Je prends des notes. Il manque des accessoires. « Qui fait quoi ? » « Si l'indien arrive en train, il faut faire
les rails sous le train. Qui sait faire ? » - Et l'araignée, elle est dans une toile. Qui se
sent capable de réaliser parfaitement la toile ? » Au gré des compétences, et des désirs, les rôles
sont distribués. Les enfants qui ne se sentent plus concernés ont déjà décidé de
faire autre chose qui ne demande pas mon aide. On se rend compte qu'il faudra refaire les
« héros » de l'histoire plusieurs fois. Des commandes sont passées auprès de la
collègue pour les jours suivants. Avec les volontaires (dix environ) on monte l'histoire
feuille par feuille, mon rôle consistant à écrire le mieux possible, sous les
personnages, l'histoire dictée. « Il était une fois une grosse araignée... qui
habitait dans un château sur une colline près d'un village. -Moi, je fais la colline avec l'herbe. -Et moi, des fleurs qui poussent... » Chaque page ainsi « fignolée » viendra s'ajouter au
reste de l'histoire. Ainsi on essaie d'aller jusqu'au bout du mieux que l'on peut dans le
détail, la beauté, la précision, pour que le texte, au vu de l'illustration, soit
immédiatement retrouvé. Affichée en bande dessinée dans la salle de jeu, les
enfants tous réunis ayant retrouvé l'ordre, on la relira souvent. Plus tard, on
l'enlèvera et, avec une couverture reliée et cousue par la dame de service, cela fera un
bel album que l'on prêtera aux correspondants. L'important pour que cela « accroche » : Les enfants doivent savoir, dès le départ, que leur
histoire fera un livre et qu'ainsi elle sera reconnue. D'où une écriture rapide, une
mise en page sur du beau papier le plus vite possible, les détails et les fignolages
venant après, pour parfaire. Un album qui traîne démobilise les enfants. Un album
réalisé en deux jours est une réalité que l'on montre volontiers aux parents ou
visiteurs. |
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Tâtonnement expérimental Une des idées-forces de la pédagogie Freinet, c'est le
tâtonnement expérimental. Qu'est-ce à dire ? A partir de l'idée qu'un enfant se fait d'un
phénomène (« image mentale »), il fait une hypothèse opératoire et imagine le
résultat attendu d'une action qu'il peut engager. Après être passé à l'action, il
peut vérifier si l'hypothèse est juste, si ses images mentales étaient bonnes. Et
ainsi, de proche en proche, il ajuste de façon réaliste sa conduite à son
environnement. La démarche de tâtonnement expérimental est ici
considérée de façon très globale : démarche expérimentale dans les activités
scientifiques mais aussi dans les autres domaines d'activités (artistique, communication,
éducation corporelle...). C'est par la mise en place d'un travail vrai que
l'échec sera reconnu comme formateur et épanouissant et non plus vécu comme une
expérience traumatisante. Les erreurs passées peuvent être une source future de
progrès. Un échec aboutit nécessairement, au moins, à la connaissance de cet échec.
Il entraîne donc une attitude différente du sujet confronté à nouveau à une situation
qui l'a conduit précédemment à un échec. Autrement dit, les échecs sont à l'actif du
sujet autant que ses réussites. Il s'en sert. Le tout consiste à attribuer à l'échec
une simple et saine valeur expérimentale et à ne pas le charger affectivement. Voici ce que dit Bettelheim : " L'apprentissage est difficile. Apprendre n'est
jamais facile. Quand on présente l'apprentissage comme un amusement, l'enfant qui
réussit n'a pas l'impression d'avoir accompli quelque chose. Celui qui n'y arrive pas est
en très mauvaise posture puisqu'il ne réussit pas à faire ce qui est facile. Il pense :
je suis bon à rien. » L'individu ne doit pas être identifié, pire,
s'identifier à son échec. Sinon, il se bloque et risque de compulser l'erreur. Se crée
ou se confirme alors un net décalage entre la réalité et les fantasmes dus à l'échec.
