Les POURQUOI-COMMENT de la Pédagogie
Freinet CORRESPONDANCE SCOLAIRE et
VOYAGE-ECHANGE Guides pratiques de
l'École Moderne |
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Plan général POURQUOI ? 3 à 15 Mots-clés Maternelle
58 Sommaire détaillé page
2 |
SOMMAIRE
Être
et agir vrai, plus des élèves mais des enfants
La correspondance et le voyage-échange permettent d'ouvrir l'école
sur la vie
En même temps qu'ils répondent à un besoin naturel de relations
Ils aident l'individu à se construire
à acquérir son autonomie
à se situer
à se socialiser
au sein d'un groupe qui lui-même se construit et évolue
Et les apprentissages ?
Mais COMMENT introduire cette vie dans la classe ?
La
correspondance peut prendre différentes formes
Avec qui correspondre ?
Qui dit choix, dît engagements
La correspondance placée au centre des activités
La prise en charge de la correspondance par le groupe-classe
L'enfant, l'adolescent choisit son corres
Il écrit à son corres
La gestion des échanges
Le rythme des échanges
Le groupe-classe écrit à l'autre groupe-classe
La gestion des échanges collectifs
Autres échanges
Les cadeaux ce nest pas si facile que ça
Le désir de rencontrer les correspondants
Lintégration de tous au projet du voyage-échange
Il est possible de se rencontrer en un même lieu
Attention aux écueils
La correspondance permet à l'enseignant d'approfondir ses
recherches
Et pour les parents ?
POURQUOI
la correspondance ?
« Nous cultiverons avant tout ce désir inné chez l'enfant de communiquer avec d'autres personnes, avec d'autres enfants, surtout de faire connaître autour de lui ses pensées, ses sentiments, ses rêves, ses espoirs. Alors, apprendre à lire, à écrire, se familiariser avec l'essentiel de ce que nous appelons la culture sera pour lui une fonction aussi naturelle que d'apprendre à marcher ».
C. Freinet - L 'Éducation du travail
Etre et agir
vrai,plus des élèves mais des enfants,
L'école est encore trop
souvent un milieu artificiel, où la vie n'existe qu'en marge, qu'en infraction
pourrait-on dire.
Ici l'élève se plie à des rites,
l'enfant parfois les transgresse.
Or dans cet univers
factice, proposez aux élèves d'avoir des correspondants et tout à coup vous les
verrez se mettre à vivre vrai : ce sont des enfants qui vous répondront, qui vous
crieront leur enthousiasme.
Et cette manifestation de vie
risque de vous surprendre à tel point qu'il vous faudra sans doute prendre sur vous pour
l'accueillir, tant sont lourdes les peurs sans fondement que cultive l'école pour
protéger ses rites.
De toutes les
techniques de l'École Moderne, la correspondance (avec le voyage-échange qui la vivifie)
est peut-être celle qui influence le plus sensiblement le climat de la classe...
... encore faut-il
qu'elle y ait une place privilégiée et ne soit pas une sorte de fantaisie marginale,
quelque chose qu'on fait « en plus ».
La correspondance et
le voyage-échange
Grâce à la
correspondance, la vie extérieure se mêle à celle des élèves, le contact s'établit
avec le monde extérieur par l'intermédiaire de la vie d'une autre classe ou de plusieurs
autres classes avec laquelle ou lesquelles on coopère, on échange, on travaille. C'est
aussi un moyen d'établir une liaison plus facile avec les parents toujours sensibles à
la vie affective de leurs enfants, à leur désir d'écrire, à leur soif de recherches,
stimulés par l'ambiance nouvelle que la correspondance ne manque pas de faire s'instaurer
dans la classe.
1. Ouverture sur un
milieu différent
C'est plus la
connaissance par l'intérieur que l'aspect purement documentaire qui importe dans cet
échange. Étudier ce qu'est un bassin minier peut se faire de façon livresque, mais
connaître la vie des travailleurs, l'ambiance d'une cité, peut-être les problèmes
d'une grève, d'un accident, n'est-ce pas l'élément le plus important, le plus
passionnant parce que le plus humain ; le reste (lorganisation du travail, la
technique, les aspects scientifiques et économiques) sera donné en plus.
2. Regard neuf sur son
propre milieu
Nous croyons, bien à
tort souvent, connaître notre cadre de vie mais les questions parfois naïves des
correspondants nous montrent à quel point nous ignorons ce qui nous entoure et cela nous
amène à étudier des problèmes que nous ne nous étions jamais posés. D'où vient
l'eau de nos- robinets ? Pourquoi y a-t-il tant de parents cheminots dans le
quartier ? Que signifie tel nom
de rue ? Pourquoi telle coutume bizarre ?
Parce qu'il a besoin de
les décrire, l'enfant prend conscience de ses conditions de vie personnelle, de la vie de
son village ou de son quartier, de sa province même. Il découvre le travail de ses
parents, des ouvriers de la région, les circuits commerciaux... Alors qu'il vivait trop
près des choses, voilà qu'il prend de la distance pour mieux les pénétrer, établir
des relations.
en même temps qu'ils répondent a un besoin naturel de relations
La correspondance touche
d'abord l'affectif, auquel elle apporte une nourriture nouvelle.
Dans cette microsociété qu'est
une classe, une école, chaque enfant sans doute s'était forgé un réseau relationnel,
avec plus ou moins de réussite. Voici que s'offre à lui une ouverture nouvelle. Et que
cette ouverture soit le fait de l'école. Voilà qui rapproche singulièrement celle-ci
de la vie.
L'école doit accepter
la vie comme elle vient et s'en nourrir.
On voit rarement une
classe ne pas accueillir avec enthousiasme la proposition « d'avoir des correspondants
», même lorsque la chose est tout à fait nouvelle pour les enfants.
A chaque rentrée, ceux
qui y ont déjà goûté le réclament. Et il est fréquent de voir dans une école
cette pratique faire tache d'huile, les enfants dont le maître ne s'y est pas encore
lancé demandant à avoir « des corres » eux aussi.
Dans l'échange,
l'émotionnel prédomine. Il faudra y souscrire sous peine d'oubli et de stérilité.
Le refus individuel d'un
enfant de s'intégrer à ce nouveau réseau d'échanges est très rare et révélateur de
blessures antérieures souvent décelables à d'autres signes qui confirment cette
importance de la vie affective. Et très fréquemment, au contraire, pour les enfants mal
intégrés à leur propre milieu, la correspondance offre un recours.
Pour eux, avoir un
correspondant personnel était particulièrement important c'était l'assurance, pour ces
enfants souffrant de l'indifférence ou même de l'hostilité de leurs parents, d'un
regard ami posé sur eux.
Même dans un milieu
accueillant, tel enfant reste, quoiquil fasse, celui qui mouille encore son lit, le
brutal qui a toujours des histoires à la récréation, le fils du travailleur émigré
qu'entoure un racisme latent. Par contre, pour les correspondants, seul existe celui qui a
écrit une si belle lettre, rédigé un texte si intéressant, fait un si joli dessin.
Aussi n'est-il pas surprenant que certains « enfants-problèmes » trouvent dans la
correspondance l'occasion d'échapper à leurs difficultés, de se rééquilibrer, de
devenir enfin eux-mêmes, malgré leur passé, malgré leur milieu.
La construction de
l'individu n'est réelle que si elle intègre dans sa globalité l'affectif, le sensoriel,
le social.
Les échanges,
correspondance et voyage, font rentrer dans le domaine scolaire la dimension qu'il
refusait :
la reconnaissance de l'échange affectif, apportant ainsi à l'enfant une plus grande
motivation pour s'investir, se construire.
Ils aident
l'individu
Par la motivation
affective dynamisante, la correspondance oblige l'enfant à se décentrer pour communiquer
à l'autre des nouvelles de lui, de son village, de son milieu immédiat.
Lorsqu'il écrit,
l'enfant s'arrête pour prendre conscience de ses goûts, de ses espoirs, de ses actes.
Pour communiquer il se
regarde vivre et exister.
En retour il devra peu à
peu apprendre à se mettre à la place de l'autre pour écouter, entendre, comprendre ses
questions afin de leur apporter une réponse satisfaisante.
La connaissance du monde
ne passe plus alors uniquement par ses yeux. L'autre l'oblige à avoir un changement de
point de vue, à relativiser sa perception des connaissances.
Pour la réalisation de
ses envois, petit à petit il se mettra à la place de l'autre pour imaginer comment il
réagira, ce qu'il comprendra, ce qu'il pensera au reçu d'une lettre, d'un texte, d'un
colis.
Il est confronté à un
autre système de compréhension, de recherche.
à acquérir son autonomie
Sur le plan proprement
scolaire, la correspondance pousse l'enfant à se confier, elle suscite des entretiens où
le professeur joue plus profondément encore son rôle d'éducateur, elle crée des liens
affectifs nouveaux.
(M. Bertrand, professeur
d'anglais)
Auto-évaluations,
responsabilités, engagements sociaux contribuent à dépasser l'égocentrisme par
l'ouverture au monde et à autrui.
Voir témoignages page 69
La correspondance,
comme le texte libre, favorise une prise de contact avec chacun des élèves et une
connaissance profonde de ceux-ci.
Elle peut être le
premier pas vers l'individualisation du travail et la recherche des différentes
personnalités.
Elle favorise l'accès
à l'autonomie progressivement.
à se situer..
La correspondance, le
voyage-échange sont des portes importantes pour la prise de conscience du temps et de
l'espace.
Savoir qu'au même
moment, dans un autre espace, quelqu'un que l'on connaît ou que l'on ne connaît pas
encore mais qui cependant se manifeste, vit dans un monde identique au nôtre et cependant
différent, cela met l'enfant à un autre degré dans la situation de relativiser son
vécu.
S'efforcer de comprendre
quand a été vécu, écrit, envoyé ce dont on reçoit la trace, quand sera lu, entendu
ce que l'on transmet aujourd'hui, évaluer la distance qui nous sépare en la confrontant
à l'étalon des déplacements qu'on a déjà vécus, quelles conquêtes difficiles et
primordiales !
Là se réalise
l'approche de la conscience du temps et de l'espace par le vécu affectif. Elle se fera,
certes, progressivement, plus ou moins rapide, plus ou moins profonde suivant l'âge des
enfants, mais toujours de façon solide, intégrée, parce qu'elle est une véritable
construction « de l'intérieur » de notions que l'école s'épuise souvent en vain à
tenter de faire acquérir par une gamme d'exercices artificiels.
Moi, ce qui m'intéresse
dans la correspondance, c'est de savoir qu'il y a quelqu'un que je ne connais pas mais que
je connais quand même, qui vit là-bas sur un point de la carte de France. Et puis
après, je vais aller le voir. C'est drôle tout ça
Fannette - C.M.2
L'enfant va peu à peu
construire ses notions de temps et d'espace avec toute l'efficacité qu'apporte la
motivation affective.
à se socialiser..
Après un
voyage-échange, il est intéressant de voir comment les enfants analysent leur vécu par
rapport à ce qu'ils connaissent déjà : « Les algues, c'était pas les mêmes qu'à la
mer où je vais en vacances ». La connaissance se construit toujours sur du solide. Et
puis c'est ce qui touche l'enfant dans sa vie quotidienne qu'il retient : « Ils vont
faire du sport dans une salle ».
Ces échanges
élargissent son champ visuel si l'on peut dire ; ils invitent à une ouverture d'esprit.
L'enfant prend tout à coup conscience quil existe d'autres façons de vivre : «
Ils mangent ceci et comme cela ! » Comparaison de vies quotidiennes : jeux, loisirs,
alimentation, habitat, école, habillement, équipement.
A travers cinq jours de
vie intense il éprouve des sentiments : appréhension, mal du pays parfois, accueil
chaleureux. Il éprouve aussi des sensations qui éduquent son goût: « Ils ont des
belles maisons, les falaises étaient hautes, les vagues puissantes ».
Et puis il y a toute la
partie dialogue avec la famille qui reçoit : « Comment c'est chez toi ? », famille qui
voit vivre en son sein d'autres enfants, cela peut permettre de mieux voir comment sont
les siens (une couleur ne s'apprécie que par rapport à une autre).
Je crois que c'est cet
aspect social, humain, qui marque le plus les enfants. Beaucoup plus que le géographico-
touristique dont ils parlent finalement assez peu.
Positif, le fait qu'ils
vivent au moins une pleine journée dans la famille. Bien sûr il y a les enfants qu'on a
bousculés un peu, qui n'avaient pas bien envie de venir, qui ont suivi le mouvement; ceux
qui d'habitude sont les marionnettes de leurs parents ou ceux qui vivent dans l'ombre
d'une copine. Ils se retrouvent à se prendre par la main, seuls chez le corres : ils faut
devenir grand tout d'un coup et c'est dur parfois mais c'est toujours salutaire.
Enfin positif, les
parents qui s'écrivent et invitent. La correspondance devient un mouvement social dans un
village.
Jacques Querry
Nous sommes persuadés
que la multiplication des échanges, favorisant la connaissance des autres, permettant de
comprendre leurs mentalités est un moyen de faire prendre conscience des valeurs que nous
voulons faire « passer » : tolérance, respect
des différences, acceptation d'autres modes de vie, création de liens affectifs en
acceptant les autres tels qu'ils sont...
Militer pour la paix
universelle, contre les chauvinismes stupides et l'effacement des frontières de tous
ordres doit passer nécessairement par des expériences vécues...
Jacques Masson
Voir témoignages pages 51, 74
au sein d'un groupe qui lui-même se construit et évolue
Si les échanges permettent à
l'enfant de se construire en tant qu'individu et en tant qu'être social, ils ont le même
effet sur le groupe-classe, qui, confronté aux exigences de la communication, est amené
à prendre conscience de sa propre identité, à l'affirmer, la renforcer même, tout en
apprenant à tenir compte d'identité autres, de valeurs autres faisant ainsi
l'apprentissage de la tolérance.
La
correspondance a été pour mes élèves de classe enfantine une des rares occasions
régulières de regroupement Les deux, trois ans ont beaucoup de mal à adhérer à une
activité collective, mais l'envoi et la réception du courrier sont des moments
privilégiés où ils s'insèrent pleinement dans le groupe-classe, autour de la grande
lettre collective.
Avec les plus grands (5
ans et plus) la correspondance commence à susciter un certain nombre de travaux
collectifs, en particulier en mathématiques, ou encore en psychomotricité (exemple,
symbolisation d'une évolution). Les enfants prennent l'habitude de chercher des idées de
travail à proposer aux correspondants.
Colette Brouard
Confrontation entre
deux groupes
Très vite, on
s'aperçoit qu'au sein de deux classes, les points de vue sont loin d'être identiques.
Dans telle classe, la majorité des enfants réprouve la chasse ; chez les correspondants
c'est l'inverse, parce que les pères sont chasseurs. A propos de problèmes souvent très
simples, les valeurs traditionnelles qui ont cours dans le milieu se trouvent contestées
par les correspondants qui en respectent d'autres.
Les enfants prennent
alors conscience de la relativité de certaines données qu'ils croyaient intangibles et
ils se libèrent, dans une certaine mesure, de leurs conditionnements familiaux et sociaux
pour s'ouvrir à la tolérance et à une vue plus large des problèmes humains.
Je pense que la
correspondance peut enrichir la vie de la classe et amener à débattre des problèmes qui
n'y seraient pas sans cela (en 5e , nous avons reçu deux débats enregistrés
sur les handicapés et les prisons, cela a fait naître des débats chez nous aussi). Les
enfants apprennent à faire quelque chose pour d'autres et à accepter la critique. Je
m'aperçois également que tous les travaux d'équipe spontanés sont partis de la
correspondance.
Voir témoignages pages 58, 60, 69
Et les apprentissages ?
Mais si nous tenons à
introduire dans l'école une vie vraie, nous sommes aussi dans l'école lieu
d'apprentissage, direz-vous. Il n'y a là aucune contradiction.
Placée au centre des
activités de la classe la correspondance est source de réalisations. Elle induit les
apprentissages et favorise des activités qui n'étaient que scolaires et deviennent
fonctionnelles. Ainsi la lecture, l'écriture, l'histoire, la géographie, les
mathématiques, l'observation, l'acquisition d'une langue étrangère, entre autres,
seront fortement motivées. Programmes et instructions officielles n'en sont pas pour
autant oubliés, ils y trouvent leur compte mais avec « un petit quelque chose en plus
».
Je me suis lancée dans
cette technique, la première fois, pour essayer de sortir mes élèves de leur
désintérêt notoire - sinon de leur franche opposition vis-à-vis de la chose
scolaire en particulier et de toute activité tant soit peu astreignante et continue en
général.
Je n'ai pas été déçue
: les enfants se sont vite investis dans la correspondance et surtout, ont été
capables de maintenir leur intérêt tout au long de l'année, et d'accepter certaines
contraintes (s'obliger à répondre
régulièrement à son
correspondant personnel, ce n'est pas évident pour un caractériel et même pour un
enfant dit normal).
Colette Brouard
Les enfants qui ont
passé ce stade ont encore beaucoup à faire pour s'emparer des ressources infinies de
l'écriture. La motivation, les exigences de la correspondance vont les amener peu à
peu, avec l'aide du maître ici naturellement sollicitée, avec l'aide du groupe-classe
aussi, des parents souvent, à explorer ce domaine toujours plus avant. La rédaction
n'est plus un exercice, un devoir, elle répond à un besoin. La valorisation n'est plus
une note, un bon-point, une place dans une hiérarchie illusoire, mais la joie de donner
et de recevoir.
Ainsi en classe de
langue, au second degré, par la correspondance, l'enfant est au contact direct de la
langue vivante, il y a peu de décalage entre le vocabulaire qu'il acquiert ainsi et celui
nécessaire pour s'exprimer à peu près correctement avec un Anglais, par exemple.
En ce qui concerne la
grammaire, peu de points importants restent dans l'ombre au hasard des textes qui
arrivent. Et c'est bien compréhensible : l'acquisition d'une langue, c'est
l'acquisition d'un comportement, d'un ensemble d'habitudes et d'automatismes, et quel
exercice plus naturel que la pratique de la correspondance pourrait mieux favoriser
cette acquisition ?
M. Bertrand, professeur
d'anglais
La correspondance est
source de réalisations. Elle motive les apprentissages et établit un cadre souple pour
le travail écrit qu'elle rend nécessaire.
Voir témoignages pages
62, 66, 68, 69
Rééquilibrant
psychique, moyen d'enrichissement et d'approfondissement de l'expression (sous toutes ses
formes) et de communication, outil d'un nécessaire déconditionnement et d'une bonne
formation de l'esprit, équilibrant social, source sans cesse renouvelée de petits
plaisirs et de grandes joies, la correspondance scolaire ne peut être assimilée à
quelque accessoire supplémentaire mis à la disposition d'un corps d'enseignants en mal
de rénovation pédagogique !
Si l'on souhaite mener
à bien une correspondance scolaire vraie, il est nécessaire de savoir que l'on ne
s'engage pas à la légère dans une entreprise sans conséquence dans une expérience
susceptible d'être à tout moment interrompue sans dommage.
Il faut être sûr que
l'utilisation de cette technique entraînera à elle seule et de manière infaillible la
mise en place de nombreuses autres pratiques dans la classe : enquête, production de
textes et d'albums, édition d'un journal scolaire, discussions en réunions coopératives
ou en conseil, élaboration commune de lois nécessaires à une bonne organisation
peut-être moins que cela, peut-être plus encore.
Il faut être persuadé
que l'existence même des correspondants, la fréquence et la richesse (ou la pauvreté)
des échanges auront des incidences importantes sur la vie et l'équilibre du
groupe-classe et des individus qui le composent.
Il faut être conscient
de l'importante responsabilité que l'on prend aussi bien vis-à-vis de ses propres
élèves que de ceux de la classe correspondante.
Somme toute, pourquoi
correspondre sinon parce que l'on ressent la pratique de cette technique comme une
nécessité vitale pour sa classe et pour soi-même ?
Renée Bideaux
Mais COMMENT
introduire cette vie dans la classe ?
L'essentiel est de
préserver le plaisir que le groupe ou l'enfant à titre individuel peut éprouver à
travers la correspondance.
Sans nier les
contraintes qu'elle impose. Il faut à tout prix qu'elle soit
dépourvue de tout
aspect routinier.
Monique
Bru
La correspondance peut
prendre différentes formes :
correspondance
ponctuelle, occasionnelle...
Tentative de définition
: « Ecrit adressé à un individu ou à un organisme, une collectivité dans un but bien
précis et en utilisant les formes et les codes de la correspondance universelle » (ceci
pour faciliter et augmenter la rapidité et la qualité des échanges).
Le message /à a toute
son importance.
L'échange est réel.
Lecture/recherche d'information, mais /à au contraire de la correspondance collective où
l'on ne sait pas toujours ce qu'on va recevoir, de par la demande que l'on a faite, on
pourra anticiper, décoder plus facilement la question.
Cette correspondance
était très importante dans ma classe. Elle présente aussi l'avantage de n'être pas «
scolaire » et de donner la possibilité à l'enfant de communiquer avec les adultes.
Elle était collective, mais très vite des enfants ont voulu écrire à leur
grand-mère, à leur marraine... On se servait bien sûr de la présentation classique, de
l'enveloppe...
Elle est souvent
utilisée dans les classes Freinet et depuis longtemps, par nécessité. Je pense
cependant qu'elle n'est peut-être pas assez exploitée. Elle apporte comme la photo des
avantages certains : lecture, information, écrit synthétisé... Je réécrivais en grand
la lettre reçue, je polycopiais pour tous la lettre envoyée. C'était pour moi un
véritable « outil » de travail.
