Dossier pédagogique de l'école moderne

L'éducatueur
Supplément au numéro 10 du 15 février 1967

 

GERBE
Journaux scolaires
du Second degré
Premier cycle

 

L'expression libre
De la classe de 6e à l'oeuvre
post-scolaire après la 3e.

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GERBE

JOURNAUX SCOLAIRES

DU SECOND DEGRÉ

À TOI CÉLESTIN FREINET

C'EST CE MATIN
QUE TU ES PARTI
PARTI POUR TOUJOURS
TOI QUI NOUS AS TANT AIMÉS
TOI QUI NOUS AS TANT AIDÉS
TU NOUS A DONNÉ L'IDÉE DU JOURNAL
ET MAINTENANT
NOUS SOMMES DES MILLIERS
DES MILLIERS
À EN PUBLIER
TOUS LES JOURS
TOI QUI AS SU NOUS COMPRENDRE
QUI NOUS AS TANT AIDÉS
TOI QUI NOUS AS TANT AIMÉS

Cours Ménager Agricole de Luzy (Nièvre)

 

Les mots pour vivre

On a besoin de mots
Pour vivre,
De grands mots purs et transcendants;
On a besoin de mots
Pour vivre,
De grands mots
Que l'on tire du coeur.
Ils sont souvent rares et lointains,
On met du temps à les trouver;
Ils sont souvent déconcertants,
On met du temps à les admettre.
Dans notre fureur de vivre,
D'aller
Plus haut, plus bas, plus vite,
Dans notre fureur de vivre,
Ces mots-là sont
Écrasés...
On a besoin de mots
Pour aimer,
Créer des liens à contre-haine;
On a besoin de mots
Pour aimer,
Aimer les autres,
Sa bien-aimée.
Et ces mots sont tellement beaux
Qu'on peut
À peine les imaginer;
Et ces mots sont tellement beaux
Qu'on peut à peine les balbutier.
Dans  les instants de bonheur,
Ce sont des mots qui nous reviennent...
Dans les instants de bonheur,
Ce sont des mots
Tout naturels...

On a besoin de mots
Pour crier,
Hurler la peur qu'on a des autres;
On a besoin de mots
Pour crier,
Faire trépasser les indifférents.
Quand on pense à ces morts-vivants
Qui n'entendent rien
Parce qu'ils ne veulent pas,
Quand on pense à ces morts-vivantsOn a le coeur trop révolté...
Le long des plus courtes vies,
On doit lutter
Pour exister;
Le long des plus courtes vies,
On a besoin de mots
Pour vivre...

Y. BONNEROT
du Club " Expression libre"
C.E.G. Jules-Ferry Chamalières (Puy-de-Dôme)

Une agréable promenade

C'est dimanche. Je ne manquerai pas la sortie traditionnelle de la famille dans notre vieille «203» que mon père entretient avec un soin jaloux. Bientôt nous roulons dans la campagne et fier de son véhicule qui ronronne joyeusement papa s'écrie : « Ah non! ce n'est pas encore demain que je la revendrai, j'aurais du mal à retrouver la même!» C'est le moment que choisit comme par hasard le moteur pour se mettre à toussoter. Le sourire de l'heureux conducteur n'apparaît plus sur ses lèvres, son front se plisse; quand, tout à coup, la voiture s'arrête :

- Tu vois, dit ma mère, ton vieux tacot, la dernière merveille du monde va nous laisser encore en panne !
- Non, ce n'est rien, rassure-toi, ce ne sera pas long, ce n'est certainement pas grave!
- Quelle agréable promenade! dis-je en riant.

Mon père me lance un regard furieux et bientôt, la veste enlevée, le voilà plongé dans le moteur. Des clefs s'alignent le long du trottoir, et papa, tout taché de graisse, n'arrive toujours pas à mettre la « 203 » en marche.

- C'est gai, dit maman, agacée par le regard des passants et des badauds qui s'attroupent.
- Mais non, ma petite dame, dit un spectateur, ce n'est pas la peine; votre mari n'a qu'à déboucher le gicleur. C'est certainement de là que vient la panne!

Mon pauvre père écoute les uns et les autres, perd la tête et la voiture refuse toujours de partir. Il faut alors téléphoner à un mécanicien qui arrive bientôt avec une voiture dépanneuse. Il ausculte rapidement le moteur et déclare tout net:

- Cette voiture est complètement usée, mon cher monsieur, ce que vous avez de mieux à faire, c'est de la revendre au plus vite.

