POURQUOI introduire DES
ACTIVITES AUDIOVISUELLES Dans
une pédagogie
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SOMMAIRE
Nous
avons dit audiovisuel, oui, mais quel audiovisuel ?
Nous avons dit quel audiovisuel, mais dans quelles conditions ?
Des activités audiovisuelles dans une pédagogie de l'expression et
de la communication
Quelques fonctions des activités audiovisuelles dans une pédagogie
de l'expression et de la communication
- L'audiovisuel : outil de formation fondamentale
* Outil de
réussite
* Outil révélateur, médiateur et fédérateur.
- L'audiovisuel au service de l'expression orale : miroir pour les
enfants et le maître
- L'audiovisuel : outil de structuration
* Les exigences
d'une bonne communication
* Petit à petit vers la structuration du message : le montage.
COMMENT
introduire l'outil audiovisuel, motiver et former à son utilisation
Quels supports audiovisuels pour quels types de communications
d'expression ou d'apprentissage
L'audiovisuel outil de découverte, d'autres temps et
d'autres lieux
- La documentation audiovisuelle
Faut-il apprendre aux enfants et aux adolescents à « lire » l'audiovisuel ?
Nous
avons dit : « audiovisuel »
oui, mais... quel
audiovisuel ?
Depuis tantôt 25 ans, on
entend parler d'audiovisuel dans l'enseignement, ou plus précisément des « moyens
audiovisuels », parmi les « didactiques ».
Nous préférons parler
de « techniques audiovisuelles », afin de bien marquer notre orientation.
Pourquoi ?
C'est vrai : le
maître peut utiliser l'audiovisuel comme support d'information, en complément d'un
discours pédagogique. Des « programmes », des réalisations sur disques,
cassettes sonores, diapositives, films cinématographiques, cassettes vidéo, séquences
télévisées ou radiophoniques sont écoutés ou visionnés grâce à des machines
d'emploi facile : électrophones, magnétophones, appareils de cinéma, projecteurs
fixes, radio, télévision, magnétoscopes.
Activité familière aux enfants puisque radio et télévision leur apportent chaque jour des masses de sons et d'images abolissant la notion d'espace et de temps. Cet apport peut donc se faire avec un puissant impact car il sollicite autant l'affectivité primaire que les facultés intellectuelles.
Il existe donc un audiovisuel, disons « de consommation », des activités documentaires audiovisuelles. Et nous pensons qu'elles doivent avoir une place importante dans les activités scolaires, en amont, en aval, ou en parallèle avec des moments de créativité ou d'autres activités utilisant d'autres supports : les livres en particulier.
On peut imaginer que ceux qui sont aux deux bouts de cette chaîne d'information : les producteurs de documents audiovisuels et les enseignants qui dirigent l'analyse et l'exploitation de ces documents, soignent leur travail et se concertent.
On peut imaginer que les
éducateurs apprennent aux enfants à lire l'audiovisuel : des images, des sons, des
images et des sons qui se complètent. Ils apprennent bien à lire dans les livres, ces
enfants ! ...
En est-il de même pour
l'audiovisuel, mode d'expression, « langage », bien jeune, quand on songe que
c'est depuis cent ans seulement que l'obligation est imposée de connaître le code de la
langue écrite (1). On peut se demander dans quelle mesure ce que nous venons de dire a
une réalité dans les classes d'aujourd'hui. C'est pourquoi le verbe
« imaginer » est peut-être de rigueur...
Supposons que cet
audiovisuel de consommation, habituel à la maison, devienne également habituel à
l'école.
Quand bien même
aurait-on intégré réellement sa « lecture », aurait-on fait uvre
éducative profonde ?
Apprendre à lire, mais aussi à écrire
la langue, lire la pensée de l'humanité qui nous a précédés grâce aux livres, quelle
ressource pour chaque homme !
Mais
communiquer sa pensée aux autres à distance, dans l'espace et le temps, en sachant
écrire, rédiger, posséder le code, le maîtriser : quel pas déterminant !
Il ne viendrait plus à
l'esprit de quiconque actuellement, de séparer écriture de lecture. C'est pourtant ce
que l'on fait pour l'audiovisuel.
Écrire l'audiovisuel est
encore loin d'être une réalité, c'est encore loin d'être considéré comme une
nécessaire activité scolaire fonctionnelle.
