POURQUOI ? COMMENT ?
LES JOURNAUX SCOLAIRES Par Bernard AUZOU - Réginald BARCIK
Collection |
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Plan général Pourquoi ? 3 à 16 Comment ? 19 à 49 Témoignages 52 à 73 |
Mots clés MATERNELLE 63 |
SOMMAIRE
-
POURQUOI des journaux scolaires ?
- Être et agir vrai
- Le journal scolaire oblige à la reconnaissance de la parole de
l'enfant, de l'adolescent
- Il est le support de la communication entre la classe et son
environnement
- Comme il permet la communication avec d'autres classes
- Il peut donc aider à la formation civique des enfants, des
adolescents
- Parce qu'il leur offre la possibilité d'intervenir dans la vie de
la cité
- Mais aussi parce qu'il leur impose ses exigences
- Parce qu'il les entraîne à construire et à vivre une
institution et ses lois
- Parce qu'il entraîne chacun d'eux à développer son sens critique
- Il est un puissant outil culturel
- parce qu'il incite, et aide chaque enfant,
chaque adolescent à se construire, à se cultiver.
- en prenant une part active à une
véritable vie culturelle
- Par sa périodicité, le journal scolaire est source
d'appréhension du temps
- Et les apprentissages ?
- Le journal scolaire est un des outils d'une pédagogie de la
réussite
- Mais COMMENT introduire un journal
dans une classe, une école ?
- Comment faire vivre un journal ?
- La réalisation du journal doit être placée au centre des activités
- Le contenu : qu'est-ce qu'on peut trouver dans un journal ?
- Quels articles ? Comment choisir ?
- La correction, la mise au point
- Le comité de rédaction
- L'organisation coopérative du travail
- Quels supports ?
- Quelles techniques d'impression
- le duplicateur à alcool
- le limographe
- l'imprimerie - et au second degré ?
- les moyens de duplication rapide
- leurs limites
- De l'imprimerie aux imprimantes
- Récapitulation, avantages, inconvénients
- Quels formats ?
- Sommaire ? Nombre de pages ? Périodicité ?
- Du journal imprimé au journal parlé
- L'illustration tient une place importante
- Quelques techniques d'illustration
- Afin d'être lu, le journal se doit d'être lisible et attirant
- La diffusion du journal
- Comment le diffuser ?
- Et les échanges enrichissants
- La gestion du journal
- Le rôle de l'adulte
- Ce qui fait évoluer le journal scolaire
POURQUOI des
journaux scolaires ?
Les
élèves de ma classe s'expriment à travers le texte libre, la poésie, au cours des
entretiens, quand ils dessinent et peignent ; ils se posent des questions au sujet
des problèmes de l'actualité, ils font des enquêtes, des expériences... Je suis
parfois étonnée de l'imagination, de l'esprit inventif, de la curiosité, de
lintérêt que ces jeunes portent à des activités lorsqu'ils en sont réellement
motivés et de la valeur des travaux exécutés.
Il
serait dommage que toutes ces productions restent dans la classe comme un lingot dans un
coffre-fort. Je considère les publications scolaires comme un outil et non pas comme le petit supplément que l'on
prendrait à la fin d'un repas. Et ceci pour plusieurs raisons...
Monique Bolmont
Etre et agir vrai,
plus des élèves, mais des enfants,
en situation d'apprentissage
à même la vie
Le mouvement de l'Ecole Moderne créé par
C. Freinet offre et permet la possibilité de circuits de vrai travail. La classe, alors,
n'est plus la classe : c'est un lieu de travail et d'expression. Jeunes et adultes y
produisent dans un compagnonnage réel et efficace.
... chaque école devrait avoir au moins
un journal et vivre dans un système d'échanges avec d'autres écoles. En fait, les
adultes, marqués eux-mêmes par une école autoritaire dominée par la parole du maître,
de l'obéissance et de la mémoire, sont bloqués dans des réactions qui se traduisent
par les « Tais-toi », « C'est pas de ton âge », « Tu n'as
pas la parole », « Apprends d'abord, tu sauras plus tard »,
« Ecoute ce que je te dis », etc. et le système se perpétue ainsi. La
démarche de C. Freinet est inverse. Dans les années 20 il reconnaît la nécessité de
confier aux enfants un outil qui leur permette d'exprimer leur vie quotidienne et d'être
ainsi les principaux artisans de leur propre éducation. Du même coup l'enseignement
devenait éducation. A sa suite et à son exemple nous cherchons chaque jour à réduire
les effets de la tradition scolastique, à l'éliminer. Et définitivement. Nous ne
pouvons pas le faire au moyen de gadgets, au hasard des modes, dans les aléas d'une
théorie fugace : nous le faisons coopérativement et sur le même mode qu'en classe
nous réalisons un compagnonnage réel. Alors les journaux issus de nos classes sont
beaucoup plus qu'un tract, qu'un cri, qu'un appel. Ils sont l'expression d'une vie qui
monte. Ces journaux contiennent des textes libres des jeunes. Ils contiennent aussi leurs
poèmes et encore leurs observations, leurs enquêtes et les comptes rendus de leurs
débats. Ces journaux sont le reflet d'un permanent souci d'échange et de communication.
Nous entretenons des circuits de correspondance. Ils sont vitaux. C'est la raison pour
laquelle nous avons lutté pour obtenir la loi spéciale du 10 avril 1954 qui permet à la
presse scolaire de circuler avec les avantages des écrits périodiques et par là même,
de faire que les journaux dits « scolaires » soient de vrais organes de
presse, recevant un numéro de la très officielle commission paritaire des agences de
presse. C'est comme cela que nous réalisons l'ouverture sur la vie : en faisant
fonctionner vraiment tous les organes de vie, d'échanges de communication et d'expression
que nous permet la société.
Michel-Edouard Bertrand, propos recueillis par Jacques Gonnet
in « Les journaux lycéens » - éditions Casterman
Le
journal scolaire oblige
à la reconnaissance de la parole
de l'enfant, de l'adolescent
Cette
reconnaissance de la parole de l'enfant, le journal scolaire l'apporte parce qu'il
démultiplie la création, le texte, le poème, l'enquête, le dessin en X exemplaires
vers X personnes qui sauront que cet enfant existe, qu'il produit, qu'il agit.
Le
journal scolaire apporte aussi à la création de l'enfant (création qui deviendra
fondations définitives dans le long processus de formation de sa personnalité) la
consécration officielle propre au texte imprimé. A travers ce texte c'est l'enfant qui
est consacré, sa pensée, sa culture.
Dès
la maternelle, et à tous degrés de la chaîne des âges, c'est un journal d'opinion parce que chaque enfant y
publie ce qu'il pense : « Aujourd'hui, je suis à l'école » (Cléo,
3 ans, qui le redira 32 fois dans le journal). « Mon pépé est mort. Maman pleure,
papa est triste. Ils doivent penser à moi parce que j'ai du chagrin ».
C'est
un journal d'opinion parce que la classe publie ce qu'elle pense sur un sujet choisi par
la majorité : maman, les voitures, la mort, le football, la guerre, les méchants
frères...
Max
Damilano
Les
lecteurs apprendront l'enfant, leurs enfants dans le journal.
Il
est le support de la communication
entre la classe, groupe social, et son environnement.
Le journal de votre classe sera porteur des 25 vies personnelles qui constitueront la vie de la classe qui l'édite.
Il se nourrira d'enquêtes réalisées dans le quartier,
d'interviews, de débats, de recherches, d'expressions personnelles de dessins...
Ensemble
d'articles qui montrera comment l'enfant et ses camarades, placés dans un contexte
particulier, appréhendent leur environnement comment ils le comprennent, comment ils y
vivent, comment ils l'interpellent.
C'est
un journal d'information parce que les enfants choisissent parmi les activités de la
classe celles qui valent la peine d'être portées à la connaissance de leurs
lecteurs : comptes rendus de promenade, cuisine, travaux manuels, les conseils de
coopérative, ce qu'on apprend en classe...
C'est
un journal d'information parce que les enfants choisissent dans les 20 journaux scolaires
qu'ils reçoivent des quatre coins de France et de l'étranger les textes, les
informations qui valent la peine qu'on les fasse connaître aux lecteurs.
Max
Damilano
Le
journal scolaire est l'outil privilégié qui permet à l'enfant d'écouter son
environnement et de lui communiquer ses intérêts.
Comme
il permet la communication avec d'autres classes
Nous
savons, pour l'avoir souvent constaté, que chaque classe a son « style » que
ce soit en expression artistique, dans les thèmes des textes ou des poèmes écrits par
les enfants. Mon but ici n'est pas de chercher le pourquoi mais de dire qu'il me paraît
dans ces conditions essentiel que les élèves soient au contact d'autres productions afin
de leur permettre d'ouvrir des portes que nous leur fermons à notre insu.
L'année
dernière, après la lecture d'un journal qui nous avait été adressé, mes élèves ont
constaté que les textes étaient amusants, farfelus, « pas comme les
nôtres » ; certains ont alors essayé de faire pareil et pour un temps leurs
productions ont connu une orientation nouvelle.
Les
élèves qui lisent un compte rendu d'enquête dans un journal, se posent des questions,
demandent des précisions,ce qui permet un approfondissement ou une nouvelle piste de
recherches, mais en tout cas, un enrichissement.
Monique Bolmont
Il
peut donc aider à la formation
civique
des enfants et des adolescents
parce
qu'il leur offre la possibilité d'intervenir
dans
la vie de la cité à divers échelons
dans
l'école
dans
l'établissement
dans
la ville.
Un
journal, c'est un moyen pour les lycéens de faire passer leurs idées. C'est un moyen de
créer dans le lycée, on ne fait pas un journal pour faire un journal mais pour provoquer
des actions. Un journal est un projet au sens plein du terme, ça ne sert pas qu'à
libérer la parole des lycéens, ça crée à l'intérieur du lycée d'autres rapports que
des rapports de classe.
Fanchette,
lycéenne
Extrait
du livre de Jacques Gonnet : « Les journaux lycéens »
Lorsque
les enfants disent leurs désirs d'aménagement de la cour de récré, de la cantine,
leurs difficultés à la participation au conseil de classe, leurs révoltes par rapport
aux sanctions, à des pratiques de la communauté scolaire, ils peuvent amener les adultes
à prendre conscience des problèmes dont trop souvent ils ne voient pas assez
l'importance et les placer devant leurs responsabilités.