Monique SIMKO, 5e Bl
Lycée de Montauban (T.-et-G.)

MOI

Certaines filles de la classe disent de moi: "Ah! ce qu'il est nouille celui-là." Il est vrai que je n'aime pas me presser car je trouve que cela ne sert à rien. L'an dernier, je m'amusais à lutter avec un garçon. Nos coudes posés sur une table, nos mains jointes, nous poussions chacun de notre coté; mais je gagnais toujours à ce jeu; alors, il me dit que ce n'était pas grâce à mes muscles mais à mes nerfs. Depuis, je ne sais plus si je suis nouille ou nerveux. On a fait aussi courir le bruit que j'étais fort et, maintenant, un garçon me répète toujours : "Toi qui es fort, fais ceci ou cela." Un autre garçon m'a même dit que j'étais le plus fort de l'école et que je jouais bien au football; cela m'a stupéfié car je sais bien que ce n'est pas vrai. Je n'aime pas ce genre de compliments qui sonnent faux. On peut me dire tout ce que l'on veut: que je suis fou, que je suis minable, que je suis laid, mais je ne supporte pas qu'on me dise que je suis paresseux, car, je l'ai trop entendu il y a quelques années, et je ne pense pas que cela soit vrai. En fait, je suis un garçon qui parle peu, ce qui ne veut pas dire que je ne pense rien ; mais je garde mes pensées pour moi ou quelquefois je n'ose pas parler. On aurait pu me croire indifférent, mais depuis le début de la 5e, j'ai pu me faire connaître grâce aux textes libres. Je suis, au contraire, très sensible; un de mes plus grands plaisirs c'est d'avoir de bons, de vrais camarades. J'aime aussi la campagne et surtout les animaux; ce sont des amis fidèles avec lesquels on ne se dispute jamais. Mais une de mes meilleures amies, c'est la solitude. Quand je suis seul, je pense à ce que je suis et à un tas d'autres choses; à ce que je ferai plus tard, à mon travail, à tout ce qui m'entoure et à ceux que j'aime...

Jacky LEVILLAIN, 4e CEG Douvres-la-Délivrande (Calvados)

LES VIEUX

Assis dans un fauteuil, auprès de ce grand feu
Qu'ils avaient si souvent attisé, les deux vieux
Se parlaient; leur visage par moment incertain
Rayonnait tout à coup de plaisir enfantin.

Ils parlaient, et le mime suppléait la parole;
Peut-être leur frêle voix, coupée de halètements,
Voulait-elle retrouver les chers plaisirs d'antan,
Et ils se rappelaient des moments plus frivoles.

Assis dans un fauteuil, auprès de ce grand feu,
Les vieux se racontaient leurs exploits de jeunesse;
Leur visage, éclairé par la lueur des braises
Las ! déjà, paraissait ne plus dépendre d'eux.

Doucement se levaient, et à pas titubants,
Cent fois, allaient, venaient, sans trop savoir pourquoi,
Et de leurs mains tremblantes, ils voulaient compléter
Ce que leur voix cassée ne pouvait exprimer.

Ils savaient que bientôt chacun d'eux partirait
Et cela ne semblait pas trop les effrayer;
Heureux, ils souriaient, et leurs yeux malicieux
Exprimaient ce bonheur qui n'est propre qu'aux vieux.

Placide DURAN 3° 2
C.E.G. de La Londe (Var).

L'ORAGE

Chaque arbre est immobile
Attentif à tout bruit
Même le peuplier tremblant
Retient son souffle.
L'air pèse sur la colline
Comme un char écrasant une ville
Les moineaux buissonniers se sont tous dispersés
Avec le vol aigu et les cris d'hirondelles,
Et les mouettes vont traînant leurs larges ailes
Dans l'air lourd à gravir
Et long à traverser.
Seul le son d'une enclume ou l'aboiement
Du chien monte mélancolique
À la vitre fermée.
L'éclair sautillant
Le tonnerre fracassant!
Tout gronde dans la ville
À la fois noire et calme.

Mais tout à coup un cri de vie claire!
Chaque arbre lance des oiseaux!
Le soleil que recouvre l'arc-en-ciel
Brille au loin comme une plaque d'or

Et les nuages noirs
Qu'un jeune soleil moire
Enivrés
Sont partis pour des combats nouveaux...