C'est cela le traumatisme. Dans le domaine scientifique : étude de déplacements Dans une école maternelle de la banlieue grenobloise,
l'école des Béalières, fonctionnant en équipe pédagogique, des expériences de
technologie ont eu lieu avec l'aide du centre culturel scientifique et technique de
Grenoble. Les groupes étaient constitués de dix enfants
encadrés par deux adultes. Voici des recherches sur les déplacements qui ont pu être réalisées au cours de ces
séances. Elles se situent dans ce qu'on appelle en pédagogie Freinet le tâtonnement
expérimental. Déplacements On demande aux dix enfants de trouver les différents moyens de
déplacer une malle d'environ 40 kg d'une salle dans une autre. Les adultes avaient imaginé différentes solutions : utilisation
de cordes, de leviers et de rondins, puis réutilisation par groupes de deux, de rouleaux
de carton sous des briques en plastique, pour simuler le déplacement de la malle. Matériel A la vue des enfants : la malle fermée. Matériel prévu, mais non visible par les enfants, à donner sur
demande - des rouleaux (petits et gros) - des manches à balai - des cordes - des briques de plastique. Matériel non prévu, mais
utilisé parce que présent dans la salle : des bancs. Déroulement de la séance : comment peut-on déplacer la malle ?Les enfants font plusieurs propositions 1. La porter C'est lourd, il faut avoir des muscles. » (Florian) En la portant, je sais qu'elle sera trop lourde. »
(Brice) On essaie: Ça fait mal aux mains! » Pfh ! on n'en peut plus ! » On peut enlever ce qui est dedans » 2. La tirer ou la pousser Quand on pousse, on est derrière. » (Martha) Quand on tire, on est devant. » (Chloé) 3. La
tirer et la pousser en même temps Quand il y a beaucoup de monde à tirer et à pousser, ça
va mieux. » (Philippe) Ça va mieux quand il y en a qui tirent et d'autres qui
poussent, ça va plus vite. » (Mélissa) Instinctivement les enfants sont tous allés
dans la même direction pour déplacer la malle. 4. Utiliser des cordes « On va attacher une grande corde pour la tirer. » (Ludovic) Les enfants s'aperçoivent que faire un noeud, c'est difficile,
ça ne tient pas bien. Ils ont l'idée de remplacer le noeud en doublant la corde. Ils observent que les cordes sont tendues quand ils tirent : « Les cordes sont tendues comme les cordes d'une raquette. »
(Julien) Ils mettent une corde aux deux manettes de la malle et tirent de
chaque côté : « Elle avance et elle recule, c'est parce qu'ils tirent des deux
côtés. » (Mathieu) Les enfants veulent déplacer la malle vers la porte, attachent
les cordes à la poignée opposée, et prennent conscience par leur erreur du sens du
déplacement. |
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« Il faut mettre les cordes dans lautre sens. » (Mathieu) Ils trouvent plusieurs manières de tirer la malle. |
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Ils remarquent que la malle frotte sur le carrelage : « ça va rayer le carrelage. » « Sur le carrelage,
ça glisse mieux que sur la moquette. » (Corinne) En tirant en biais sur un côté seulement, le déplacement est différent : «
Avec les cordes, ce qui est bien, c'est qu'on fait bien tourner la malle. » (Julien) 5.
Utiliser un levier «
On pourrait mettre un truc en fer dessous, et on essaie de soulever.. parce que si c'est
pas en fer, ça casserait. » (Sébastien) En fait, on a utilisé des manches à balai... et ça n'a pas cassé ! Pour que le manche à balai soit plus facile à faire glisser, Adrien s'assoit sur la malle en croyant faire contrepoids. 6.
Utiliser une surface plane et lisse, pour faciliter le déplacement «
On prend un banc à l'envers, et on met la malle dessus. » (Ludovic) 7.