C'est la seule qui
donne bien la dimension de ce que doit être la correspondance : dialogue-échange
véritable entre individus en passant par un code écrit particulier.
correspondance de
classe à classe
Une classe correspond avec une autre classe et chaque élève
de la première est en principe « couplé » à un camarade de la seconde, en même temps
que s'instaurent des échanges collectifs.
Les circuits (ou
réseaux) de correspondance naturelle.
Un circuit de
correspondance, quant à lui, comporte 10 à 20 classes de cours différents. Le circuit
peut être national, régional ou local.
De nombreuses formes
d'échanges sont possibles : lettres individuelles, collectives, par groupes, d'un
individu à un groupe ou à une classe, d'enfants du C.M. à des enfants de maternelle...
Tout comme dans la correspondance classe à classe, on peut échanger beaucoup de choses :
lettres, dessins, recherches de maths ou de français ou d'éveil, enquêtes, journaux,
bandes sonores, montages audiovisuels, cadeaux... En outre peut paraître une « gerbe »,
sorte de bulletin de liaison à laquelle les classes envoient ce qu'elles veulent
communiquer à l'ensemble du groupe. Une gerbe « adultes » ou des multilettres peuvent
de même répondre au désir de communication des maîtres.
En correspondance
naturelle, l'affectif trouvera-t-il son compte ?
On nous a souvent
demandé ce que devenait dans cette forme de correspondance, la part affective, si
importante au cours des échanges de correspondant à correspondant.
Cette affectivité
nest pas ignorée ; bien au contraire. Elle se manifeste au maximum, puisque
l'enfant est libre de ses choix et qu'il peut, suivant ses désirs, la reporter sur un
seul camarade ou sur plusieurs (dans nos classes, certains enfants correspondent avec sept
ou huit camarades et assument totalement leurs engagements), sur une ou plusieurs classes.
Elle se manifeste aussi en respectant la personnalité de l'enfant, ce qui nous semble
primordial: dès le début de l'année pour ceux qui ont besoin de se lier immédiatement,
beaucoup plus tard et selon la sensibilité de chacun pour ceux que certaines contraintes
empêchent d'écrire trop vite ou trop tôt à un camarade inconnu.
« Cette forme de
correspondance comble réellement mes enfants. Mes filles de 9- 10 ans ont écrit à
toutes les maternelles, aux C. P., et uniquement pour des raisons affectives. La preuve,
c'est que ce sont les mêmes qui, dans la cour, jouent avec les petits de S.E., les
chouchoutent, les portent.. »
« Pour l'instant,
beaucoup ont un ou plusieurs correspondants et des liens affectifs se sont établis. Pour
certains, ce n'est même que cela. Ainsi, une certaine Nicole (13 ans), qui correspond
avec une petite Valérie de 5 ans qu'elle chouchoute ».
Voir témoignages page
55
Les circuits d'échange
de journaux scolaires
Échanger son journal au sein d'une ou plusieurs équipes de six classes, disséminées dans toute la France, permet de découvrir les autres, de comparer, d'enrichir ses propres techniques d'impression et même parfois de faire naître spontanément des correspondances de types collectif ou individuel.
Comment trouver une
correspondance de type classe à classe ?
- Par relation personnelle.
- Beaucoup de revues pédagogiques et syndicales publient des listes de demande de
correspondance.
- Dans un stage, une rencontre, un congrès, etc.
- En s'adressant à un groupe départemental I.C.E.M.
- En s'adressant au service de correspondance nationale et internationale de
l'I.C.E.M. qui permet de
répondre au besoin de chacun
Comment s'intégrer à
un réseau de correspondance naturelle ?
- S'adresser au
chantier :
« Correspondance naturelle » de l'I.C.E.M. On recevra alors une liste de classes et
des indications pour démarrer et continuer.
- On peut créer
soi-même un réseau à condition de trouver des collègues désireux de tenter
l'expérience.
Avec
qui correspondre ?
Correspondants proches ou
éloignés
Ce qui compte n'est pas
la distance mais un certain dépaysement et le dépaysement, selon les âges, n'a pas la
même signification.
Pour les petits, des
camarades qu'on ne voit pas chaque jour c'est déjà l'inconnu et certaines classes
correspondent avec profit au sein d'une même ville, entre quartiers. Cela permet des
rencontres régulières qui rendent l'échange moins abstrait.
Avec de plus grands, il
n'est pas toujours nécessaire d'aller bien loin pour trouver un milieu très différent
(petit bourg rural et grande banlieue, quartier ancien et grand ensemble, vocation
industrielle ou commerciale). Même au sein du département, l'échange peut être très
riche et surtout permettre aux enfants de se rencontrer plusieurs fois dans l'année.
Le correspondant
éloigné apporte un dépaysement parfois souhaitable.
« Une correspondance
avec Marseille avait été très enrichissante, car les enfants de lAveyron
n'avaient aucune idée de la mer ».
L'avantage du
correspondant proche est la possibilité de contacts
« Ce qui m'a donné
le plus de satisfaction : une classe de perfectionnement à 30 km de notre école.
A vantages :
1. Nous ne passons pas
un mois sans nous voir entre maîtres.
2. Les enfants se
rencontrent une fois par trimestre dans une sortie commune.
3. Les frais engagés
par ces rencontres ne sont pas excessifs.
4. Le correspondant
devient rapidement une réalité humaine et non un mythe affectif ».
Des questions parmi
dautres que l'on se pose parfois
Ancien ou débutant ?
Là n'est pas le problème. Ce n'est pas tant la compétence que la bonne volonté, le sérieux, le sens de la réciprocité qu'il faut voir.
Est-il souhaitable de
garder plusieurs années le même correspondant?
C'est en tout cas
souhaité parfois par les élèves. En septembre, mes enfants étaient contents de
retrouver leur correspondant. A la fin de l'année ils avaient d'ailleurs voté pour
garder les mêmes.
La correspondance deux
années de suite est une preuve de la réussite pendant la première année. En juin, nous
étions d'ailleurs sollicités par deux classes : les enfants ont préféré garder leurs
camarades dAbbeville. // faut dire que pendant plusieurs années, ils avaient eu
l'impression de donner plus qu'ils ne recevaient.
En mars, l'intérêt
continue, et pas seulement sur le plan affectif. Nos camarades nous apportent encore plus
que l'an passé : l'album sur la ferme d'un correspondant a été très apprécié et a
suscité des enquêtes chez nous. Nous attendions avec impatience des silex
préhistoriques.
En cas de
voyage-échange, on reçoit la première année, et l'on rend la visite l'année suivante.
P. Yvin
Correspondance
ponctuelle, correspondance de classe à classe, participation à un réseau de
correspondance naturelle, correspondants proches ou éloignés, de niveaux semblables ou
différents, de milieux équivalents ou non votre choix se fera selon votre personnalité,
vos conditions de vie, vos possibilités matérielles, vos désirs.
Et puis, vous aussi
vous tâtonnerez, multipliant les expériences au fil des années, la correspondance n'est
pas une technique figée.
Voir témoignages pages
55, 58
Qui dit choix, dit engagements
N'entreprenez rien que
vous ne pourrez tenir.
Demander, accepter de
correspondre n'implique pas seulement vous-même et votre classe.
Lorsque nous décidons
d'utiliser dans notre classe la correspondance, nous nous engageons et nous engageons de
ce fait le groupe-classe à respecter le contrat de travail qui va nous lier aux autres,
à ceux qui, quelque part, attendent quelque chose de nous.
L'enseignant est alors
garant du contrat, de la nature, de la qualité des envois.
Monique
Bru
-
Sur l'esprit dans lequel ils
abordent la correspondance.
-
Sur les modalités de sa
mise en oeuvre que cela implique.
-
Sur leur propre
investissement qui se traduira en relations étroites et régulières entre eux
parallèlement aux relations entre leurs classes.
Certaines classes
appuyant toute l'activité sur l'échange, il serait malhonnête de les priver en cours
d'année de cette puissante motivation. Si vous êtes hésitant, commencez modestement,
mais soyez régulier.
Les échanges me semblent
plus riches si - moi aussi - je les attends avec curiosité - cas d'un collègue que je ne
connais pas.
La lettre du maître,
dans l'enveloppe collective est importante aussi pour les gamins - elle est preuve que les
exigences sont appliquées pour tous - le délai c'est le délai et si ce jour-là on n'a
pas terminé, on attendra l'envoi suivant. Quelquefois, il m'arrive de la leur lire pour
leur montrer que je ne trame rien dans leur dos mais que je complète
éventuellement des informations, que je signale les absents...
... en fait il faut être
clair avec ce qu'on attend personnellement de la correspondance, pas seulement sur le plan
pédagogique - une reconnaissance ? Un soutien ? Une émulation ? Une soupape ?
Catherine Mérat
Je corresponds depuis
septembre dernier avec une instit. de La Roche-sur-Yon. L'expérience a si bien réussi
que nous les accueillons en mai prochain.
Comment en sommes-nous
arrivés /à ? La collègue a cinq ou six ans d'expérience ; moi je débute, et ce ne fut
pas un handicap. La réussite est due au fait que nous avons dépassé un mode de
relations, purement professionnel. Nous avons un peu échangé nos vies privées par
courrier. Elle nhésite pas à me téléphoner, non seulement (et c'est important)
pour parler boulot, mais aussi, tout simplement pour me souhaiter, comme dernièrement à
Pâques, de bonnes vacances.
François Guignouard
Je ne peux pas dissocier
pour ma part la correspondance entre les enfants et la correspondance entre instits.
D'expérience, je
constate, que plus je sens d'affinités avec mon ou ma collègue correspondant(e), plus la
correspondance générale de la classe marche. Je crois que je ne pourrais pas ne pas
être dérangée, perturbée dans le rythme et la qualité de la correspondance si je ne
m'entendais pas ave c l'autre instit. . .
Françoise Champroux
Il me semble
effectivement très important que les échanges entre élèves soient complétés (et
même précédés) d'une connaissance entre enseignants.
Ceci permet une meilleure
coordination entre le travail de chaque classe, une connaissance plus profonde des buts
poursuivis et de ce que chacun attend de la correspondance scolaire.
Mais
à mes yeux, le plus important, au-delà des progrès en français dus à la
correspondance et de la motivation pour écrire qu'apporte cette technique, est le contact
entre élèves et la connaissance entre correspondants afin de « libérer » les échanges et pour
sortir des sentiers battus que sont les échanges de photos, la composition de la
famille.. .
Pour cela il est évident
que les rapports entre collègues sont primordiaux. C'est la raison pour laquelle,
jusqu'à présent mes élèves correspondaient avec une classe semblable dont je
connaissais bien la maîtresse. J'appliquais donc le processus inverse. La classe étant
peu éloignée, cela nous permettait à peu de frais d'avoir des rencontres entre classes
ce qui enrichissait les échanges qui en découlent.
Pierre Léonard
La correspondance placée
au centre des activités
La correspondance casse
la classe. On laisse ce qui est en cours. Tout chauffe.
Hubert Heintz
On ne « fait » pas
correspondance de telle heure à telle heure, mais on accepte qu'elle bouleverse les
structures de la classe, le groupe-classe étant ainsi amené à repenser l'organisation
de sa vie et par là-même de son travail.
Si on accepte que la
correspondance modifie l'activité en cours, parce qu'elle a introduit une rupture avec la
quotidienneté, c'est qu'on éprouve la nécessité de mettre en place une organisation
souple qui n'est pas
Sacro-sainte, une
organisation capable d'accepter des parenthèses et susceptible d'être remise en cause
: cela dans un souci de cohérence par rapport à la notion de plaisir mais aussi dans le
souci de préserver cet aspect dynamique, moteur de bien des activités.
Monique
Bru
Dans certaines classes
secondaires, on distribue aux élèves des correspondants étrangers mais les échanges
se situent hors du travail scolaire qui ne peut donc en bénéficier que très
indirectement. Nous voulons au contraire que la correspondance soit partie intégrante de
la vie pédagogique. Toute activité du groupe (enquête, album, débat) est communiquée
à la classe correspondante.
Pas moyen de coincer
ça entre deux leçons ou deux exercices ! Ça prend tout de suite sa place, et pas une
place de parent pauvre.
Tout vrai outil de
notre pédagogie est ainsi: si on veut qu'il apporte toute sa richesse, il faut lui donner
toute la place dont il a besoin.
Jean-Marie Marty,
Henriette Gruel
Pratiquer la
correspondance impose la mise en place d'une organisation souple de la classe dans son
fonctionnement. Le facteur est prioritaire sur l'emploi du temps ou le plan de travail
prévu.
Voir témoignages page
60
La prise
en charge de la correspondance par le groupe-classe
La proposition en est
faite d'abord aux enfants, aux adolescents. Elle n'est généralement pas introduite
d'autorité mais il est rare qu'ils ne s'en emparent pas.
Une réflexion s'engage
alors dans la classe sur ce qu'entraînera la correspondance et les premiers contacts
sont pris.
Voir témoignage page 60
Lenfant,
l'adolescent choisit son corres
Cas de la
correspondance classe à classe
L'attribution à chaque
enfant d'un correspondant individuel ne se pratique pas toujours de la même façon.
Tantôt les maîtres se mettent d'accord pour le jumelage d'après ce qu'ils savent de
chaque enfant (son niveau, ses intérêts, etc.) ou ce qui est préférable d'après la
présentation écrite par l'enfant lui-même dans le premier échange ; tantôt ils
attendent que le besoin de correspondance individuelle se fasse sentir, parfois après
quelques mois ; les premiers qui ressentent ce besoin choisissent alors leur correspondant
et progressivement s'établit le jumelage.
Avec les plus grands, il
arrive aussi qu'un enfant ne garde pas toujours le même correspondant : c'est d'après
les échanges de textes, de travaux qu'il décidera d'écrire à Jean-Pierre sur le
karting, sa passion, puis à Claude à propos de son texte sur les gitans.
Ainsi s'établit une
correspondance libre, très souple où chaque enfant vit en contact direct avec tous les
camarades de l'autre classe.
Nous ne devons toutefois
pas nous cacher que ce système qui favorise les plus dynamiques, peut laisser sur la
touche, si nous n'y prenons pas garde, les timides, les hésitants, les amorphes.
Ce qui compte c'est que
l'évolution vers une pédagogie plus vivante profite réellement à tous et notamment
aux élèves faibles et lents. C'est pourquoi nous introduisons généralement les
techniques nouvelles avec un relatif systématisme qui s'assouplira progressivement.
L'essentiel est que jamais cette rigueur ne vienne contredire l'esprit que nous voulons
introduire et que les garde-fous ne deviennent des murailles indestructibles. Tout est
là affaire de bon sens et de doigté.
Tant que maîtres et
enfants sont peu familiarisés avec la correspondance, les contacts entre les maîtres
pour guider les choix individuels seront importants.
Avec l'habitude,
l'expérience, les échanges s'établiront naturellement.
Jusqu'à présent dans
le premier envoi, je recevais ou j'envoyais une liste d'élèves avec leur âge et une
appréciation sur chacun. Ça permettait de répartir au mieux les
correspondants.
Cette année rien de tout
ça.
Nous avions inscrit dans
notre planning, un jour, de parler de la correspondance. Je devais informer les enfants
sur ma demande au 38, la réponse de Mireille et nous devions débroussailler un peu
(c'était mon but) les notions de correspondance, les procédés, etc., établir aussi
quelques projets.
Par pure coïncidence,
ce jour-là est arrivé un colis. Jamais je n'avais assisté à pareille fête spontanée
en classe. Quelle effervescence ! Quelle joie ! Quand on a pu à nouveau se parler, on a
ouvert. il n'y avait que des lettres individuelles, sans liste accompagnatrice. Qui donner
à qui ?Rapidement un plan : chacun prend une lettre, la lit et puis... j'ai été
dépassé. Tout s'est fait sans moi, les brouillons de réponse ont été commencé,
certains avaient échangé leurs lettres sur quels critères ? Pas plus mauvais que ceux
que j'aurais pu établir sans doute.
Un os ! Chez Mireille ils
sont moins nombreux que chez nous. Mais ici personne ne voulait partager un corres parce
qu'on ne savait pas où il coucherait quand ils viendraient à Cadenet et personne
n'était prêt à le laisser aller dormir chez quelqu'un d'autre.
Nous avons réglé ça en
coop. Mais quand ce sera l'échéance...
Depuis, chaque arrivée
de colis déclenche la même fête, la distribution faite par le responsable, c'est à
nouveau la ruche. Et moi là-dedans ?
Je me sens avant tout
correspondant comme eux ; j'éprouve, je crois, une j oie très proche de la leur,
j'attends la lettre de ma corres et je lui réponds, comme eux, avec empressement.
Jacques rey
On ne change pas sans
arrêt de corres pour un oui pour un non.
Cas de la correspondance
naturelle
Quand le maître
reçoit la liste, il la communique aux élèves. Chaque enfant volontaire choisit alors la
classe dans laquelle il souhaite avoir un correspondant. (Il peut prendre autant de
correspondants qu'il le désire, pour peu qu'il s'engage à leur écrire à tous). Il
écrit alors une lettre de présentation qui arrive dans la classe de son choix. Là-bas
elle est lue par le collègue qui demande si un enfant veut bien correspondre avec
l'expéditeur. Dans l'affirmative, la correspondance démarre entre les deux enfants à
leur rythme. (Il faut veiller toutefois à ce que les envois ne soient pas trop espacés
dans le temps). Dans la négative, la lettre est retournée à son auteur à qui il ne
reste plus qu'à tenter sa chance ailleurs.
Voir témoignages page 55
Il écrit à son corres
Quand ?
Suivant les classes,
l'écriture des lettres individuelles se place à différents moments.
Un moment privilégié
étant tout de même l'arrivée d'un colis qui donne envie de répondre.
Certains enfants
écrivent, bricolent en continu pour leur corres dans la plupart des classes
coopératives, des moments de travail personnel sont prévus au cours desquels on peut,
entre autres choses, écrire à son corres.
Comment ?
L'enfant étant ici en
situation naturelle d'apprentissage de l'écriture puisqu'il désire communiquer,
l'intervention du maître sera donc plus ou moins importante suivant le degré d'autonomie
de l'enfant.
L'enfant trouvera une
aide aussi auprès de ses camarades.
Il est important que les
lettres soient présentables, propres et corrigées, car elles vont dans les familles.
Françoise et Alain
Raynaud
Des lettres individuelles
sous enveloppes cachetées ou non - écrites par moi à la demande puis décorées, -
écrites par les enfants avec modèle, - écrites par les enfants librement (lettres,
mots, chiffres), - dessins publicités découpés, - petits carnets fabriqués par les
enfants où ils ont écrit leur nom, quelques mots et que les corres. termineront
peut-être.
Il faut limiter l'envoi
des cadeaux bidons, vieilles gommes, trognons de crayons.
Françoise et Alain
Raynaud
Je
ne vérifie l'orthographe et l'expression que de ceux qui en font la demande - laissant
tranquilles ceux qui cachettent leur lettre en l'apportant en classe : ce qu'ils écrivent
les concerne. Jessaie toutefois de les
J'interviens pour une
aide en orthographe, et sur la présentation des lettres. Pourtant la correspondance
individuelle se situait le plus souvent « hors classe » mais parfois « dans la classe
». Certains me demandaient de corriger leurs lettres, ou demandaient des conseils sur ce
qu'ils pouvaient envoyer. Jintervenais uniquement d'après leurs demandes.
D'autres préféraient se
faire aider par leur mère.
Jacqueline
L'orthographe est un code
social. Sans surestimer son importance, il convient de ne pas la négliger surtout lors
des premiers contacts.
L'illustration de la
lettre
Elle n'est pas indispensable mais elle égaie, flatte l'oeil comme les images dans un livre, comme un beau papier enveloppant un cadeau.
Chez les petits, elle
naît naturellement. On dirait qu'ils complètent de cette manière une expression écrite
dont ils ne se sentent pas encore les maîtres. Graphismes aux crayons de couleur, aux
pointes feutres, collages prolifèrent. On est même parfois obligés de freiner cette
profusion surtout pour les collages - et de s'orienter vers un choix...
Pour les grands,
l'illustration offre l'occasion pour eux de tâtonner dans l'art décoratif et je suis
émerveillée en feuilletant les lettres de voir la richesse, l'originalité du graphisme.
Avec les lettres, il y a
une stimulation renouvelée pour trouver mieux que le camarade de classe, que le
correspondant, que son propre graphisme de la précédente lettre, compétition non pas
dégradante mais source de création dans la joie.
La recherche de la
qualité
Le respect des
correspondants implique des lettres bien écrites, bien corrigées, illustrées avec
goût. Le temps qu'on y passera ne sera pas du temps perdu, mais un moment d'éducation
(peut-être plus utile que l'application au « cahier du jour »).
La gestion
des échanges
Gérer l'envoi des
lettres
Nous avons évoqué la
nécessité de garder individuellement les traces des échanges mais, Pour savoir où on
en est et accessoirement pour rendre des comptes, il est bon de tenir à jour un cahier
(ou planning ou autre support) de correspondance de la classe, avec indications précises
des envois et de ce qu'on a reçu. Grâce à cela on peut veiller à ce que personne ne
soit oublié.
Gérer les lettres
reçues
Les enfants sont-ils tous
capables de gérer ce qu'ils reçoivent ? Savent-ils ranger ? (classeur, pochette).
Il semble préférable de
laisser aux enfants la liberté de ne pas montrer ce qu'ils reçoivent mais de les
habituer à conserver un moment leur courrier.
Inciter, si nécessaire,
les enfants à écrire davantage
Les envois individuels sont parfois assez pauvres parce que l'enfant pense que l'autre sait déjà. Il est difficile pour lui de prendre conscience qu'il y a tout à lui dire et dans les moindres détails.