Christian AUDOR 5° B
C.E.G. Tamaris à Trouville (14)

Promenade nocturne

Je ne pouvais me rendormir, j'ouvris la tente, je sortis du camp et m'approchai de la plage baignée de lune et de nuit.

Là, une vaste étendue sombre s'ouvrait devant moi. Cette mer qui s'étalait comme une immense tache d'encre s'agitait doucement en chuchotant sa continuelle berceuse. Et là-bas, au loin, les ondes glauques et sournoises que venait lécher la lumière des, phares soupiraient et s'étiraient mollement. Les petites vagues venaient danser près du rivage avant de se briser en un léger sanglot. Et, pour être plus gracieuses encore, la nuit leur prêtait comme parure, les rayons d'argent de sa lanterne. Il est vrai que ce soir-là quelque aimable génie s'escrimait à faire reluire cette grosse lampe. Le ciel n'était pas noir il avait pris son manteau déteint, sa grande cape blanchâtre toute brodée de petites étoiles d'or. Et sur le sable blanc couraient de mystérieuses ombres, fantômes des nuages ou de mon imagination. Maintenant, le grand voile de nuit tout imprégné de fraîcheur et d'odeur d'algues m'entourait et me fascinait. Toute cette grandeur, mes veux auraient voulu la boire, d'un seul coup, et j'essayais vainement de voir encore plus loin dans l'infini du ciel et dans les ténèbres de la mer. Tout était si parfaitement bleuté, si doux, si vaste que j'avais envie de courir, d'aller plus loin, de la retenir cette nuit; je me sentais libre. Libre de quoi? du jour, peut-être qui ne cache rien ou simplement j'étais libre car j'étais seule. Il n'y avait que moi qui la regardais elle m'appartenait ce soir avec tous les secrets, toutes les histoires à jamais englouties qu'elle me racontait, elle, la Nuit. Et je marchais, les pieds nus dans le sable encore tiède qui me ramenait vers le camp endormi.

Martine BOROWIAK, 3e T C.E.G
 Bourg-Lastic (P.-de-D.)

Le gitan

0 toi gitan...
Tu ignores lois et frontières.
Les heures, les jours, les années;
Tu arrives au couchant, repars déjà à l'aube.
Tout comme les nuages on te suit du regard et tu disparais, fugace, à l'horizon... poussé par le vent de la liberté. Personne ne t'envie, surtout pas!... Car ils ne savent pas comme tu es heureux! Heureux de vivre sans souvenirs, ignorant le prescrit, l'habituel, le passé, l'avenir.
Tu es riche, gitan, immensément riche, d'une richesse que nul d'entre nous, prisonnier de la ville, ne possédera jamais.
Ton or? Celui des étoiles,
l'émeraude des prés,
le cristal des sources,
le cuivre du couchant, splendeurs fragiles qui t'appartiennent à chaque halte, à chaque pas.
Qui a l'occasion de parler de toi? Tout le monde.
Qui te connaît?
Personne!
Ta seule amie? La nature qui toujours t'accompagne et toujours te protège. Ta confidente? C'est ta guitare! Et quand le jour se meurt, un air nostalgique s'élève, profond comme un sanglot.
Chaque matin nouveau témoigne pour toi d'une nouvelle quête, d'une éternelle promesse et, fuyant la ville qui te rejette et que tu hais, tu es libre.
Ah ! Plutôt mourir gitan qu'être privé de liberté!
Mourir! Cela viendra un jour, dis-tu, au cours d'un de tes interminables voyages et dans ta perpétuelle errance, affranchi même du soleil et de la nuit, et des sanglots, ce sera un nouveau départ, car tu as l'âme vagabonde.

Jeanine FAYE, classe de 3e A C.E.G. Jules-Ferry
Chamalières (Y.-de-D.)

 

Près de l'étoile

À l'approche de Noël
je marchais sur la route grise, et, au-dessus de l'horizon,
je vis naître Vénus
au sein d'un croissant de Lune,
telle une fleur dans un pré d'azur...
L'air était frais, et calme, et pur à l'infini
et l'on avait envie de marcher,
loin, loin, sur la route
qui menait là-haut,
près de cette fleur de la nuit qui fleurissait
quand le soleil brillait encore...
II semblait que là-bas,
loin de la terre et de ses noires guerres,
il y avait, choses que les humains semblent avoir perdu
La Joie, la Liberté, la-Paix, et l'Amour...