Les internes ont la parole
CE QUI DOIT ÊTRE DIT
Au nom de tous les internes, nous
sommes mécontents. Depuis des années, nous et tous ceux qui nous ont précédé,
essayons d'obtenir de meilleures conditions de travail, de loisirs, alors que rien n'est
fait ou si peu. Ici ne sera fait état que d'un seul exemple : le chauffage. Encore
une fois nous déclarons que le chauffage est insuffisant. Il est inadmissible de voir
dans les dortoirs garçons (ne sachant exactement ce qu'il en est dans les dortoirs
(garçons), excusez-moi filles, en se doutant bien que les conditions sont similaires) des
fenêtres inefficaces, ne bénéficiant d'aucune isolation. Ainsi il est possible, par
périodes de vent et de pluie de
voir les rideaux se soulever en laissant passer la lumière, d'entendre le sifflement du
vent ou de trouver les lits se trouvant en dessous complètement « trempés »
par l'eau ayant filtré. On nous a promis de changer ces fenêtres sur la façade ouest
(la plus critique). Oui nous avons eu ces fenêtres mais on nous a trompés. En fait n'a
été modifié que le quart de la surface totale vitrée (sans compter la salle d'eau où
rien n'a été fait), si bien que sur une surface de 4,3 m² n'a été modifié que 1, 1
m² tout ceci par basque de la façade (concent.) concernée. Sur les 3,2 m² restants, 2
m² vont rester tel quel et 1,2 m² ont été condamnés (par trois points de soudure et
ceci sans joint ni quoi que ce soit). Bref, pour montrer les conditions climatiques qui
règnent dans les dortoirs nous avons dressé un tableau des températures. Ces mesures
ont été effectuées dans le dortoir n° 2 qui se trouve au deuxième étage (ce dortoir
représentant d'ailleurs à peu près la moyenne climatique pour linternat garçon).
Elles ont été effectuées du lundi 14 janvier au vendredi 22 février 1980, matin et
soir et ceci à l'intérieur et à l'extérieur du dortoir pour pouvoir expliquer les
variations. Nous vous livrons ces résultats qui ont été choisis parmi les plus
significatifs. Nous avons bien sûr indiqué les minimums mais aussi les maximums, si l'on
peut les appeler comme tel, ainsi que la date à laquelle fut opéré le changement de
fenêtre.
Nous vous laissons seuls juges, mais nous, internes, nous trouvons cela intolérable.
Onze
dans un dortoir, se réveiller à cause du froid, dormir avec un survêtement : cela
nous ne voulons plus le voir.
Les
internes garçons
Journal « Le Beurlo »
Les
enfants, les adolescents deviennent alors à part entière des « acteurs
sociaux ».
mais
aussi parce qu'il leur impose ses exigences pour mieux servir cette
intervention.
Le
journal scolaire, diffusé auprès des camarades de classe des parents, des amis et d'un
public de plus en plus vaste place l'enfant, l'adolescent dans une situation de
responsabilité vraie.
L'enseignant
doit faire prendre conscience au groupe classe, qu'un événement, qu'une contestation
sera amplifiée par la diffusion et que l'acte d'écriture ne trouve son sens que par le
lecteur.
Les
réactions en retour des lecteurs aideront à cette prise de conscience.
S'impose
alors, naturellement, la réflexion à propos du choix des articles, du travail sur le
fond et la forme.
Les articles doivent être clairs, agréables à lire, plaisants, informatifs, et respectueux des autres. Et pour qu'ils atteignent et conservent ce carac
tère ils doivent être le fruit de travaux où se mêleront tour à tour, expression spontanée, discussion, débat, amélioration, enrichissement, vérification, censure, auto-censure et contenu définitif. Car c'est là toute la vie de la classe coopérative qui écoute un texte personnel, se l'approprie pour en faire le texte de la classe. L'enfant est alors porté, défendu dès que son texte est accepté par ses camarades ou repris pour être amendé, précisé, illustré, complété et diffusé.Le
choix des sujets et le travail des textes, imposés par la diffusion du journal amorcent
la prise de conscience d'une nécessaire déontologie. Cela contribue donc à la formation
morale et civique.
Pour
qu'un journal soit lu, il faut qu'il soit lisible.
Là
encore, l'enfant, l'adolescent va apprendre à prendre en compte ses lecteurs. Il sera
confronté aux exigences d'un vrai travail.
La
pratique du journal scolaire implique une organisation du travail qui permettra à la fois
de construire les articles, de chercher les connaissances à diffuser et de les imprimer.
Pour que le journal vive, il est indispensable qu'il soit porté par une organisation
rigoureuse et d'autant plus rigoureuse qu'elle doit aider la vie à se développer dans
toutes ses complexités.
25
enfants et un adulte dans une salle... certains, peu ou beaucoup ont bien des choses à
dire, à montrer, à critiquer, à découvrir. La parole doit donc être organisée. Qui
va la distribuer ? Qui va la retirer ? La nécessité de la responsabilisation
intervient à ce moment où tout le monde doit pouvoir être entendu. Si l'enseignant -
adulte détient totalement ce pouvoir, les contenus des interventions des enfants en
seront altérés.
-
Chaque outil permettant la réalisation pratique du contenu du journal est un outil
socialisant.
-
La mise en place de ces outils dans la classe est une organisation coopérative.
-
L'imprimerie, le limographe, les techniques d'illustration sont des outils collectifs. Le
maquettage pour la photocopie est oeuvre coopérative.
L'enfant seul ne peut s'en servir, ou bien au prix de difficultés qui lui apparaissent bien vite insupportables. Il faut l'aide des camarades. Il va falloir tenir compte des demandes d'utilisation du même outil par d'autres camarades. Il va falloir inscrire ces moments de réalisation dans le temps
collectif. Il va falloir que le petit groupe s'organise dans la réalisation : répartition des tâches, ce qui implique une reconnaissance de certaines compétences, et donc une évaluation implicite par les enfants, des capacités de chacun, mais dans un esprit coopératif : quelle que soit sa tâche, l'enfant sait qu'il fait oeuvre commune et que sa place est aussi importante que celle d'un autre.« Le
journal scolaire, est un travail d'équipe qui prépare pratiquement à la coopération
sociale des enfants. A toutes les étapes de son processus, le journal scolaire suppose la
coopération scolaire ».
(C.
Freinet)
« Lorsqu'on
est enfant, on voit des magazines, des journaux et on s'imagine que ces choses-là sont
faites par des personnes douées. On ne se voit pas du tout en train de faire un journal,
aussi bien pour ce qui est de faire des textes et des illustrations que pour ce qui touche
aux problèmes techniques.
Aussi
dès que je suis rentré en sixième et que l'on a réalisé notre premier journal, j'ai
découvert que c'était faux, que cela n'était pas impossible. Par la suite, cela m'a
fait connaître le travail d'équipe, l'enchaînement nécessaire de la réalisation.
Maintenant que tout cela est démystifié, il nous apporte l'impression, le sentiment que
l'on n'est plus seul à penser d'une certaine façon ».
Elève
de 3e - C.E.S. Chamalières
Cet
esprit critique de l'écrit se sera développé à partir de la pratique. Non seulement,
l'enfant pourra lire la presse, il aura également fabriqué sa presse, il saura la
fabriquer.
Le
jour où les citoyens sauront que leur journal peut mentir ou du moins présenter comme
définitives des solutions qui ne sont qu'un aspect partiel des problèmes imposés par la
vie, lorsqu'ils seront en mesure de discuter avec sagesse, mais aussi avec hardiesse,
lorsqu'ils auront cette formation d'expérimentateurs et de créateurs que nous nous
appliquons à leur donner, il y aura alors quelque chose de changé dans nos démocraties.
Le
journal scolaire est un puissant outil culturel.
parce
quil incite, et aide, chaque enfant, chaque adolescent à se construire, se
cultiver.
La
possibilité d'être publié incite à écrire. Et beaucoup d'enfants, parce qu'ils savent
qu'ils seront lus, prennent goût à l'écriture. Ils écrivent de plus en plus, sur des
sujets de plus en plus divers. L'effet d'entraînement joue, aussi. On est dans un bain
d'écriture. Le journal scolaire ouvre les portes d'un domaine et on va l'explorer,
toujours plus loin, toujours plus à fond. L'enfant découvrira toutes les possibilités,
tous les pouvoirs de l'écriture et peu à peu s'en emparera.
Sollicité
d'écrire, désireux d'utiliser ce support offert à son expression, l'enfant apprend
alors à dépasser le stade de la spontanéité pour rendre sa pensée communicable. Il
fait sien le souci de clarté, d'esthétique, même. Avec l'aide du groupe, il s'en donne
peu à peu les moyens. Il s'approprie l'écriture.
Et
puis, aidant le groupe à « mettre au point » les textes de ses camarades ou
les textes collectifs, participant au comité de rédaction, au travail sur la maquette,
il transforme sa relation à l'écrit.
Ainsi
l'enfant, l'adolescent qui aura participé à l'aventure d'un journal scolaire ne
deviendra pas forcément un journaliste ou un écrivain mais il sera devenu à coup sûr
un lecteur, un lecteur actif.
En
prenant une part active à
une véritable vie culturelle.
Par
l'imprimerie et le journal scolaire, les moments mémorables de la vie de la classe sont
fixés définitivement... On ne sait plus ce que comportait le programme scolaire de ce
lundi, mais on se souvient de la tranche de vie qu'on avait rédigée et imprimée, des
questions posées et des réponses qui y furent faites, des textes lus et des poèmes
savourés.
C.
Freinet
Les
publications qui restent en classe figurent dans la bibliothèque au même titre que des
ouvrages d'auteurs et des manuels scolaires. Les élèves peuvent les feuilleter, les
consulter : elles ont valeur de documents. Des travaux sur enquêtes sont parfois
plus complets, plus fouillés que bien des manuels !
Les
élèves qu'on peut garder deux années consécutives ont du plaisir à revoir les albums
ou les journaux qu'ils ont réalisés l'année précédente, ils ont pour eux une valeur
affective qui n'est pas négligeable.