Faire s'imaginer l'enfant
(est-ce possible ?) dans la situation de récepteur.
(revoir
p. 9)
Un petit truc utile :
garder les traces des lettres qu'on écrit.
Utile et sécurisant,
pour l'enfant, pour ses parents : là est la trace des activités de rédaction ; là
peuvent être constatés les progrès dans la maîtrise de l'écriture.
Mais par delà cet aspect
sécurisant, bien légitime, cette mémoire sera un recours d'une richesse extraordinaire
pour aider à la construction de la notion de temps (revoir page 10).
Utile pour le maître,
aussi, qui peut évaluer travail et progression, en rendre compte éventuellement, qui
peut surtout en faire usage et aider l'enfant à en faire usage lorsque celui-ci aura
besoin de repères.
Plusieurs façons de
garder ces traces :
- Cahier individuel de
correspondance, dans lequel l'enfant écrit ses lettres qu'il fait corriger par le maître
avant de les recopier au propre pour son correspondant.
- Dans certaines classes,
où l'acte réussi est important pour l'enfant (plus particulièrement dans l'enseignement
spécialisé), on écrit avec un carbone ou on fait une photocopie afin de conserver la
trace de l'envoi lui-même, que l'on classe ensuite dans un dossier.
Il est important que tout
envoi soit daté, ainsi que la trace qu'on en conserve.
Ce rappel n'est pas
superflu car si la chose paraît évidente aux adultes, elle ne l'est pas pour les
enfants. Il faudra donc savoir intervenir jusqu'à ce qu'ils en
acquièrent le réflexe.
Le rythme
des échanges
La réciprocité
Dans tout échange, il
faut un certain équilibre. Les meilleures volontés se lassent si le décalage est trop
grand entre ce qu'on donne et ce qu'on reçoit. Par contre l'émulation naturelle de
classe à classe sera un stimulant bénéfique. Attention, même le correspondant d'un
enfant malade doit recevoir des nouvelles de son correspondant (parfois même un envoi
personnalisé d'un autre enfant de la classe, sans que cela soit systématique).
Le rythme
Sur le rythme des
échanges, les maîtres se seront mis d'accord au départ. Il est possible que ce rythme
évolue au fur et à mesure que l'on vivra la correspondance.
La régularité
Dans toute correspondance
(même d'adulte) il vaut mieux une courte réponse à temps qu'une tardive lettre fleuve.
Les correspondants
déçus le sont par :
-
La négligence dans l'acheminement des colis.
-
Les envois non affranchis
-
Les lettres reçues, rédigées sans soins, écrites au crayon, dessins non
coloriés, nombreuses fautes d'orthographe.
-
Le non-retour de documentation riche et onéreuse.
-
L'absence de la part du maître.
Ne pas abandonner la correspondance en cours, ce qui crée parfois un grand dérangement
et bouleverse maître et enfants.
Voir témoignages page 62
Le groupe-classe
écrit
à l'autre groupe-classe
Les échanges collectifs
ont d'autres motivations, un autre impact, une autre action. Ils ne concurrencent pas les
échanges individuels, ils ne viennent pas après ou avant ces derniers dans une illusoire
hiérarchie. En fait ils sont tout aussi nécessaires et enrichissants.
Par les échanges
collectifs les deux groupes-classes existent, se construisent. Chaque enfant à travers
eux, intègre l'existence de son propre groupe-classe et de celui où vit son
correspondant.
Aussi les échanges
individuels ne peuvent-ils que bénéficier d'une pratique réussie d'échanges collectifs
et réciproquement. Il y a interaction entre les deux registres d'échanges.
Peut-être le danger de
scolarisation est-il plus important pour les échanges collectifs ? Ici la part des
maîtres est importante, leur vigilance constante est nécessaire, leur étroite
coopération vitale.
Ici plus particulièrement, il serait dangereux d'attendre et de donner des recettes, de vouloir imiter ou imposer des modèles. Par contre on peut énoncer quelques principes de base.
Veiller à la
présentation des lettres, ceci plus dans le respect de celui qui recevra que dans le
souci de soin absolu.
Jacky
Querry
Voir témoignages page 64
La gestion des échanges collectifs
-
Tout échange doit être
motivé par la vie des deux classes et non répondre à un désir, avoué ou non, des
maîtres soucieux de programme, d'exploitation.
-
Toute question doit
recevoir une réponse.
-
Par contre, tout envoi de
questions doit être recevable : on ne peut répondre si on est submergé.
-
La présentation doit
être très soignée.
-
Le rythme des échanges
doit tenir compte à la fois de la nécessité de répondre dans un délai raisonnable et
du temps nécessaire parfois pour récolter et mettre en forme les éléments d'une
réponse satisfaisante. En tout état de cause, ne jamais oublier de remercier, ou
simplement d'accuser réception : ça fait toujours plaisir de savoir que les autres ont
bien reçu votre envoi.
Comme pour la
correspondance individuelle, il est important de garder les traces des lettres pour savoir
ce qu'on a écrit. Donc on peut avoir un cahier où le maître ou un enfant (suivant
l'âge des enfants, leur degré d'autonomie et la pratique de la classe coopérative) sera
responsable de recopier la lettre collective avant l'envoi.
La gestion des
envois collectifs de l'autre classe pose aussi parfois des problèmes. Aussi on pourra
décider du format de la lettre collective afin de pouvoir, au fur et à mesure de la
réception, les exposer au mur, les unes sur les autres (comme un tableau de conférence)
ce qui offrira l'avantage de pouvoir les consulter tout au long de l'année et d'avoir une
présence vivante de la succession des événements, des renseignements de la classe
éloignée, ce qui dans les petites classes est « une frise du temps vivante ».
Bien sûr il ne
s'agit pas non plus avec le choix d'un format de scléroser l'imagination pour la
présentation de la lettre collective.
Je
pensais alterner la lettre individuelle et la lettre collective ; ça n'a pas marché, du
moins pas trop bien. Les lettres individuelles se font automatiquement, à chaque fois.
La lettre collective n'est collective que dans le choix des sujets à y traiter et dans
l'énoncé des indications à suivre. Elle est rédigée au brouillon à deux ou trois
puis présentée à la classe pour critiques. On est en train de l'abandonner au profit de
lettres-affiches ne comportant qu'une information et très décorée. On peut envoyer
plusieurs lettres-affiches en même temps.
La lettre collective
naît spontanément quand tous les élèves de la classe veulent exprimer un sentiment
commun, raconter un événement ou poser des questions qui concernent la collectivité.
C'est ainsi que
l'arrivée d'un colis de cadeaux pour Noël ou Pâques, la réception d'un album, de
peintures particulièrement jolies, provoquent un enthousiasme si grand que chacun
éprouve le besoin de remercier non seulement dans les lettres individuelles, mais par un
message collectif qui atteint toute la classe correspondante. Il neige pour la première
fois, ou une tempête exceptionnelle a ravagé la région ; événements qui méritent
l'honneur d'une lettre collective.
Les enfants sentent que
la lettre collective confère solennité, importance aux sentiments, aux nouvelles ainsi
transmises. Le format généralement grand pour que la lecture soit possible pour tous les
amis en même temps, contribue à cette mise en valeur. Pour ce message qui émane de
tous, on cherche avec application l'expression la plus juste, on choisit chaque mot, on
illustre le mieux possible.
Une lettre collective est
en quelque sorte un miroir pour la classe et chacun veut y trouver une image dont il sera
fier et satisfait. C'est pourquoi nous attachons une part importante à tout le travail
coopératif. Le plus souvent le maître écrit lui-même la lettre collective très gros,
avec une pointe feutre pour que l'écriture soit la plus parfaite possible. Des élèves
soigneux, habiles, peuvent le remplacer. Tout le monde participe à la rédaction.
La lettre collective en
maternelle
Son démarrage avec un groupe parfois, d'autres fois collectivement, lors d'un entretien puis progressivement, je note dans la journée (quand jentends : « On pourrait dire aux correspondants... ») :
- Je repropose (ce que
j'ai entendu) lors d'un regroupement. - On discute.
- Jécris hors de leur présence (ils ne tiendraient pas longtemps en place).
- On lit plusieurs fois ensemble et à la demande individuelle ensuite.
- Je polycopie.
- On décore individuellement, on colle dans un cahier.
Autres
échanges
Les échanges sonores
Le magnétophone, complément
de la correspondance graphique, par la présence qu'il apporte, est un auxiliaire
précieux pour la naissance et le développement de liens d'amitié enrichissants.
Il permet de transmettre
comptes rendus d'enquêtes, parfois couplés avec des diapos (petit montage), interview,
messages personnels individuels ou collectifs, chants, poésie, bruitages, feuilletons «
radiophoniques »...
Attention, n'oubliez pas
que l'écoute d'un enregistrement brut de vingt minutes ou davantage lasse l'auditeur. La
réalisation optimum est celle de cinq à dix minutes d'écoute (voir B.E.M. 18-19 « Les
techniques audiovisuelles » et l'ouvrage à paraître dans la collection « Pourquoi
Comment »).
Le magnétoscope, chaque
fois qu'il est possible d'en disposer, offre des possibilités accrues : présentation,
avec commentaires, de dessins, expériences, maquettes, jeux dramatiques, danses,
enquêtes, fête scolaire, séjours en classes de mer, de voile, messages personnels
permettant de mieux connaître son corres, la classe, l'école, la ville ou le village...
Ici, la présence de
l'image permet d'aller jusqu'à quinze ou vingt minutes de message, à condition qu'il
soit fait de séquences brèves de deux à trois minutes (voir comptes rendus détaillés
dans la revue L'Éducateur).
Les échanges imprimés
Tout ce que la classe
imprime (si c'est le cas) sera systématiquement adressé aux correspondants réguliers,
en avant-première.
Le journal, ou la revue, que la classe édite, leur sera aussi envoyé à chaque parution.
Les
échanges de réalisations diverses
Chaque fois qu'un travail
est réalisé dans la classe, son produit ou son témoignage accompagnera les lettres
- une cassette,
- des photos,
- du pain qu'on a confectionné, de la confiture,
- un album qu'on a réalisé
- des dessins,
- des sculptures,
- etc.
Les recherches menées
de concert
Si un album, une
enquête, un montage audiovisuel répondent à des questions des correspondants, ceux--ci
accueilleront avec plaisir le « produit fini ». Mais l'échange systématique de travaux
achevés deviendrait vite lassant car artificiel.
Par contre, une question
que l'on se pose ici peut être posée là et alors démarre une recherche commune où
l'on échange les hypothèses, les résultats d'expériences ou d'enquêtes, les
documents, où l'on conjugue les efforts. L'expression
« saine émulation »
retrouve son véritable sens.
Les Cadeaux (voir page suivante)
Les cadeaux
ce n'est pas si facile que ça
Les cadeaux souvent
posent problème. La société de consommation imprègne les enfants de ses valeurs. La
tentation est grande de manifester son affection au « corres » par l'envoi de cadeaux
que l'on aura achetés.
Alors apparaissent : la
disparité des moyens, révélation des clivages sociaux, mais aussi des choix éducatifs
des parents, les sentiments de gêne, de jalousie, de frustration qu'elle va engendrer.
« Mon corres m'envoie
des cadeaux ; moi, je ne peux pas lui en envoyer ». « J'envoie des cadeaux à mon
corres, il ne m'en envoie pas ».
« Un tel reçoit plein
de cadeaux de son corres, moi pas » etc.
Cette phase est normale,
naturelle, ainsi que les crises qu'elle provoque. Ici jouera pleinement le rôle éducatif
de la vie coopérative dans la classe et entre les classes.
Nous envoyons aussi tout
ce que nous réalisons et qui est digne de
partir chez les corres.
Individuellement les
enfants ont des cadeaux pour leur correspondant: une liasse de feuillets de différentes
couleurs, des découpages, des dessins, des réalisations échappant à tout critère de
beau et de laid mais qui ont demandé du temps, de l'attention, ils troquent. Puis un jour
l'un arrive avec une tête offusquée, la colère au bord des lèvres :
« Regardez ce qu'il
m'envoie, un machin tout bâclé et moi je lui envoie des beaux dessins de Walt Disney, et
ma mère l'a remarqué aussi ». Eh oui ! Le découpage représentant un masque de chien
n'a pas tellement plu à Gérald, il nous en a parlé à tous, on a essayé de lui faire
percevoir la qualité du travail de son corres mais lui qui pyrograve des dessins que lui
fait son cousin, à la maison, est persuadé que son envoi était beaucoup plus beau.
Mais au bout de quelques
semaines
d'échanges réguliers,
les enfants ont
naturellement
le désir de rencontrer
leurs correspondants
Ignorant les distances
comme les difficultés matérielles et financières, ils posent généralement la question
en séance de coopérative : « Est-ce qu'on pourrait aller chez les corres ? » ou «
Est-ce qu'ils pourront venir nous voir ? »
Si ces derniers
n'habitent pas aux antipodes, il faut bien se garder de mettre en avant les
impossibilités mais examiner ensemble les données du problème : distance, moyens de
transport possibles, avoir financier de la coopérative, participation financière des
familles, moyen de se procurer d'autres fonds, autorisations administratives.
Alors ? faire des
visites...
La visite aux
correspondants
Lorsque ceux-ci sont
proches, les rencontres pourront se multiplier et chez les petits, c'est l'intérêt de
choisir des correspondants qu'on puisse visiter facilement en une journée, deux ou trois
fois par trimestre si possible. Si les écoles sont suffisamment proches, il sera même
possible d'organiser chaque rencontre dans un après-midi, ce qui simplifie encore les
problèmes. Ce type d'échanges convient particulièrement aux maternelles.
des voyages-échanges
C'est sûrement la
formule la plus complète : pendant plusieurs jours, chaque enfant est reçu dans la
famille de son correspondant, puis inversement, le correspondant est invité à son
tour. La formule est couramment utilisée au secondaire dans les échanges avec
l'Angleterre ou l'Allemagne mais généralement sans lien direct avec la classe. Dans
notre cas, c'est la classe en bloc qui part chez les correspondants. Certes il n'est pas
toujours facile de décider les parents qui sont parfois logés à l'étroit mais qui
surtout craignent que leurs conditions de vie soient mal jugées. Généralement la grande
majorité accepte une solution momentanée en voyant le plaisir que cela ferait à leur
enfant. Certains plus favorisés
Les rencontres situées
dans le premier trimestre renforcent la correspondance dans les mois qui suivront.
Les enfants sont dans les
familles pour la nuit et les repas (du soir et du matin, en tout cas). Puis ils se
retrouvent à l'école et ont les activités communes qui ont été préparées d'avance
(enquêtes, visites, recherches, expression dramatique, rencontres sportives, etc.). Ils
peuvent même préparer ensemble une fête simple pour les parents.
L'organisation d'un
pareil voyage-échange peut sembler irréalisable à beaucoup de collègues. Pourtant, la
plupart de ceux qui l'ont entrepris, ont été enthousiasmés et surpris par les
résultats.
Avec les autres types de
rencontres, on touche les enfants. De cette façon, on met les parents dans l'affaire et
les plus réticents sur l'introduction de nouvelles méthodes comprennent souvent mieux
le travail en profondeur réalisé dans la classe.
Si les correspondants
sont d'une région très différente, d'un autre milieu social, les adultes prennent
conscience de l'unité de l'éducation au-delà des barrières artificielles. Au cours
des voyages-échanges, on a entendu des paysans déclarer : « Il est pas mal élevé,
ce petit gars, pour un fils d'ouvrier » et des citadins juger : « Pour des campagnards,
ils sont dégourdis » Bien des préjugés sont mis en cause : mieux, à l'occasion de
ces échanges, les parents ont eu l'occasion de s'écrire (pour signaler que le petit ...
), ils continuent parfois à le faire et il n'est pas rare que des visites de parents au
cours de vacances viennent succéder à l'échange des enfants.
On pourrait citer des
exemples de véritables jumelages réalisés naturellement et non, comme cela se fait
généralement, par notables interposés.
Même si le voyage
nest prévisible qu'en fin dannée
Il n'est jamais trop tôt
pour le préparer dans les esprits (convaincre les parents, sensibiliser ceux qui
pourraient aider), dans les modalités pratiques (étude du transport, organisation
matérielle du séjour, préparation du programme optimum). Il est bon de prévoir
longtemps d'avance les autorisations administratives afin de ne pas se heurter au dernier
moment à un refus sans recours.
Des classes ont par-fois
travaillé des mois sur la préparation d'un voyage chez les correspondants.
Se renseigner auprès
de la S.N.C.F. pour avoir des tarifs spéciaux Voyage scolaire, promenade d'enfants.
Voir page 77
Pour le plaisir de tous,
l'intégration de tous
au projet du
voyage-échange
Il faut le préparer
soigneusement et notamment que les enfants participent activement à la préparation.
Dans un premier temps, on laisse fuser toutes les suggestions, même les plus farfelues
qui fourniront peut-être les pistes les plus intéressantes.
Les invités
indiquent ce qui les intéresserait : voir le petit bois dont parlent si souvent les
correspondants, connaître tel monument, tel grand magasin qui est près de l'école,
organiser un match en commun, peut-être en brassant les deux classes dans les équipes.
Ils préparent aussi les travaux, les petits cadeaux qu'ils offriront en arrivant.
De leur côté les hôtes
envisagent tout ce qu'ils pourraient organiser pour mieux faire connaître leur milieu,
leur classe. Ils font des propositions et ménagent également quelques surprises. On
préparera une exposition des travaux du trimestre, on présentera nos plantations et
animaux, les dernières recherches en math, un jeu dramatique ou des marionnettes, on
pourra faire un débat enregistré, on préparera telle visite de la vieille ville, telle
promenade, on confectionnera crêpes ou gâteaux.
Le repas et le goûter
pourront être simples, réalisés avec les apports de chacun, l'essentiel est que la
présentation, l'atmosphère en fassent un moment un peu exceptionnel.
Peut-être sera-t-on plus
ravi de partager, dans la détente, les sandwiches et les fruits avec les correspondants
que de faire un repas complet dans une atmosphère de cantine.
Il importe aussi de
réserver des moments de simple rencontre libre entre amis qui ont envie de se parler, de
jouer ensemble, de rire.
Dans certains cas, il est
difficile
d'aller en une journée
chez les correspondants
mais il est possible
de se rencontrer dans un
même lieu
On peut se retrouver pour
pratiquer une même activité, soit en un lieu équidistant (chacun fait à peu près la
moitié du chemin) soit à un endroit particulièrement intéressant pour tous. Des
enfants de banlieues éloignées ont ainsi fait ensemble la découverte d'Orly. Des
élèves de Rouen et de Paris se sont retrouvés dans une croisière éducative sur la
Seine, d'autres encore à un rassemblement de jeunes coopérateurs ou dans une auberge de
jeunesse.
L'essentiel dans de
telles rencontres est de ne pas laisser passer au second plan les échanges
interpersonnels entre les correspondants, c'est pourquoi la préparation de ces rencontres
demande peut-être encore plus de soin que les autres.
Nous connaissons des
classes correspondantes qui ont réussi à partir ensemble en classe de neige.
Lorsqu'elles revinrent de la montagne, la symbiose était telle que l'appartenance à
l'une ou l'autre des écoles semblait un détail secondaire.
Écrire à ses
correspondants, échanger avec eux lettres, textes, albums, c'était déjà bien et cette
pratique remue effectivement au fond des individus des possibilités inemployées. Mais
voir ces correspondants, jouer avec eux, manger à leur table, monter sur leur vélo, cela
décuple encore ce besoin inné chez les enfants de sentir autour d'eux battre le
cur d'êtres dont la destinée est désormais mêlée à la leur.
Voir, observer, se
souvenir, ce n'est que l'aspect secondaire du problème, celui qui « va de soi » le
bassin de la fontaine se remplit forcément si la source a été trouvée et canalisée
pour jaillir en flots bouillonnants. Par les échanges, nous prospectons les sources et
nous établissons la canalisation.
C. Freinet
Voir témoignages pages
69, 73, 74
ATTENTION AUX ECUEILS !
Il faut que nous ayons
vis-à-vis de la correspondance la même attitude que le jardinier devant une plante en
croissance. N'a-t-il pas la patience d'attendre que les rameaux poussent lentement,
n'élague-t-il pas parfois pour sélectionner les plus beaux, ceux qui porteront les
fleurs et les fruits ?
De même il nous faudra
ne pas multiplier les bourgeons, ne pas tirer sur les rameaux pour les allonger plus vite,
ne pas hâter la floraison et la fructification car, non seulement nous risquons de
cueillir des fruits atrophiés, mais nous pourrions faire mourir une plante si
prometteuse.
Je veux dire que devant
la correspondance, il faut abandonner une attitude d'enseignant non informé qui
consisterait à exploiter la moindre chose, le moindre mot, à en tirer toute une suite de
travaux longs et lassants, à plaquer sous le couvert d'une technique libératrice, tout
un fatras de connaissances, de lois, de règles. Au contraire, la part du maître
consiste, comme l'explique si bien Élise Freinet (B.E.M. 40-41, La part du maître - 8
jours de classe) à faire prendre conscience de la différence entre la gravité de
l'événement et la banalité de « l'incident ».
Ce choix, rejetant le
médiocre, influencera la qualité des échanges, évitera l'éparpillement au profit d'un
approfondissement plus formateur. Le maître veillera également à la présentation des
réalisations guidant vers la simplicité, la clarté, la beauté. Rien de plus repoussant
qu'un travail confus, touffu, brouillon. Cette remarque n'est pas accessoire. Habituer
l'enfant dès son plus jeune âge à veiller à la présentation et à la qualité de ses
réalisations, n'est-ce pas lui donner le sens de la dignité du travail ?