NICOLE 
C.E.G. Les îles Agen (L.-et-G.)

Pluie et soleil

Un grand trou d'or dans la brume douce et grise,
des cercles fins qui s'évanouissent dans l'eau:
il pleut dans le soleil,
il pleut des paillettes d'or, légères, légères...
comme des plumes.
Les arbres sont de vieil argent noir
et la terrasse rouge un miroir glissant.
Des vapeurs vertes et douces,
lentes, montent vers le ciel.
La campagne luit en scintillement clair.
C'est la symphonie de la pluie et du soleil!
C'est la féerie de l'argent et de l'or!
Un arc-en-ciel était tombé dans le bois roux,
des paillettes d'argent pleuvaient dans l'eau
et des vapeurs d'émeraude embaumaient l'air fin.

NICOLE
C.E.G. Les îles Agen (L.-et-G.)

 

GARÇONS ET FILLES

À l'âge de 14 ans on entre dans l'adolescence. Jusqu'à cet âge, on a sa famille, ses frères, ses soeurs, on va à l'école et cela suffit à nous rendre heureux. Par la suite, la vie familiale, si bonne soit-elle, ne suffit plus; on sent qu'il manque quelque chose, et puis nos jeunes amies que l'on voit embellir, grandir, prendre forme, nous inquiètent. On fait certains rapprochements, et avec l'aide de parents tout se dévoile.

Comme on dit couramment: «On quitte les jupes de sa mère». Bien sûr il y en a qui se laissent glisser parfois sur une mauvaise pente, mais à qui la faute? Parents, fréquentations, entourage?... Ce passage qui fait d'un enfant, un adolescent, puis un homme, est un problème grave que chacun a connu, vient de connaître ou connaît. On peut me reprocher d'en parler ainsi ouvertement et franchement, sans arrière-pensée. Pourquoi me direz-vous? Je vous répondrai simplement: «Pourquoi pas?». Quand un garçon passe dans la rue avec une fille, les gens se moquent et souvent voient déjà, même si elles n'existent pas, des relations entre cette fille et ce garçon. C'est ce qui se passe en général dans tous les villages et les petites villes. Dans les grandes agglomérations on ne trouve pas ce problème car on ne se connaît pas et chacun ignore le voisin. Pourquoi les gens se moquent-ils? Parce qu'ils voient toujours et automatiquement des raisons de salir et dénigrent les choses avec une méchanceté acquise je ne sais où. Peut- être regrettent-ils simplement d'avoir perdu leurs 16 ans? Ne savent-ils pas qu'un garçon peut trouver auprès d'une fille une amitié plus profonde et plus sincère que chez n'importe quel garçon ?

Quand les élèves de première année arrivent au Collège beaucoup ignorent les problèmes sexuels. Croyez-vous qu'à 14 ou 15 ans un garçon ne doit pas être au courant de «toutes ces choses»? Les parents savent qu'ils vont se trouver dans un milieu de jeunes dont certains sont plus âgés et mieux informés qu'eux. Il apprendra tôt ou tard. Le pire est que bien souvent il apprendra par des histoires malsaines et des grossièretés de collégiens de mauvais goût. Sachant cela, pourquoi les parents négligent-ils leur rôle d'informateurs alors que tout est si simple? En ont-ils honte?... Quand l'enfant en parle, dans beaucoup de cas pourquoi détournent-ils la conversation?...

J'ai vu des élèves de première année offusqués d'apprendre brutalement, sans aucune préparation, ni aucun ménagement, en quelques minutes, ce que leurs parents leur avaient soigneusement caché pendant des années. Nous ne sommes plus au temps de nos grand-mères où ces raisonnements étaient valables, soyez de votre temps, messieurs les adultes, et ayez les idées plus larges.