Il
y a quelques années, jai visité le port d'Ottmarsheim avec mes élèves nous avons
réalisé un album assez volumineux. Je l'ai montré au gérant du port qui nous avait
guidés au cours de la visite. Il m'a demandé cet album pour le montrer à la Chambre de
Commerce de Mulhouse.
Monique
Bolmont
En
fait, dès l'école maternelle l'enfant s'exprime et le journal favorise sa construction
individuelle et sociale. Autrement dit, dès ce moment, l'enfant fait partie de nos
cultures parce que nos cultures c'est l'ensemble de nos expressions, de nos désirs, de
nos angoisses, de nos joies et de nos peines et je ne vois pas pourquoi il faudrait
attendre dix-huit ans pour etre reconnu comme faisant partie de la
« culture ».
M.E.
Bertrand (opus cité)
Les
enfants, les adolescents deviennent à part entière des « acteurs culturels ».
Par
sa périodicité, le journal est source d'appréhension du
temps.
La
législation en vigueur astreint le journal scolaire à se conformer aux lois définissant
la liberté de la presse, c'est-à-dire, posséder un numéro de dépôt légal, un
numéro d'inscription à la commission des papiers de presse ; en vertu de la loi du
1/4/54 I.C.E.M. Cannes étant seul dépôt légal et seul habilité à délivrer ce N°
d'inscription à une publication.
Ce
qui astreint la classe éditrice à se montrer respectueuse de ces réglements.
Le
journal scolaire est défini comme un périodique, sa parution doit donc être conforme à
sa définition. Ce qui oblige des enfants à définir coopérativement un plan annuel de
production permettant de respecter cette périodicité.
Pour
réaliser la parution du journal à échéance périodique, échéance concrète, vécue,
la classe doit organiser, prévoir, fixer, anticiper ces échéances dans le temps.
Là,
se réalise dans la marche de la classe par le vécu affectif, l'approche de la conscience
du temps, la maîtrise des projets en fonction du calendrier (les dimanches, les
mercredis, les vacances, etc.).
Cette conscience se fera progressivement, plus ou moins rapide, plus ou moins profonde suivant l'âge des enfants, mais toujours de façon solide, intégrée parce qu'elle est une véritable construction de « l'intérieur » de notions que l'école s'épuise souvent en vain à tenter de faire acquérir par une gamme d'exercices artificiels.
Et
les apprentissages ?
« Le
journal scolaire est à la mesure d'une éducation qui par la vie prépare la vie »
C.
Freinet
Le
journal scolaire ne peut pas se limiter à l'utilité scolastique de l'école :
apprendre à lire, écrire, compter et qui plus est conjuguer, étudier la grammaire, etc.
Le
journal scolaire oblige les enfants à des apprentissages plus nombreux et plus faciles à
mettre en place parce que leur motivation s'est trouvée modifiée.
A
travers les nécessités de la communication, de la gestion du journal scolaire, l'enfant
n'apprend plus à écrire pour écrire, mais pour se faire comprendre par les lecteurs.
L'écriture
devra devenir de plus en plus précise si nous voulons qu'il y ait réelle communication.
Il faudra donc parfois écrire un certain nombre de fois les textes pour obtenir leur
contenu définitif.
Il
est évident, à partir de là, que le besoin de se faire comprendre déclenchera la
nécessité de maîtriser mieux tel aspect de la langue ou telle difficulté
mathématique, il déclenchera aussi la nécessité d'aller vérifier les informations
puisées à la source en consultant des documents.
Mais,
outre l'élaboration de son contenu, la fabrication matérielle du journal, sa gestion, sa
diffusion dans lesquelles, suivant leur âge, l'adulte veillera à laisser aux enfants une
part active de plus en plus importante, posent de vrais
problèmes. Pour les résoudre il faudra encore écrire mais aussi compter, calculer,
aborder l'économie, la technologie, la géographie, travailler de ses mains...
Les
apprentissages se déroulent pendant chaque phase de la réalisation du journal et non pas
en amont.
Le
journal scolaire est un des outils d'une pédagogie de la réussite.
Le
journal scolaire est le prototype de ce travail nouveau. Pour le mener à bien, l'enfant
n'a plus besoin du stimulant des notes, du gain matériel ou de l'attrait du jeu.
L'entreprise du journal se suffit parce qu'elle porte en elle-même les vertus majeures de
l'éducation moderne.
L'échec
est, dans tous les domaines, destructeur des personnalités. Chez l'enfant il est toujours
à la base de tares graves, depuis l'hésitation jusqu'au bégaiement et à l'anorexie
physiologique et mentale.
Réalisez
un beau journal. Organisez-vous techniquement pour qu'il soit, sans graves risques, la
réussite dont vous vous honorerez. Vous vous habituerez peu à peu à mettre l'accent
dans votre classe et dans votre vie, sur les succès qui donnent espoir et allant. Vous
remiserez progressivement dans l'attirail des procédés désuets les exercices, les
devoirs, les sanctions, les épreuves qui ne sont qu'une technique de l'échec.
C.
Freinet
Mais COMMENT
introduire le journal dans une classe, une école ?
Ne pas éditer de journal sous
prétexte que les enfants n'en ont pas exprimé le besoin c'est croire que les enfants
peuvent tout inventer seuls, qu'il n'y a qu'à attendre, et que l'adulte n'a aucun rôle
dans la classe.
Bien souvent dans, les petites
classes, le journal sera porté par l'adulte. Les enfants n'en éprouvent pas le besoin au
départ. Certains mêmes refuseront de mettre leurs pages avec celles des autres. Ce sera
la part de l'adulte d'aider à une réalisation commune. Mais bien vite, le premier
exemplaire réalisé, les enfants sauront qu'ils sont capables de réaliser un petit
livre, et demanderont : « Quand est-ce qu'on fait le prochain ? »
Dans les classes d'enfants plus
âgés, si la décision d'édition est proposée par l'adulte et acceptée par les
enfants, ces derniers ne restent pas passifs. Très vite, ils veulent trouver un titre à
ce journal, La part aidante du maître sera le choix, ce sera un des premiers moments de
la vie coopérative de la classe, en début d'année. Puis bien vite on discutera de la
date de sortie, du prix de vente, de l'organisation de la vente, autant de moments de vie
coopérative permettant aux enfants de s'organiser collectivement.
Comment ce journal naît-il dans la
classe ? Le fait que les élèves changent n'entraîne pas une mise en place
naturelle. Aussi est-ce moi qui en propose la réalisation dès le premier trimestre, en
septembre. Puis je laisse cette idée faire son chemin. Il y a aussi le témoignage des
élèves de l'année d'avant et de leur journal. Peu à peu des propositions de contenu
apparaissent : bandes dessinées, comptes rendus de recherche...
J.-Claude Régnier - Prof de math
2e cycle
Le journal scolaire est un outil pédagogique. Il
est apporté par l'adulte dans la classe, au même titre que bien d'autres outils.
Voir témoignage page 55
Comment faire vivre
un journal dans une classe, une école...
Le journal scolaire, ce n'est pas un
journal avec un directeur muni de tous les pouvoirs et un comité de rédaction composé
de journalistes spécialisés qui reçoivent et sollicitent au besoin des textes à
publier, qui en examinent d'autres et décident de leur parution.
Le journal scolaire c'est plutôt, du
début à la fin, de la création des textes et des dessins à leur diffusion,
l'expression et le travail d'un groupe d'enfants qui s'institue en comité de rédaction.
Le journal n'est pas non plus une simple compilation d'oeuvres individuelles. Il est le
résultat du travail d'un groupe d'enfants qui veulent communiquer aux lecteurs les
informations, les opinions, les recherches mises au point dans la classe.
Si on feuillette des journaux venant
de différents horizons, on constate qu'un parallèle existe entre l'âge des scripteurs
et le pôle privilégié : expression ou communication.
L'enfant de maternelle qui
imprime : « Je me suis enfoncé
une pointe dans mon bras » écrit peut-être pour ses parents, mais il se
rappelle surtout à lui-même un souvenir cuisant : il ne pense guère à
« comment sera lu son texte ».
Complètement à l'opposé, des
adolescents se soucient surtout des lecteurs. On les remercie pour leurs encouragements...
« Et si aujourd'hui, vous pouvez
lire ce nouvel éditorial, c'est un peu grâce à vos suggestions et à vos
critiques ».
Mais avant d'être aussi
différenciés, les 2 pôles cohabitent longtemps au sein du journal scolaire, l'un se
nourrissant de l'autre. Cette valse-hésitation est à la fois l'expression et le témoin
matériel de l'apprentissage réel des enfants de leurs moyens d'expression et de
communication en particulier au niveau de leur langue.
Cette différenciation n'est pas
toujours aussi nette et n'est pas inéluctable : à l'intérieur d'une même tranche
d'âge, la part relative de l'expression brute et de la communication évolue en fonction
du degré de maturation de la vie coopérative dans la classe.
Faire un journal, c'est apprendre de
manière vivante à s'exprimer pour communiquer.
Le journal, est le résultat du travail d'un groupe d'enfants aidés par l'adulte.
La réalisation du journal placée au centre des activités.
Tout comme la correspondance scolaire
et quelques autres techniques, le journal scolaire doit être au centre du système
pédagogique et non à sa périphérie. Comme le dit Jacques Brunet (témoignage, page 58)
« C'est un élément essentiel, inextricablement mêlé à tout le reste. Ce n'est
pas une pratique supplémentaire, plaquée sur le reste ».
Nous l'avons dit dans toute la
première partie de cet ouvrage, le journal scolaire motive, incite, aide les enfants et
adolescents dans une quête de savoirs et de savoir-faire. Il rend nécessaire les
acquisitions scolaires utiles, soit qu'elles se fassent pendant sa réalisation même,
soit qu'elles soient l'objet de séances qui viendront après sa réalisation parce qu'il
en aura fait sentir la nécessité.
Si par contre on ne l'accueillait que
dans les rares « temps libres », après un travail purement scolaire,
artificiel, alors il ne pourrait pas remplir ce rôle de puissante motivation, d'activité
constructive. Au contraire il en pâtirait lui-même, devenant une caricature de ce
« vrai travail » dont nous avons montré l'importance, et il vaudrait mieux ne
pas s'y essayer.
