===LE CINEMA===
Notre premier film Social : « PRIX & PROFITS»
Il y a des années que nous ne
cessions de répéter que tout ou presque était à faire chez nous dans le domaine du
cinéma éducateur tant au point de vue scolaire qu'au point de vue post-scolaire, en
restant bien entendu sur le terrain prolétarien.
Aujourd'hui, grâce surtout à l'initiative hardie de nos camarades Collinet et Allégret qui ont mis à notre disposition le premier ses projets et le second ses réalisations et son travail désintéressé, la Coopé sort son premier film social : Prix et Profits.
Qu'est-ce donc que Prix et Profits
pour lequel nous osons faire une aussi franche réclame ? Notre enfant, d'abord ? Ce
serait quelque chose, mais ce serait insuffisant. C'est un film au sens de classe très
élémentaire, mais très net, le premier film français du genre certainement. Pas
d'intrigue plus ou moins romanesque : mais la vie ; pas d'acteurs professionnels et
pas de vedettes, mais les seuls acteurs naturels dans l'exercice de leur labeur quotidien.
Voilà déjà quelque chose qui n'est négligeable dans la marche vers la réalisation du
cinéma vraiment populaire et humain.
Evidemment, Prix et Profits n'a
ni l'envergure ni la richesse technique, ni la beauté artistique des films soviétiques
les plus connus auxquels de par sa composition il peut seul s'apparenter. Mais il n'a pas
eu pour sa réalisation l'appui d'un Etat prolétarien, les ressources d'un budget
d'éducation populaire. C'est un film de pauvres... et c'est son plus grand défaut. Si
l'on veut en tenir compte pour être juste, on reconnaîtra que dans notre milieu,
Allégret a réalisé, avec les moyens plus que modestes mis à sa disposition, un
véritable tour de force qui en fait présager d'autres.
Mais peut-être faudrait-il que nous
présentions le film avant d'en disserter.
Prix et Profits n'a pas,
avons-nous dit de personnages principaux. Sa vedette, c'est la « pomme de
terre » du producteur au consommateur. Son drame, c'est la vie, quotidienne des
prolétaires dont le besoin, la misère et la faim sont les formes les plus émouvantes.
Et sa puissance révolutionnaire réside uniquement dans leur représentation fidèle,
représentation sensible aux spectateurs les plus frustes comme aux plus cultivés.
Certes, le film n'a pas toute l'ampleur que nous lui aurions désirée. La pomme de terre,
comme l'écrivait Freinet, aurait pu défiler « chez le chemineau, le gréviste,
l'habitué des soupes populaires, le prisonnier, l'écolier pauvre » et explorer toute la
misère prolétarienne opposée par contraste aux repas bourgeois. Prix et Profits,
sans aller jusqu'au bout du sujet n'en touche pas moins les parties essentielles,
jugeons-en.
Un beau ciel nuageux, au-dessus d'un
champ de pommes de terre pris au ras du sol. Puis les pommes de terre fanent, le ciel est
gris, l'atmosphère triste. Des gens arrivent du bout du champ en travaillant. Une charrue
culbute les pommes de terre. Des femmes et gosses la suivent et les ramassent. Les paniers
pleins sont vidés dans un tombereau et le travail continue malgré la lassitude. Le soir
arrive. Sur la route déserte, sous le ciel immense et toujours triste le tombereau
chemine lentement. Il arrive dans une cour de ferme et sur un petit tas de pommes de terre
déjà en place, il déverse son chargement. Alors, c'est le triage, puis la pesée. Les
enfants sont toujours là qui aident au travail des adultes. Et le père regarde ses
gosses. Pour l'un il entrevoit un complet de confection neuf, étalé à la vitrine d'un
magasin. Pour l'autre, une paire de chaussures ; pour l'autre une coiffure...
Et à table un peu plus tard on le voit
écrivant de sa grosse main le prix supputé de sa récolte et l'utilisation de ce prix :
semence, engrais, réparations, nourriture des animaux, costume, casquette, souliers...
Puis, c'est le départ pour la vente.