Jacques CAFFIN, 3e Menuiserie
C.E.T. d'Eu (Seine-Maritime)

 

Mon village : SOUDOURÉ

Mon village Soudouré est situé à douze kilomètres de Niamey sur la rive droite du Niger. Bâti dans une ancienne vallée du Niger, il atteint sensiblement un kilomètre de long. Soudouré est splendide: des fromagers aux feuillages touffus bordent la seule route principale nous menant à Niamey. Un seul bâtiment administratif existe: l'école primaire qui comprend trois classes. Mon village et ses rues sont encombrées de fumier de boeufs. Les maisons aux portes basses ressemblent à des huttes car elles sont faites en terre rouge. Malgré la petite taille de mon village, il apporte une aide efficace au Niger au point de vue culture du riz. Soudouré est le village natal du Président actuel de la République. Les trois-quarts de la population sont des Songhaï, les autres sont des Haoussa et des Peuls. L'immense étendue du fleuve dans l'élan de ses vagues dégage une odeur fraîche pareille à un coup d'éventail. On y trouve des collines couvertes de fleurs: les gountous roses, blancs, jaunes et violets. Quel plaisir de les contempler quand, au lever du jour, les premiers rayons les dorent, les montrent couvertes d'un brillant réseau de rosée qui réfléchit la lumière et fait briller leurs couleurs! Je ressens un vif bonheur quand je les regarde. Mon village a l'air bien abrité et bien calme parce que de grands arbres «les dourmis» le couvrent presque entièrement; quelle nostalgie d'avoir quitté mon village et mon beau paysage!

Almoustapha Zeinabou MAIGA
Formation professionnelle
Cours Normal de Tillabéri - Niger

Nous avons choisi ce texte parmi tous ceux que nos charmantes correspondantes nous ont communiqués. Tous par leurs noms évocateurs et exotiques nous ont fait rêver.

C.E.G. Tardets (B.-Pyr.)

Beauté africaine

Voici une coutume que pratiquent les femmes du Niger et d'Afrique. Cette tradition veut que les femmes soient grosses.

Pour provoquer les femmes maigres, on leur donne parfois un morceau de piment ou une patte de coq. Cela veut dire que la femme est semblable à ces objets. Offensée par ce geste, elle l'explique à son mari. Celui-ci, bien embarrassé, va augmenter son «budget alimentaire»: il achète deux sacs de mil supplémentaires pour la «boule» de sa femme et lui donne un délai d'environ quarante jours pour finir les deux sacs. À la fin de ces quarante jours, la femme doit avoir grossi.

Comme au harem, la femme n'a plus le droit de sortir. Elle prend une servante, une pileuse qui la remplace pour faire le travail. Elle doit boire toute la journée une eau dans laquelle on a délayé du son et de la boule. Ce régime est obligatoire jusqu'au délai fixé.

Par curiosité, certaines camarades lui rendent visite chaque jour. On organise aussi une soirée dansante pour toutes celles qui sont grosses. A tour de rôle, chacune se présente en dansant et en faisant des gestes pour montrer qu'elle est vraiment grosse. Les spectateurs essaient de choisir la plus grosse. Celle-ci sera félicitée ainsi que son mari. On la nomme «magasi » c'est-à-dire présidente.

Cette coutume ne me plaît pas. Heureusement, de nos jours, elle tend à disparaître, car les femmes d'aujourd'hui préfèrent rester minces.

Aoua ADAMOU, classe de 3e
Cours Normal de Tillabéri - Niger

FÊTE FORAINE

Vertige bienheureux
Bouquet de lumières
Étoiles bleues et rouges et vertes
Et jaunes
Odeurs des sucres qui flottent sur la place
Et qui se mêlent aux pétarades
Tumulte de couleurs
C'est la fête au village
Feux d'artifice continuels
Étincellement d'ombres chinoises
Constellations mouvantes
Vibrations éclatantes
Explosions
Pointillés de mon rêve
C'est la fête au village.

C.E.G. Mixte
Biganos - Gironde

J'AIME LE SILENCE

J'aime vivre dans le silence.
Je marche sur les chemins solitaires.
Je m'arrête sous le porche de l'église.
Où je suis seul, j'écoute et je pense.
Je pense que je suis à la campagne
chez un ami
c'est l'été silencieux.
La rivière est au bord de la route.
Elle tourne avant le village.
Je pense que je roule à bicyclette avec mon frère.
Nous jouons sur la place ombragée.
Je pense à ma mère qui m'a écrit.
Je n'aime pas être avec les autres!
Ils sont turbulents.
Je préfère le silence avec les oiseaux
qui chantent.

Pierre BARBIER - 14 ans
École Freinet vence (A.-M.)

Il faut dire non au racisme

À la télévision ou au cinéma, nous avons tous eu l'occasion de voir des reportages sur l'Amérique. I1 était souvent question de ségrégation raciale, et nous avons pu suivre des manifestations tournant au tragique.