L'enfant sent bien que la
correspondance est une activité sérieuse qui le grandit et qui l'engage. De là naît
cet élan, ce désir de toujours mieux faire, alliés - comme nous l'avons vu - à la
satisfaction de travailler pour un autre.
Et Freinet nous conseille
sagement :
« Le secret pour nous,
c'est de ne pas amortir ce désir, de ne pas refroidir cet enthousiasme parce que l'un et
l'autre seront les leviers décisifs de notre éducation ».
Là est la part du
maître la plus délicate. Comment maintenir ce climat de dépassement perpétuel dans le
plaisir.
Il faut trouver en nous
assez de richesse humaine et de délicatesse pour consoler un enfant déçu par le peu
qu'il a reçu, pour l'aider à découvrir la petite chose qui illumine le reste, pour
encourager les efforts de celui qui réalise lentement, pour rester au diapason de cet
enthousiasme créateur.
Établir et maintenir un
climat d'expression libre, de plaisir créateur, donner le goût et le désir d'un travail
bien fait, favoriser la réussite de chacun, telle est la part du maître discrète,
indispensable pour que la correspondance porte ses fruits.
La correspondance
et le voyage-échange
permettent à lenseignant
d'approfondir
ses recherches,
de découvrir les
problèmes qu'il se pose
résolus dans la classe
de son collègue,
d'avoir un échange formateur enthousiasmant
Ma correspondante m'a
beaucoup apporté, elle est très dynamique. Elle m'entraîne dans son sillage.
La correspondance nous a
permis d'échanger des idées sur le travail de la classe, sur la manière de procéder en
telle matière.
Et pour les parents ?
Des mamans chez les
correspondants
Des parents ensommeillés
et anxieux avaient laissé leurs enfants, avec de plus ou moins gros paquets, au parking
de l'école ou à la gare, dans le matin encore tout noir.
Les petits voyageurs,
eux, se rassuraient en faisant un inventaire de leur sac, des « cadeaux » ou en
susurrant « on va prendre le train », ce qui constituait une grande première pour onze
d'entre les vingt et un enfants.
Dans le wagon, nous
nous comptâmes, deux mamans plus Gigi pour vingt et un enfants sagement assis, nous
allions pouvoir faire face. A Mézidon déjà, Mikaël... et d'autres demandaient si nous
étions arrivés ! Un monsieur qui essayait de lire un ouvrage sur La méthodologie
de la recherche, en face de Vincent et
non loin de petites filles qui faisaient pépier leurs « kikis », sourit. Un peu plus
tard, il devait sépare,, Vincent et Tony qui se bagarraient, l'un n'arrivant pas à «
tuer » l'autre avec son pistolet fictif car celui-ci ressuscitait toujours en appuyant
sur un bouton.
Chacune notre tour,
nous emmenions un enfant aux toilettes et, en route, la troupe grossissait. L'activité
occupa tout le monde de grands moments.
Quand Le Mans arriva,
le petit groupe était bien réveillé, des fourmis dans les jambes, mais nos réserves de
patience n'avaient pas trop souffert, n'en déplaise aux gens qui nous regardaient d'un
air apitoyé. Un car nous conduisit à l'école de Saint-Pavace et notre nuée de moineaux
se colla à nous, n'osant avancer vers le groupe qui piétinait en nous attendant depuis
neuf heures. Les bouffées de timidité, les yeux baissés, ne durèrent pas. Après la
présentation des enfants entre eux, un climat chaleureux remplaça la gêne et chacun se
mit à dessiner cependant
qu'une première équipe allait faire des
gâteaux.
Nous étions sidérées,
les mamans du Mans et nous, de la facilité d'adaptation des enfants qui, tout à la
découverte de la nouvelle famille, ne se souciaient plus de nous et s'organisaient comme
pour rester longtemps. Tous ont déploré le lendemain de partir aussi vite, même ceux
qui appréhendaient la nuit à cause des « pipis au lit » car personne n'a fait chez le
correspondant.
Le retour a été plus
dur car, toute inquiétude envolée, désormais aguerris aux voyages, les enfants se sont
installés, explorant avec délices et exclamations le casse-croûte préparé par la
famille du correspondant, les voisins, les sièges...
Quels parents
s'inquiétaient d'abandonner leur petit aux vicissitudes d'un voyage sans eux ?
Brigitte et Marika
Les 6 e sont
venus en novembre et ont passé trois jours entiers à Lunel Ils étaient arrivés le
lundi soir en gare de Monpellier et nous aurions bien du mal à vous dire qui étaient les
plus émus, des enfants, des parents venus nombreux pour accompagner les enfants chez
leurs correspondants à Lunel, ou de la prof. Tout le monde s'était rassemblé en bas de
l'escalier roulant et attendait, le cur un peu serré, le train en provenance de
Bordeaux. Et c'est /à qu'on voit des parents que l'on ne verrait jamais aux réunions,
que l'on fait la connaissance du grand-père et de la grand-mère qui sont là eux aussi
à l'occasion de l'événement.
Plus des élèves mais
des enfants
(la présence d'un
camarade malade)
Aider
l'individu à se construire
(le démarrage de
Mohammed)
La
correspondance peut prendre différentes formes
En S.E.S
En L.E.P
Au 1°, degré, évolution
d'une correspondance
En maternelle, déjà
La
correspondance placée au centre des activités et prise en charge
(gerbe de témoignages)
L'enfant
écrit à son corres.
Pour les lettres
individuelles, une aide parfois nécessaire
Le
groupe-classe écrit à l'autre groupe-classe
La lettre collective
Et les
apprentissages ?
des maths
recherche scientifique au
C.E
vivre l'histoire-géographie à
travers la correspondance
Toutes les
richesses des voyages-échanges
Par-delà les
frontières
Un « enfant malade »,
pour l'institution, c'est d'abord un « élève absent ». Tony n'est pas un
élève-absent, mais un enfant-malade. Il n'a jamais été aussi présent... durant son
absence !
C'est
tout naturellement que Tony, hospitalisé, a écrit à ses camarades de classe et que
ceux-ci lui ont répondu. Leur maître, Louis Olive, raconte
Première lettre de
Tony à la classe
Cher Monsieur Olive et
toute la classe.
Ce matin, mercredi à 7
heures et demie, on est allé à la clinique. C'est le docteur qui nous avait dit de venir
à 7 heures et demie.
On nous avait dit que
c'était demain qu'on m'opérait. On m'a fait une piqûre à l'oreille et une prise de
sang, Après je me suis un peu amusé et de 7 heures et demie jusqu'au soir j'étais à
jeun, ça veut dire « de ne pas manger tout un jour ». A trois heures, on m'a amené
dans une « charrette » pour aller m'opérer. Il y avait des hommes qui avaient un grand
« foulard » devant le nez. Après, j'avais mal. Ça me tirait, Jétais dans mon
lit et ma maman était devant moi. Ça me tirait beaucoup. Après j'avais moins mal. Ma
maman me souriait et mon papa aussi me souriait.
On m'a fait voir un
morceau destintin » pourri. C'est pour ça que j'avais mal.
Il est bien temps de vous
quitter,
Au revoir.
Tony
Deuxième lettre ...
Cher Monsieur Olive,
j'espère que ça va bien dans la classe. Moi, ça va bien.
Maintenant, il faut que
je boive « rinque » du bouillon aux légumes ? Le numéro de la chambre c'est le 2.
Quand j'étais sur la «
charrette » après je « m'étais mis » sur une grande planche blanche. Alors, on m'a
mis sur mon nez et mes yeux un masque qui sentait (de) la colle Rock
Tony
Cher Monsieur Olive et
toute la classe. Je dis un grand salut.
Quand on m'a opéré,
deux jours après, je me suis levé. Ca va bien. Maintenant il faut me faire des piqûres
de
« pilissiline ».
On m'en a déjà fait
deux !
Maintenant, c'est
vendredi: on va me faire une piqûre de « pilissifine ». Je me décontracte et ça fait
pas mal !
C'est vendredi : je peux
boire une grosse soupe épaisse avec des « patates » dedans la soupe.
Samedi je pourrai manger
du tournedos avec de la purée et une compote. Pour le (petit) déjeuner je bois du
poulain à l'eau.
J'ai un petit ami avec
moi: il s'appelle Henri.
A moi, la maman, Marité
(c'est la maman de Tony), elle m'a acheté un Pif des livres à colorier, des enveloppes,
un stylo à bille et des crayons de couleur.
Cet après-midi, elle va
m'acheter une grosse voiture blanche avec des taille-crayons pour tailler mes crayons,
Je vous réponds... aux
questions.
(Nous avions bien entendu
répondu à Tony, faute de pouvoir aller le voir).
... Christophe André,
vérifie toi aussi ce que tu m'as donné.
(Il s'agissait d'une «
longue division », notion abordée pendant l'absence de Tony).
Je (ne) me sens pas de le
faire !
Je réponds à Benoît:
quand je me suis réveillé, j'avais la bouche « sec » et j'avais très soif.
La question de Benoît
est bonne !
Je crois qu'il y en a
plus... de questions
Au revoir à tous et à
tout le monde qui m'a écrit.
Tony
Depuis Tony est rentré.
Il nous a apporté son
appendice (dans une éprouvette remplie de formol), dessiné « comment ça c'est passé
» et tenu à nous montrer sa cicatrice !
Aider
l'individu à se construire
Le démarrage de Mohammed
Le
25 octobre, inopinément, a débarqué dans ma classe un petit Marocain de treize ans,
complètement effarouché.
Peu après neuf heures,
nous venions de rentrer, le principal me présenta, en quelques mois, dans le couloir, ce
nouvel élève : « Je vous amène un nouveau en attendant qu'il soit
examiné... C'est peu--être provisoire... Mohammed, treize ans, habite en face de
la cave coopérative.. . Prenez-en soin ! »
Très vite je constate
que l'enfant parvient à se faire comprendre mais ignore la signification de mots très
simples : il faudra constamment que je m'assure de sa compréhension...
Le « démarreur »
Mohammed a quitté le
Maroc le 30 septembre. Par chance, il a suivi des cours de français. Je pense tout de
suite à lui prêter la Gerbe Franco-Arabe reçue depuis peu avec Chantiers (1).
Cette gerbe est un recueil de textes d'enfants migrants exprimant leur nostalgie,
leurs joies et leur fierté. Ces textes ont été recueillis dans une classe de
perfectionnement de Nice et traduits, tantôt en arabe, tantôt en français par M.
Bounaoura qui assure un cours darabe à ces enfants, le mercredi.
L'enfant était ravi : il
a tout de suite voulu en faire autant. A ce moment, j'étais occupée pour l'aider en
français. Je lui ai demandé d'écrire d'abord en arabe, ce qu'il a fait. Ensuite il m'a
traduit son texte que j'ai écrit après avoir corrigé les phrases au fur et à mesure.
Cela s'est reproduit pour les six textes suivants, à cette différence près que Mohammed
écrivait tout seul la traduction en français. Je recopiais après correctement avec
l'aide de l'enfant.
Mohammed a compris que
(hélas !) c'était inutile d'écrire d'abord en arabe puisque je ne pouvais pas le
corriger ! Il a donc continué à écrire ses histoires en français.
Mes regrets
Je suis désolée que ce
garçon soit obligé d'abandonner sa langue maternelle. Que faire ? Raisonnablement, je ne
peux pas me lancer dans l'apprentissage de l'arabe ! Vous souriez... mais, dans nos
classes, nous faisons à peu près tout... comme nous pouvons !
(1) Chantiers : revue
I.C.E.M. de l'enseignement spécialisé.
Une ouverture
Et si j'écrivais au
collègue de la classe de perfectionnement de Nice pour lui demander, si possible, de nous
envoyer le journal et peut-être une lettre de ses élèves ?
Le 4 décembre, Mohammed
écrit le premier jet de sa lettre. Les deux jours suivants, il la recopie, l'illustre
avec la plus grande application, tire son premier dessin au duplicateur à alcool,
limographie son texte et son illustration. Le tout est expédié le 10 décembre.
Première lettre :
Chers copains,
J'ai été content de
lire votre journal. Dans « Chez Nous », il y a beaucoup d'arabe et du français. J'ai
compris tout ce quil y a écrit, même
les mots difficiles. J'ai été heureux.
Bonnes vacances.
Mohammed
Recevra-t-il une réponse
? (Je sais que le maître est très occupé : je lis souvent ses articles, albums dans Chantiers).
De toutes façons, grâce
à cette gerbe, l'enfant est lancé. Malgré de très grosses difficultés, il écrit avec
plaisir. J'espère qu'il fera de rapides progrès.
Le 4 janvier, arrivent :
une lettre illustrée et écrite par trois petits Marocains, un journal : Arc-en Ciel, un
texte et un chant bilingues et une lettre du maître qui me demande si nous acceptons de
faire paraître, dans Chantiers, la lettre de Mohammed avec la réponse des enfants
de sa classe et des extraits de ma lettre pour illustrer concrètement l'utilisation
possible de la gerbe bilingue. Je demande l'accord de l'enfant devant ses camarades
étonnés...
Mohammed est radieux.
Après la lecture, je lui donne les feuilles imprimées en lui demandant : « Tu es
content ? » J'ai cru qu'il allait m'embrasser : il était vraiment heureux ! A cinq
heures, quand il m'a dit au revoir, sa frimousse sympathique rayonnait de bonheur...
Voici la lettre de Nice
et la réponse postée le 21 janvier avec un texte et quatre feuilles fraîchement
imprimées.
Cher camarade,
On est très contents que
tu aies lu notre journal. On est très contents aussi que tu nous aies écrit. On trouve
que tu sais bien lire.
Je m'appelle Saida, j'ai
dix ans. Moi aussi je suis Marocaine, jhabite à Fès.
Moi je m'appelle Abdel,
j'ai onze ans. Je suis Marocain, jhabite à Casablanca. Et toi où tu habites ?
L'illustration de la
lettre est de Saloua.
Mohammed ne tarde pas à
répondre.
Chers camarades,
Je suis content parce que
vous m'avez donné un journal. Je sais mieux lire que l'autre jour.
J'ai treize ans. Au
Maroc, jhabitais à Kénifra. Maintenant jhabite à Lasserade, près de
Plaisance.
J'ai trois frères qui
s'appellent : Montassire (4 ans), Abdelhak (7 ans), Abdellgami (12 ans). Toute la famille
va bien.
Saida, Abdel et Saloua,
combien avez-vous de frères et de surs ?
Hier après-midi, je suis
allé au circuit de Nogaro. Il y avait trois voitures et trois motos. Elles allaient vite.
Un monsieur a pris un virage à toute allure... Je n'ai pas eu peur. Jétais
content.
J'ai montré votre
journal à maman. Elle était contente de le lire. Elle a chanté. Nous sommes heureux.
J'ai chanté avec elle la chanson arabe. Je vais l'apprendre.
Au revoir et à bientôt.
Mohammed
Pour conclure
Je suis persuadée que
cet album bilingue a permis à ce nouveau de s'intégrer rapidement dans la classe.
L'enfant a été tout de suite en confiance.
Mohammed a lu en arabe
devant ses camarades et montré cette belle et mystérieuse écriture. Ils ont vu
également comment il écrivait ! ... Cela a contribué à valoriser ce garçon. « Que
ferions-nous si nous devions aller à l'école là-bas ? ... Mohammed se
débrouille très bien mais il aura souvent besoin d'aide... de votre aide : Je compte sur
vous... » Maintes fois j'ai entendu
: « il faut l'expliquer à Mohammed! »
L'enfant se montre bon
copain, très attentif et travailleur. J'apprécie énormément ses qualités et je veille
à ce qu'il ne souffre pas de sa condition d'immigré. Je pense qu'il restera dans ma mini
S.E.S. West un pis-aller).
Théette Tajan
La correspondance
peut prendre différentes formes
En S.E.S.
Le problème majeur de
mes quelques années de correspondance avec des élèves de S.E.S. a été celui de leur
adhésion véritable à cette activité ; il est parfois difficile de concilier
l'introduction en classe de nos techniques et le principe du libre choix que nous prônons
par ailleurs. Difficulté accrue du fait que les élèves arrivent en S.E.S. ayant déjà
connu une pratique de la correspondance pas toujours exempte de scolastique.
En 77, j'ai donc attendu
la « demande ». Elle est arrivée un peu tardivement, exprimée par un élève, plutôt
mal accueillie par les autres. J'ai aussitôt dédramatisé en disant que ne feraient de
la correspondance que les volontaires . Après de longs débats, les désirs se
concrétisaient ainsi :
- Deux élèves voulaient
une correspondance autonome, individuelle. (Ils me demandaient quand même de leur trouver
des correspondants... dans l'Ile de la Réunion. J'y suis parvenue.
- Deux élèves ne
voulaient pas d'une correspondance avec des classes, ni même des jeunes, mais d'une
correspondance variée selon les besoins. lis étaient en somme chargés de tout le «
courrier » de la classe (il y eut de multiples occasions).
- Deux élèves ne
voulaient pas écrire du tout. - Les autres voulaient une correspondance régulière avec
une classe, mais pas d'échanges individuels au départ.
Et c'est ainsi que
commença la correspondance avec l'E.N.P. de Meynac (Corrèze) qui dura trois ans.
Le voyage-échange, très
riche affectivement a amené des lettres individuelles, et comme je gardais chaque année,
la moitié de l'effectif,
le choix d'une
correspondance ne posa plus de problème ; on écrivait à Meynac. Comment faire dans
la pratique pour que cette correspondance reste le « nud » de la vie de la classe,
sa charpente, ne tombe pas dans la routine, le scolaire, donc comment continuer à
motiver, émouvoir, etc.
Je me basais sur un
principe : ne jamais forcer, laisser un libre-choix., sans oublier son symétrique : aider
à respecter les engagements. Réception d'un paquet = réponse.
- Pour ce qui est des
échanges collectifs, j'avais renoncé depuis longtemps - sauf événement exceptionnel -
à la réponse rédigée dans sa totalité en commun. Nous dégagions les grands points de
notre réponse et chaque élève (ou groupe d'élèves) choisissait le thème du
paragraphe qu'il voulait rédiger. On présentait ensuite à l'ensemble du groupe.
- Pour ce qui est des
échanges individuels, les élèves refusaient à chaque rentrée le correspondant
attitré. Alors on attendait... En lisant les envois, lettres, textes, des Corréziens, si
l'un de nous semblait particulièrement intéressé par telle ou telle information, je lui
suggérais d'écrire au copain concerné pour obtenir de plus amples renseignements. Se
nouaient ainsi des liens, quelquefois durables, se renouvelant après quelque silence,
entre chacun des élèves de Rezé et chacun des élèves de Meynac.
A la fin de l'année,
quand arrivait le moment du voyage-échange, chaque élève avait écrit plusieurs fois à
chaque élève de la classe correspondante. On se connaissait mieux, semble-t-il, que par
le système des « couples ».
Et la correspondance
était vraiment librement consentie, plus naturelle, plus motivante.
Mireille Gabaret
En L.E.P.
Cela fait déjà
plusieurs années que nous tâtonnons pour trouver « la » forme satisfaisante
d'échanges entre nos élèves... Heurts et malheurs, joies et déceptions, frustrations
et enrichissements...
Des 1e, C.A.P.
Maçonnerie ou Couture aux 2 e B.E.P. Electronique ou
Télécommunications, la différence est grande et les mêmes techniques ne sont pas
applicables. Avec nos ados de 14 à 18 ans, la relation garcon-fille n'est pas toujours
facile à tenir, et il n'est pas rare qu'elle apparaisse autant bloquante
qu'enrichissante...
Enfin on se retrouve
toujours un peu piégé par les délais de réponse : beaucoup d'élèves se découragent
vite quand une réponse ne leur revient pas dans les quinze jours, et c'est plus souvent
deux ou trois mois ! Tous les professeurs du réseau n'accordent évidemment pas la même
place à la correspondance, d'une part, et , d'autre part, la gestion des envois et
réponses n'est pas toujours facile...
Nous pratiquons donc
actuellement deux types de correspondance, non exclusifs l'un de l'autre d'ailleurs : le
« réseau » ouvert, qui donne plutôt la priorité aux échanges d'idées,
d'informations, de questionnaires et sondages ; c'est une forme assez souple, chacun
possédant son propre réseau de correspondants, les envois n'exigeant pas de réponses
obligatoires :
la classe, en ateliers,
se partage les envois, chacun répondant en fonction de ses propres motivations et
intérêts ; la réponse n'entraîne pas l'attente d'un lien permanent, elle est surtout
l'occasion de creuser un problème, de s'exprimer sur une question ; c'est d'ailleurs
assez souvent le point de départ de travaux plus développés dans la classe...
Avec les « petites »
classes, je préfère pratiquer des échanges plus stables, plus suivis, établir des
contacts plus institutionnalisés de classe à classe et une écriture collective : un
contact plus sensible, plus affectif... Bien sûr, quand ça peut déboucher sur un
voyage-échange... mais il y a eu au moins échange de travaux, d'expériences de vie, de
conditions de vie. Pour chacun, il s'agit de s'adapter à sa classe, à la classe
correspondante, à la façon dont l'autre prof « pratique » la correspondance.
Il y a eu des ouvertures
: correspondance avec des écoles primaires, des maternelles, ou des « terminales », ou
bien demandes d'élèves aux adultes-profs. Nous cherchons un moyen d'institutionnaliser,
sans le rendre rigide, un lien avec les E.N.N.A. et les profs « stagiaires ».
Tony Rouge
Au Premier degré,
évolution d'une correspondance
Voici
maintenant huit ans que je pratique la correspondance dans le cadre de la pédagogie
Freinet, et je crois avoir vécu, au cours de ces huit années, l'évolution souhaitable
d'une correspondance.
