Photo M.Perrenoud |
L'enfant reveur Définition courante - enfant dans la lune, enfant pas assez scolaire, cas psychique. Ma définition : enfant qui suit une pensée personnelle, enfant qui crée par la pensée, par le rêve. Les petits enfants qui ne vont pas à l'école rêvent tout le temps. Quand ils jouent seuls, ils rêvent. Quand ils chantent, quand ils parlent, c'est du rêve ! Escargot dans ma main, L'enfant vit son rêve. Quand j'étais petit, j'ai construit un avion avec des planches, des clous, un marteau. J'ai beaucoup cloué. J'ai fini par oublier que c'était un avion, j'ai tellement cloué ! Et ça a fait un tiroir. J'y ai mis quelques sous, un livre, un mouchoir. Et je suis parti pour un pays inconnu avec mon avion-tiroir. J'ai atterri chez ma tante par la fenêtre… Quand on cloue, ça fait rêver. |
Les
grands, les hommes qui ne savent plus rêver haussent les épaules, sourient
parfois un, peu quand ils contemplent le petit enfant qui rêve... Ça tue le rêve, ça tue la vie ! Alors, rêver à l'école, c'est quoi ? C'est penser avec de la poésie. C'est semer un peu de poésie sur tout ce que l'on fait, sur tout ce que l'on touche. Il y a encore quelques hommes qui savent rêver, par bonheur ! Il y en a qui cherchent des champignons. Il y en a qui arrosent des fleurs. Il y en a qui aiment marcher sous la pluie. Et il y en a qui regardent les petits enfants et qui s'extasient, et qui sourient... Paul,
à dix ans, il ne savait plus rêver. Françoise idem, Jean-Jacques idem. Ils sont dix comme ça, quinze ! On a honte de rêver devant quelqu'un qui vous regarde, qui vous surveille tout le temps ! On n'a plus rien à dire... On ne sait pas dessiner un cheval ! Et alors ? Il y en a beaucoup des hommes qui savent dessiner un cheval ? |
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Peinture de la classe de M.Yersin - Lausanne |
Pour faire beau, pour rêver et pour faire rêver les autres, comme Chagall quand il peint un cheval avec une tête d'âne ou une tête de femme, oublie un peu le cheval. Les belles lignes, les belles formes, les belles couleurs, ça donne des idées, comme quand on marche, quand on suit un petit sentier dans la forêt qui fait beaucoup de contours, qui monte, qui descend et qui fait oublier les ennuis... Quand on dessine, la plume cherche son chemin, puis elle court, elle suit un rêve. Tant pis pour le cheval !C'est devenu une autre bête, très étrange. C'est beau quand même, On ne peut s'empêcher de l'admirer. Et ça ne ressemble pas au dessin de Daniel !C'est personnel. C'est un tableau. Ça fait rêver. Paul, qui a 13 ans maintenant, a semé un peu de poésie dans son dessin. Et il sème un peu de poésie partout, sans le vouloir, parce qu'il est libre. Un bout d'argile dans ses mains -ses doigts glissent harmonieusement, et cherchent... ... et c'est madame Lune qui tient une bougie pour éclairer le monde, c'est une étoile qui tend ses longs bras, c'est un animal qui veut toucher le ciel. J'avais d'abord pensé à une girafe... Le même Paul, devant la peinture nonfigurative d'un peintre de chez nous, Jacques Berger, s'extasie et rêve : Jacques Berger dessine comme il pense. On peut deviner n'importe quoi. Deux pianos sur du sable et la mer au fond. Deux fauteuils avec un nain assis. Une jambe avec un bas. Les fonds sont lointains, les formes sont extraordinaires. Monsieur Berger, vous êtes vraiment un artiste, vous peignez d'une façon originale. Et Paul rêve quand il voit la peinture des autres... Et Paul rêve quand il peint... Les tests des psychologues l'avaient classé comme pas intelligent. Françoise aussi, Jean-acques aussi . Et tous les quinze, pas intelligents. Mais quand ils rêvent, ils sont tous très intelligents, ils créent tous avec une grande intelligence ! Je les admire. MAURICE PERRENOUD |