Les Noirs manifestaient tranquillement, en brandissant leurs pancartes. Après environ trois kilomètres de marche; les policiers intervinrent. Aussitôt ce fui la bagarre: policiers et pompiers lançaient des bombes lacrymogènes pour les arrêter. Ensuite ils tapaient sur eux avec des barres de fer, des bâtons, ou lançaient à leur poursuite des chiens policiers rugissants.

Je trouve cela déplacé. Je n'aime guère que l'on fasse des différences entre les races. Ce n'est pas parce qu'une personne est noire ou jaune qu'elle ne nous vaut pas.

Pendant les vacances, j'étais chez ma tante, or un soir des amis vinrent: quelques instants plus tard, ils engagèrent une conversation qui me suffoqua. Ils disaient notamment :

« Les Noirs sont des fainéants, des bons à rien, des sauvages ils méritent d'être maltraités, ils ne nous ressemblent pas dans la façon de vivre.» Après ces paroles méprisantes, et calomnieuses, ne pouvant me retenir, j'ajoutai: «Ce sont des gens pareils à nous, vous n'avez pas le droit de les mal juger.» Ensuite je partis en colère dans ma chambre pour ne plus entendre de tels boniments.

Je m'endormis et me mis à penser aux Noirs qui vivaient dans les bidonvilles, malheureux et peinés.

J'aimerais à l'avenir avoir une correspondante noire, l'inviter et me promener fièrement avec elle, sans avoir à rougir des reproches que me feraient certaines gens.

Je vis pour ma personne et non pour les gens.

Élisabeth ROS, 5e B
C.E.G. filles La Roche-s- Yon (Vendée)

L'amitié

Parmi toutes mes camarades, il y en a une que j'aime particulièrement. Elle se nomme Sophie. Elle est ma confidente, je ne lui cache rien car j'ai confiance en elle. C'est une amie qui prend une très grande place dans ma vie scolaire et dans celle de tous les jours.

Je l'ai connue l'an dernier au mois d'octobre à la rentrée des classes. Elle m'a paru tout de suite sympathique avec ses beaux yeux doux et son charmant sourire. Très vite, nous sommes devenues inséparables, un lien très fort nous a unies. Parfois quelques petites querelles se mêlent à notre amitié, mais nous ne pouvons jamais rester bien longtemps séparées. Nous nous réconcilions et nous oublions rapidement ce petit malentendu qui aurait pu briser notre amitié. C'est une fille qui aime s'amuser et rire; nos goûts se ressemblent, ce qui est extraordinaire. Sophie est une bonne camarade, une bonne élève. Si je suis embarrassée pour un travail quelconque, elle m'aide admirablement bien car elle est patiente, aimable envers tout le monde. Je la garde jalousement et je n'aime pas que l'on se moque d'elle ni qu'on en dise du mal. Nous parlons de la vie, de la jeunesse, du métier que nous choisirons plus tard, de ses inconvénients et de ses avantages. Nous parlons de nos parents qui sont pour nous de très grands amis; jamais nous n'en aurons de meilleurs car ils nous conduisent sur le droit chemin.

Avoir une amie est une chose merveilleuse car on peut tout lui confier, tout lui dire sans embarras. Et Sophie est une amie que je n'oublierai jamais même le jour où la vie nous séparera.

L'amitié est une conquête difficile mais indispensable pour une fille. Je suis bien heureuse d'avoir réussi cette conquête si rapidement.

Jeanine BONNELUCQ, 4e Prat,
 C.E,S. Mauléon (B.-Pyr.)

 

Plus « vrai - », plus humain

Cela semble peut-être surprenant mais je crois que les jeunes de douze et treize ans sont beaucoup plus fixés sur leur avenir que leurs aînés, et cela pour plusieurs raisons.

À douze ans, un enfant entreprend juste ses études, des rêves plein la tête. La vie semble alors facile: il n'y a qu'à prendre l'exemple de ceux qui ont réussi... et on se croit déjà à leur place!

C'est aussi à ce moment que les enfants sont le plus encouragés par les parents: on ne peut pas les juger puisqu'ils n'ont encore rien montré de leurs capacités; alors il semble qu'ils «ont tout pour réussir».

Les soucis sont très superficiels; on ne pense à rien d'autre qu'à la réussite. Certains enfants peuvent se fonder une idée durable de cette sorte de rêve parce qu'ils travaillent, sont sûrs d'eux et ne se sentent pas seuls.