L'expression et la
communication sont depuis bien longtemps les moteurs de nos classes : dessins,
lettres collectives et individuelles, textes libres, manuscrits imprimés y naissent
chaque jour et s'y échangent.
« Si nous pouvions
nous entendre, nous parler en direct, nous raconter... »
C'est bien pourquoi, vers
1953, lorsque vint le magnétophone, facile d'emploi pour tous, l'audiovisuel au service
de l'expression de l'enfant, outil de créativité, de communication est vite apparu comme
une nouvelle technique et s'ajouta avec la photo et le cinéma aux Techniques Freinet.
L'audiovisuel fut alors utilisé comme moyen d'enseignement et comme outil :
- Outil d'expression
libre, de sa mise en mémoire et de sa diffusion.
- Outil pour l'affinement
des codes et des modes de communication.
- Moyen de connaissance
de soi, des autres : de leur environnement présent et passé.
Voici venue l'ère de la
généralisation de la communication audiovisuelle. Alliée à l'informatique, elle entre
dans la vie quotidienne et devient un élément déterminant du pouvoir.
Il
est donc indispensable que tous les éducateurs se sentent concernés.
Notre
expérience nous permet d'affirmer certaines orientations :
Nous sommes :
POUR l'appropriation
des techniques audiovisuelles par les enfants eux-mêmes.
CONTRE leur unique utilisation comme vecteur d'un savoir à transmettre.
Nous sommes :
POUR le traitement
des documents recueillis, qu'ils soient sonores ou visuels, pour un travail sur le langage
oral et iconique.
CONTRE un
audiovisuel même aux mains des enfants, où ils se conten teraient de capter images et
sons sans objectif de formation.
Nous sommes :
POUR une
documentation réalisée PAR, POUR et AVEC les enfants et les adolescents, utilisant
pleinement la spécificité de chaque technique audiovisuelle.
CONTRE une documentation qui donnerait la primauté à l'audiovisuel alors que
d'autres supports de communication seraient mieux adaptés au caractère de l'information
à transmettre.
Nous sommes :
POUR l'utilisation
des matériels les plus aptes à enregistrer et à reproduire toutes les facettes d'une
tranche de vie.
CONTRE un usage exclusif de cette technique et l'élimination de techniques
audiovisuelles plus simples, qui peuvent avoir leur place dans toutes les écoles et ne
nécessitent qu'un investissement modeste.
Nous avons dit quel
audiovisuel
mais dans quelles conditions ?
Certes, on peut bien
affirmer que l'éducateur est le premier outil de sa pédagogie.
Mais Freinet a bien
situé l'inefficacité du seul discours pédagogique comme moteur de la transformation de
l'école. Il a insisté sur l'importance d'un certain nombre d'outils indispensables à la
mise en oeuvre de telles orientations.
Il a montré l'importance du travail
coopératif pour la définition, la réalisation et la diffusion de ces outils :
travail des praticiens en prise avec la réalité quotidienne, aidés de tous ceux qui ont
perçu le sens et l'efficacité de la démarche.
Même si la classe
fonctionne en co-gestion (dans une démarche progressive vers l'autogestion),
l'éducateur, avec son statut, son expérience et son recul, détient néanmoins un
pouvoir déterminant et le niveau de maîtrise et d'affinement des codes de communication
auquel lui-même est parvenu joue un rôle capital dans l'aide qu'il pourra apporter aux
enfants afin qu'ils maîtrisent mieux les différents langages.
Cela signifie donc une
formation à se donner.
Formé pour
« l'enseignement » de la langue écrite, accessoirement de la langue orale,
des mathématiques, et en très faible pourcentage pour la musique, les arts plastiques et
graphiques et l'éducation corporelle, l'enseignant n'a, en général, aucune formation
pour l'audiovisuel. Et cela explique en grande partie les réticences et l'inquiétude
vis-à-vis de ce langage mal maîtrisé.
L'enfant, lui, entre beaucoup plus
rapidement dans ce qui lui est inconnu. Pour lui, l'obstacle de la technicité est moins
important.
L'audiovisuel utilise
des machines pour capter et restituer ce qui a été vécu, ce qui implique une
connaissance de leurs possibilités et de leurs limites, une dépendance du contenu
vis-à-vis des qualités d'enregistrement et de reproduction de ces machines et des lois
physiques qui les régissent.
On peut essayer de
résumer les caractères communs à toutes les techniques audiovisuelles, les conditions
dans lesquelles le message peut être capté correctement et restitué correctement.