Le paysan conduit par la bride son cheval qui traîne lourdement la charrette de pommes de
terre. Les enfants, heureux, souhaitent au père bon voyage et prompt retour. La route
s'allonge et c'est enfin l'arrivée chez le grossiste. Là marchandage et désillusion. Le
grossiste montre au paysan des stocks considérables. Et les billets espérés se
réduisent. Le producteur est l'éternel vaincu. Il repart tête basse et sur sa liste de
commissions, il raie successivement toutes les choses qu'il devrait acheter pour ses
enfants... Et puis, voici Paris. Voici les Halles et leur vie grouillante. Les marchands
et les marchandes défilent. Chez un gros mandataire des prix sont affichés.
Le gros profiteur fait une apparition.
Auto, allure cossue, air satisfait, gros cigare et bel hôtel... Un camion de pommes de
terre arrive et décharge ses sacs. Le commis du mandataire fait le pointage. Puis le
patron survient pour contrôler lui-même. Sur sa facture les bénéfices déjà
réalisés ressortent.
Nous voilà, dans une ruelle d'un
quartier ouvrier, devant l'éventaire d'une modeste épicerie. Une camionnette part
pendant que le patron continue de sortir ses étalages. La camionnette stoppe devant
la boutique du mandataire. Les deux commis bavardent, mais le patron intervient
rudement et en gros-plan paraissent qualité et prix de la pomme de terre livrée,
tous deux également majorés... Retour à l'épicerie où, dans un sac de pommes de
terre, une étiquette indique la nouvelle qualité et le nouveau prix toujours en
hausse... Ouvriers, ménagères et marchands des quatre saisons défilent. Une ouvrière,
tête nue, mais propre et ordonnée, vient aux provisions. Le commis la sert. La femme
paie, son allure est lasse, son expression de visage douloureuse. Elle revient à la
maison. Ce sont les quartiers populeux. On secoue les balais par les fenêtres, des gosses
jouent dans les ruisseaux... Nous entrons dans une rue défoncée, bordée de
maisonnettes misérables. Une barrière délabrée livre passage à la ménagère...
On la revoit à la fenêtre ouverte épluchant ses pommes de terre.
Onze heures, c'est la sortie de
l'école communale. Une gosse se détache. Nous la suivons jusqu'à son domicile. Elle
vient embrasser sa mère, puis sortant ses livres se met à étudier. La mère
s'interrompt d'éplucher les pommes de terre pour faire réciter à la gamine sa leçon
d'histoire. Et quelle leçon tristement authentique, hélas ! Pendant sa récitation
machinale, l'enfant joue instinc-tivement avec un trou que ses doigts ont découvert dans
l'un de ses bas. Découverte de la mère, gestes brusques, puis réparation à la course
du pauvre bas déjà bien reprisé. Les chaussures éculées de l'enfant et de la mère sont mises en évidence.
Le trou est bouché. La mère ramasse les épluchures de pommes de terre qui ont chu sur
un journal et ses yeux tombent sur une réclame de chaussures.
Elle a le rictus amer puis se décide
à emporter son plat de légumes. Elle reparaît bientôt avec les pommes de terre
fumantes. La table est dressée et la mère et l'enfant assises côte à côte commencent
à manger. Le mari arrive. Repas silencieux. Mines poignantes... Et soudain des lèvres
douloureuses de l'ouvrier, la conclusion jaillit : « il faudrait les supprimer » ! Qui
çà ? « Eux ! » les parasites qui s'engraissent de la sueur de ceux qui triment et
qu'on voit défiler rapidement devant nous. Comment ? Et dans une vision le travailleur
des champs du début du film reparaît, le travailleur de l'usine sortant de sa fournaise
marche à sa rencontre. Et tous deux, la main dans la main scèlent sans un commentaire
l'union du producteur et du consommateur, l'union de tous ceux qui seuls enfantent la
richesse du monde.
Telle est dans sa simplicité le film Prix et Profits. Tel quel, il peut constituer un
excellent film de propagande pour toutes les uvres ouvrières et les uvres
coopératives.