Utiliser des rouleaux : *Propositions
des enfants « On
n'a qu'à prendre un truc rond, et on le met dessus. » (Sébastien) : « Un ballon,
ce n'est pas assez solide. » « Pour
la faire rouler, on pourrait mettre des rouleaux dessous. » (Philippe) « A un moment, les rouleaux ils s'enlèveraient », répond Brice qui anticipe. * Essai : les enfants s'aperçoivent vite que les rouleaux sous la malle doivent être placés dans un sens bien précis ; ils se heurtent au problème envisagé par Brice : «
Les rouleaux, ils s'enlèvent tout le temps. » (Gaëlle) |
Nouvelles propositions : a) « Il faudrait coller les rouleaux sous la malle. »
(Brice) « Si on les colle, ça va pas rouler. » (Mathieu, qui
démontre aux autres que ça ne peut plus avancer.) b) « On peut mettre un bout de
bois de chaque côté, pour pas qu'ils roulent. » (Philippe propose en fait un
système de rails pour canaliser le déplacement.) c) « Il faut mettre des vraies roues. » (Adrien) d) « Moi, j'ai une idée, quand il n'y en a plus, on en
remettrait devant. » (Ludovic) On essaie, la malle avance mais c'est difficile de lui faire
garder la bonne direction, et ça ne va pas vite. e) Dans un autre groupe, au départ, les enfants n'utilisent qu'un seul rouleau. Ils s'aperçoivent qu'en plaçant un ou deux rouleaux sous la malle, elle bascule, et ne peut pas rouler. « Il en faut au moins trois. » (Thibaud) On essaie avec trois rouleaux. C'est vrai que ça va mieux. f) « On met des rouleaux, on pousse très fort, zoom et on
recommence. »(Adrien) On essaie :
la malle se déplace, mais elle ne garde pas la bonne direction Bilan des enfants Dans tous les groupes, et contrairement aux prévisions des
adultes, les enfants ont convenu que tirer avec les cordes était la solution la plus
efficace. Prolongement Dans une deuxième partie de la séance, les enfants, seuls ou
par deux, ont pris une brique de plastique et des rouleaux. La consigne était de faire
avancer la brique sans qu'elle touche le sol. Schématisation Après chaque séance, dans la classe, l'enseignante demande aux
enfants de représenter à l'aide d'un schéma la manipulation qu'ils viennent de
réaliser. Ensuite, individuellement, ils lui commentent leur schéma. Elle
note textuellement, près des dessins, ce que disent les enfants. Cette phase de
verbalisation oblige l'enfant à utiliser un vocabulaire précis et permet à l'enseignant
de mieux saisir ce que l'enfant a compris de l'expérience. Dans un autre temps, par petits groupes, nous observons et
critiquons une série de schémas relatifs à une même expérience. Certains enfants
ayant compris l'expérience, mais malhabiles dans leur représentation graphique, trouvent
par contre assez vite les erreurs de schématisation de leurs camarades. Parfois aussi, nous reprenons une expérience en la réalisant à
partir d'un schéma inexact pour faire prendre conscience aux enfants de l'importance de
la précision dans la représentation graphique. En analysant les schémas nous constatons que certaines erreurs
reviennent souvent. Dans ce cas, nous essayons, par des exercices plus systématiques de
manipulation, de faire mieux comprendre aux enfants des phénomènes simples (tension
d'une corde par exemple). Ensuite, pour contrôler l'acquisition de ces phénomènes, nous
leur demandons une nouvelle représentation graphique de ces exercices. Les schémas qui suivent sont des exemples d'erreurs le plus fréquemment rencontrées. Représentations du déplacement de la malle sur les rouleaux Erreurs : |
Conclusion Dans ces séances, les enfants ont été très actifs et se sont
bien amusés. Ils ont proposé et essayé de nombreuses solutions. Ils étaient motivés
face à un problème réel à résoudre. Ils ont utilisé vraiment toute leur énergie. Pourtant, l'objectif que nous nous étions fixé n'a pas été
atteint : les enfants trouvent que tirer avec une ficelle, ça va mieux. En fait, la malle
n'était pas encore assez lourde pour que les rondins soient indispensables. Remarque: La même séance a été proposée par la
maîtresse en section de petits. Les enfants ont trouvé les mêmes solutions, cependant il y avait confusion entre les mots tirer et pousser, et amalgame entre force et vitesse : les petits de trois ans couraient avec la corde à côté ou devant la malle, utilisant davantage leurs jambes que leurs bras. « ... L'acquisition d'une véritable pensée scientifique doit