Il
faut être très clair et très ferme sur la première réalité :
UN MESSAGE AUDIOVISUEL
NE POURRA JAMAIS DÉPASSER LE NIVEAU DE QUALITÉ AVEC LEQUEL IL A ÉTÉ CAPTÉ :
Aucune amélioration ultérieure n'est
possible et chaque génération de report altèrera même ce niveau originel.
C'est
une des différences essentielles avec la langue écrite. Je griffonne un poème sur un
papier graisseux, on pourra ultérieurement réécrire correctement les mots qui le
composent, on pourra l'imprimer sur papier de luxe, en utilisant toutes les possibilités
des arts graphiques, et tout lecteur, quel que soit son lieu d'habitation, pourra
confortablement prendre connaissance de ma pensée, s'il possède bien sûr la clé du
code : ma langue. Et ce sera toujours possible dans des années, voire des siècles.
Si vous filmez, si vous
photographiez, si vous enregistrez ce qui s'est échangé entre des personnes, vous ne
conserverez QUE ce que la machine aura pu capter, dans les conditions où vous l'avez
manipulée. Vous voyez déjà que le niveau de qualité va dépendre de deux
facteurs : la machine, et la manipulation de celle-ci.
Et le contenu, les
images, les propos, avec toutes leurs charges signifiantes et affectives, peut très bien
ne plus exister si les erreurs de manipulation et la médiocrité de l'appareil ne
permettent pas une prise de connaissance correcte de ce qui a été capté.
Il est donc nécessaire
de faire preuve d'une double exigence dans cette phase du travail, sous peine d'avoir
travaillé pour rien. Cela suppose donc un minimum d'apprentissages :
Une photo pour laquelle
la mise au point n'a pas été correcte restera toujours floue ou surexposée si le
diaphragme a été trop ouvert pour la lumière ambiante.
Un
enregistrement restera inaudible si le son a été capté de trop loin, avec un micro
médiocre, dans une ambiance bruyante, dans une salle réverbérante.
Il
n'y a pas d'autre secret pour réussir que d'apprendre à maîtriser les facteurs qui
interfèrent, compléter notre formation dans la connaissance des images et des sons.
Et l'expérience nous
montre combien notre indigence peut être grande dans le domaine sonore. Petit à petit on
découvrira qu'un micro n'est pas une oreille, que les sons se propagent selon certaines
lois et non comme nous le désirerions.
UN MESSAGE AUDIOVISUEL NE PEUT ÊTRE PERCU CORRECTEMENT (c'est-à-dire décodé) QUE DANS CERTAINES CONDITIONS.
C'est une deuxième
caractéristique commune à toutes les techniques audiovisuelles.
Là encore, nous aurons
deux facteurs déterminants.
- Les appareils permettant
la prise de connaissance des messages.
- Les conditions matérielles
de prise de connaissance.
Les constructeurs de matériel audiovisuel
ne fabriquent pas des appareils destinés spécialement à l'usage scolaire. Dans la
classification générale connue du public, il y a :
- le matériel
professionnel.
- Le matériel amateur.
Le matériel amateur
jouit d'une connotation de moindre qualité par rapport au matériel professionnel. Lequel
est parfois à tort qualifié de tel lorsqu'on le vend à des amateurs.
A l'école, c'est le
matériel amateur qui a cours, alors qu'il faudrait souvent un matériel de professionnel.
Que dire par exemple de l'utilisation d'un minicassette à petit haut parleur pour
sonoriser une classe ?
Pourtant, certains
administratifs trouveront que c'est suffisant et certains collègues penseront de même
parce que, situés à côté de l'appareil, ils entendent correctement.
Que reste-t-il du contenu
d'une cassette ainsi diffusée dans une classe ?... Et dire que bon nombre des
parents de ces enfants ont chez eux une chaîne dite à haute fidélité et que l'école
est dans une telle indigence ! onoriser une classe est actuellement une nécessité.
Nous verrons comment réussir une écoute correcte, objectif essentiel pour recevoir
l'audiovisuel.
Car l'audiovisuel ne se reçoit pas
n'importe comment. Il faut être disposé d'une certaine manière autour du
matériel ; il faut que l'acoustique de la salle possède certaines caractéristiques
(peu réverbérante) ; il faut être face à l'écran, face au haut parleur ; que
l'obscurité ou la pénombre règne, un certain silence, etc.