Et les apprentissages ?
Alors, pour encourager ceux qui
voudraient mais... ceux qui... de temps à autre, ceux qui font mais... ceux qui savent
tout ce que le journal scolaire apporte dans une classe mais qui cherchent à répondre à
la « pression extérieure » voici quelques éléments de réponses avec ce que
sollicite chez l'enfant le journal scolaire et ce qui amène à certains apprentissages,
ceux-ci étant toujours abordés dans l'optique d'un travail authentique visant à la construction de
la personnalité.
Francais :
- Mise en valeur de l'utilisation de
l'oral, de l'écrit ;
- confrontation, enrichissement de la parole ;
- confrontation, enrichissement de l'écrit ;
- correction, affinage de l'écrit, enrichissement du vocabulaire ;
- développement de l'esprit d'analyse, de synthèse ;
- découverte de la syntaxe pour la clarté, la résonance des textes ;
- amélioration de l'expression par recherches d'autres paroles, d'autres écrits pour sa
culture propre ;
-
communication de ses émotions, de ses idées ;
-
être compris, être écouté, être lu ;
- savoir s'adresser à des personnes extérieures, des adultes en particulier ;
- conception ordonnée de l'expression ;
- lire, apprendre à lire, lire pour « de vrai ».
Maths
-
appréhension du temps, périodicité, plan de travail ;
- appréhension de l'espace, mise en page, surface à utiliser ;
- déroulement logique des opérations de fabrication ;
- compter ;
- gestion financière (calcul du coût - prix de revient, vente, prévisions,
investissements, etc.) ;
- formation de l'esprit logique (organisation, invention de jeux, recherches à
effectuer) ;
- latéralisation ;
- etc.
Eveil
- formation de l'esprit scientifique par tâtonnement, hypothèse, critique ;
- invention, ouverture de la curiosité, créativité ;
- découverte, comparaison de milieux différents du point de vue historique,
géographique, scientifique et social ;
- mener une enquête, faire le compte rendu ;
- souci de l'exactitude ;
- formation esthétique ;
- recherches graphiques, découvertes d'autres modes d'expression ;
- mise en valeur de la beauté d'un texte ; recherche de la beauté de
l'expression ;
- minutie, goût du travail bien fait et à son maximum ;
- savoir choisir, prendre une décision ;
- savoir écouter les autres et argumenter ;
- développement de la citoyenneté ;
- construction personnelle de l'individu autonomie, responsabilités, démystification du
journal, culture ;
- développement de la motricité fine.
Eveil
technologique
- utilisation d'outils appropriés ;
- fonctionnement de ces outils ;
- entretien, gestion du matériel ;
- découverte et utilisation de techniques du coin, répartition des lieux, des tâches,
efficacité pour réussir dans un temps donné ;
-
habileté manuelle, diversité des gestes.
Le
contenu
Qu'est-ce
qu'on peut trouver dans un journal ?
« Notre
vie » :
Tous
les événements de la classe, de l'école ; comment se déroule une activité ;
reportages intra-muros ; débats ; projets ; comptes de la
coopérative ; etc.
Comptes rendus d'enquêtes, de films, de livres, de visites... Des jeux, des recherches,
des recettes...
Des
dessins, des B.D.
Des
plans de maquettes, montages, des expériences... Des textes libres (prose, poésie).
D'une façon générale, tout ce que l'enfant a envie de proposer et que le groupe choisit
de prendre à son compte.
Chaque
texte a une histoire, chaque page est le résultat d'une somme complexe de travaux
individuels et collectifs. Chacun a donné ce qu'il a pu. Le journal est l'oeuvre de la
classe. Il en est aussi un peu le symbole. On n'y écrit pas n'importe quoi, si son
aspect, sa présentation, la variété de son contenu laissent à désirer, c'est la
classe entière qui va être jugée. Pourtant, il ne porte pas en lui toutes les vertus,
comme une essence. S'il n'est que le rassemblement de textes épars, sans aucun
débouché, s'il ne joue pas un rôle de moyen d'échange et de communication, les enfants
n'ont plus aucune raison de s'y intéresser. Autant imprimer une page pour soi et la
garder.
René
Laffite
Faire
que le contenu soit source de joie, de découvertes utiles, d'apprentissages, d'envie
de,... pour le lecteur. Essayer d'être sûr d'être lu.
Quels articles ? Comment choisir ?
Le
choix se fera selon les lois de fonctionnement de chaque groupe.
On
peut choisir les articles quotidiennement ou plusieurs fois par semaine, chaque auteur
proposant son texte à la classe.
On
peut décider que chaque enfant aura une page à lui dans le journal.
La
pratique du vote a été et est encore largement répandue. A un moment déterminé, la
classe choisit par vote le ou les textes, dessins, etc. qui paraîtront dans le journal.
Mais cette pratique pose très vite des problèmes. Ce sont souvent les oeuvres des mêmes
qui sont choisies, on vote pour le copain, etc.
Là encore, l'outil journal va permettre une progression dans l'organisation de la vie coopérative. Les enfants vont remettre en cause la procédure de choix et tâtonner dans une recherche de procédure de
choix plus efficiente. On ne choisira plus un texte, mais plusieurs, ou on choisira des textes par thèmes (histoires inventées, histoires vraies, discussions, etc.), ou bien encore chaque enfant qui le désire proposera à l'ensemble de la classe sa réalisation.Ce
choix des articles est l'occasion d'une prise de conscience par chacun et par le groupe de
la nécessité de respecter à la fois chaque individu et le groupe lui-même. Ainsi les
critères de ce choix évolueront-ils.
Quelques
exemples :
En
ce qui concerne tout d'abord le choix des textes j'ai essayé et adopté le
« système » suivant depuis plusieurs années : dès qu'un enfant a cinq
textes libres lus (et recopiés au propre) il en choisit un pour l'imprimer ; il
demande l'avis à la classe. Jinterviens parfois pour aider, préciser le choix.
L'auteur finalement a le dernier mot.
Georges
Garret
Le
matin, après le chant et la musique, nous nous réunissons « pour faire le
Journal ». Chacun dit ce qu'il veut voir
écrit dans le journal. Le jeudi, un débat sur un thème choisi par décision de la
coopérative a lieu.
Max
Damilano
Il
n'y a pas une procédure de choix des articles mais de multiples.
Il n'y a pas une procédure immuable, mais une évolution.
La
correction - la mise au point
·
Certains
pratiquent la correction collective du texte élu avec dernier recours à l'auteur.
·
D'autres
choisissent la seule correction individuelle.
S'il
paraît nécessaire de préserver la sensibilité de l'auteur dans les textes d'expression
en n'intervenant que sur l'orthographe et les grosses incorrections, la classe se
chargeant des éclaircissements et des perfectionnements à apporter, il parait évident
que pour les textes documentaires on devra vérifier en plus l'exactitude, l'utilité de
plans, photos, schémas, etc. (dans tous les cas il est primordial de se demander si les
lecteurs extérieurs au groupe-classe seront en mesure de comprendre, un enfant peut
d'ailleurs jouer ce rôle du lecteur extérieur, l'adulte en tous cas). Ne pas oublier
aussi que le texte doit permettre au lecteur extérieur de toujours savoir si l'on est
dans le réel ou dans l'imaginaire.
Souvent,
les deux pratiques coexistent.
La
mise au point se fait avec un groupe de volontaires et le maître pour la suppression des
« erreurs » d'orthographe et des incorrections, des répétitions parfois, le
remplacement des mots impropres ou vagues, la mise en place de la ponctuation, la
composition en paragraphe si l'occasion s'y prête.
Georges
Garret
Je
mets au point avec l'enfant son texte c'est-à-dire que je discute avec lui pour m'assurer
que le français « littéraire » qui sera retenu traduise sa pensée et que la
forme acceptée, par l'adulte et l'enfant, ne la trahisse pas.
Max
Damilano
Pour
les débats, J'essaie de prendre en note in extenso ce qui est dit mais les notes prises
sont spontanément littéraires elles ne suivent pas fidèlement les régionalismes, les
incorrections, les exclamations, les hésitations les répétitions du langage parlé. Un
journal qui serait une transcription fidèle d'une bande magnétique serait fatigant pour
un lecteur ordinaire. Il ne viendrait à l'esprit de personne d'utiliser systématiquement
les formes de langage d'un jeune enfant pour communiquer avec lui. Ces notes sont
transmises à un parent-secrétaire qui frappe les textes et les tire au duplicateur à
alcool.
Le
lendemain, je lis ce journal en fin d'après-midi. Si besoin est, l'enfant demandera des
rectificatifs dans le prochain numéro si la forme retenue a trahi sa pensée.
Max
Damilano
Une technique
(parmi tant d'autres) pour LA MISE AU POINT COLLECTIVE DU TEXTE LIBRE
1.
Critères de choix :
-
La classe demande la diffusion d'un texte qui lui a plu.
- Un enfant désire très fort imprimer un de ses textes.
- Un reportage ou un compte rendu a été demandé pour le journal à un enfant ou à un
groupe d'enfants (dépassement de la procédure du vote).
2. Processus :
-
L'auteur fait sa première mise au point.
Le
maître vérifie et apporte sa part aidante modulée suivant le degré d'autonomie de
l'enfant.
- L'enfant polycopie son texte à l'aide d'un duplicateur à alcool (manuscrit plus facile
que sur stencil; rapidité).
-
il le distribue à ses camarades qui l'emportent chez eux le soir.
-
Le lendemain, mise au point collective, chacun exposant ses remarques, questions et
éventuelles modifications proposées.
Avantages :
-
Le texte étant destiné à la diffusion par l'écriture, c'est déjà en position de lecteurs (et non d'auditeurs) que les enfants
réfléchissent à sa mise au point.
- Ils ont un peu plus de recul que lorsqu'on travaille le texte en classe aussitôt après
sa première lecture par l'auteur.
- Ils sont davantage intéressés par ce travail.
Remarques :
Au
cours de ce travail, on utilise naturellement des notions grammaticales. Tout aussi
naturellement, le maître les nomme comme le mécanicien ou le menuisier nomme les outils
qu'il demande ou confie à son apprenti. Peu à peu, les enfants s'emparent de ces notions
(outils) et de
Les exercices pourront venir ensuite pour consolider ces acquisitions.