Sorti en septembre 1968
d'un stage Freinet j'avais peur de l'éloignement et de l'inconnu: et c'est dans le cadre
du stage que j'avais décidé de choisir un correspondant, veillant bien à ce que la
structure de sa classe puisse se calquer au mieux sur celle de la mienne (j'avais alors un
C.M.1. -
C.M.2. - F.E. rural). Je craignais la
disparité, je pensais devoir appliquer à des rapports humains un esprit cartésien,
espérant ainsi que les « mariages » n'en seraient que plus logiques, donc plus
efficaces.
Cette première
expérience s'est déroulée tant bien que mal. Nous avons alors connu, mes gosses et moi,
nos premières erreurs, nos premiers échecs, nos premières déceptions, mais aussi cette
immense joie qui naît des échanges entre amis cherchant à toujours mieux se connaître.
Suivirent quatre années
de correspondance du même type, où j'eus la possibilité de calquer, comme la première
année, non seulement les structures de classes, mais aussi les structures d'écoles : ma
femme et moi-même travaillant en poste double rural, nos cinq premières années de
correspondance se firent avec des postes doubles du même type.
C'était rassurant : les
« mariages » nous paraissaient relativement faciles, et souvent même réussis (nous
connaissons quelques correspondances qui durent encore depuis cette époque). Nous
terminions généralement l'année par deux voyages : nos deux classes allaient chez les
correspondants, et leurs deux classes venaient nous voir.
La solution, il faut le
dire, nous a apporté d'immenses satisfactions, à nos gosses comme à nous-mêmes (ce qui
est loin d'être négligeable). Nous avons découvert ensemble l'amitié, la joie de
recevoir, celle d'envoyer, celle de donner, celle de découvrir, mais aussi la critique,
l'attente, la déception, en un mot tout ce qui fait la qualité des rapports humains.
Et puis, il y a eu en
1972, le congrès de Lille. Là, certains d'entre nous ont osé se remettre en cause, et
remettre en cause la structure habituelle de la correspondance interscolaire.
Celle perpétuelle remise
en cause, qui est le propre de la pédagogie Freinet, n'était pas un reniement de ce qui
s'était pratiqué jusqu'alors, mais tout le contraire : il s'agissait de parfaire une
organisation qui risquait de faire sombrer bon nombre d'entre nous (et bon nombre de nos
gosses) dans la routine, d'autant que la formule des « mariages » jusqu'alors appliquée
nous semblait obliger les enfants à s'engager dans un processus d'échanges
irréversible, à un moment bien précis, non choisi par eux, alors qu'ils n'en avaient
peut-être pas besoin à ce moment-là, les motivations en étant trop artificielles. Et
puis, le rythme et la forme des échanges étaient souvent très rigides ; on attendait
généralement que toutes les lettres partent en même temps, car on risquait de décevoir
les correspondants à la réception du colis, on écrivait donc tous en même temps, même
si l'on n'avait rien à dire (n'ayons pas peur des mots 1), etc., etc.
Tout cela commençait à
me peser, et les copains de Lille ont servi de révélateur en ce qui me concerne. Des
possibilités de correspondance plus naturelle me sont apparues et je me suis engagé, à
partir de ce congrès, dans le jeu de cette nouvelle correspondance.
Mais, il faut bien le
dire, j'avais encore la frousse : j'étais séduit par l'esprit de la correspondance
naturelle, mais je voulais quand même garder tout ce qui nous avait apporté les années
précédentes tant de joies et de satisfactions (je pense en particulier aux voyages chez
les correspondants et aux échanges de travaux de classe à classe, pour ne citer que
cela). Alors, pendant deux ans, j'ai opté, en bon Normand que je suis, pour une solution
qui me paraissait ménager la chèvre et le chou : inscrits en correspondance naturelle,
mes gosses pouvaient écrire où ils voulaient, quand ils le voulaient, sous la forme
qu'ils souhaitaient, mais ils avaient parallèlement une correspondance de type habituel,
chacun ayant un ou deux correspondants dans une classe relativement voisine, avec laquelle
nous avions donc des relations privilégiées (à noter toutefois que cette deuxième
correspondance était bien moins contraignante qu'autrefois puisque chacun s'était
choisi, dans la mesure du possible, son correspondant, et lui écrivait seulement quand il
le désirait : il n'y avait donc plus cette obligation d'être prêts tous en même
temps).
Ces deux années ont
été pour moi très lourdes, car je tenais à ce qu'un pointage systématique avec date
et nature des échanges permette aux enfants de s'y retrouver rapidement. Là encore, nous
avons trouvé d'excellentes choses dans cette formule, mais après avoir, avec les
camarades voisins et ceux des congrès, analysé ces deux années de travail, il m'a paru
nécessaire de jouer, totalement cette fois, le jeu de la correspondance naturelle.
C'est pourquoi, à la
rentrée de septembre 1975, mes quatorze gosses de C.M.2 n'eurent au départ aucun
correspondant : nous avions seulement à nous mettre sous la dent une liste de trente à
trente-cinq classes de tous niveaux, toutes plus inconnues et plus lointaines les unes que
les autres.
Voilà pour l'évolution
de ma correspondance, mais avant de raconter l'année qui vient de se terminer, je
voudrais revenir sur quelques options de la correspondance naturelle.
Esprit et démarrage en
correspondance naturelle
On ne le dira jamais
assez, et je tiens à le rappeler ici encore, la création des circuits de correspondance
naturelle n'est en aucun cas la négation de ce qui s'est pratiqué et affiné depuis
plusieurs dizaines d'années : il y a tant de bonnes choses, tant de trouvailles
coopératives, tant de chaleur dans ce qui s'est fait si longtemps et se fait encore dans
les classes qui pratiquent la pédagogie Freinet que personne n'a pu souhaiter qu'on tire
un trait là-dessus. Bien au contraire, il faut préserver ce qui est bon, et c'est ce qui
m'a poussé à adopter momentanément la solution mixte dont je parlais plus haut. Ce que
veut la correspondance naturelle, c'est rendre à l'enfant la part de liberté à laquelle
il a droit. Il nous a semblé que le libre choix devait retrouver sa vraie place dans le
domaine de la correspondance, en particulier en offrant à l'enfant la possibilité de ne
pas écrire s'il n'en a pas envie. C'était pour nous un moyen de rendre à la
correspondance cette vérité et cette affectivité qui distingue, à mon sens, la
pédagogie Freinet d'autres pédagogies dites modernes ou rénovées, souvent froides et
désolantes parce qu'elles n'utilisent que les techniques sans en voir l'esprit (voir le
sabotage du texte libre !) : on n'attachera jamais assez d'importance à l'affectivité,
faisons-la entrer à pleines bouffées dans nos classes (au risque de paraître bizarre
aux yeux de certains... ).
Ce qui nous a donné, au
sein de la correspondance naturelle, le plus de mal (et qui nous pose encore de gros
problèmes, puisque le groupe qui a travaillé au congrès de Clermont-Ferrand a décidé
de proposer pour la rentrée 1976 plusieurs options nouvelles), c'est le démarrage.
Finie la photo ou la
carte d'identité qu'on envoie la première quinzaine de septembre, finis les « mariages
» fait par les maîtres, finis les démarrages tous ensemble. Alors, que faire ?
Se présenter dans une
Gerbe ? Lancer un hameçon individuel ou collectif ? Attendre qu'un ou plusieurs enfants
désirent écrire ? Poser des questions à d'autres ? Demander un ou plusieurs
correspondants au hasard, sans aucune autre envie que celle d'écrire ? Attendre les
questions des autres ?
Je crois pour ma part
qu'il n'y a pas une mais des solutions. Notre rôle, notre part du maître doit consister
à saisir toutes les occasions car, qu'on le veuille ou non, neuf mois et demi, c'est
court, et dans le monde où nous vivons, nous n'avons pas toujours le temps d'attendre !
Oui mais, quand la
machine est lancée, j'affirme qu'il faut y mettre bien peu d'huile pour qu'elle continue
à bien rouler. La seule vraie condition à respecter, celle qui me paraît essentielle
pour que ça marche, c'est de trouver dans la classe une structure de travail coopératif
qui donne priorité à la correspondance et qui permette à l'enfant d'écrire dès que le
besoin s'en fait sentir et de répondre vite à toute demande qui lui parvient.
Quant à ma crainte en ce
qui concerne le caractère aléatoire d'un voyage-échange, elle s'est vite estompée, au
fil des mois, et je crois pouvoir affirmer, à la fin de cette année scolaire 1975-76,
que cet acquis primordial de la correspondance en pédagogie Freinet peut et doit être
préservé. C'est pourquoi je me propose maintenant de résumer en quelques paragraphes
l'évolution de nos correspondances au cours de l'année, flot de vie qui a débouché sur
un voyage que mes gosses ne sont pas prêts d'oublier.
Notre année de
correspondance naturelle
Pour tenter de préciser
l'importance qu'a pu prendre la correspondance dans ma classe cette année, j'ai cru bon
de résumer en deux tableaux le volume de mes échanges, en les classant très
arbitrairement en deux catégories : les échanges de type individuel et les échanges de
type collectif.
J'ai ainsi recensé 233
envois individuels et 66 envois collectifs. C'est beaucoup! Mais il faut dire aussi que la
production des textes libres ne semble pas en avoir souffert et nous avons continué à
imprimer notre journal scolaire. Aurions-nous eu plus de textes si la correspondance avait
été moins volumineuse ? Cela reste à prouver.
Comment en sommes-nous
arrivés là ? et surtout, comment avons-nous démarré ?
Voici trois ans que nous
avons choisi, dès les premiers jours, les gosses et moi, de présenter notre classe dans
la première Gerbe que reçoit chaque classe du groupe en début d'année scolaire. Ce
point de départ nous a souvent permis, comme je le disais plus haut, de lancer la
machine.
Ainsi sont nés des
échanges de toutes sortes avec Besayes, Vesoul, Hergnies, La Luze, Saint
Genis-les-Ollières... Nous apprenions au fil des semaines à mieux connaître, non pas
une, mais plusieurs classes. Quel enrichissement !
Parallèlement à ces
échanges de type collectif, plusieurs de mes gosses ont écrit dans des classes, choisies
par eux-mêmes dans la liste, pour demander un ou plusieurs correspondants ; d'autres
(parfois les mêmes) ont accepté de répondre à une ou plusieurs demandes du même type
parvenues chez nous. Cette façon de démarrer nous a causé bien du souci, car elle
semble, à première vue, relever du plus grand hasard, de la plus grande fantaisie, ce
qui paraît aller à l'encontre de l'esprit que nous recherchions en correspondance
naturelle. Certains camarades ont dit leur désapprobation, pensant qu'il fallait d'abord
essayer de connaître, par le biais d'échanges collectifs, les milieux de vie où l'on
choisirait ensuite éventuellement un correspondant ou une correspondante. Et pourtant, il
m'a paru normal et nécessaire d'accepter ces demandes de mes gosses adressées aux quatre
coins de France. Ainsi, quand Sylvie, le 3 novembre, a posé sur ma table une lettre
demandant une correspondante chez Marcel Jarry, à Châteauroux (pourquoi justement là
?), je n'ai pas cru bon de refuser cette demande, et de cette espèce de coup de dé est
née une importante série d'échanges : je n'ai pas eu à le regretter.
Ainsi, la correspondance
a pris dans notre classe la place prépondérante dont je parlais précédemment. Combien
de fois notre emploi du temps s'est trouvé bousculé, maltraité, anéanti même par la
correspondance ! Bien évidemment, la correspondance naturelle bouleverse la vie de la
classe et l'individualisation du travail, ou du moins le travail en groupes, deviennent
vite une absolue nécessité.
Je ne crois pas que mes
gosses aient été déboussolés par la dispersion et la grande diversité de nos
correspondances, car j'ai toujours tenu à assurer avec eux un pointage rigoureux et un
repérage géographique systématique. En un mot je ne croîs pas les avoir bousculés en
leur laissant la possibilité de tant écrire, de tant échanger.
Ce que j'ai bousculé, ce
sont les structures traditionnelles de la classe : la réussite de la correspondance est
à ce prix.
Jean-Pierre Têtu
En maternelle, déjà ...
J'ai pratiqué en
maternelle (moyens-grands) deux types de correspondance :
1. Une correspondance
globale de classe à classe.
2. Une correspondance
ponctuelle avec une ou deux classes sur une recherche donnée.
I. Correspondance de
classe à classe
Elle est très importante
car il y passe tout un affectif qui stimule le désir de communication. Ainsi cette
année, les lettres collectives ne se répondaient pas : chaque classe se racontait sans
tenir compte de la lettre reçue. Puis, petit à petit, on a commencé à questionner : «
Est-ce que vous avez des ballons? Est-ce que vous faites de la gomme ? » et on a
commencé à se répondre. Un jour, au deuxième trimestre ça a démarré : les corres
ont raconté qu'ils jouaient à la bille à trous. On a demandé ce que c'était, après
la réponse, on a essayé. C'était enfin une vraie communication.
1. Comment on l'a
pratiquée
a) Un instit fait la
proposition dans sa classe (en général celui qui a des « anciens ») si la classe est
d'accord (et elle l'est généralement), elle commence une lettre collective où chacun
donne ses propositions - que la maîtresse écrit - une présentation du groupe (on fait
un album de dessin par exemple où on s'est représentés). Puis c'est la réponse.
b) Le colis-réponse est
ouvert et découvert par les enfants : travaux individuels ou collectifs, lettre, tout est
étalé. On regarde, commente, emporte, affiche, la lettre est lue puis affichée ou mise
au coin lecture (tout dépend de l'encombrement), les travaux collectifs sont explorés
pendant plusieurs jours si besoin est. La lettre est relue dans la semaine.
c) On échange tout ce
que proposent les enfants : dessin, peinture, fiches maths, lettre individuelle, albums,
recherche, poésies, cassettes, etc. Les enfants placent librement ce qu'ils veulent
envoyer dans une boite et le tout est regardé, discuté. On discute aussi l'envoi des
travaux collectifs (B.D., albums, recherches), puis on organise la lettre.
2. La part du maître
a) Il est le garant du
rythme de la correspondance. En maternelle, il est souhaitable que ce rythme soit rapide
et régulier (cinq jours maximum entre l'envoi et la réponse) sinon il y a oubli.
b) Il incite, propose :
Et si on envoyait notre B.D. de la sorcière ? » Les enfants peuvent accepter,
refuser ou donner leurs limites « oui, mais ils nous la rendent après »,
ce qui est précisé dans l'envoi
c) Il apporte des
techniques de présentation pour varier les envois. Ainsi les lettres ont pu être
immenses, « on peut tous se cacher en dessous », ou présentées en journal, en
album, ou écrites en escargot, en vagues, ou tirées pour chaque enfant au duplicateur,
ou décorées par les enfants avec différentes techniques.
d) Il rappelle souvent
les corres, en relisant la lettre, les albums, etc.
3. Ce qui aide
a) Que les instits se
voient au moment des envois pour donner des détails du vécu qui ne paraissent pas
forcément dans l'envoi.
b) Que les enfants se
voient (nous, on se voyait deux fois : deuxième et troisième trimestres).
c) Que les envois
soient le plus libres possibles (ne pas mettre de limites) si l'enfant veut envoyer, c'est
qu'il a ses raisons.
d) Faire la lettre et
l'envoi dans un moment calme et favorable à l'expression des enfants : pas le soir quand
on est fatigués, pas le matin à froid, le mieux est de placer ce moment dans les projets
de la semaine et de faire choisir le jour par les enfants. Prendre son temps.
e) Ne pas vouloir trop
« exploiter ». Être à l'écoute des enfants, regarder, sentir ce qui se passe. C'est
un facteur important pour l'installation de l'écrit en maternelle. L'écrit interroge,
informe, amuse, raconte, répond. On retient petit à petit des mots chargés
affectivement : bonjour, au revoir, des bisous, les prénoms, des dessins, etc.
C'est aussi un apport
de propositions de recherche, de techniques, d'expériences.
II - La correspondance
avec une ou plusieurs classes autour d'une recherche
1. J'ai participé avec
ma classe à un circuit dessin avec une section de petits et un C.E.2
a) Les envois allaient
d'une classe à une autre.
b) Ils étaient choisis
suivant un critère de nouveauté (ou présentant une nouvelle technique). ou des
critères de recherche (tel travail avait nécessité beaucoup de soin ou de temps).
c) On notait les
réactions des enfants devant chaque production.
d) On réutilisait les
techniques dans nos classes suivant l'intérêt des enfants.
Intérêt :
a) Pour les petits :
plaisir de voir ce que faisaient les plus grands : « c'est beau ». C'est aussi, pour
eux, se voir en devenir. C'est aussi une occasion d'élargir son champ d'expériences dans
ce domaine.
b) Pour les grands :
plaisir de voir ce que faisaient les Petits et comparaison avec ce qu'ils faisaient eux
quand ils étaient petits. C'est une façon de constater le chemin parcouru. C'est aussi
pour les grands, l'occasion de retrouver une appréhension de la matière et de l'espace
qui est souvent plus spontanée chez les petits.
2. J'ai participé avec
ma classe à un échange autour du géoplan
a) Les enfants de ma
classe ont envoyé des fiches qu'ils avaient réalisées. Puis j'ai expliqué la
construction du géoplan.
b) Les enfants du C.E.2
ont accueilli cet envoi avec enthousiasme ; en particulier des enfants un peu perturbés
qui ont saisi l'occasion au vol : ils ont construit le géoplan, puis essayé ce qu'avait
envoyé les petits ; c'était facile, alors ils ont cherché pour eux.
c) Ensuite ils ont eu le
projet de faire pour les « petits » un fichier de leurs expériences ; mais bien sûr,
il fallait prendre les plus simples.
d) Quand les enfants de
ma classe ont reçu le fichier, ils ont essayé. Mais, pour éviter le découragement,
j'ai dû opérer un second tri. Quand les enfants avaient réalisé une de ces fiches, ils
étaient très contents et assez fiers d'eux.
III - Les limites de la
correspondance de classe à classe
Je crois que les limites
sont surtout dans le manque de vécu commun : deux rencontres, c'est peu, surtout quand il
y a le voyage, le dépaysement et tous ces enfants que l'on ne connaît pas (et les
parents).
C'est aussi un peu
artificiel dans la mesure où c'est entièrement » géré » par l'instit
Pourtant les enfants y
accordent de l'importance puisqu'ils le redemandent chaque année. Alors ?
Michèle Massat
La correspondance
placée au centre des activités
et prise en charge par le groupe-classe
(gerbe de témoignages)
La correspondance
s'inscrit inévitablement dans une organisation
La correspondance prend
du temps mais je pense que cela ne pose pas de problème avec une bonne organisation. Elle
sert de motivation à de nombreuses activités de la classe. Il y a eu des échanges
d'albums (traces écrites de travaux de groupes sur l'étude du milieu, l'étude de notre
région), de bandes dessinées, de dessins libres, de poésies, de plans... Je pense que
presque tous les jours, au travers de ces activités, nous avons travaillé à la
correspondance scolaire. (Jacqueline)
Il n'y avait pas de jours
fixes, ni de temps défini. Pour la correspondance individuelle, chacun répondait quand
il voulait. Je veillais à ce qu'un temps trop long ne s'écoule pas entre une réception
et un envoi. (Alain)
La correspondance
collective s'inscrit autant, je pense, dans un processus pédagogique d'organisation de la
classe, de l'organisation du travail que sur un plan psychologique. (Ferdi)
Cette organisation ne
peut se faire qu'avec les enfants
Le temps que nous
passions à la correspondance était variable. Chaque fois que les enfants manifestaient
le désir de préparer quelque chose pour les correspondants, nous le faisions.
L'organisation de nos activités dans la journée n'était pas stricte. En principe, le
vendredi après-midi était réservé à l'expression (écrite ou orale). La rédaction de
la lettre collective se faisait généralement un vendredi, mais pas systématiquement.
(Jacqueline)
De plus, elle (la
correspondance) ne peut s'inscrire que dans l'activité générale de la classe, de son
degré « d'évolution » dans la prise en charge coopérative du travail par les enfants.
(Alain)
On s'accroche à la
correspondance à partir du moment où un plan de travail collectif a été élaboré en
commun, quand il y a échéance, contrat à remplir. (Ferdi)
Cette organisation permet
à chacun, et au groupe, de « se prendre en charge »
- Prise en charge
personnelle et affective.
- Prise en charge au
niveau du groupe.
Cela a été positif pour
l'ensemble des enfants. Certains assez repliés sur eux-mêmes au début de l'année se
sont ouverts à la classe par le biais de la correspondance. Je pense que cela a
également favorisé les échanges entre eux. Ils avaient envie de parler de leur
correspondant, de ce qu'ils recevaient ou envoyaient.
Chacun exposait ses
projets. Certains élèves ayant de grosses difficultés sur le plan scolaire comme le
petit Laurent, comme Gilles étaient vraiment heureux de correspondre. Comme les autres,
à travers la correspondance, ils étaient capables de s'exprimer, de communiquer.
Par exemple, Laurent
n'attendait pas l'envoi collectif, il écrivait seul plusieurs fois avant et il était
très fier de me montrer ce qu'il envoyait. Cela le mettait en valeur.
La correspondance
individuelle se situait le plus souvent « hors classe » mais parfois « dans la classe
». Ils écrivaient quand ils voulaient et où ils voulaient. Certains me demandaient de
corriger leur lettre, me demandaient des conseils sur ce qu'ils pouvaient envoyer.