Là encore,
l'éducateur doit maîtriser ces facteurs pour que l'enfant de « l'âge de
l'audiovisuel » puisse en profiter à l'école, c'est-à-dire, répétons-le
s'exprimer, envoyer et recevoir des messages, démystifier les techniques, conditions
essentielles pour qu'il soit un auditeur et un spectateur actif.
LES MESSAGES AUDIOVISUELS
NE SONT PAS DES MESSAGES OBJECTIFS
Pourtant, ils ont
l'apparence de l'objectivité : « je l'ai entendu à la radio »...
« Je l'ai vu à la télé ».
Oui, ce qui est diffusé
a réellement été dit, l'image n'a pas été fabriquée, mais celui qui a capté les
sons et les images a fait des choix : choix des interlocuteurs, choix de leurs
propos, choix des images et de leur cadrage, choix de la structure du message.
De plus, le spectateur,
l'auditeur, sont totalement asservis au déroulement du message ; aucune lecture rapide et
personnalisée n'est possible et l'impact affectif rend la dépendance encore plus totale.
La puissance d'induction d'une idée, d'une orientation, d'un comportement est donc
énorme grâce à l'audiovisuel.
Pierre Guérin
Pour lui restituer sa
vraie figure, là encore la seule stratégie valable est d'offrir aux enfants la
possibilité de lire le message audiovisuel, et surtout, de le produire.
Ainsi, il prend
conscience de sa fausse objectivité et combien il peut être un outil merveilleux
d'expression personnelle.
Des activités
audiovisuelles, dans une pédagogie de lexpression et de la
communication
La communication est un
élément fondamental de tout système vivant. Les biologistes nous ont révélé que nous
sommes maintenus en vie parce que de multiples communications existent. Par exemple entre
nos différents organes, entre nos diverses cellules et au sein de chaque cellule, entre
les molécules différentes qui la composent (voir B.T. Son n° 887). Les psychologues et
les sociologues étudient les modes de communication et les supports de cette
communication qui existent entre les individus et leurs proches et entre les groupes
humains.
Que ce soit la
communication non verbale entre une mère et son enfant, ou une discussion entre
personnes, une communication directe ou indirecte par des mémoires diverses (la
documentation), on trouve des composantes semblables qui peuvent se résumer en un schéma
général modélisant : (d'après Joël de Rosnay).
Une observation quelque
peu attentive du fonctionnement d'une classe de type Freinet montre bien que toute cette
pédagogie, même si elle se fonde en grande partie sur l'utilisation d'outils
médiateurs, repose essentiellement sur des réseaux de communication et de relations. Le
schéma ci-dessus est d'ailleurs insuffisant pour rendre compte, analyser, et surtout
expliquer la richesse, l'imbrication et la fonction de ces réseaux, dans lesquels chacun
est, en même temps émetteur et récepteur potentiel, dans et hors de la classe.
Chaque instant de la vie
d'une classe ou d'un groupe organise et favorise des situations authentiques
d'expression et de communication. Authentiques, c'est-à-dire correspondant à un
besoin réel de l'enfant de marquer son environnement et aussi d'informer et de
s'exprimer.
LES SITUATIONS SONT
MULTIPLES.
L'enfant s'exprime
avec tout son corps : il danse, il mime, il crée un théâtre libre.
Il dessine, il
grave, il pétrit la glaise, il sculpte.
Il chante, il
découvre les sons, il joue avec, il compare avec sa voix, avec des sons très divers.
Il parle, il
expose oralement ses pensées, dialogue avec les autres, il expose ses découvertes.
Il écrit : ses
pensées intimes, ses observations, les comptes rendus de ses découvertes et de ses
recherches.
Il expérimente et
construit.
Il conçoit et réalise
un programme informatique.
Il interroge ceux qui peuvent
apporter des réponses à ses questions.
Il se documente :
en consultant les écrits des hommes, il s'approprie leur expérience accumulée dans
l'espace et le temps.
Il utilise les techniques
audiovisuelles pour conserver et
ensuite communiquer ce qu'il a créé :
- Il enregistre grâce
au magnétophone les expériences orales ; chants, musiques, exposés, dialogues,
discussions, réponses à des questions.
- Il photographie et filme en cinéma, en vidéo, les moments d'expression, de communication ou de découverte d'un milieu géographique ou humain.
A travers ses dessins,
ses textes, ses propos, ses recherches, l'enfant va se livrer. Il va prendre conscience
que ses camarades, ses correspondants portent des regards parfois semblables, parfois
différents des siens, sur les gens et les choses et qu'ainsi il peut mieux se situer.