s'appuyer sur un tâtonnement manipulatoire orienté par un problème à résoudre que s'est posé l'enfant,
ou auquel il a été confronté... Il semble donc important de connaître les
représentations desquelles il est parti, qui peuvent faire obstacle et qui peuvent lui
masquer ses propres cheminements et finalement retarder ou fausser l'accès à l'esprit
scientifique... » « ... Une connaissance beaucoup plus précise de ce qui se passe dans
la tête des enfants est indispensable pour que le maître puisse orienter les progrès de
chacun... » (Extraits du n° 108 de Recherches pédagogiques). |
A travers des exemples de la vie quotidienne en classe
Le livre de vie Correspondance maternelle-CM2 Dans une mosquée, on prie. Pour prier, on se met à genoux sur des tapis. On entre pieds nus dans une mosquée. C'est un lieu sacré, alors avant d'entrer, on se lave le
visage et les mains. La mosquée, c'est l'église des Musulmans. Les femmes n'ont pas le droit d'entrer en même temps que
les hommes. Elles ne sont pas dans la même salle. Les mosquées sont souvent à la campagne. Le vrai nom du prêtre est taleb. Les garçons peuvent entrer avec leur père et les filles
ont le droit d'entrer avec leur mère. Le journal quotidien en maternelle - Comment aborder et pratiquer l'écrit en maternelle ? - Comment améliorer l'organisation de la classe ? - Comment mieux communiquer avec les familles ? Et un outil : le livre de vie de la classe. Transformer le livre de vie, mémoire de la classe, en journal
quotidien, outil de communication avec l'extérieur (autres classes, familles), me
semble une piste intéressante que je propose aux enfants. Se met alors en place, petit à petit, l'organisation suivante
(notre journal existe depuis trois ans) : |
Cela implique une gestion du temps rigoureuse (dont je
suis le garant) pour que chacun puisse partir le soir avec sa feuille : Bibliothèque : le livre est lu après la récréation du
matin, il doit donc être choisi avant la récréation. S'exprimer. Communiquer leur travail aux autres - dans le groupe-classe - aux autres classes - aux familles Coopérer : - en travaillant en équipes - en aidant ponctuellement un copain - en expliquant une démarche - en respectant les lois notamment au niveau du temps. Créer : histoires, dessins - reconnaissance des compétences - « aujourd'hui, je veux faire tout seul » - participation des plus petits : dessins. |
Conclusion |
Claudie Ramond adapte dans son livre Grandir cette pyramide sociologique à des fins pédagogiques. Pour nous, en nous inspirant de Maslow, nous avons essayé d'établir une pyramide concernant plus particulièrement les enfants de maternelle en correspondance avec ce qui se fait en classe coopérative (cf. schéma ci-dessus). I1 va sans dire que nous sommes conscients que ce dossier est loin d'être complet. Il se veut démarreur de recherches. Mais ne sommes-nous pas des praticiens-chercheurs au sein du Mouvement Freinet ? |
Bibliographie · Françoise
Dolto :La cause des enfants Tout est langage La difficulté de
vivre , Livre de poche · Claudie
Ramond : Grandir, Education et analyse transactionnelle, La Méridienne,
Editeur Erès · Catherine
Pochet Fernand Oury Jean Oury : Lannée dernière, jétais
mort, signé Miloud, Editions Matrice · Marilyn
Ferguson : Les enfants du verseau, Editions Calmann-Lévy · Revue
Autrement : La maternelle, série Mutations, n°14, avril 30 · Nicole
Bouyala et Bernadette Roussille : Lenfant dans la vie, une politique
pour la petite enfance, Documentation française · Pierre
Guérin : Importance des représentations mentales initiales dans un processus
dapprentissage et expression libre, Nouvel Educateur, Document n°196, mai 1988,
PEMF, Cannes · Madeleine
Porquet : Un certain goût du bonheur, Editions Casterman · Célestin
Freinet par lui-même, document sonore et livret de 48 pages PEMF (Cannes) · Pourquoi-Comment ?
La pédagogie Freinet : Laménagement des cours décole et
Comment démarrer en pédagogie Freinet ? PEMF, Cannes |
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