J'intervenais uniquement d'après leur demande. D'autres préféraient se faire aider par
leur mère. (Jacqueline)
Il apparaît important de
souligner qu'une correspondance qui « marche bien » (mais qu'estce que cela veut dire ?)
est le moyen pour les enfants d'accéder à une certaine autonomie dans leurs activités,
notamment :
-
Par
rapport au rythme d'envoi.
-
A la
qualité des envois.
-
Au
contenu des envois.
Il y a là une mise en
place nécessaire de plans de travail de programmation liés à une réalité, qui est
l'échange avec d'autres.
Toutefois, cela ne se
fera pas tout seul et la part de l'adulte est importante dans la mise en place des
structures de fonctionnement, et l'animation postérieure de ces structures.
Il faut que « quelqu'un
» renvoie sur le groupe les décisions prises en leur temps. En ce sens, la
correspondance est un élément d'une démarche autogestionnaire. (Alain)
La réponse à un envoi
nécessite une organisation déterminée en commun
Exemple : les
correspondants ont demandé des renseignements sur « la pêche aux civelles ».
- Qui va travailler à
cette réponse, et pour quand ?
D'où le plan de travail
collectif ci-contre
thèmes |
présentation |
Mise au propre |
René : interview
de son frère |
16.01 |
22.01 |
Jean : dessin des
lieux de pêche |
18.01 |
22.01 |
Jacques : texte qui
décrit sa pêche
|
19.01
|
22.01 |
Yves : naissance
des civelles |
26.01 |
4.02 |
Anne : recette de
cuisine |
14.01 |
20.01 |
Albert : voyage des
anguilles (B.D.) |
13.01 |
20.01 |
Cathy : coupures de
journaux
|
18.01 |
26.01 |
Christine : dessin des
instruments de pêche |
13.01 |
26.01 |
Janine : poids et prix
des pains de civelles
|
13.01 |
26.01 |
Ces travaux organisés
pour les correspondants se feront en fonction des possibilités de chacun.
Jacques a des choses à
raconter, mais ne sait pas s'exprimer par écrit... Robert l'aidera. (Ferdi)
Il
apparaît bien aux réponses des camarades au questionnaire, que l'introduction et la
pratique de la correspondance amène une remise en cause de la pratique quotidienne dans
la classe, et l'inscription de la correspondance dans un processus nouveau.
Ce processus peut avoir
ses limites, d'autant plus qu'il sous-entend la mise en place de réseaux affectifs qui ne
sont pas toujours évidents.
-
un
journal,
-
une
ouverture de la classe sur l'école, sur le quartier (les parents).
Souvent on fait le
contraire ; on amène la correspondance, alors que rien n'existe dans la classe pour
espérer en faire un des moyens privilégiés de l'expression libre.
(Extraits d'un échange
entre collègues de Loire-Atlantique).
C'est généralement le
lendemain de la réception que l'on répond aux lettres individuelles des correspondants.
Pourquoi le lendemain ?
Parce que le jour où les
gamins reçoivent la lettre, ils la lisent, la relisent, la regardent, la montrent, la
portent sur eux et parfois l'embrassent : ils vivent avec le correspondant. Le lendemain,
ils sont encore imprégnés affectivement par le contenu de la lettre reçue et impatients
de « dire » à leur corres.
Ceci n'est pas exact pour
tous les gamins. Si l'un d'entre eux n'a pas le désir d'écrire ce jour-là, inutile de
le forcer. Il le fera plus tard, sinon un copain s'en chargera pour cette fois : la règle
veut que toute lettre reçue doit avoir une réponse, et que toutes les réponses doivent
partir ensemble. Je m'assurerai également que la règle d'or de la correspondance, à
savoir l'équivalence des échanges, soit respectée.
Voici comment se déroule
une séance de « lettres individuelles ».
Je suis assise à une
table isolée.
Chaque groupe prend une
fiche-guide : « Jécris à mon corres » (voir modèle ci-joint).
J'ÉCRIS A MON CORRES
-
Je relis sa lettre (je repère ses questions).
-
Jécris sur mon brouillon (en sautant deux lignes).
o Je réponds aux
questions.
o Je raconte ce que je
veux.
o Je lui pose mes
questions.
-
Je vais mettre mon nom au tableau sur la première liste, et je travaille seul
(plan de travail, décoration de ma lettre, lecture ... ). Je ne dérange pas la classe.
-
Le maître m'appelle : je prends mon brouillon et la lettre du corres.
-
Je recopie la lettre au propre (voir au dos de la fiche).
-
Je vais remettre mon nom au tableau sur la deuxième liste, et je décore ma
lettre.
-
Le maître m'appelle : je prends la lettre recopiée et mon stylo.
8. Je termine la
décoration ou le travaille seul.
Au verso de cette fiche
se trouve un modèle de présentation de lettre
La date ............. Béziers, le ...
Son prénom .... Cher
(ou chère
) (ou Bonjour...)
1. Je réponds .
2. Je raconte
.....
.
3. Mes questions
..
..
Ma signature ... A
bientôt
.....................
(ou ce que je veux)
(Regarde la dernière
page du dictionnaire pour les petits).
Quelques remarques au
sujet des différents points de la fiche-guide
1.
Après lecture rapide, les questions sont signalées dans le bord de la lettre par un ?
2. Deux lignes sautées
pour la correction et la mise au point.
J'évite qu'il y ait plus
de cinq questions par lettre.
3. Sur le tableau, deux
colonnes : « Lettres au brouillon » - première liste. « Lettres recopiées »
deuxième liste.
- Plan de travail : les enfants ont chacun un plan de travail hebdomadaire, grâce auquel ils travaillent seuls sur des fichiers autocorrectifs.
- La décoration est, bien sûr, totalement libre.
- Lecture libre, également à ce moment.
- « Je ne dérange
pas » : loi primordiale dans la classe.
4. Le gamin me lit sa
lettre reçue, s'il le souhaite. Je corrige le brouillon. je souligne les erreurs qui
pourraient être corrigées par l'enfant, soit par simple réflexion, soit à l'aide du «
Jécris tout seul » (répertoire orthographique C.E. L.). Dans ce cas, il va
à sa place, corrige sur la première ligne, et se réinscrit sur la première liste. Mais
cette correction n'est pas obligatoire. La deuxième ligne, sert à transcrire le texte
mis au point, soit par l'enfant, soit par moi.
5.
Copie de la lettre au propre, en utilisant un carbone et une feuille blanche. La copie au
carbone sera collée dans le classeur « correspondance », face à la lettre reçue.
La
dernière page du « dictionnaire pour les petits » (C.E.L.) où se trouvent des
expressions-clés pour la correspondance peut être remplacée par une affiche contenant
ces phrases-clés.
6. Liste « lettres
recopiées ». Chacun reste autonome. Dans la classe, il trouve le matériel qui lui
permet de décorer la lettre à son goût : papiers divers, feutres, colle, peinture...
8.
Chacun a son occupation mais ne dérange pas la classe. Un système d'entraide permet aux
plus faibles de se faire aider par les autres et ceci tout au long de la séance.
*
Un responsable « correspondance » recueille au fur et à mesure les lettres terminées
et lorsqu'il les a toutes, y compris celle du maître pour la maîtresse, il donne
l'autorisation d'envoyer l'enveloppe aux correspondants.
* Bien entendu, dans ma
classe de perfectionnement, tous ne terminent pas dans la séance du matin. Souvent, on
continue l'après-midi et pour les plus lents, le lendemain.
* Et celui qui ne sait
pas écrire ? Pas de problème : Un enfant plus fort le prend en charge. Il raconte ce
qu'il veut dire à son corres, et l'autre écrit sur un brouillon. (Parfois c'est moi qui
le fais). Dans ce cas, au début, les échanges sont surtout constitués de dessins. Le
désir d'écrire personnellement surgit assez rapidement en général.
* Si les effectifs ne
sont pas identiques dans les deux classes ? Les élèves motivés et compétents de la
classe la moins nombreuse, prennent deux correspondants. Et ça marche bien, en général.
* Une règle d'importance
: toute lettre qui part, doit être très lisible (c'est son but) et sans erreurs
d'orthographe.
Remarque : Il est arrivé
qu'un gamin veuille ajouter à la lettre individuelle mise au point, un message « secret
» pour le corres. Bien entendu j'ai laissé partir, sans regarder. (Il vaut mieux dans ce
cas, prévenir le maître des corres).
*Quel rythme d'échanges
? En voici un, possible parce que réalisé :
- Une semaine : lettres
individuelles + dessins + textes imprimés.
- L'autre semaine :
lettre collective avec questions (et réponses aux questions précédentes, sous forme de
: oui/non, album, textes, etc.), envois collectifs (albums, recherches mathématiques,
bande enregistrée, etc.) + textes imprimés.
- Un ou deux albums par
trimestre.
- Un ou deux colis dans
l'année (cadeaux individuels, friandises, etc.).
Donc, chaque semaine :
des textes + quelque chose. (Penser pour les colis, à l'équivalence des échanges).
* Cette démarche n'est
pas un modèle, bien sûr, mais un témoignage. Il existe d'autres façons de faire. A
chacun de personnaliser en fonction de sa classe, de ses effectifs... et de ses
affectifs...
Patrick Robo (classe de
perfectionnement)
Le groupe-classe
écrit à l'autre groupe-classe
La lettre
collective
Comment procédons-nous,
cette année pour réaliser une lettre collective ? Il ne s'agira pas, ici, de la
première lettre collective de l'année, mais d'une lettre répondant à une autre
envoyée par les corres.
LA RECEPTiON
Une grande enveloppe
arrive en classe. Les deux responsables « correspondance » lisent les indications
postales inscrites dessus : c'est les corres ! La joie entre dans la classe ! Ils
prennent un couteau et ouvrent l'enveloppe. « C'est une lettre collective ». Ils
la sortent et me la donnent pour que je l'affiche sur le mur où elle restera jusqu'à
l'arrivée de la prochaine lettre collective. Tout le monde vient devant la lettre. Le
silence écrase la classe. Chacun déchiffre le contenu. Les plus rapides la lisent et la
relisent. Ceux qui ont des difficultés en lecture suent presque des gouttes pour
comprendre « ce qu'ils racontent » (les corres). Certains partent lire dans l'album «
correspondance » que nous faisons, le double de la lettre collective que nous avions
envoyée, pour vérifier si les corres répondent bien aux questions qu'on leur posait. Un
autre va prendre un dictionnaire pour y chercher un mot qu'il ne comprend pas.
Au bout d'une bonne
dizaine de minutes, les responsables correspondance donnent la parole à ceux qui la
demandent et les commentaires vont bon train :
Elle est chouette.
Ils ont oublié de
répondre à une question. Ils ont bien dessiné.
Il
faudra leur dire de plus écrire en jaune. Ils nous envoient des problèmes, on leur en
enverra nous aussi.
De cet entretien,
ressortent des questions dont personne ne connaît la réponse, et des enquêtes sont
ainsi lancées dans les familles (qui « espionnent » de près notre correspondance !)
Les réponses arrivent généralement dans la demi-Journée suivante. Ressortent aussi,
des projets de travail, de recherche dont les grandes lignes se mettent en place sur le
champ...
En fait, il ressort une
envie, un désir de FAIRE...
LA RÉDACTION
1. Chacun revient à sa
place et généralement nous commençons alors notre lettre collective.
Il est évident que si
les gamins n'ont pas envie de la faire tout de suite, ou si une priorité existe à ce
moment-là, en classe, on reporte la lettre à un peu plus tard.
Comment commençons-nous
?
Chaque gamin, sur un
brouillon, écrit ce qu'il voudrait que l'on écrive, que l'on raconte aux corres, puis
les questions qu'il voudrait voir poser. (On retrouve ici la même orientation que pour
les lettres individuelles : on répond; on raconte, on demande). Bien entendu, ils ne
rédigent pas les phrases (perf.), ils se contentent de résumer en un ou deux mots
l'idée qu'ils veulent émettre pour la communiquer ultérieurement au groupe et ceci de
façon compréhensible. (Cette gymnastique de l'esprit, n'est pas évidente, au début).
Au bout de cinq à dix minutes, chacun à son tour dit à la classe ses propositions en
les numérotant (actuellement, j'ai chaque fois une trentaine de propositions environ).
Malheureusement, on ne pourra toutes les écrire aux corres. Alors, on fait ce qu'on
appelle « le tiercé » : chacun écrit sur son brouillon, les numéros des trois
propositions qu'il préfère. Puis, on passe au dépouillement : chacun dit ses trois
numéros, et je place une barre devant les propositions choisies. Quand tous ont parlé,
on totalise les scores et on choisit les cinq ou six meilleurs. On procède de même pour
les questions. Ainsi, rapidement, on a le contenu résumé de la lettre qui s'ajoutera aux
réponses que l'on fera à leurs questions. Cinq réponses sous forme de phrases, de
comptes rendus d'enquêtes, ou d'albums. A partir de là, chaque groupe (il y en a trois,
formés à partir de sociogrammes-express) se propose pour traiter un des thèmes : on
répond, on raconte, on demande. Puis, chaque groupe relève les propositions qu'il devra
rédiger, ou les questions auxquelles il faudra apporter une réponse rapide.
2. Tout de suite après,
si le pouvoir d'attention (le désir) le permet, ou à un autre moment, on passe à la
rédaction. Chaque groupe rédige au brouillon ce que l'on mettra sur la lettre. Pour ce,
ils se choisissent un rédacteur, un porte-parole, un chercheur de l'orthographe sur «
Jécris tout seul » (C. E. L.).
3. Quand la rédaction au
brouillon est terminée, on procède à la mise au point collective orale des phrases.
D'abord, on commence
collectivement, à chercher l'introduction de la lettre : « Salut les corres » ou «
Bonjour les Savoyards » et je la marque au tableau. Ensuite, le porte-parole du groupe
«on répond», annonce la première phrase. On la met au point et je l'inscris au
tableau. Puis, la deuxième phrase, etc. Puis, c'est le tour du groupe « on raconte »,
puis le tour du groupe « on demande ». Enfin on cherche collectivement la fin de la
lettre, les salutations.
Bien entendu si une
question des corres a provoqué une enquête ou la réalisation d'un album ou de la
recherche mathématique, cette forme de réponse est laissée de côté et sera traitée
dans un autre moment privilégié, puis sera ajoutée à la lettre collective que l'on
enverra.
Remarque : Lorsque la
lettre collective attend, pour être expédiée, le compte rendu de l'enquête ou la
réponse du problème, une certaine impatience flotte sur la classe. D'habitude ça ne
traîne pas et le résultat obtenu est bien supérieur à celui que l'on obtient quand
nous travaillons uniquement pour nous !
4. Lorsque la mise au
point est terminée et que la lettre est écrite sur le tableau, on la lit d'un bloc pour
avoir un aperçu de notre travail et éventuellement apporter quelques améliorations.
5. Vient ensuite la
préparation pour l'envoi. N'ayant pas, cette année, d'élève suffisamment compétent en
écriture, c'est moi qui la transcris sur de grandes feuilles blanches (40 x 60 cm
environ). Pour ce, je trace les mots au crayon, très légèrement, avec des formes
d'écriture variées. Ensuite, les gamins repassent sur les lettres et les colorient.
Pourquoi ceci ? Parce qu'une des règles sur lesquelles je m'appuie en correspondance
est l'obligation d'être lisible par « l'autre ». Nous écrivons pour être lus ! Et
puis, c'est ma contribution à la réalisation collective dans la classe coopé. Lorsque
toutes les lettres sont coloriées, les gamins illustrent les feuilles selon leur goût
avec un impératif fixé entre nous et les corres : on ne dessine pas sur, ni entre les
lignes pour ne pas compromettre la lisibilité.
6. La décoration
terminée, on assemble les feuilles sur l'envers avec du ruban adhésif de manière à
obtenir un accordéon vertical en deux ou trois morceaux, chaque morceau ayant une
longueur telle qu'on puisse l'afficher sur un des murs de la classe.
-
Nous affichons notre lettre terminée, nous la lisons, la contemplons avant de la
glisser, avec éventuellement un album, un compte rendu d'enquête, une affiche, un
problème, une cassette... dans l'enveloppe pour l'expédition.
8. Remarques :
* Au moment de la
décoration, il y a un élève volontaire (sinon ce serait moi) qui recopie la lettre
collective sur une feuille 21 x 29,7. Ce double sera collé puis illustré dans notre
classeur « correspondance », face au double de la lettre reçue des corres. Une mémoire
et une preuve. Un témoin de l'activité. et de la vie de la classe.
* Pour la partie « on
demande », nous nous limitons volontairement à cinq questions pour ne pas bloquer la
réponse des corres, et surtout pour ne pas les submerger de travail et les étouffer dans
et par l'activité correspondance, car généralement les questions entraînent de la
recherche, du travail, pour eux 1 Nous faisons en sorte qu'une question au moins soit un
sujet possible de recherche ou d'enquête.
* Les lettres collectives
arrivent en alternance avec les lettres individuelles. Cette année nous avons à peu
près un envoi tous les huit à dix jours. Bien sûr, si nous en sommes là, c'est parce
que, en démarrant la correspondance, avec ma collègue, nous avons mis en place, au
préalable, des règles de fonctionnement que nous avons respectées, et améliorées en
les adaptant au fur et à mesure.
* Si l'envoi est trop
volumineux (comme pour les lettres individuelles), et nécessite plusieurs enveloppes,
nous indiquons au dos de chacune d'elles dans un petit cercle, le nombre total
d'enveloppes faisant partie de l'envoi ; par exemple : trois. Ceci pour n'ouvrir les
enveloppes en classe, que lorsque nous les avons toutes reçues, évitant ainsi tout choc,
toute déception. De plus, pour les envois présentant une particularité, nous nous
avertissons par téléphone, avant d'expédier par la poste.
Tout ceci est bien sûr
à améliorer. Votre réaction ou votre témoignage pourra nous aider. Essayons de
coopérer. Vous pouvez envoyer une lettre individuelle ou une lettre collective, cette
dernière étant un jeu de société très intéressant à expérimenter ! A moins que la
correspondance ne soit réservée qu'aux enfants !
Patrick Robo
Et les apprentissages
des maths
Cet article aurait pu
s'intituler : Une séance de poids, mais pas pesante.
Nous voici quelques jours
après la rentrée des vacances de Noël. La matinée s'est déroulée normalement avec le
« Quoi de nouveau? » l'entretien comme disent les I.O.), des maths, du français, de la
lecture, suivant nos pratiques habituelles. L'après-midi s'annonce normale.
14 heures : on arrive en
classe et on s'installe. Deux stagiaires du centre C.A.E.I. sont avec nous depuis la
rentrée, et pour trois semaines. Nous avions projeté de poursuivre une étude entreprise
sur des problèmes mondiaux relatifs à la nourriture, la santé, l'école... par
comparaison des réalités du tiers-monde et de celles de pays dits « civilisés »
connus... surtout au travers de la T.V. Ceci parce qu'une classe de Belgique nous avait
envoyé un poster évoquant ce sujet. Donc, séance d'éveil (comme disent les I.O.).
Mais... la concierge
frappe à la porte ; elle nous porte un colis. - Msieur, qu'est-ce que c'est ? - Msieur,
c'est les corres ?. - Je ne sais pas. Les deux responsables de la correspondance se
lèvent et viennent voir le colis. Ils essaient de « décoder » les indications portées
sur l'emballage : Classe de Perf., École Gaveau._ C'est pour nous ! Ils continuent leurs
investigations Expéditeur : Classe de Perf. École de Ragon. - Ouais ! C'est les corres !
Un rayon de soleil vient
d'entrer en classe. Vais-je les ramener à notre étude ? L'idée ne m'en vient pas à
l'esprit. - Tas vu tous les timbres qu'y a ? - Oh ! y a un grand dessin sous le colis -
Bon, on l'ouvre, Msieur, vous nous prêtez votre couteau ? dit l'un des deux responsables.
- Eh ! C'est lourd ? s'écrie un gamin qui s'approche - Oui. - Non. - Si. - Y a qu'à le
peser ! dit avec gravité un ancien de la classe Comment ? - Avec le truc qui est
là-bas sur les étagères. (c'est une balance Roberval poussiéreuse. Et pour cause ! On
n'a pas encore eu d'occasions de l'utiliser, ni abordé les notions de masses). - Msieur,
on peut le faire ? - Oui.
Alors un gamin va
chercher la fameuse balance ; le responsable du placard va chercher la boite de poids que
certains n'ont encore jamais vue. Un bureau est apporté devant le tableau, la balance
installée dessus. Et la pesée commence, dirigée par les responsables « correspondance
» entourés par l'ensemble de la classe. Je me place un peu à l'écart et laisse faire.
(Ne pense-t-on plus à ce qu'il peut bien y avoir dans ce colis-surprise ?). Quelle
effervescence ! Ça bouillonne, ça tâtonne, ça discute. Les responsables ne s'en
sortent pas très bien. Un élève s'avance spontanément et les aide à manipuler les
poids. On hésite. Commence par le lourd propose une gamine. Combien c'est celui que t'as
mis sur le truc ? Jsais pas Regarde-le, c'est marqué dessus je crois
-C'est un kilo - Attends je le marque s'écrie un matheux. Tiens ! Des cahiers de
brouillon sortent des bureaux. Une gamine va vers le tableau et inscrit : 1 kilo. La
pesée continue, tant bien que mal jusqu'à l'équilibre. Tous les poids utilisés sont
notés sur les cahiers et au tableau lfaut chercher. (J'ai l'impression de ne
servir à rien. Un bon maître doit savoir mener sa classe, nous disait-on à l'École
Normale).
Une minute de silence...
Même deux. Ce n'est pas du recueillement, mais de la recherche comme ils ont pris
l'habitude de dire. Puis, ça repart. Des questions, des soupirs, des coups de poing sur
le bureau parce qu'on ne trouve pas, des : Ouais ! J'ai trouvé. Des : Vous
dérangez, etc.