Pour le maître, c'est
l'obligation de prendre en compte cette diversité de représentations, de perceptions.
Il est bien certain,
d'ailleurs, qu'une expression authentique ne saurait être purement gratuite : en
s'exprimant, l'enfant mobilise, utilise ou approche un certain savoir disciplinaire
(calcul, histoire, géographie, science, littérature... ).
Mais
il s'approprie également, par et à partir de sa propre expression les différents
codes et les différents modes d'expression et de communication, au niveau de
maîtrise qui est le sien au moment où il s'exprime : communication non verbale -
langue orale - langue écrite - langage mathématique - langage radiophonique, langue
orale enregistrée langage iconique - langage audiovisuel : son et images diffusés
simultanément.
L'EXPRESSION PROVOQUE
DIFFÉRENTS CERCLES D'ÉCOUTE
La composition et l'importance de ces
cercles d'écoute interfèrent sur l'expression elle-même. L'avis de celui qui s'exprime
est déterminant pour définir le diamètre des différents cercles d'écoute :
- L'expression orale
peut très bien ne pas avoir de récepteur : on est seul devant le micro, c'est, en
quelque sorte l'équivalent du journal intime.
- Dans la classe,
plusieurs cercles peuvent être tracés : une partie de la classe participe à la
communication, ou bien, c'est toute la classe (lectures, dialogues, discussions, exposés,
conférences, expositions...).
- Des classes
correspondent: par la correspondance, les échanges de lettres, d'albums, dessins,
réalisations de toutes sortes, bandes magnétiques, photos, films, programmes
d'informatique, etc.
- Des classes quittent
leur lieu de vie habituel (classes de neige, de mer .. ) elles continuent à communiquer
avec les familles, ou d'autres classes, par de semblables canaux.
- Au niveau du groupe
scolaire, on fait des expositions dans la classe, elles sont visitées par d'autres.
- Les moments
d'ateliers ouverts sont aussi de bons moments de communication dans le groupe scolaire.
- Les adultes du
quartier, du village, prennent connaissance de l'expression libre par le journal scolaire,
les expositions, la fête scolaire, les montages audiovisuels.
- Le grand public
lui-même peut être touché par l'édition de brochures, de revues, de livres, des
émissions de radios locales, voire de la radio nationale, mais également parla presse
écrite locale.
Pour que la communication
soit effective, il faut que chaque maillon soit satisfaisant.
Une chaîne de
communication fonctionne avec la qualité du maillon le plus médiocre.
La part du maître et les
outils pédagogiques fourniront les moyens d'améliorer la communication, mais à la
condition expresse qu'ait pu émerger auparavant la motivation pour parvenir à cette
amélioration.
C'est généralement au
sein des cercles d'écoute que celui qui s'exprime prend conscience que son message est
mal perçu :
Qu'il lise son texte,
qu'il explique sa recherche, qu'il argumente sur son analyse d'un phénomène, d'une
situation, si le vocabulaire est imprécis, la syntaxe incorrecte, laissant place à des
interprétations différentes de la pensée, les réactions de l'auditoire, le
questionnement révèlent l'insuffisance.
L'audiovisuel,
l'enregistrement sonore peut offrir ensuite une autre analyse précise de l'imperfection
de la communication.
Il est à noter que la
relation avec le cercle d'écoute est bénéfique à tous les partenaires et que le
locuteur prend également en partie la mesure des représentations mentales et des
stéréotypes culturels de ses auditeurs, ce qui peut lui permettre de corriger et de
mieux ajuster son langage aux récepteurs.
La nécessité de se
« faire comprendre » (lors d'un exposé) motive une amélioration immédiate,
après tâtonnement.
Si le code est celui de
la langue écrite, un lecteur, le groupe classe permet une simulation motivante avant
l'envoi au destinataire qui peut être éloigné dans le temps et dans l'espace.
Mais la correction
immédiate améliorant la communication immédiate a ses limites. L'aide des camarades, du
maître et des outils pédagogiques rendent efficaces des situations d'apprentissage
motivées. Car la maîtrise des codes ne s'acquiert pas par la seule analyse, l'imitation
de l'expression du maître et une simulation de l'expression non motivée (les devoirs
scolaires) comme l'école l'a cru longtemps. Freinet et d'autres pédagogues, ont montré
que, par le processus que nous décrivons, l'enfant devenait l'artisan de son propre
savoir.