Il comprend environ 550 mètres de film
standard, ce qui représente à peu près 30 bobines de film Pathé-Baby de 10 m.
ou 15 bobines de 20 m. Le prix
sera fixé, dès que nous saurons le nombre d'exemplaires souscrits. Il variera comme nous
l'avons dit dès le début entre 12 et 24 fr. la petite bobine, soit 360 à 720 fr. Si
nous arrivons à cent exemplaires, c'est le prix inférieur qui sera le bon. Bien noter aussi que nous pourrons livrer dans de bonnes conditions
des exemplaires de « Prix et Profits » en films
standard.
Concours de scénarios
Puisque
nous voilà partis, il ne faut pas nous arrêter en si bon chemin et nous pouvons, dès
maintenant, prendre nos dispositions pour l'avenir. A cet effet, nous ouvrons un concours
de scénario auquel nous convions tous nos coopérateurs et tous leurs élèves. Il s'agit
de mettre au point
1° Des
films d'enseignement primaire tenant entier dans une bobine de film Pathé-Baby de 20 m.,
titre et sous-titres compris. Ce qui correspond à une bobine de film standard de 50 cm.
environ ;
2° Des
films récréatifs ou sociaux d'une longueur maximum de 1.000 m. en film standard ou de
4.000 mètres en film PathéBaby.
Le choix
des sujets est entièrement libre. La seule condition imposée est que les films soient
réalisables avec des moyens simples, sans décors artificiels et sans acteurs
professionnels. L'idéal serait que les enfants y occupent la place prépondérante en ce
qui concerne l'élément humain. Mais cette condition n'en est pas obligatoire. Le
concours en question est permanent.
Dans le
jury d'appréciation entreront non seulement des membres qualifiés de la Coopérative
désignés par les adhérents euxmêmes, mais quelques techniciens qui auront voix
délibérative sur le chapître possibilités de réalisations. Le nom des auteurs
figurera, s'ils le demandent sur chacun des films réalisés d'après leurs scénarios.
Mais la Coopé se réserve le droit de reproduire sans droits d'auteurs, les films choisis
en tout format à sa convenance et de disposer seule de ce droit de reproduction. Tous les
trois mois des prix importants seront attribués aux lauréats primés. Pour commencer la
Coopé offre un « Pathé-Kid ».
R. BOYAU.
Location des films. - Des fiches seront envoyées pour la rentrée. Les
adhérents sont priés de les remplir complètement, exactement et lisiblement. Le
développement des filiales départementales va nous permettre, espéronsle, une
sérieuse amélioration de nos services.
La
Presse
Cinématographique
Nous
donnerons chaque mois, dans cette rubrique un compte-rendu des revues cinématographiques
françaises et étrangères qui traitent de questions susceptibles de nous aider dans
notre tâche éducative.
Revue
Internationale du Cinéma Educateur.
-
Les récents
numéros ont rendu compte d'une importante enquête sur les films de guerre et les
enfants. Quelques collaborateurs reviennent sur la question dans le numéro d'août 1932.
Lorsque des
films de guerre, tels même que Quatre de l'Infanterie ont passé sur l'écran des villes françaises, nous
avons été quelques-uns, qui avions connu la vraie guerre, à dire que ces
représentations ne servaient pas la paix si elles
ne visaient pas délibérément à montrer les causes vitales et les responsabilités des
guerres capitalistes.
Voici
l'opinion de Jules Destrée à ce sujet:
« Le
public qui va au cinéma y va pour se distraire ; dès lors, il y a dans l'horreur des
limites nécessaires et un degré qu'on ne peut pas dépasser sans aboutir au
dégoût. »
Après
avoir vu un film de guerre, des enfants de 10 à 12 ans disent : « Mieux vaut vivre un
jour en lion que cent ans en brebis ».
J. Destré
commente ainsi cette réponse :
« Evidemment,
pareilles réponses ne sont pas bellicistes ; mais elles impliquent pourtant
l'acceptation de la guerre dès que la patrie l'exige (cest nous qui
soulignons). Je pensais bien que le film même aux intentions les plus pacifistes ne
pouvait pas éviter de montrer des actes de courage, de dévouement, de sacrifices,
portant à l'extrême les plus hautes vertus humaines. Ce sont ces héroïsmes qui
frappent surtout les enfants et les jeunes gens, qui parent d'un manteau splendide et
séduisant les pires horreurs ».