- Même remarque pour le vocabulaire, l'orthographe.
Guy
Champagne
Un
texte sera considéré comme « mis au point » lorsqu'il sera lisible,
compréhensible, sans être entaché de maladresses. On n'imposera pas un style uniforme,
impersonnel.
Ce
terme ne doit pas être pris au sens journalistique. Il ne pourrait dans ce cas
fonctionner valablement qu'au second degré.
En ce domaine tout doit être basé sur la vie coopérative. Et le comité tant par son
rôle que par l'importance de ses membres sera défini selon les lois propres à chaque
groupe.
Ce
qui sous-entend :
-
faire prendre les décisions ;
- la répartition des tâches ;
- définir les responsabilités
- les faire respecter (périodicité, engagements, correction, affinage, sommaire, mise en
page, agrafage, diffusion, relecture) ;
- réception et communication des infos et témoignages concernant le journal ;
-
gestion du matériel ;
-
bilan et nouveau plan de travail pour approfondissement et enrichissement.
Mais l'importance de ce comité de rédaction est subordonnée au support du journal.
Témoignage
Dans
mon C.M.2, certains élèves n'écrivaient toujours pas. Au conseil je propose de
nouvelles responsabilités (ainsi tout le monde en avait) à savoir :
- Chaque semaine un hebdo dont la réalisation est confiée à tour de rôle à 3
élèves. Ils ont la semaine pour le « sortir ».
- Chaque jour, 2 journalistes ont la charge d'éditer séparément (j'y tiens) une feuille
(ou deux) « journal » relatant la vie de la classe, de l'école après
enquête auprès des camarades.
Ces feuilles ne sont discutées qu'ensuite, le lendemain matin. Il n'y a pas de comité de
rédaction dans ce cas. Mais au fur et à mesure on a pu noter une évolution de la mise
en page, un style propre à chacun, et la reconnaissance du choix subjectif des
événements.
Bernard Auzou
Lorganisation du travail
Il
est donc nécessaire que le groupe classe se dote de modalités de fonctionnement.
-
Qui donne la parole ?
- Qui fait respecter les décisions prises ?
- Qui fait prendre des décisions ?
- Qui recense les propositions de travail ?
- Qui recense les équipes de travail ?
- Qui provoque la construction des temps de travail ?
- Qui demande des comptes ?
- Qui est responsable du matériel ?
- Qui est responsable du planning des textes ?
La
liste ne saurait être limitative ou contenir tous les aspects. Chaque groupe classe doit
se donner ses propres règles de vie. Car il faut bien que chaque enfant puisse se
référer à ces règles pour expliciter son comportement.
Un
journal c'est un contenu à déterminer coopérativement, à construire, à améliorer, à
imprimer, à diffuser, à gérer. Chacun de ces aspects de l'activité globale de la
classe doit être prise en compte par un ou plusieurs enfants sur la base d'un contrat
défini coopérativement entre l'équipe responsable et la classe.
-
Qui va enquêter dans tel endroit ?
- L'enquête se fera à quel moment ?
- Quels sont les renseignements à rapporter ?
- Qui prend les contacts ?
- Qui rédige le compte rendu ?
- Quand sera-t-il présenté pour être discuté ?
- Qui l'imprimera ?
De
cette foison d'attitudes et de responsabilités dictées par la vie naissent des
certitudes : celle d'être utile, celle d'apprendre utile, celle d'être honnête, celle
d'être tolérant, celle d'être aidant.
L'enfant
découvre les raisons des contraintes. Ce sont les lois du journal. Et les enfants se
rendent vite compte qu'elles sont toutes imbriquées l'une dans l'autre et qu'ainsi, il
faut que toutes les règles de vie soient respectées pour que le journal vive et que ses
éditeurs en tirent le juste bénéfice.
Les
enfants sont alors amenés à prévoir leur plan de travail coopératif
Il
a fallu : écouter et voir - interroger - organiser les questions - chercher
enquêter - interviewer - solliciter des personnes extérieures à l'école, les voir -
les entendre - prendre des notes - décripter l'enregistrement rédiger - corriger,
améliorer - communiquer les réponses à la classe s'organiser pour imprimer - composer -
tirer - illustrer - sécher - agrafer DIFFUSER - recueillir les réponses, les critiquer -
répondre - approfondir faire le bilan du travail sans oublier les apprentissages et les
contrôles qui restent indispensables dans tous processus d'enseignement.
Les
contrôles, en pédagogie Freinet, étant une manière pour l'enfant de se situer par
rapport à des connaissances qu'il avait envisagé d'acquérir.
Il
faut donc à la fois ou à tour de rôle permettre une démarche dialectique entre les
activités individuelles et les activités collectives. C'est la raison d'être du plan de
travail coopératif existant dans chaque classe éditrice du journal scolaire.
Il
faut en effet organiser le temps scolaire pour que :
- les communications des résultats,
- les informations nouvelles,
- les questionnements,
- les propositions de mise en page,
- les fruits des créativités,
- les besoins d'apprentissages et leurs contrôles, se déroulent harmonieusement.
Il faut donc organiser le temps scolaire en plages qui permettront ces activités en moments qui favoriseront cette dialectique.
Quels
supports ?
Le
choix du support et la périodicité sont fonction des lois et objectifs décidés en
commun en conseil de coopérative mais aussi, trop souvent, fonction des contingences
matérielles.
Il
n'y a pas de recette miracle mais des adéquations à trouver. Le journal n'est pas
quelque chose de fixe, il peut évoluer, se modifier selon son but, sa destination. Il
peut même exister sous plusieurs formes dans la même classe.
Voir
témoignages pages 52, 62, 63, 64, 66, 68, 72.
Quelles
techniques d'impression ?
Beaucoup
de classes éditent un journal scolaire et les techniques employées pour le réaliser
sont très diverses, de la plus simple à la plus élaborée en passant par l'artisanale.
Malheureusement c'est souvent les impératifs financiers qui, au départ surtout, font
faire le choix de la technique.
Très
souvent disponible : le duplicateur à
alcool
Lorsque
l'idée de faire un journal naît dans une classe soit parce qu'il y a eu apport de
l'extérieur, soit parce que l'on a envie de communiquer avec les autres (camarades,
parents, quartier, village), il n'est pas nécessaire de posséder un matériel
sophistiqué pour mener au bout la réalisation du journal.
On
peut le faire très simplement avec le duplicateur à alcool, que pratiquement chaque
classe possède et qui peut être aussi le dépannage
rapide lorsqu'il faut « boucler », le journal. Evidemment, si la classe ne
possède pas de duplicateur à alcool, il vaudrait mieux investir dans un autre
type de matériel plutôt que celui-ci, car on ne pourra pas progresser avec cette
technique qui ne permet que peu de possibilités et un tirage très limité.
Le
limographe
Ensuite si l'on veut éditer un journal ayant plus l'apparence d'un vrai journal avec peu de moyens, la solution du limographe (acheté ou fabriqué par ses propres moyens) semble être l'étape suivante : cette technique de tirage permet de donner un résultat plus net et peut servir aussi bien à l'écrit qu'à l'illustration ce qui en fait son avantage sur l'imprimerie dont elle est un des compléments surtout pour les textes longs. De plus cette technique permet un tirage illimité.
·
Principe :
Un
stencil est gravé à l'aide d'un stylo à bille, d'un poinçon, sur une plaque de
plastique granuleux (cello-lime). Le stencil peut être également frappé avec une
machine à écrire, mise en position stencil.
Ce
stencil est posé sur le plateau du limographe. On rabat dessus le cadre entoilé de
tergal. On dépose de l'encre spéciale grasse (encre à limographe, surtout pas d'encre
d'imprimerie) directement sur la toile et l'on étale soigneusement à l'aide du rouleau.
L'encre passe aux endroits gravés et se dépose sur la feuille.
·
Utilisation :
En
complément de l'imprimerie.
-
Moyen de reproduction pour les textes qu'il serait fastidieux de composer à l'imprimerie,
de par leur longueur : comptes rendus d'enquêtes, débats, vie de la classe.
-
Moyen de reproduction des dessins : on peut obtenir des surfaces plus ou moins
grisées, en utilisant à la place de la cello-lime des grilles à ombrer achetées dans
le commerce ou fabriquées soi-même avec du papier de verre, de la toile émeri, des
grilles à bruine, des râpes à bois, limes, etc.
-
Moyen de reproduction des bandes dessinées.
Dans
le cas d'un journal tiré en grand format, le limographe permet de « boucher les
blancs » laissés par les textes imprimés. C'est l'outil idéal pour imprimer les
petites annonces, vie de la classe, comptes rendus, etc.
Il
faut signaler cependant que graver un stencil est une opération délicate pour des
enfants jeunes. Là, l'adulte se substituera à l'enfant.
Au
second degré
-
A partir de 70-100 exemplaires tirés, on peut songer à passer à la Gestetner. Le
limographe, par contre, est très économique dans les tirages à 20-50 exemplaires, qui,
au second degré, sont des tirages courants.
Le
limographe est un outil intéressant dans la classe : il assure l'autonomie de la
classe qui peut se servir de ce moyen simple pour imprimer ses productions, il permet une
communication vers l'extérieur plus rapide que ne le permet l'imprimerie. Limographe,
imprimerie, Gestetner, graveur électronique de stencils :: il n'y a pas d'outils
privilégiés, mais une panoplie d'outils valorisants. Aux enfants avec leur maître à
faire un choix logique en fonction de ce qu'ils désirent. Par exemple, il semble
nécessaire de passer à la polycopieuse électrique quand on dépasse un tirage de 120 et
qu'on a peu de temps, ce qui est souvent le cas au second cycle. C'est ainsi que ma 1re
G (35 h de cours par semaine) ne pouvait consacrer que très peu de temps à la
réalisation matérielle. Nous avons attendu que tous les stencils soient prêts :
les 22 pages ont été tirées à trois, en une heure.
J.
Brunet
L'imprimerie
L'imprimerie
à l'école ce n'est pas :
-
apporter une technologie et un outillage dans les classes ;
-
transformer chaque enfant en typographe ou machiniste ;
- renier les techniques de reproduction mises au point récemment.