Mais l'intention seule ne
suffit pas, si des outils spécifiques ne sont pas créés pour permettre à l'enfant
d'affiner les codes et de maîtriser les modes d'expression, à son rythme et selon ses
besoins.
C'est pourquoi la
pédagogie Freinet assure la promotion d'outils définis selon les besoins des enfants,
pour les apprentissages à réaliser.
DES OUTILS PÉDAGOGIQUES
SONTAUSSI UTILISÉS POUR DIFFUSER L'EXPRESSION LIBRE dans les différents
cercles d'écoute.
Ce sont les techniques
qu'utilisent les hommes dans leur continuelle communication. Elles sont simplement
adaptées aux possibilités d'utilisation des enfants, lorsque c'est nécessaire.
Pour la langue écrite
et les arts graphiques, ce sera l'imprimerie, la gravure, les systèmes divers
de duplication.
Pour l'image : la
photo, sur papier ou en diapositive, le film (muet).
Pour la langue orale :
le magnétophone, ou la radio en direct.
Pour l'audiovisuel :
la vidéo, le cinéma sonore.
De cette conception
générale d'une pédagogie de l'expression et de la communication, où toutes les
acquisitions, tous les apprentissages se développent dans des réseaux de communication
authentique, découle naturellement notre approche des techniques et des technologies
audiovisuelles.
Après avoir précisé à
quelles fins nous utilisons ces techniques, il nous faudra revenir sur l'importance des
impératifs matériels et techniques dont dépend une communication audiovisuelle.
Pour bien montrer que
tout cela peut maintenant se théoriser, grâce à l'expérience accumulée depuis les
premiers échanges de films Pathé Baby, dans les années 20, nous illustrerons par
quelques exemples précis la place que peut prendre telle ou telle technique
audiovisuelle dans ces différents « cercles d'écoute » créés par
l'expression libre
- audiovisuel et
expression sans récepteur désigné,
- audiovisuel et cercles
de communication à l'intérieur de la classe ou ses prolongements naturels
(correspondance voyage-échange - classe transplantée - enquête
participation...),
- audiovisuel et
communication avec l'environnement immédiat,
- audiovisuel et
communication avec un public plus large.
Néanmoins, le paradoxe serait de tomber
dans le risque de laisser croire que, même à des fins d'analyse et d'explication, les
différentes activités de communication puissent être dissociées, isolées et que
puisse être disséquée chacune des fonctions d'un même outil qui pourra se trouver tour
à tour, voire à la fois, jouer un rôle de révélateur, de médiateur, de valorisation,
d'apprentissage, d'exploration ou de découverte d'un milieu d'expression et de création,
en même temps, bien entendu, que de démystification et de formation.
Donc, sans prétendre
dresser une « taxonomie » rigoureuse de ces diverses fonctions, nous tenterons plutôt
de les approcher concrètement et de voir le rôle que peut jouer une utilisation
réfléchie des divers moyens audiovisuels dans les cercles et réseaux de
communication créés et soutenus par l'organisation coopérative du groupe de travail et
son environnement.
C'est pourquoi nous
préférerons souvent proposer certains témoignages dans leur intégralité.
Nous n'oublierons pas les
conditions par lesquelles passent toutes ces activités :
Quel matériels, quels
locaux, quelle organisation et quels aménagements ?
Quelle documentation ?
Puis nous aborderons la
question de la spécificité des supports
En fonction de ce que
l'on veut exprimer, de la nature et de l'importance du cercle des destinataires.
Quel sera le moyen
technique le mieux adapté ?
Quelles sont les
possibilités et les limites de chacun d'eux, dans le cadre de l'enseignement public
actuel et des moyens généralement à notre disposition ?
Alors : audiovisuel,
objet d'étude, ou moyen pédagogique ? Certes, il est indispensable d'acquérir une
maîtrise des modes de communication, cela justifie-t-il de vouloir enseigner l'audiovisuel ?
S'il est bien, en
effet, dans nos objectifs de permettre aux enfants et aux adolescents de démystifier et
maîtriser, en les utilisant, ces moyens de communication, faut-il, pour autant apprendre
à « lire » l'audiovisuel ? Qu'en est-il des « codes » et de
la sémiologie de l'audiovisuel qu'il conviendrait d'enseigner pour qu'
« ils » puissent comprendre ?