Certains se lèvent et
viennent me trouver ou trouver les stagiaires. Et là, c'est de l'individualisation en
partant du Recompte combien ça fait 4 et 3 jusqu'à Regarde comment tu as placé les
virgules en passant par Pourquoi as-tu ajouté ? et par A-t-on le droit d'ajouter des
choses qui ne sont pas pareilles entre autre. Deux élèves ont trouvé le résultat 1 kg
et 874 g. Beaucoup ont fait des erreurs en tout genre. D'autres ne trouveront jamais (ce
jour-là).
On en vient alors à une
mise en commun au tableau. Chacun ou presque dit son mot. Nous sommes évidemment conduits
au problème du poids de 1 kg que l'on ne peut placer dans l'addition parce que c'est pas
des grammes. Je demande alors : 1 kg, ça fait combien de grammes ? et j'entends toutes
sortes de réponses avec au milieu : Y a qu'à le peser. Le « gros poids » est déjà
sur la balance. Au bout d'un moment, stupéfaction : 1 kg, c'est 1 000 g. Et nous revoilà
partis dans des additions rien qu'avec des pareils. Le résultat est calculé au tableau :
1 874 g. Puis arrive une
proposition de jeu : Si on calculait combien ça fait de grammes, 2 kg, 3 kg, etc, ? Et on
« joue ». Puis je lance une « devinette » : Qu'est-ce qui pèse le plus : 1
kg 874 g ou 1874 g ? » (les réponses diverses permettent de sonder rapidement une
certaine avance dans l'évolution de quelques gamins).
Un élève, venu faire
tous ses calculs près du colis lance soudain : Et les timbres ? - Faut les compter -Ça
doit être cher -- C'est pas eux qui paient, c'est le facteur, etc. Et nous repartons dans
des calculs. Les ceintures blanches en opérations se contentent de les compter. Les
autres essaient de trouver le prix total par des cheminements divers. Nous voilà face à
un nouveau problème : sur les timbres, y a pas si c'est des F ou des c, On clarifie la
situation, on fait des additions, des multiplications, des méthodes de calcul analogues
à celles qu'ils rencontrent sur les cahiers de Techniques Opératoires, vendus par la
C.E.L. Le résultat arrive sur le tableau : 15,50 F.
Une gamine chargée
d'expédier le courrier à la poste dit alors : Ça fait comme quand j'ai envoyé notre
colis à la poste, la dame l'avait pesé et m'avait dit : ça fait 15,50 F - Msieur pour
tous les colis, ça coûte pareil ? La responsable correspondance dit que non et va
chercher la feuille des tarifs postaux que nous possédons : C'est marqué là-dessus,
dit-elle. Les recherches vont bon train sur l'imprimé : Msieur, y a pas marqué 1874 g.
Je fournis les explications. On regarde à nouveau la feuille. C'est jusqu'à 2 000 g. Je
lance rapidement un « jeu » de comparaisons : plus ou moins lourd que 2 000 g ? -
Msieur, les lettres de 2 000 g, c'est plus cher que les colis de 2 000 g.
- On ouvre le colis ?
demande enfin une gamine. (Oui, je dis enfin, parce que voilà un peu plus d'une heure que
la concierge a frappé à la porte, que je les savais impatients de recevoir ce colis, et
que mon intuition (fausse) me disait que, lorsque le colis arriverait, il faudrait tout
laisser tomber pour voir ce que les corres leur ont envoyé). Le colis est donc ouvert :
des cadeaux individuels mais aussi un sac de bonbons et un sac avec des porte-clés et des
sucettes en nombre ne correspondant pas mathématiquement à celui des élèves de la
classe.
Et nous revoilà partis
encore une fois dans les maths : dénombrement, partages, répartitions, tirage au sort,
etc. Ceci a duré jusqu'à la récréation. Comme le partage n'était pas résolu, un vote
a décidé que l'on ne descendrait pas dans la cour afin de mener à son terme les calculs
entrepris. Nous y sommes enfin parvenus après presque trois heures de recherche
mathématique, chose qui n'est quand même pas quotidienne dans la classe. C'est quand
même pas mal pour des enfants dits « peu capables de fixer leur attention ».
Patrick Robo (classe de
perfectionnement)
Recherche scientifique
(au cours élémentaire)
Allers-retours entre Blagnac (classe de Claude Curbale) et Prades
(classe d'Yvan Marquié)
Avec une loupe on peut
faire quand on regarde avec une bille en loupe. Quand on regarde de loin, on voit petit et
quand on regarde de près on ne voit rien.
Sylvie (Blagnac)
Si on met une loupe sur
l'écriture, on la voit normale. Si on lève encore, on la voit plus grosse, si on lève
encore on la voit grosse, si on continue de la lever on voit trouble puis on ne voit rien,
Andrine (Prades)
Je ne suis pas d'accord
avec toi. Parce que moi, je l'ai fait avec une bille-loupe. Et toi tu l'as fait avec une
loupe. C'est vrai ce que tu as fait, sauf à la fin. Ce n'est pas vrai qu'on n'y voit
rien. On y voit mais à l'envers.
Sylvie (Blagnac)
Je ne suis toujours pas d'accord avec toi. Avec
la loupe, tu t'es trompée.
A la fin, de loin, on ne voit rien.
Chez moi je n'ai pas de bille-loupe.
En classe non plus, alors je n'ai pas pu faire comme toi.
Pourrais-tu m'envoyer une bille-loupe ? Je te la renverrai,
Andrine (Prades)
Andrine
lit sa réponse à la classe. Jan qui, de son côté, a fait l'expérience n'est pas
d'accord avec elle. Il l'écrit aux correspondants.
Moi, je suis d'accord avec
toi. Quand on regarde dans la loupe de loin, on voit tout à l'envers.
Jan (Prades)
Oui, je me suis éloigné et
j'ai tendu le bras.
Jan (Prades)
Est-ce que tu
t'éloignais ? As- tu tendu le bras ?
Sylvie (Blagnac)
Vivre
l'histoire-géographie à travers la correspondance
I. L'origine de cette
expérience :
Nous voulons parler
rencontre de jeunes, eh bien ! parlons de la nôtre d'abord : Nicole et moi, nous nous
sommes rencontrés lors d'un stage I.C.E.M. à Grenoble, l'an passé. Nous avons
travaillé ensemble dans un groupe histoire-géographie et de nos conversations, de nos
théories échangées est né le désir d'une pratique commune : lancer une correspondance
entre nos classes en histoire-géographie.
1. Nos objectifs :
Il s'agissait de mettre en
contact des enfants de deux milieux très différents et ce, comme nous ignorions encore
quelles seraient nos classes, peu importait le niveau !
Donc établir une
correspondance collective et individuelle : correspondance affective, permettant aussi à
nos ados d'échanger sur leurs milieux, sur leur vie, (deux classes en milieu très
urbanisé) sur leurs racines.
Correspondance aussi avec
comme objectif pour chaque classe de faire découvrir son propre milieu aux corres. et
aussi de questionner les autres, d'enquêter avec eux sur un même thème.
2. Les modalités de nos
échanges :
Dès ce stage, nous avons
décidé d'un échange par quinzaine entre nos deux classes. Les envois seront groupés et
complets. Nous expédierons : des lettres individuelles, collectives, des textes, des
poésies, des cassettes, des photos, des panneaux, des albums, des films... tout ce que
nous produirons dans nos classes.
3. La finalité de la
correspondance :
On ne peut faire l'économie
de la correspondance. C'est un moyen d'ouverture inestimable : important de dire qui l'on
est, de montrer ce que l'on fait, de se rencontrer, de se parler... Pour nous enseignants,
c'est un plaisir et une aide car au second degré nous sommes souvent seuls ! La
correspondance, c'est la communication et l'ouverture à l'imaginaire.
II. Les deux classes :
descriptif
La classe de Nicole
J'enseigne depuis quatre ans
au Collège de Berre et pour la deuxième année j'ai ma classe qui sera la 5e
4. Nous sommes ensemble en français et en histoire-géo (Dominique n'a la 5 e
A qu'en histoire-géo).
Les 5 e 4 n'ont
jamais fait de correspondance. Je vais leur proposer et même un peu leur imposer (eh oui
!). Il faut qu'il y goûtent au moins une fois.
En septembre je reçois une
première lettre de Dominique. C'est ma classe qui écrira la première une lettre
collective. Nous envoyons aussi des lettres individuelles pour nous présenter : dire son
nom, son âge, exprimer ses goûts.
Nous avons pris de
nombreuses photos dans le collège avec Lin Polaroïd.
J'envoie aussi à Dominique
la liste de tous les élèves de ma classe avec leur nom, leur âge, et les traits
significatifs de leur personnalité.
Mes élèves ont entre 12 et
15 ans : des enfants de classe populaire (ceux de Dominique entre 14 et 15).
J'ai vingt-deux élèves
dont dix garçons et douze filles, parmi eux : cinq Algériens et un Noir marocain. Nous
envoyons également une cassette pour parler de notre région : la Provence, de notre
ville (415 000 habitants) entourée d'H.L.M. et de pavillons, de notre étang
malheureusement pollué par les nombreuses usines chimiques de la ville.
En bref ma classe est
sympathique assez dynamique mais les gosses sont instables et peu autonomes.
La classe de Dominique
Je viens d'arriver dans cet
établissement (collège ouvert, uniquement dans son architecture !). Je suis en pleine
Z.U.P. de Perseigne. J'arrive donc avec ma valise de projets, comme à l'habitude pour
lancer des pistes (à prendre ou à laisser !).
La 5 e A : une
classe à effectif réduit (vingt), mais peu dynamique, sans motivation scolaire.
L'histoire-géographie... bof ! A quoi ça sert ?... Le premier contact est très
distant... C'est parce que j'ai senti ces jeunes désintéressés, pleins d'ennui dès
qu'ils entrent dans une salle de classe qu'un matin je leur ai proposé la correspondance.
Surprise ! « Vous
connaissez des gens à Marseille ? »... et puis c'est l'enthousiasme ! ... et puis les
premières précautions.
« On fera cela en
histoire-géo ? ». « On peut avoir des corres individuels ? »
Ces enfants se révèlent
lors des premières activités de recherches libres : peu actifs, peu curieux, mal
organisés, ayant besoin de beaucoup d'aide et surtout connaissant mal leur propre milieu.
Certains sont assez perturbés : problèmes familiaux, agressivité entre eux et problème
de « colle » (celle qu'on respire ! ... ) Trois sont en foyer, quatre ont des parents
séparés ou divorcés, les filles tiennent souvent le rôle de mère » pour les petites
surs et s'occupent de la maison, un garçon sait à peine lire, un autre a
d'énormes difficultés, une fille est très instable et très agressive. Malgré cela et
même si on parle plus de nous, l'ambiance est sympathique.
III Nos deux classes,
déroulement et contenu de la correspondance :
1. Vues réciproques des
deux classes
Berre regarde Alençon
Mes élèves attendent
impatiemment les réponses qui arriveront quelques jours plus tard. Le premier échange
est dur, difficile, douloureux. Je trouve que vos lettres sont mal présentées, Nathalie
(Berre).
Vous êtes trop âgés
pour nous. Moi j'ai seulement onze ans et demi.- Nicolas
Vos lettres étaient trop
courtes alors que nous avons écrit de longues lettres, Isabelle
Pour ma classe c'est la
déception. La 5e A est trop différente. C'est ce que nous croyons à cette
époque ! C'est aussi la colère. On ne veut pas poursuivre.
Moi-même je suis un peu
déçue : j'attendais mieux (présentation, contenu).
Dominique me répond : «
Jimagine la bombe que vos lettres vont déclencher... l'heure va être joyeuse...
je crains bien qu'ils abandonnent »
Alençon regarde Berre
Le groupe perçoit les
corres de Berre comme des gens exigeants.
Le premier contact est assez
froid, distant et très peu de choses sont envoyées ; cependant rapidement des désirs de
correspondance naissent. Un moment fort : on reçoit une lettre de corres qui nous dit :
« Vos travaux sont peu soignés... et vos lettres courtes... » Je n'en pense pas
moins, mais j'attends leur réaction ! Elle est très nette : « C'est fini, on ne
correspond plus... » Et je laisse passer deux heures de cours.
Puis une élève me dit : «
C'est fini alors mon travail, puisqu'on n'envoie plus rien aux corres ? » On
parle, on rediscute, plus calmement de leurs critiques, de mes évaluations qui
soulignaient le même problème...
On admet la critique mais
pas venant des corres. C'est la fin de l'heure, on en reste là. La semaine suivante, je
vois des lettres atterrir sur mon bureau et les travaux reprennent, plus soignés ; même
l'activité trouve un rythme, et des idées
nouvelles surgissent. C'est
sur ce point-là que la corres joua un rôle fondamental : créer l'exigence par la
communication. On a avec les corres des relations disons « expérimentales ». On cherche
à trouver un corres « sympa » avec lequel on va pouvoir communiquer. Une perception
plus nette ne se fera que par l'échange.
2. Déroulement, contenu
de la correspondance
A) Finalement la
correspondance a démarré. A la 5e on a envoyé tous nos travaux de groupe :
ceux sur le département des Bouches-du-Rhône, puis les travaux sur l'islam, sur la faim
dans le monde. Lorsqu'on a vu le panneau sur le paysan au Moyen Age on a eu envie de faire
nous aussi des panneaux (on était à Berre ce jour là en plein Moyen Age ! ... ) Nous
avons ainsi travaillé sur : le moine, le seigneur, le chevalier, le troubadour. Lorsque
la classe de Normandie nous a écrit de grandes lettres collectives sur papier
kraft on a fait pareil : c'était « chouette » tout le monde pouvait le lire et le
relire : on affichait (le groupe responsable) les lettres collectives dans la classe ainsi
que tous les travaux qui nous étaient envoyés. C'est alors que toutes mes classes ont
voulu faire de la correspondance ! Quelle aventure, quel travail aussi ! On a expédié
des chocolats à Noël et nos diapositives. Frédérique, Martine et Valérie étaient
responsables, on l'avait décidé en conseil de coopérative. Mais combien de fois ai-je
dû contraindre, obliger, rappeler à l'ordre mes élèves négligents, oublieux,
instables.
B) Quelle énergie ai-je
dépensée ? Dominique n'en pense pas moins : « Il faut beaucoup proposer, inciter,
soutenir pour réussir des travaux à envoyer aux corres... et bien peu de demandes sur
l'autre milieu naissent des envois ». Cependant nous travaillons sur le collège, le
quartier (un film) une petite expo sur la ville, sur les traditions
en Normandie et un dessin animé sur les « Wikings et l'histoire d'Alençon ». Les
travaux reçus sont exposés, lus, et critiqués... et là, il n'y a pas de réticences.
On attend avec impatience leur courrier et aussi leur évaluation des travaux envoyés et
même si on attend leurs compliments, les remarques négatives portent bien.
Les gosses d'Alençon sont
surpris des notes figurant sur les travaux et par les travaux eux-mêmes, portant plus que
chez nous sur le programme. Rencontrer les corres vient vite à l'idée ! Dès le mois de
novembre.
IV. La préparation du
voyage et l'échange :
1. La préparation à
Berre :
Nicole écrit un P. A.E.
(Projet d'Action Éducative).
Au départ nous pensions
nous retrouver en Normandie. Puis Dominique serait venu avec sa classe en Provence.
Finalement nous avons décidé de nous rencontrer dans le Massif Central à Vic-sur-Cère.
(Quel épanouissement de les replonger dans leurs Z.U.P. respectives ?) L'hébergement
était modique, pour le voyage en train nous avons obtenu une réduction de 50 %. Le
P.A.E. de Nicole lui a permis d'obtenir 2 000 F pour sa classe, soit une diminution de 100
F pour chaque élève. Le voyage (tout compris) n'est revenu qu'à 200 F pour chaque
élève de Berre.
2. Les projets
d'Alençon :
Je dépose un P.A.E.
(Dominique). J'aurai 2 500 F plus 1 000 ensuite. Nos objectifs :
-
Mettre en contact deux groupes d'ados.
-
Essayer de vivre coopérativement une semaine.
-
Découvrir ensemble par des activités diverses un autre milieu (Le Cantal).
A Alençon, les enfants
entreprennent de petites activités : vente de gâteaux, loterie, pour récupérer de
l'argent (là aussi, il faut beaucoup les aider, relancer leur effort). Finalement c'est
une participation de 150 F qui sera demandée à chaque famille (18 sur 21 viendront).
Bien sûr, je vais leur montrer où nous irons, mais je tiens à leur laisser le regard
vierge (Nicole au contraire les a beaucoup préparés, mais n'a pas travaillé sur le
terrain). On organise des groupes par centre d'intérêt, paysages, végétation, (je
travaillerai à ce propos avec une prof de sciences du collège) les habitants,
l'agriculture, les traditions. On désigne les « photographes », les « porteurs de
magnétophones ». On se prépare pour l'enquête. Je leur donne une grille globale
d'observation.
3. Le séjour :
Dominique et moi nous sommes
rencontrés aux Journées d'Études de l'I.C.E.M. d'Aix et nous avons donc mis sur pied
une grille d'activités pour Vic-sur-Cère.
* Les élèves de Berre en
ont discuté et l'ont modifiée en conseil, on est arrivé à une grille quasi
définitive. Nous avons aussi contacté les parents.
a) Les aspects positifs
-
Les enfants ont vécu de façon plus autonome et surtout sur un autre
rythme, beaucoup plus reposant.
-
Le contact entre les deux groupes s'il a été difficile au début, a très
vite pris forme et est même devenu connivent et le nombre de correspondances
individuelles a triplé.
-
Pour le groupe d'Alençon, l'esprit de curiosité, d'observation a été
fortement mis en éveil et s'est même révélé pour certains qui ont entrepris des
enquêtes de leur propre chef (c'était la première fois !).
-
Le contact entre les élèves d'Alençon est devenu moins agressif, certains
même sont devenus plus à l'aise et se sont laissés moins étouffer par les autres. A
l'inverse, la fille « leader » de la classe a peu suivi ; elle s'empressera de retrouver
ce rôle auprès de certains pendant le retour.
-
Les rapports entre les gosses et nous (Dominique et moi, Yves et
Jean-Pierre) se sont vite détendus et sont devenus profonds. Dominique précise : « Ils
viendront eux-mêmes me parler de la fameuse colle... on parlera de notre travail de
classe... de l'école... et du tutoiement qu'ils s'étaient interdits jusqu'à présent ».
-
J'ajoute que pour les gosses de Berre c'était souvent le premier grand
voyage en train, le premier voyage de classe entre copains.
b) Les aspects négatifs
:
-
Certains se mettront très vite en dehors du groupe et feront des activités entre
eux.
-
Les bilans de chaque soir seront souvent mornes et peu de choses seront dites.
-
Nous aurons du mal à faire faire la vaisselle et un peu de ménage ou de rangement
à certains élèves qui n'en avaient pas l'habitude Mais nous y sommes arrivés !
-
Et puis, il y aura le deuxième jour, cette histoire de vol dans le village.
Quelques gosses ont voulu acheter des « souvenirs ». Finalement ce sera du
chapardage dans les magasins : des flics ravis de tomber sur un enfant de couleur et bien
des démarches et du temps de gâché : interrogatoires, peurs, regrets, pleurs. Cela nous
a posé bien des problèmes que nous avons mis à chaque fois sur la table et avec eux ;
cela a aussi créé des heurts entre eux (dénonciations, disputes) puis une grande
solidarité. Finalement nous avons dû assister à toutes les sorties et les surveiller à
chaque minute. Il faut ajouter que nous étions hébergés dans un LEPA et que la personne
qui s'en occupait ne nous comprenait pas. Nous étions aussi accompagnés par des
collègues travaillant plus traditionnellement. Il nous a donc fallu composer avec toutes
ces tendances ! Nous avons récupéré puis rendu les objets volés, nous avons
accompagné les sorties vers d'autres lieux que le bourg et puis nous avons essayé de
détendre l'ambiance.
-
Le lieu d'accueil aussi était mal adapté : un château (parquets cirés, meubles
de style, horaires stricts). La rencontre peut nous poser certaines questions.
4. Notre questionnement
:
a) Comment pouvons-nous
réagir sur de tels faits ?
(Qui existent même en
dehors de telles activités bien sûr) mais qui là, cette fois, concernaient des groupes
sous notre responsabilité.
b) Comment pouvons-nous
penser Éducation quand le milieu environnant (ici la gendarmerie, le
lieu d'accueil) ne pense que répression ?
c) Comment faire prendre
conscience à des ados d'une autre attitude,
d'une prise de responsabilité, quand eux se cachent, nient, se planquent, refilent à
d'autres les responsabilités comme les habituelles attitudes répressives leur ont appris
à faire ?
V. Après ?
A Berre
Pendant quinze jours, la
classe est restée silencieuse (il s'était passé beaucoup trop de choses pendant le
voyage). Puis on a fait un premier bilan de l'année.
1. Le voyage a-t-il été
pour vous :
amusant : 5
décevant : 7
agréable : 7
très agréable :
1
pénible : 0
2. Souhaitez-vous en faire
un autre l'année prochaine ?
oui : 12
non : 14
Le bilan de la
correspondance était positif. On avait envie que la classe « n'éclate » pas et de
continuer ensemble l'année prochaine, de sortir de notre Moyen Age...
A Alençon
Les élèves :
« Je trouve qu'on a
découvert plein de choses, j'ai appris à regarder et j'ai retenu bien plus qu'en lisant,
en copiant ou en faisant une interro » Frédéric.
« J'ai trouvé l'autre
classe turbulente ; ils s'entendent mieux avec nous qu'entre eux » M. Ange.