Le
matériel de composition et de tirage doit être obligatoirement adapté aux enfants, à
leur nature, et à leurs besoins pour leur permettre de se l'approprier et par
expériences tâtonnées se donner leurs règles d'utilisation.
L'imprimerie
est un outil pédagogique particulier.
Elle
favorise les tâtonnements des enfants dans leurs divers apprentissages (voir B.T. R. n°1
et 23).
Elle favorise leurs apprentissages : de l'espace - des signes graphiques de
l'écriture - de la lecture - des contraintes socialisantes (orthographe et lutte contre
la disorthographie, lisibilité).
La
page imprimerie reçoit du lecteur un statut particulier qui la met au rang du texte
officiel.
L'imprimerie typographique donne au texte de l'enfant la même importance qu'à celui de
l'adulte.
L'imprimerie est un outil de démystification
La
pratique de la typographie, du choix des caractères permet à l'enfant de se forger un
esprit critique vis-à-vis des textes imprimés et de la publicité.
On
l'utilisera donc chaque fois que cela sera possible, lorsqu'on ne sera pas pressé par des
impératifs de grande rapidité (voir page 35).
Au
contraire de ce que l'on pourrait penser, l'avantage de l'imprimerie est que le petit
enfant peut mener pratiquement seul, du début à la fin, la réalisation de son texte,
grâce à un matériel adapté, raison de plus pour dire que l'idéal, pour les petits est
de démarrer directement à l'imprimerie, en utilisant des gros caractères : corps
36, 42, et plus...
Quand les textes sont longs, on rencontre des problèmes de soin à l'lmprimerle et de
rangement. Dans plusieurs classes, le texte est découpé en petits morceaux et partagé
entre plusieurs enfants. L'imprimerie devient alors un véritable travail d'équipe.
L'enfant
qui compose un texte le sent naître sous sa main, il lui donne une nouvelle vie, il le
fait sien.
Il n'y a pas désormais plus d'intermédiaire dans le processus qui conduit de la pensée
ébauchée, puis exprimée, au journal que l'on enverra
C.
Freinet
Au
second degré :
L'imprimerie
semble bien être l'activité qui s'accommode le plus difficilement
des conditions de travail que connaissent les professeurs du second degré et leurs
élèves et pourtant on peut lever l'obstacle !!! Cela en vaut la peine. Les élèves
trouvent dans l'atelier imprimerie la possibilité de se familiariser avec les techniques
de l'imprimerie, de se rapprocher du texte imprimé, d'affiner la mise en page, etc.
Imprimer
dans des classes de C.E.S., c'est possible mais ce n'est pas facile.
C'est
possible parce que cela part d'une volonté personnelle et de l'enthousiasme des élèves.
Je considère l'imprimerie comme un moyen d'expression au même titre que les autres et
c'est ainsi qu'elle entre dans mes classes ; « le journal » que nous
réalisons n'est pas une fin, mais un moyen de communiquer.
Mais
ce n'est pas facile parce que les conditions de travail sont contraignantes (le découpage
horaire nous impose une gymnastique épuisante (chantier à mettre en ordre pour le
laisser à la disposition du groupe suivant - reprendre plus tard et naturellement la
réalisation est très lente).
Le
manque de moyens est aussi une cause de blocage (manquer de lettres dès que les textes
sont un peu longs, par exemple !)
Il
faut donc planifier tout cela de façon assez serrée pour s'en sortir (nous travaillons
pendant les heures de français que j'appelle heures de travail personnel ou d'options et
pendant lesquelles les élèves organisent tout seuls leur travail, soit environ 4 à 6
heures par quinzaine mais, ils n'ont pas que cela à faire et en moyenne, 4 ou 5 élèves
peuvent travailler à l'imprimerie dans une quinzaine : c'est peu !)
Mais,
malgré tout, cela vaut le coup :l'intérêt ne s'émousse pas trop et le petit texte
imprimé reste le même plaisir quand il « srt » pour la première fois. Quant
à ce que cela nous apporte, en plus de tout ce qui s'attache à la technique de
réalisation (manipulation des caractères, mise en place des composteurs, mise en page,
organisation, qui sont des contraintes formatrices), en plus de la recherche sur le plan
de l'orthographe ou de la syntaxe, il y a une transformation de ce qui est écrit par
cette valorisation qu'apportent les caractères imprimés, une simplification des rapports
des enfants avec ce qui est imprimé par les adultes puisque nous faisons comme dans les
livres.
Donc
nous continuons, le bilan est positif, malgré le manque de temps.
M.
Vibert
Afin
d'obtenir des textes imprimés sans erreurs, beaucoup emploient le principe du « bn
à tirer ». L'élève ou l'équipe qui tire fait des épreuves jusqu'à disparition
des erreurs et jusqu'à une typographie agréable, le maître étant le dernier
interlocuteur dans le comité de rédaction, c'est lui qui donne ce « bon à
tirer » (ce qui ne l'empêche pas de donner un coup de main si les difficultés
risquent d'allonger démesurément cette « toilette » de la composition).
Il
est un fait que plus les enfants sont jeunes plus il est pénible pour eux de tirer à
60-80 voire 100 exemplaires ou plus.
Après
tirage de quelques exemplaires pour la classe on peut choisir les plus beaux textes et
construire une maquette avec illustrations en vue de la photocopier ou de la tirer en
offset. (Voir témoignage Luc Sadet).
Pour
certains textes longs, il y a possibilité d'utiliser une gestetner, on peut parfois
emprunter celle de la mairie lorsque celle-ci en possède une et se montre coopérative.
Leurs
limites
Les
enfants au bout d'un certain temps déplorent l'absence de couleur on peut y pallier en y
surimpressionnant des illustrations à la sérigraphie.
Ces
techniques peuvent être utilisées pour les diffusions importantes et parallèlement
avoir recours à l'imprimerie et techniques d'illustration pour les recueils de textes,
les albums de vie, etc.
De
limprimerie... aux imprimantes
A
notre connaissance, certaines classes se lancent dans la recherche de l'utilisation des
techniques et de la technologie nouvelle soit : l'utilisation d'un système informatique
pour la création enfantine et le traitement de textes pour la composition des textes et
la mise en page du journal scolaire.
En
fait les meilleurs journaux associent tous les moyens de reprographie (duplicateur à
alcool, limographe, imprimerie et même maintenant photocopieurs et graveurs de stencils
électroniques), ce qui permet d'ailleurs de multiplier les ateliers et aussi d'adapter le
type de reprographie au caractère du texte (une belle poésie courte conviendra très
bien à la typographie, un compte rendu d'enquête copieux et dense sera destiné au
limographe, un dessin en plusieurs couleurs au duplicateur à alcool, etc.).
Voir
témoignages page 60
Récapitulation
Avantages - Inconvénients
Le
choix de la technique de reproduction se fait en tenant compte de nombreux critères
·
Simplicité
de réalisation
de l'original
* Netteté et lisibilité du résultat
·
Rapidité
de réalisation
du tirage
·
Cherté du
matériel de base
* Expressivité et beauté du résultat
de fonctionnement
·
Variété
et malléabilité
SIMPLICITÉ
D'UTILISATION
·
Réalisation
de l'original :
1.
prime à l'imprimerie (dès grande section maternelle)
2.
duplication à l'alcool
3.
duplication à l'encre
- limographe
avec utilisation de la machine à écrire
- duplicateur
Tirage
1.
duplicateurs à encre et alcool si machines automatiques
2.
Imprimerie ;
3. Duplicateur à alcool
4. Limographe
RAPIDITÉ
:
·
de
la réalisation de l'original
1.
a) carbones hectographiques à la main
b) stencils à encre
2. a) matrices hectographiques à la machine à
écrire
b) stencils
3. loin derrière : l'imprimerie
·
du
tirage :
1. a) duplicateur à encre loin devant si
automatique
b) duplicateur
à alcool mais tirage limité
2.
a) imprimerie
b) limographe
3. imprimerie loin derrière si on tient compte du nettoyage et des rangements
3.
CHERTÉ
·
du
matériel de base
du fonctionnement
1.
de loin le limographe est le moins onéreux
1.
l'imprimerie revient très bon marché
2. le duplicateur à alcool
2. la duplication à alcool ;
3. l'imprimerie ;
3. le tirage au limographe
4. le duplicateur à encre
4.
LES POSSIBILITÉS AU NIVEAU DE LA VARIÉTÉ ET DE LA MALLÉABILITÉ
1.
Prime à l'imprimerie
-
variété des caractères
- variété des couleurs ;
- variété du support (avec utilisation de fonds...
- possibilités multiples de dispositions...
Seule
l'imprimerie permet de modifier l'original une fois le tirage commencé.
2.
Matrices et stencils offrent aussi des possibilités de variété d'écriture mais c'est
fait à la main d'où d'autres difficultés.
5.
EXPRESSIVITÉ/ BEAUTÉ
Au niveau artisanal, l'imprimerie reste irremplaçable.
Quels formats ?
Le format 13,5 x 21 : Il semble plus facile
pour l'appréhension de l'espace, surtout pour les plus jeunes. Mais est-ce bien
sûr ? Il limite trop le couple texte-illustration.
Le format 21 x 29,7 semble être de plus en plus
utilisé (sens horizontal ou vertical).
Ces deux formats sont adaptés au
duplicateur à alcool, au limographe et à l'imprimerie, matériel directement mis en
oeuvre dans les classes.
LE BESOIN DE COMMUNIQUER VERS
L'EXTÉRIEUR DE LA CLASSE A AUSSI FAIT NAÎTRE DE NOUVEAUX FORMATS.
A l'intérieur d'une école, certains
utilisent le journal mural, une seule feuille allant du 21 x 29,7 au 30 x 40.
Ces formats sont trop petits dès
qu'il s'agit d'affichages extérieurs à l'école, ce qui a amené la naissance du
« journal affiche » dont les formats sont très divers du 35 x 40 au 50 x
60...
La réalisation d'un tel journal pose
certains problèmes que le matériel vendu couramment ne permet pas de résoudre. On verra
dans le chapitre « Réalisation technique » et dans les Témoignages comment
on peut pallier certains manques.