Mais pour beaucoup d'autres, le temps passe; les réussites espérées font place aux échecs, l'enfant se décourage... et tout autour de lui: «Tu n'arriveras jamais à rien...». Et cela se produit souvent vers seize et dix-sept ans, à cet âge où l'on a le plus besoin d'être compris, guidé, aimé car c'est le moment de décider de l'avenir. Beaucoup de gens s'étonnent qu'un enfant de douze ans semble plus raisonnable qu'un enfant de seize ans; mais ils ne voient pas ce qui anime ces deux enfants: l'un se suffit souvent à lui-même car il fonde ses espérances sur de «beaux rêves» alors que l'autre commence à connaître la vraie vie et ses obstacles, et le découragement s'installe. Quand on lui pose la question «Que veux-tu faire?», il répond «Je ne sais pas, j'attends... » (souvent cela dépend d'un examen, de ses capacités, mais pas toujours de son choix). Cet enfant a donc besoin d'un guide dans la vie, guide sur lequel il peut compter, à qui il peut se confier et par qui il peut se sentir libéré.

Nicole CEVOST, 3e
C.E. G. St-Benoît-du-Sault (Indre)

MORT

Il m'arrive souvent de prononcer le mot «mort». Ce mot fascinant a quelque chose de formidable. La peur s'empare de moi chaque fois.

Je me questionne sans cesse. Pourquoi mourir? Que se passe-t-il là-haut? Je ne comprends pas. Mourir, est-ce un soulagement? Est-ce un don que la nature fait à l'homme? Je ne crois pas. L'homme ne peut pas profiter de la vie, de son oeuvre. II travaille quand ses forces le lui permettent; ensuite, il est obligé d'attendre. Attendre que la mort le prenne; mais que doit-il penser? Quelles sont ses impressions? I1 est sage, calme. Il sait que la mort va le prendre et pourtant il est paisible. Les vieux sont pleins de mérites...

La mort est horrible, elle nous tenaille... Souffre-t-on, là-haut? Beaucoup de gens pensent que rien n'est plus beau que de mourir et que la vie y est meilleure. La religion joue un grand rôle dans l'idée qu'on se fait de la mort. Et si les gens se soucient de la mort, du moins ils n'en parlent pas.

C'est pourtant une chose révoltante, incompréhensible! Je voudrais tant savoir ce qui se passe! Parfois, j'ai envie de pleurer. Cette mort que nous ne connaissons pas, il faudra pourtant la subir un jour. Je suis inquiète, triste, tourmentée... Je veux vivre, je veux rester jeune...

Dominique REVERT, 4e
C.E.G. St-Benoît-du-Sault (Indre)

 

Mer traîtresse

Ce dimanche 19 juin; me voilà sur la plage de la Vogue. Le vent souffle violemment, mais l'air est chaud. Je me déshabille et je prends mon masque. Quelques petites vagues viennent s'échouer sur le sable et les galets. Peu de baigneurs: une quinzaine, pour préciser.

Cela fait une demi-heure que je me baigne; soudain  quelque chose a changé, et j'aperçois des vagues énormes de trois mètres. Le vent souffle plus fort. Mais pour le moment je ne me fais pas de soucis, car je ne suis guère éloigné de la plage. Je m'amuse à plonger dans les lames. Pendant 10 minutes, je continue mon petit jeu. Tout à coup, horreur! quelque chose d'invisible me pousse vers le large, la plage s'éloigne de moi. Je n'ai plus pied; je ne sais que faire. À chaque instant je suis remué, retourné par ces flots monstrueux. Il n'y a personne à côté de moi. Je m'éloigne toujours, les vagues m`entraînent avec elles. Je lutte désespérément contre la mer déchaînée et bouillonnante. Je suis emporté vers le fond comme un morceau de plomb; je pousse avec mes pieds de toutes mes forces pour remonter à la surface. Dans ma tête, des milliers de pensées grouillent et se bousculent. Dois-je renoncer à lutter? Dois-je crier? Je suis abandonné de tout le monde. Je vois la mer et le ciel tourner, j'ai bu trop d'eau et j'ai mal au coeur; je vais abandonner. Mais non! en un éclair je réagis.