A travers cette question
reviendra celle, essentielle, fondamentale dans la pédagogie Freinet, de la PART AIDANTE,
qui permet les apprentissages et l'appropriation progressive des connaissances et des
modes d'expression et de communication.
On remarquera sans doute la place
prépondérante du magnétophone dans plusieurs des témoignages que nous avons retenus.
Cette place s'explique essentiellement par
l'histoire même de l'entrée et du développement des techniques audiovisuelles dans la
pédagogie Freinet, histoire qui n'est pas sans lien de dépendance avec le développement
des diverses technologies, notamment dans leur mise à disposition auprès du
« grand public » : possibilités d'utilisation par les enfants et les
adolescents eux-mêmes, et, bien sûr leur coût...
Pierre Guérin et Xavier
Nicquevert
Quelques fonctions de l'audiovisuel dans une pédagogie de l'expression et de
la communication
L'audiovisuel, outil de formation fondamentale
L'audiovisuel entrera
dans la classe comme un simple outil nullement supérieur aux autres (fichier
correspondance, limographe, plan de travail) mais complémentaire.
Son utilisation dépendra
de l'enseignant, des enfants, de la pédagogie, du matériel, de l'installation, de
l'organisation de la classe, des locaux, du temps qu'on veut bien y consacrer...
L'audiovisuel est au
service de l'expression, c'est un outil de réussite, un médiateur, un merveilleux outil
de communication qui pose les délicats mais passionnants problèmes du montage, du
différé ou du direct avec la rapide extension des travaux radiophoniques.
Mais, qu'on y prenne bien
garde :
La mise en oeuvre de ces orientations
respectant les activités fonctionnelles nécessite une organisation rigoureuse et souple
afin de profiter des multiples interactions entre les facteurs. Ce ne peut être réalisé
que par une cogestion coopérative :
- gestion de
l'espace-classe,
- gestion des aires de
travail,
- gestion du temps et des
activités communes ou individuelles, grâce, en particulier, au plan de travail
individuel, que l'enfant, en responsabilité, va exécuter en fonction de ses choix
d'investigation et d'expression, des exigences d'amélioration de sa maîtrise des outils
et modes de communication et des exigences de son insertion dans un groupe social.
En d'autres termes :
La cogestion coopérative
de l'espace et du temps scolaire permet à l'enfant et à l'adolescent de prendre
conscience des multiples interactions entre les facteurs qui modèlent le vécu individuel
et social, d'apprendre à mieux les maîtriser et de l'entraîner à une vue systémique.
On détermine ce que
l'enfant veut faire, ce que l'on doit faire, ce que l'on fera, où on le fera, qui le
fera, comment on le fera, selon quelles règles de vie sociale.
Ainsi conçue, la
cogestion coopérative permet exigence et efficacité, mais, en même temps souplesse
et harmonie entre l'individu et le groupe. Elle favorise les approches diverses
propres à chaque enfant, mais, en même temps, la pluralité des modes d'intervention du
maître : aide ponctuelle, dans les situations de libre recherche ou apports plus formels
de contenus didactiques en fonction des besoins, présence recours ou garant des
institutions et des décisions élaborées coopérativement...
Dans une telle
structure, l'audiovisuel, outil parmi d'autres, parce qu'il est présent dans le quotidien
des enfants et des adolescents et fait partie maintenant de leur histoire culturelle peut
devenir outil de réussite.
Christian, petit garçon de 6e souffrait de sa taille et d'un petit frère envahissant. Il échouait toujours.
Le jour de l'inauguration
du marché il me demanda le magnéto pour la première fois. Il voulait faire une
interview. J'étais fort réticent : je ne le voyais pas parler à des inconnus. Il était
incapable de formuler une question clairement.
Le lendemain il arrive
triomphant : il s'exprimait avec aisance, dialoguait, et les gens répondaient...
J'étais fort étonné
et je le félicitai.
Arrivé à la maison,
j'écoutai toute la bande, même le début, et j'entendis la voix de mon Christian.
Enfermé dans sa chambre,
il s'entraînait à poser des questions et il les reprenait jusqu'à ce qu'elles soient
claires.
C'est de l'élocution,
je crois.
Pour Christian, c'est le
magnéto, outil de réussite : il a tâtonné, s'est entraîné, a réussi.
Il peut également
déclencher ce que d'autres techniques n'avaient pas encore permis.
ELLES SAVAIENT PARLER...
ELLES ONT PRIS LA PAROLE...