«
Par courrier on avait l'impression par moment de ne pas les aimer ; mais de les voir, ça
ma appris à les connaître mieux et à les aimer » Isabelle.
«
Notre classe s'est drôlement bien entendue et je crois qu'on va mieux s'entendre »
Serge.
«
Si l'école était tout le temps comme cela, je crois que je pourrais y réussir mieux et
y faire quelque chose » Ludovic.
«
C'est fou, ce que les gens, là-bas, sont accueillants vis-à-vis des jeunes... à part
les gendarmes ! » Thierry.
Le bilan global
Le groupe de Dominique est
plus soudé et plus actif. « Dès le retour nous avons réalisé notre premier planning
de l'année. Chacun m'a rendu un bilan écrit du séjour, L'ambiance en classe
était plus détendue et le travail pour l'exposition que nous voulons réaliser
pour le collège et les parents s'est organisé très vite et sans rechigner ».
Le bilan fut très positif
à Alençon quant à la cohésion du groupe, quant à 1esprit de tolérance qui
s'est développé, quant à la plus grande prise en charge du travail, de l'évaluation,
quant au développement de leur curiosité, de leur esprit d'observation. Ils avaient
l'impression d'avoir réussi quelque chose, d'avoir rompu avec leur échec permanent à
l'école, d'avoir vu quelqu'un s'occuper d'eux et leur proposer quelque chose à
l'échelle humaine.
A Berre, l'échange entre
les deux classes a été déterminant pour l'ensemble du travail de la classe. Le contenu
des échanges a permis d'éliminer partiellement les manuels : les productions à partir
de documents ou d'expériences permettant une dynamique de la classe. Les envois étaient
toujours déclencheurs, détonateurs, incitateurs pour notre classe.
Notre correspondance a été
réussie parce qu'elle n'était pas simplement un moment de l'histoire de la classe, mais
elle était intégrée et devenait le moteur de toutes les activités.
Le voyage a été ressenti
par nous, à Berre, comme un échec. Ainsi nous avons dû nous remettre en question, et
aller plus loin, penser à demain, car l'aventure continue.
VI. Échange entre
adultes :
Cette correspondance était
l'occasion entre Nicole et moi de nous connaître mieux.
-
Notre courrier lors des envois fut bref mais précis afin d'améliorer notre
fonctionnement.
-
Notre rencontre dans le Cantal nous permit d'aller bien plus loin dans nos
conversations et nos échanges. Nous fûmes bien souvent bousculés mais aussi très
connivents et très complémentaires.
Je crois que nous avons
ressenti les mêmes désirs et envisagé les mêmes compromis (que nous avons toujours
abordés ensemble après en avoir parlé).
- C'est sans doute en raison de nos
difficultés que nous sommes allés très à fond dans nos discussions et c'est peut-être
aussi, grâce à cela que nous poursuivrons notre expérience l'an prochain, car nous y
croyons toujours... et même ce genre d'activités a de plus en plus de raisons d'être !
Dominique Verdier
(Alençon) et Nicole Garrouste (Berre)
Toutes les richesses des voyages-échanges
Un C.E. - C. M. de 21 enfants, participant à des circuits de
correspondance naturelle, a établi une correspondance privilégiée avec une des
classes de ces circuits et, en février, on s'est mis d'accord pour un double
voyage-échange. Alors...
Les correspondants
viennent chez nous.
Aussitôt, branle-bas :
il nous faut organiser l'accueil :
- projet d'emploi du
temps avec les enfants
- réunion des parents
pour organiser repas et hébergement
C'est aussi l'occasion
pour les enfants qui n'avaient pas de correspondant à Courtelevant de prendre en charge
un correspondant chez eux.
Du 14 au 18 mars, nous
vivrons d'intenses moments de vie collective : visite du village, de la région, danses,
chants, jeux... Tout le village vit au rythme de la correspondance et les familles jouent
le jeu au maximum : transport vers la gare, visites le mercredi.
Nous allons chez eux
Bien sûr, maintenant,
c'est évident : il faut y aller !
Problème éternel : il
nous faut financer notre voyage et nous aimerions ne pas vider notre caisse de coopé.
Après renseignement
auprès de la SNCF, et calcul en classe (pas de problème de motivation), le coût du
voyage s'établit à 3 000 F environ. Précisons que, par principe, nous ne demandons
aucune participation aux parents. Ils ont hébergé et nourri les correspondants qui sont
venus, les parents de Courtelevant en feront autant.
Pour réunir les fonds, nous
faisons des demandes de subventions et organisons : ventes de gâteaux et mousses au
chocolat deux mercredis, lavage de voiture un samedi.
Il nous manque encore 200 F
pour autofinancer notre voyage mais nous attendons encore certaines subventions.
Enfin rassurés, nous
pouvons partir du 6 au 10 mai. De nouveau, nous mobilisons les parents pour nous
transporter à la gare et nous voilà partis ; 21 enfants et 3 adultes, vers Belfort où
nous attendent nos correspondants.
Les retrouvailles sont
joyeuses et moins solennelles que la première fois.
Passons brièvement sur
le déroulement du séjour au cours duquel nous visiterons le village, une imprimerie, le
lion et le château de Belfort et nous ferons même une promenade jusqu'en Suisse.
Là-bas aussi l'accueil
des familles est excellent et nos élèves circuleront beaucoup le dimanche (les Vosges,
l'Alsace, la Suisse sont tout près).
Bilan
Bien sûr, au niveau des enfants :
-
Découverte d'un milieu et d'une région différente,
-
Motivation pour de nombreux travaux
-
Vie affective importante
-
Rapports différents avec les enseignants. Mais aussi et c'est très important pour
nous
-
Modification du -comportement des parents
-
Nouveaux rapports avec l'école, de gens qui s'y sentent enfin impliqués
-
Contacts plus faciles avec les enseignants (il est plus facile de commencer à
parler de transport que de pédagogie)
-
Evocation de problèmes plus personnels (sommeil, pipi, ... )
- Entraide des familles
On modifie plus les rapports parents-école en 10 jours de
correspondance qu'en 5 années de réunions.
J.M.
FOUQUER
Par-delà les frontières
Quelques idées à
bâton rompu !
Nous avons derrière
nous, mes élèves et moi, trois expériences d'échanges lointains : Varsovie, Budapest,
Amsterdam.
Les témoignages des
enfants sur ces échanges ont été ou seront publiés dans les revues de 1'l. C. E. M.
On peut retenir
cependant, et ce n'est pas toujours explicité dans les rapports des enfants qui sont
souvent seulement anecdotiques, un certain nombre d'observations et de constantes.
Comme dans toute
démarche pédagogique, il faut tout d'abord être au clair avec les intentions, les buts
poursuivis, les objectifs éducatifs ou pédagogiques.
Quels sont ces
objectifs ?
1. Poursuivre au sein
d'un groupe d'élèves les objectifs généraux de la pédagogie Freinet ; c'est-à-dire
faire prendre conscience du groupe et de la part de l'individu dans le groupe. Faire en
sorte que la classe ne soit pas une somme de personnalités isolées les unes des autres
(comme c'est le cas bien souvent dans l'enseignement traditionnel), mais créer les
conditions favorables pour qu'il y ait implication de chaque individualité à
l'intérieur du groupe.
Tout ceci ne peut se
réaliser par le discours, mais seulement par un vécu. Nécessité donc de privilégier
les voies qui vont permettre à chacun de prendre des initiatives et assumer des
responsabilités au sein du groupe.
Moyens : la vie
coopérative, l'organisation du séjour et de la réception des correspondants incombant
à l'ensemble du groupe, chacun y prenant sa part.
Ceci suppose une
relative longueur de temps pour assurer la préparation du séjour : une année scolaire
ne me paraît pas de trop pour bien cerner tous les problèmes.
2. Préparation
pédagogique : Se déplacer dans un pays lointain plus ou moins inconnu, suppose aussi un
travail préparatoire à la connaissance de ce pays (travail de géographe, d'historien,
de sociologie, de biologie, de langues... )
Ce travail de
reconnaissance ne peut se faire qu'avec l'aide des correspondants : échange de documents,
de cassettes enregistrées, de relations ayant trait à la vie quotidienne...
3. Les buts plus
lointains (non dans le temps mais dans l'esprit, et pas forcément conscients dans
l'immédiat).
Nous sommes persuadés
que la multiplication des échanges, favorisant la connaissance des autres, permettant de
comprendre leurs mentalités est un moyen de faire prendre conscience des valeurs que vous
voulons faire « passer » : tolérance, respect des différences, acceptation d'autres
modes de vie, création de liens affectifs en acceptant les autres tels qu'ils sont.
Militer pour la paix
universelle, contre les chauvinismes stupides et pour l'effacement des frontières de tous
ordres doit passer nécessairement par des expériences vécues.
4. Lors d'un séjour
mais également pendant le temps de préparation, les participants apprennent eux aussi à
mieux se connaître... Les enfants entre eux, les enfants et les adultes, c'est souvent
une découverte ! Et ce n'est pas le moindre des avantages ! Faire quelque chose ensemble
modifie les relations que nous pouvons avoir les uns avec les autres...
Il est intéressant
aussi d'amener avec le groupe d'enfants des adultes parents d'élèves avec lesquels
également auront lieu des découvertes réciproques... Nous n'avons eu à chaque occasion
qu'à nous féliciter de la présence de quelques parents.
Au retour, ils sont les
témoins qui peuvent informer du vécu de l'expérience sans être taxés de
partialité...
En fait, les parents
qui nous ont accompagnés lors de nos voyages, pas toujours les mêmes, sont devenus nos
amis personnels... (Plaidoyer en faveur de relations plus étroites avec les parents de
nos élèves !) L'expérience est là pour le prouver si c'était nécessaire.
Ce qui est essentiel :
La préparation : Elle
met dans le bain et chacun se sent intégré dans le groupe et fortement impliqué dans
l'organisation. Ce n'est pas le « voyage organisé ».
La recherche de moyens
financiers (fêtes, loteries, vente d'objets, etc.) est prise en compte par tous !
La fidélité à la
correspondance. Il est nécessaire de tenir un tableau des lettres reçues et envoyées...
Ainsi, sans en avoir l'air, chacun se sent un peu obligé de « faire sa lettre ».
L'oubli n'est pas toujours du désintérêt mais le plus souvent de la négligence (cela
m'arrive aussi et les enfants ne manquent pas de me le rappeler).
En fait, la plupart des
enfants ayant participé aux différents échanges (depuis 1980) continuent à écrire à
leurs correspondants et reçoivent bien entendu des lettres en retour.
La réception dans les
familles : Il faut que les enfants et les adultes vivent au sein de la cellule familiale.
C'est le seul moyen d'appréhender la vie quotidienne, avec ses difficultés, de partager
le vécu d'une famille de condition différente et de faire ainsi des comparaisons.
Pour nos enfants, c'est
l'occasion de découvertes car s'il y a des constantes dans la façon de vivre le
quotidien, il y a aussi de grandes différences , ce qui n'empêche nullement les liens
affectifs de se tisser.
Moyen de relativiser
nos petites habitudes et nos traditions puisqu'on peut avoir d'autres habitudes et
d'autres traditions.
Anecdotes :
L'arrivée à Amsterdam
! Réception par les élèves au collège lvko.
Devant nous, une
rangée de garçons blouson noir, chaînes, clous, cigare à la bouche Cheveux dressés
sur la tête ! (Au sens propre pour les Hollandais, au sens figuré pour les
nôtres ! ) Les filles : tenue punk, casquette. Sur les murs, graffitis de toutes
sortes, affiches et liste de mots grossiers, revues plus ou moins érotiques sur la table
! ...
Bref ! De quoi dire
bonjour, au revoir, nous repartons chez nous Bon ! Le moment de surprise passé, petits
gâteaux et thé ont été avalés avec peine. L'angoisse étreint tous les petit (e) s
Français (es) qui imaginent à quelle sauce ils vont être mangés ! Dans quelle famille
vont-ils tomber ! Avec quel punk vont-ils être contraints de vivre ? S'il n'y a pas de
larmes (on a sa dignité !), les yeux sont tout de même humides... Une boule serre
l'estomac et les regards sont anxieux.
Et voilà Karine qui
part avec trois garçons ! (La plus grande peur de sa vie, nous confie-t-elle le lendemain
!)
Emmanuelle s'en va avec
deux filles coucher dans une péniche ! ... Hier avec papa et maman, et aujourd'hui avec
des inconnus un peu bizarre. Ne parlant même pas français... Quelle aventure
(Si j'aurais su,
j'aurais pas venu !)
Mais on ne peut pas
faire autrement. On se jette à l'eau, on verra bien.
Et puis, eh bien... On
n'a rien vu... qu'une famille un peu semblable à la sienne... Il y avait même des
assiettes, des couteaux et des fourchettes ! Et même la télé, c'est dire ! Il y en a
qui avaient même le téléphone et une voiture.
Le lendemain...
Blousons et chaînes quittés, nos chers correspondants devenaient de parfaits petits
adolescents, pas méchants pour deux sous... et même affectueux... et prévenants. Au fil
des jours, les amitiés se forgent, la vie se déroule fort agréablement. On découvre la
vie hollandaise et la liberté...
On se quittera au
milieu des pleurs !!!!
On pourrait ainsi (ce
n'est pas de la fiction) de la même manière décrire le premier contact en Pologne ou en
Hongrie. On prouve ainsi que la méconnaissance conduit à l'incompréhension et au
rejet... La peur de l'inconnu !
Et quand on est
contraint (même si on l'a voulu) de faire l'expérience, on s'aperçoit que l'on peut
finalement vivre en bonne intelligence avec la plupart de nos semblables qu'ils soient
noirs, jaunes ou blancs, royalistes, communistes ou socialistes, catholiques, protestants,
juifs, musulmans ou athées...
Il faut simplement un peu d'amour.
Note de derrière les
fagots : Si l'expérience vous tente, n'hésitez pas, c'est pas cher et ça rapporte gros.
.
Une règle : Pour être
enthousiaste, il faut évidemment que l'organisateur prenne lui aussi « son pied ».
Essayez d'avoir un ou une correspondante avec qui vous pourrez tisser des liens
d'amitié...
Jacques
MASSON
Quelques idées pratiques
Subventions :
On peut en obtenir
auprès
-
des mairies
-
des bureaux d'aide sociale
-
de l'O.C.C.E. qui diffuse chaque année une circulaire à ce sujet
-
de certains comités d'entreprise (R.N.U.R. par exemple) qui considèrent
ces échanges comme des centres de vacances.
Transport :
La SNCF consent des
tarifs très avantageux si on part en dehors des périodes rouges (dépliants dans les
gares). Attention il faut
-
faire une demande de billet de centre de vacances si on part plus de 3
jours,
-
un accompagnateur par tranche de 10 enfants (dans ce cas, il bénéficie
également de 50 % de réduction comme les enfants),
-
réserver ses places 1 mois à l'avance.
La R.A.T.P. délivre
aussi des tickets à tarif réduit pour les groupes (imprimés à remplir au guichet).
Assurances :
En plus de vos
élèves, n'oubliez pas que votre classe ou votre coopérative doit être assurée.
Il existe aussi une
assurance pour les bénévoles (voir en annexe).
TEXTES
OFFICIELS - TEXTES OFFICIELS - TEXTES OFFICIELS
Circulaire n° 79-186
du 12 juin 1979
(Programmation et Coordination : Bureau DGPC 6) Texte adressé aux
recteurs, aux inspecteurs d'académie, aux chefs d'établissement et aux directeurs
d'école.
Sorties et voyages collectifs d'élèves à caractère facultatif.
Note de service n°
82-054 du 3 février 1982
(Education Nationale :
Bureau DE 8)
Texte adressé aux
recteurs et aux inspecteurs d'académie, directeurs des services départementaux de
l'Education Nationale.
Autorisation pour les
membres des coopératives scolaires des écoles élémentaires affiliées à l'Office
central de la coopération à l'école (O.C.C.E.) d'utiliser des voitures particulières
pour assurer le transport des élèves.
Circulaire n° 81-46 et
81-252 du 9 juillet 1981
(Intérieur et décentralisation : Bureau REG 2 Education
Nationale : Bureau EGPC 6)
Texte adressé aux
préfets, aux recteurs, aux inspecteurs d'académie, directeurs des services
départementaux de l'Education Nationale, aux chefs d'établissement et aux directrices et
directeurs d'école.
Etablissement par les
directeurs d'école ou les chefs d'établissement de listes tenant lieu après
authentification par les préfets d'autorisations collectives de sortie du territoire pour
les mineurs qui effectuent en groupe des voyages scolaires à l'étranger.
BIBLIOGRAPHIE
Les techniques Freinet
de l'Ecole Moderne - C. Freinet (Colin)
Perspectives
d'Education Populaire (Maspéro)
Demandez le catalogue
C.E.L. à :
C.E. L. - B. p. 109
06322 CANNES LA BOCCA CEDEX
Vous qui avez lu avec intérêt cet ouvrage, vous pouvez
bénéficier des services d'un mouvement coopératif d'éducateurs.
Le chantier « Echanges et communications » de l'I. C. E. M .
peut vous aider à trouver des correspondants. Il publie un bulletin de liaison interne,
ouvert à tous ceux qui pratiquent la correspondance.
Pour bénéficier de
ces services, renseignez-vous à l'adresse suivante
Secrétariat I. C. E. M.
B. P. 109
06322 CANNES LA BOCCA CEDEX
Autres chantiers et commissions spécialisés : Maternelle, L.E.P.,
Enseignement spécialisé, Français, Math, Histoire-Géo, etc.
Ce POURQUOI-COMMENT a
été réalisé par Claude Cohen et Guy Champagne, avec la participation et les
témoignages de Fannette, Jacques Querry, Jacques Masson, Colette Brouard, Michel
Bertrand, Renée Bideaux, Monique Bru, Pierre Yvin, Catherine Mérat, Francoise Champroux,
Pierre Léonard, Francois Guignouard, Hubert Heintz, Jean-Marie Marty, Henriette Gruel,
Jacques Rey, Françoise et Alain Raynaud, Brigitte et Marika, Marie-Claude Combes, Louis
Olive, Théette Tajan, Mireille Gabaret, Tony Rouge, Jean-Pierre Têtu, Michèle Massat,
Jacqueline Duhard, Ferdi Vince, Alain Mahé, Martine Vince, Nicole Charre, Janine Vince,
Pierre Tascon, Yannick Vince, Patrick Robo, des enfants de Blagnac et de Prades, Nicole
Garrouste et Dominique Verdier, J. M. Fouquer, du chantier Échanges et communication de
l'I. C. E. M., et la collaboration au comité de lecture de Jacques Querry, Jean-Pierre
Têtu, Jacqueline Rousseau, André Dejaune, Renée et Henri Isabey, Jean-Claude et Aline
Dumartin.
Photographies
R. Tessier p. 3 M.
Goureau : p. 4 bas ; R. Timon : p. 18 ; G. Champagne : p. 26, 45, 48, 77 Y. Jouel : p. 37
; J. Brunet : p. 54 ; M. Ribis : p. 59 ; Jean-Louis Maudrin : p. 61C. Richeton : p. 67 ; X
: p. 4 haut, 22, 32, 34, 47, 57, 63.
Les « POURQUOI-COMMENT
» de la Pédagogie Freinet
Au service de ce qui
peut et doit déjà changer dans l'école et autour d'elle, une nouvelle collection
d'ouvrages permettant à ceux qui débutent ou veulent infléchir leur pratique
pédagogique d'aller à l'essentiel.
Chacun de ces petits
guides se veut un outil clair permettant, dans un domaine précis, de cerner rapidement le
POURQUOI d'une démarche et le COMMENT d'une technique.
Il présente :
-
la description de pratiques
et les fondements théoriques qui les sous-tendent
-
des conseils recentreurs
pour leur mise en oeuvre réaliste,
-
des témoignages conçus non
comme modèles à imiter ou directives à suivre mais comme présentation de moments de
vie propres à éclairer et soutenir la réflexion du lecteur, à lui permettre d'avoir
ses propres initiatives.
Les « POURQUOI-COMMENT
» s'adressent :
- aux enseignants de tous niveaux, intervenants directs dans le système scolaire,
-
à tous les autres
intervenants, appelés de plus en plus nombreux à jouer un rôle dans l'action
éducative. Ils peuvent également être lus avec intérêt par les parents d'élèves qui
pourront alors se faire une idée précise de ce que vivent les enfants dans une
perspective éducative transformée, en classe ou ailleurs, et comprendre les raisons
profondes des changements intervenus.
CORRESPONDANCE SCOLAIRE
ET VOYAGE-ÉCHANGE
Le 28 octobre 1924.,
les écoliers de Bar-sur-Loup reçoivent de Trégunc (Finistère) le premier envoi de
leurs correspondants. Freinet qui a ressenti leur émotion, sait qu'un événement vient
de se produire. Il se contente de noter dans son journal de bord, une petite phrase
pourtant lourde de signification : « Nous ne sommes plus seuls ! »
En effet, il sent que
les enfants trouveront, dans le dialogue avec leurs correspondants, l'écho qui donnera à
leurs initiatives, à leurs travaux, une signification et une dimension nouvelles,
échappant au cadre traditionnel de l'école.
De plus, se crée à
travers la correspondance un réseau de compagnonnage qui sort les éducateurs de
l'isolement où les place leur situation d'adulte unique face à un groupe d'enfants,
isolement qui sévit même dans les établissements les plus peuplés. Une rupture est
opérée, un nombre sans cesse croissant d'éducateurs pourra dire : « Nous ne
sommes plus seuls ! »
1983 - C.E.L. - Cannes - n° I.S.B.N. : 2-85311-010-9