Ces journaux « affiche »
sont parfois d'information mais souvent l'expression des jeunes sur un thème précis.
Exemples pris dans « Fleur de
lune », édité par un C. M. de Villepreux :
- ramassage de radiographies,
- peser nos cartables...
De même, les journaux tirés à
l'offset, en photocopie ou imprimés à l'extérieur de la classe explorent de nouveaux
formats.
Voir témoignages pages 52, 62, 63, 66
Et
le sommaire ? Le nombre de pages ? La
périodicité ?
Là
aussi, ce sera en fonction des décisions du groupe.
Nous
pensons, à ce propos, qu'il faut faire la distinction entre journal scolaire et recueil
de textes, poésies...
Ce
genre de gerbe peut permettre de prendre le temps du fignolage très minutieux car il sera
avant tout un bel album, une mémoire. Elle peut paraître tous les trimestres ou une ou
deux fois l'an ou au gré du volume des productions de la classe. Mais pour le journal
scolaire, si la lisibilité, le beau sont importants, son aspect vital l'est aussi.
On
sera donc amené à des choix qui induiront, et le nombre de pages et la périodicité.
Quelques
exemples :
-
le journal hebdomadaire,
- le journal bimensuel,
-
le mensuel,
mais
aussi
-
le journal quotidien que l'on trouve aussi bien en maternelle C P. qu'au second degré.
La
tendance actuelle de ramener la périodicité à un numéro par trimestre si elle a pour
effet de réduire les dépenses que représentent les frais d'envoi, à par contre le
très gros inconvénient d'enlever beaucoup d'intérêts aux échanges de journaux. Pour
ce type de production, il convient plutôt de parler de « Revue Scolaire » ou
même d'édition d'une classe et non de journal scolaire.
On
peut aussi avoir recours à des journaux extérieurs à la classe, des quotidiens
régionaux et y obtenir une place (Témoignage « Que choisir-Education » n°1
de mars 1983).
Voir
témoignages pages 62, 63, 64, 68
Du
journal imprimé... au journal parlé et au journal télévisé
Le
magnétophone occupe une place de plus en plus importante dans les classes et en a
forcément modifié les pratiques.
Il
a amené les enfants à être reporters, enquêteurs, orateurs, à communiquer, à
étendre leur audience, à critiquer et à écouter.
Ces
bandes magnétiques sortent souvent de la classe et sont moyens d'expression de la classe,
de l'individu au même titre que le texte libre ou les enquêtes.
Cette
utilisation du magnétophone a évolué dans certaines classes.
L'apprentissage
du français passerait-il par l'apprentissage de l'oral ?
Maïté
Rey
Voir
témoignages page 72
Dans
quelques endroits on commence à utiliser le magnétoscope échange de cassettes vidéo
(création libre, informations, etc.).
L'illustration
tient une place importante.
Lorsque
Freinet parle d'un travail d'artisan bien fini, non seulement il fait allusion au texte
qui doit être propre mais aussi sans erreurs orthographiques et typographiques, enfin le
texte se doit d'être illustré pour la mise en valeur du texte et l'aspect esthétique de
la page. En effet, dans un journal scolaire, le dessin a droit à une place essentielle
car il est un moyen d'expression de l'enfant. « Bien des témoignages confirment
qu'un dessin est souvent plus facile à réaliser qu'un texte même très court »...
et que « d'autre part, il est rare qu'un dessin d'enfant n'offre pas quelque
intérêt, ou tient là le premier jalon qui permet à l'enfant de s'intégrer au groupe
(son dessin étant choisi) » précise Jacques Gonnet (Le journal et l'école).
L'enfant
jeune fait peu la différence entre texte, dessin ou compte rendu, l'essentiel pour lui
est « d'avoir quelque chose » dans le journal. L'illustration va permettre à
des enfants qui ont des difficultés à s'intégrer dans un travail d'écriture de prendre
leur place dans la constitution coopérative du journal.
Côté technique, il est conseillé d'utiliser prudemment la
surimpression de l'illustration sur le texte autrement qu'avec une couleur claire. Le
meilleur rendu est obtenu en imprimant d'abord le fond ou l'illustration et en
surimprimant le texte. Il existe une encre blanche utilisable pour atténuer les couleurs
en cas de surimpression.
Quelles
techniques d'illustration ?
De
nombreuses techniques d'illustrations peuvent être utilisées pour rendre plus agréables
et mettre en valeur les oeuvres de l'enfant. (Voir bibliographie).
Le
choix d'une technique adaptée à ce que l'on veut faire passer dans l'illustration aide
l'enfant à construire sa personnalité.
D'autres
techniques comme la sérigraphie simplifiée ou la sérigraphiephoto se trouvent décrites
dans différents ouvrages. (Voir bibliographie).
La
diazocopie est une technique simple à la portée d'une classe, pour reproduire des photos
(quand on n'a pas les moyens financiers d'utiliser l'offset ou la photocopie). Elle est
aussi utilisée pour la reproduction de textes lorsque les tirages ne sont pas trop
nombreux.
Témoignage
L'auteur
du texte me propose un dessin (ou un camarade qui l'a réalisé à sa place). Je l'oriente
sur tel ou tel procédé suivant le graphisme, mais là aussi l'auteur choisit en fin de
compte (il suit mon conseil très souvent). A noter les difficultés de
« trouver » l'illustration.
G.
Garret
Afin d'être lu, le journal scolaire se
doit d'être lisible et attirant.
Prévoir texte et illustration de
bonne qualité n'est certainement pas suffisant pour intéresser le lecteur. La mise en
page d'un texte, l'utilisation de caractères différents pour mettre en valeur un mot,
une phrase, en un mot le maquettage est une étape importante dans la rédaction d'un
journal.
Il faut insister sur l'importance
essentielle de la lisibilité du journal (sans
lisibilité pas de communication). Lors du tirage il n'est pas mauvais qu'un enfant ait
pour tâche d'éliminer les feuilles sur lesquelles le texte n'est pas lisible. Curieusement on insiste souvent sur
« le bon à tirer » (élimination des erreurs d'orthographe, de typographie,
de ponctuation) mais on ne parle pas du « bon à lire ». Et pourtant ces deux
qualités sont indispensables pour que puisse exister une communication entre l'auteur,
les éditeurs, les lecteurs.
Un texte, c'est un peu comme un tableau
d'artiste. Il faut que l'ensemble en soit agréable... Ce souci de la mise en page
nécessite application et temps. Mais il est essentiellement éducatif. Il donne le goût
du travail artisanal fini qui est si précieux dans la formation des personnalités de
notre siècle.
C. Freinet
La diffusion
du Journal
La finalité du journal scolaire est
d'être lu par d'autres que ceux qui l'ont réalisé.
Trop souvent le journal scolaire
n'est diffusé qu'aux familles. Si en milieu rural, cela suffit pour toucher le plus grand
nombre, dans les quartiers inhumains des banlieues par exemple il ne joue pas, dans ce
cas, son vrai rôle. Il est pris, ou acheté par la famille voire le voisin, l'amie pour
faire plaisir mais ne suscite que peu ou pas de retours et n'est pris que pour un papier
de plus ; même s'il est sympathique de lire des enfants. Il est donc nécessaire de
se donner les moyens de diffuser. Alors pour qui ? en fonction de ce qu'on a assigné
comme but à son journal.
Pour chaque enfant de la classe, indispensable et prioritaire, pour la mémoire de
la classe,
pour les enfants de l'école,
pour nos correspondants,
prioritaire,
pour un circuit d'échanges intra ou extra départements, prioritaire,
pour les associations du quartier,
pour les commerçants,
pour la bibliothèque
municipale,
pour la maison de jeunes,
pour le centre de loisirs,
pour l'école voisine,
pour les groupes amis. Sans
oublier les familles bien sûr, (n'oubliez pas les grands-parents surtout s'ils habitent
ailleurs).
Il faut noter que la pratique qui consiste à envoyer un seul exemplaire du journal aux correspondants est extrêmement dommageable à l'instauration d'une véritable communication entre les deux classes à propos du journal. Il est infiniment préférable d'envoyer une feuille pour chaque correspondant à chaque tirage d'un texte.
Comment le diffuser ?
Le minimum étant que chaque enfant
de la classe et la classe en aient un exemplaire (qu'on donne) , comment diffuser les
autres ?
Vous pouvez légalement diffuser
votre journal par la poste en périodique et faire des abonnements.
Il est conseillé de déclarer votre
journal, autrement il est illégal (surtout si vous le vendez). De plus c'est une
protection car vous bénéficiez de la loi sur la liberté de la presse. Vous obtenez
aussi un tarif préférentiel pour la circulation (voir page 74, législation).
Qui s'en charge ?
Les enfants. Le groupe choisira sa
forme de responsabilités :
- à un moment donné, tous ensemble ;
- responsabilités confiées à quelques-uns (envois par poste + contact avec les gens
proches) ;
- le comité de rédaction étant chargé de veiller à l'organisation, au bon
déroulement et de faire chaque fois le point pour améliorer encore.
Il n'est pas exclu que des
intervenants extérieurs puissent être partie prenante de ce comité et collaborer à son
fonctionnement.
A toutes les étapes de son processus
l'édition et la diffusion du journal scolaire sont la meilleure des préparations aux
responsabilités sociales
C. Freinet
Et
les échanges enrichissants
« L'intérêt
porté par le quartier et les collègues est parfois plutôt tiède. Or, il est capital
que le groupe s'aperçoive qu'il n'est pas seul. Un autre moyen d'évaluer et de situer le
rôle social de moyen de communication, d'information et de culture du journal scolaire
est de l'échanger contre d'autres journaux.
Mais
l'échange ne suffit pas. Encore faut-il que les
journaux reçus soient lus, utilisés et nous servent. Si ces journaux s'entassent ou
ne sont feuilletés plus ou moins négligemment que par quelques rares enfants,
l'intérêt pour le nôtre risque de baisser et cela ne sera pas étonnant. »
R.
Laffite
Il
faut même que cette lecture des journaux reçus s'ouvre à toute la classe soit par la
lecture de certaines pages à tous et les commentaires, questions, critiques de tous, soit
par l'examen de ces journaux par des responsables et qu'en tous cas l'écho de ces
observations parviennent aux éditeurs.