Même
antienne d'une collaboratrice italienne, Eva Elie :
« Sachant ce qu'est la guerre,
l'ayant vue au cinéma sous ses couleurs les
plus sinistres, ayant ouï les râles des moribonds... aucun enfant ne peut désirer la guerre
et le film atteint bien son but. S'il exalte d'autre part le sentiment de l'héroïsme
dans la défense et contre qui attaque, comment ne pas se réjouir d'une semblable
preuve de vitalité ? »
Nous nous en doutions : les films de guerre ne
servent pas le pacifisme; ils exaltent l'héroïme inutile et le nationalisme aveugle.
Nous le répétons : la lutte contre la guerre ne saurait être menée sans une
action vigoureuse contre les causes profondes qui l'engendrent et la préparent. Et en bons pacifistes, nous devons nous y
appliquer.
Le film de 16 mm. aux Etats-Unis :
«
La tendance de l'école à collaborer à la réédition et même à la production des
films d'enseignement est vivement encouragée. Les écoles de Philadelphie ont produit plus de vingt bobines sur la vie scolaire. La
grande école professionnelle du Nilwaukee a confié à quatre professeurs, aidés d'un
opérateur, le soin d'exécuter pour son usage
exclusif, des films de 16 mm. sur les sciences naturelles, la prévention des accidents et
autres sujets analogues. En une année cette école a fait, avec deux cameras «
Filmo » et les accessoires nécessaires, plus de 100 films qui sont, chaque jour à
midi, projetés dans l'amphithéâtre de l'école ».
« Un projecteur 16 mm. moderne pèse de 10 à 20 livres. Sa source lumineuse, obtenue d'une lampe Mazda de 300 à 500 watts répond à toutes les exigences, même pour les salles de classe les plus vastes. On peut obtenir, avec les meilleurs projecteurs modernes de bonnes projections à plus de 100 pieds de distance, et des images de 12 pieds de largeur suffisamment nettes. Le format 16 mm. peut s'adapter à la cinématographie sonore et en couleurs. On peut dire qu'il a désormais résolu les plus sérieuses difficultés qui entravaient l'emploi du cinéma à l'école ».
« Aujourd'hui, grâce au 16 mm., on a pu convenir unanimement que, dans l'enceinte de l'école, la salle de classe est le lieu où le cinéma peut rendre les plus grands services ».
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Coopérative
Interscolaire du Jura
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Malgrè l'offre aimable de Freinet,
nous ne voulons pas encombrer le bulletin avec un article documentaire sur notre objectif
à long foyer. La notice que nous envoyons sur
demande contient tous les détails et références utiles. Nous tenons à remercier la
Coopé, - à laquelle nous sommes affiliés - de la publicité que Boyau nous a faite l'an
dernier. Nous remercions également les nombreux camarades de la coopé qui ont adapté
notre objectif sur leur projecteur, des appréciations élogieuses qu'ils nous ont
envoyées.
Nous
comptions sur leur propagande pour activer notre vente, permettre la récupération des
capitaux importants engagés par la coopé du Jura. Les bénéfices modestes seront
entièrement consacrés à des inventions nouvelles et à l'édition de films. Il est bien
entendu que l'édition sera faite par la Coopérative de l'Enseignernent laïc, avec
l'appui financier et pédagogique de ses adhérents et des filiales départementales.
Nous
pouvons envoyer gratuitement des notices sur notre objectif à long foyer, des croquis
pour construction de boîtes à films, une notice pour la construction d'un appareil à
vérifier, réparer et monter les films P.B. (modèle exposé à Bordeaux) et même, pour
les camarades non bricoleurs, nous pouvons envoyer cet appareil au prix de revient,
trente-cinq francs, franco (délai de livraison, une quinzaine de jours).
Faute de
capitaux importants, ni la Coopérative du Jura ni la Coopérative de l'Enseignement
laïc, n'ont pu entreprendre la vente et l'édition de vues stéréoscopiques, mais nous
pouvous faire livrer d'excellentes vues, classées en coffret avec un
stéréoscope avec une remise de 15 % sur les prix normaux. - Renseignements sur
demande. Joindre un timbre pour réponse. S.V.P.
F. MAGNENOT.
Montholier, par Aumont.
(Jura).