Je vois une lame monstrueuse qui fonce sur moi. C'est mon dernier espoir. Je pourrais nager en même temps qu'elle me pousserait vers le rivage. Qu'elle se dépêche! Je commence à être fatigué, et une crampe se fait sentir sous ma cuisse gauche. La voilà qui arrive très vite, gigantesque vague qui peut-être va me sauver. Je prends sans plus attendre une goulée d'air, mais c'est une gorgée d'eau salée que j'avale. Tout à coup je suis emporté par la lame écumante. Elle me jette en avant. Hourra! J'ai pied. Je nage directement vers le bord. Je suis sauvé!

Dominique CINCIONE, 5°
C.E.G. d'Ollioules (Var)

Le travail à la chaîne

Les idées que l'on se fait de certaines choses sont parfois bien loin d'une réalité qui s'avère décevante. C'est ainsi que depuis longtemps, je m'imaginais, peut-être d'après quelques photos ou reportages télévisés nous montrant le bon côté de la chose, que le travail à la chaîne était vraiment une invention formidable: rendement supérieur... Prix de vente inférieur... Pourquoi chercher mieux?

La réponse à cette question, je l'ai trouvée, il y a quelques jours, en regardant la télévision. L'oeil de la caméra nous avait emmenés dans les ateliers d'une usine fabriquant je ne sais plus quel ustensile de quincaillerie. Et là, je vis le spectacle le plus décevant, le plus inhumain que l'on puisse imaginer. Dans les immenses salles des ateliers s'alignaient en bon ordre des monstres de ferraille, noirs de poussière et de fumée: les fraiseuses, les emboutisseuses, les cintreuses et les perceuses, les tours et bien d'autres encore. Perdus dans cet univers diabolique, des hommes et des femmes travaillaient. Peut-on vraiment appeler cela un travail? On nous montre pendant quelques instants l'un de ces ouvriers: il est debout dans le bruit et la poussière, le regard rivé au marteau de son emboutisseuse qui, à quelques centimètres de ses mains, tombe, régulier comme un mouvement d'horlogerie. Il doit glisser sous cette masse formidable de petits rectangles de fer blanc. Par mesure de sécurité, chacune de ses mains est retenue par une chaîne. Et c'est ce moment que choisit le présentateur pour nous parler d'une industrie riche et florissante! Il oubliait de préciser que cette prospérité était le résultat du sacrifice, souvent forcé, d'hommes soumis toute la journée à des conditions de travail inhumaines. Quand ils sortent de cet enfer où pendant huit heures ils ont entendu le même bruit régulier cadencé, où pendant huit heures ils ont refait le même mouvement, quelle joie éprouvent-ils à retrouver la vie extérieure? Comment ne s'y sentiraient-ils pas perdus, eux qui sont conditionnés par les machines toute la journée?

Jean-Luc BARBET
C.E. G. Jules-Ferry Chamaliéres (P.-de-D.)

 

Il était une fois...

Libre, mon regard se porta sur la rue,
Sur les gens;
Ils avaient tous des parapluies qui les cachaient.
Ou, la tête enfoncée dans les épaules,
Se camouflaient sous un chapeau.
Ils n'avaient plus rien d'humain.
Et ça puait le cauchemar dans cette rue.
Le mendiant regardait mes mains.
Lui, il n'en avait plus qu'une
Qu'il tendait pour qu'on y mette de l'argent,
De quoi se payer un verre
Qui le jetterait ivre-mort
Et je finis par rentrer les miennes;
C'est trop dur un regard comme celui-là
Mais je restais quand même.
La lune hantait la rue luisante.
II y avait donc quelque chose de chaud?
Mais non, même pas, elle était inerte.
Elle attendait, pour vivre, un poète...
Au fond ça se supporte un regard!
Non, pas un regard de mendiant!
Et ces gens pressés,
Cet agent qui criait:
«Vous ne savez pas qu'il est interdit de mendier?»
Quelle question!
Ce mendiant, ces gens,
Me semblaient être les pièces d'une mécanique infernale,
Fabriquée par quelque monstre
Et pour faire fuir les nuages roses, les oiseaux bleus
Des rêves de l'enfance.
C'était vertigineux l'abîme de ces visages moroses
En proie à une interminable solitude.
Mais que pouvais-je faire pour eux?
Sinon penser qu'il y avait au loin des gens heureux
Des belles images...

Chantal MOULIN
C.E.G. Jules-Ferry
Chamalières (P.-de-D.)

 

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