Si
votre classe édite régulièrement un journal scolaire, vous pouvez accroître les
possibilités d'enrichissement des enfants, ouvrir la classe sur d'autres milieux,
d'autres techniques, d'autres conceptions du journal scolaire, en proposant d'échanger ce
journal avec celui de cinq autres classes de même niveau ou de niveau voisin, réparties
dans toute la France (ces échanges de journaux pouvant même donner lieu à des échanges
de correspondance après lecture collective ou individuelle des journaux reçus - ils
peuvent aussi vous permettre de trouver un correspondant régulier éventuellement).
Pour
participer à ces échanges, demander un imprimé à Louis Lebreton, La Cluze, 24260 Le
Bugue ou à votre délégué départemental I.C.E.M.
Joindre
une enveloppe timbrée à votre demande, pour envoi par retour du courrier d'un imprimé.
« C'est
beaucoup plus enrichissant pour une classe d'échanger son journal avec des classes
d'autres départements que le sien. On a remarqué qu'à l'intérieur d'un même
département, les textes se ressemblaient trop souvent, les centres d'intérêts étant
souvent les mêmes. »
Robert
Besse
Il
n'est pas inutile, pour n'oublier personne, d'avoir en classe une carte de France et une
carte de la région, par exemple, sur lesquelles figureraient les abonnés pour que les
enfants puissent faire le point sur les envois et les réceptions.
La
gestion du Journal
Lorsque
l'on parle de gestion du journal, il faut se placer à plusieurs niveaux :
- Gestion de son organisation.
- Gestion du matériel.
- Gestion des stocks.
- Gestion financière.
L'organisation
coopérative autour du journal a déjà été abordée dans un précédent chapitre. La
gestion du matériel, son nettoyage, son entretien, se traitera de la même manière avec
l'aide du maître.
Il
en sera de même pour les stocks : papier, encres, produits de nettoyage. Tout cela
peut être pris en compte par les enfants, les commandes de réassortiment étant un
courrier vrai, préparant à la vie.
La
gestion financière est un point qui reste délicat, les opinions étant très diverses
pour savoir si le journal scolaire doit être vendu ou non.
La
vente du journal scolaire n'est pas une collecte de plus.
Il ne doit pas être non plus assimilé aux nombreux prospectus et autres imprimés
distribués gratuitement.
Les gens à qui on le propose doivent le prendre au sérieux.
Guy
Champagne
Moulin »
n°9. Il est important que sa valeur soit reconnue par le monde adulte à travers le moyen
d'échange et d'évaluation en vigueur : il « vaut X F ».
Devant
la difficulté (en ville, quartier déshérité) de vendre le journal, nous avons été
amenés à critiquer l'attitude de certains parents, de certains maîtres, de certains
adultes, qui achètent cher des journaux et revues pas toujours intéressantes et refusent
de lire « Notre Moulin ». Nous avons été amenés à refeuilleter des
numéros anciens pour vérifier « ce qu'on peut apprendre » en le lisant. Nous
avons alors publié l'avis de l'oncle de Roberto qui a appris ce qu'était exactement le
lichen, grâce au numéro 8, et reproduit certains extraits de lettres reçues.
« Ce
sont souvent ceux qui refusent de le lire - nos parents quelquefois - qui rouspètent
contre les enfants qui dévastent le quartier ; s'ils ne s'intéressent pas à leur
travail, ça ne les encourage pas à respecter les adultes. »
Le
prix du journal scolaire doit être très raisonnable pour qu'il puisse être distribué
facilement parmi les enfants de l'école et d'autres enfants.
Le
rôle de l'adulte
C'est
l'organisation du travail qu'il faut prévoir. Les enfants n'ont pas soif de liberté. Ils
ont soif de travail vivant.
C.
Freinet
L'enfant
a besoin de « frustration » pour se construire. Si on va au devant de tous ses
désirs ou si on l'abandonne à lui-même, on en fait un insatisfait à court terme et un
névrosé à plus long terme.
La
part du maître est faîte d'écoute, de permissivité, mais aussi d'exigence et d'apports
personnels. On est sans cesse sur la corde raide : il faut savoir accueillir, il faut
savoir refuser, et avec quelle prudence, quel doigté ! « Il est facile de
rester prudent, écrit Elise Freinet, il est moins aisé d'avoir du doigté car le doigté
suppose la culture... »
Oui,
il faut savoir donner, et le meilleur de soi-même. Si nous voulons être riche et
multiple. Cela implique que nous devons sans cesse nous passionner, nous
« cultiver », au contact les uns des autres. Et cela demande effort et
travail. Et cela implique l'humilité.
Nicole
Delvallée
Laissez
donc vos enfants tâtonner, Monsieur l'instituteur
Madame
Madame l'institutrice !
Aidez-les
à réussir ce qu'ils ont entrepris, plutôt que d'essayer de les couler dans votre mode.
Vous les verrez en trouver des quantités de manières !
Peut-être
chacun aurat-il la sienne ?
J.-Pierre
Lignon
Votre
journal scolaire parlera pour vous. Il sera certes l'expression des enfants qui en auront
été les principaux artisans, mais la valeur de ses textes, le soin et l'art apportés
dans la présentation, l'humanité et la spiritualité qui s'en dégagent, ce sont
justement les produits de l'école, les fruits de votre pédagogie.
C.
Freinet
« La
méthode autoritaire assomme l'enfant à coups de composteurs et de recettes
prédigérées.
La méthode de l'abandon est pire car elle installe le dégoût. Le principe en est
simple :
Après les consignes techniques de départ, on laisse les enfants se débrouiller et on
publie tout... Le groupe ne joue plus son rôle social d'exigence, de sollicitation, de
valorisation, de recours...
Suivons les enfants dans leurs tâtonnements avec serieux.
Répondons à leurs besoins réellement affirmés.
Donnons-leur
la page, leur page à organiser..
Du même coup, nous aurons rendu le journal aux
enfants »
Jean-Pierre
Lignon
Le
maître est l'animateur, la mémoire de réserve.
La
part du maître, c'est aussi d'offrir du bon matériel, adapté, sans pour cela qu'il soit
sophistiqué ou cher.
L'enseignant
ne fait pas aboutir le projet quoi qu'il arrive mais doit être dynamisant, aidant, le
plus disponible possible pour amener le groupe-classe ou le comité de rédaction à
réaliser son projet.
Veiller
à provoquer une prise de conscience du déroulement de ce projet, qu'il aboutisse, qu'il
stagne ou qu'il échoue.
CE QUI FAIT EVOLUER LE JOURNAL SCOLAIRE
· Les
discussions de coopérative.
· Les
changements techniques.
Le
format :
« ... du 13, 5 x 21 au 21 x 29,7... » « ... Après des années de
journal scolaire petit format, agrémenté d'illustrations peu variées, j'ai eu grande
envie de couleur, de gaieté... pour le rendre plus agréable, plus important aussi, pour
qu'il ait plus d'impact sur les enfants, les parents... »
L'imprimerie :
« ... nous avons acquis d'autres polices C.E.L. Les différences de grosseur
permettent de jouer avec la mise en page et les gosses aiment créer des dispositions
nouvelles... »
L'affichage :
« ... chaque feuille est affichée au fur et à mesure, exposée ainsi à la
critique permanente, ce qui donne envie de faire encore mieux... »
Les
correspondants :
« ... ce qui a compté le plus dans notre évolution, c'est l'apport de matériel et
d'outils en classe. Mais le point de départ véritable de cet apport, c'est la
correspondance et l'aide de nos correspondants. Il y a eu échange et critique... ceci
nous a obligés à sortir de notre routine journalière... »
· La
part de l'adulte :
Les
parents :
« ... lors d'une réunion de parents, j'ai la surprise d'entendre une discussion sur
le contenu du journal. Les parents pensent que la vie de la classe devrait être plus
présente et qu'une page pourrait leur être donnée. Certains enfants assistent à la
réunion. Le lendemain en classe, ils en discutent et décident de mettre une page
« notre vie en classe. »
Tous
les textes de ce chapitre sont extraits du Dossier pédagogique n°101 :
« L'évolution d'un journal scolaire. »
Le maître :
Il introduit des outils nouveaux et des techniques. L'introduction d'une presse à rouleau « bricolée » permet de passer du format 21 x 29,7 à des formats supérieurs (35 x 50 par exemple).-
A toutes les étapes de sa vie il faut qu'un être humain puisse s'assumer. Or on peut
observer que l'histoire des hommes et des femmes est souvent encombrée de traces
traumatisantes marquant cette étape de l'enfance et de l'adolescence qu'ils ont mal
vécue. Lêtre humain est une unité sensible ; il reste toujours une trace de ce
qui a été mal vécu. Pour permettre à l'enfance de s'assumer il faut d'abord la
reconnaître. On reproche parfois aux journaux scolaires de traduire toute une vie
quotidienne qui serait « sans intérêt » et il est vrai que dans les journaux
qu'éditent toutes les classes Freinet on trouvera de nombreux textes d'enfants sur des
faits « anodins », comme la mise au monde de petits chiots, une promenade
entre garcons et filles, les rêves cachés des enfants... Ces textes sont des reflets, des témoignages. Chaque journal
est « une fenêtre ouverte sur la vie » du quartier, de la ville, du village
où vivent les enfants et les adolescents.
Aussi
ces textes parfois se ressemblent-ils et parfois s'opposentils, car les milieux sont
différents. Ces textes sont toujours l'occasion de prises de conscience d'une
reconnaissance directe de l'environnement du milieu naturel, du milieu social et du milieu
humain. Ces témoignages sont sincères. Ils sont infiniment plus
« rentables » que la plus belle
des leçons faite par le meilleur des maîtres. Qui connaît en effet aujourd'hui dans nos
grandes villes de béton ce que pensent les enfants ? On ne connaît ni leurs
désirs, ni leurs craintes, ni leurs espoirs. Personne ne les entend.
Personne
ne les lit.
Michel-Edouard
Bertrand
Le
journal scolaire, à parution régulière, collant à la vie du groupe-classe, constitue
un bain de culture adaptée au véritable milieu socioculturel des enfants.