UNE CLASSE DE 5e
QUE J'AVAIS EUE EN 6e, C.E.S. DE VEDÈNE (VAUCLUSE)
7 ADOLESCENTES SE
CONTENTAIENT D'ÉCRIRE, MUETTES...
Elles n'avaient jamais
haussé la voix ; elles n'avaient jamais imaginé qu'elles auraient pu prendre la
parole au milieu de 17 garnements déchaînés et « maîtres » de la classe.
Le magnétophone, outil
scolaire et inquiétant ne les attirait pas.
A la rentrée un
élément nouveau apparaissait : la possibilité de participer à des émissions à
Radio Garance ; à 25 km du collège...
Les enfants pouvaient en
toute liberté et sans animateur adulte présenter leurs enregistrements, discuter entre
eux ou avec leurs invités. Deux filles, Stéphanie et Malika ont fait le déplacement...
Elles se sont assises
derrière un micro mais elles n'ont pas ouvert la bouche...
Je les ai félicitées
pour leur présence, les garçons les ont agressées pour leur silence... Elles avaient
pris des places dans les voitures et elles n'avaient rien dit : « Quand on va
à la radio c'est pour parler ».
Quelques jours après,
Stéphanie emprunte un magnétophone pour enregistrer ses voisins, sa maman, sur la
science-fiction, thème abordé par un de ses camarades pour une future émission...
Elle connaissait ses
interlocuteurs ; elle possédait bien son sujet : elle pourrait corriger « ses
erreurs »...
Elle ramena sa cassette
avec un léger sourire et la donna aux garçons qui s'en servirent pour leur montage.
C'était bien enregistré : les questions hésitantes au début, étaient naturelles
à la fin...
Ils discutèrent avec
elle du montage : elle existait, ils la découvraient... Elle ramena un nouvel
enregistrement sur les veillées mais déclara vouloir se débrouiller toute seule. Elle
repiqua sa cassette sur une bande pour pouvoir la modifier à sa guise... En quelques
minutes, elle apprit les gestes élémentaires et elle se plongea dans sa solitude avec
ses écouteurs... Après 3 heures de travail, elle présenta ses 4 minutes sous l'oeil
ahuri de ses camarades. Dans la classe régnait un silence religieux. Stéphanie, une
fille muette, seule, avait pu faire toute cette réalisation du début à la fin.
Elle continua à
fréquenter le studio chaque samedi et attira d'autres amies... Parfois, elle disait un
mot... mais un jour en sortant, elle me dit : « Chaque fois que je sais ce que
je vais dire, les autres l'ont déjà exprimé... » A la veille des vacances de
février, 4 volontaires se présentèrent pour organiser l'émission : c'étaient 4
filles : sourires ironiques de leurs camarades mâles...
Le jour de l'émission,
les garçons, tous à l'écoute apprécièrent les histoires de « mamie
Paulet » interrogée par les 4 filles sûres d'elles et seules...
Elles parlaient en
direct, elles présentaient leurs enregistrements.
Leurs phrases, leurs
questions étaient un peu brèves, un peu sèches mais l'essentiel était dit.
Elles avaient pris leur
temps ; elles étaient allées à leur rythme et le moment venu elles s'étaient
élancées...
Après les vacances, à
l'écoute des cassettes enregistrées, elles étaient regardées autrement et sous un
très léger sourire se cachait pas mal de fierté.
Elles levaient le doigt,
elles s'exprimaient davantage et, même dans les couloirs on les bousculait moins...
A Pâques, toutes les filles étaient
allées à Radio Garance et toutes avaient participé.
Dans la classe il n'y
avait plus de filles et de garçons, il y avait des enfants et des adolescents
Georges Bellot
OUTIL RÉVÉLATEUR,
MÉDIATEUR ET FÉDÉRATEUR
Il n'est pas rare non
plus de voir l'audiovisuel servir de « MÉDIATEUR » porteur de la parole d'un enfant.
Josépha, en 5e,
venait d'une classe de transition. Grande et charmante, elle ne savait que sourire et
rougir sous les sarcasmes des garçons. Elle écrivait beaucoup mais jamais personne
n'avait entendu sa voix quand elle disait ses textes. Elle ne voulait plus les lire :
c'était la catastrophe elle n'écrivait plus. Il fallait précipiter l'événement... Je
choisis son meilleur texte et j'enfermai Josépha dans une classe libre avec un
magnétophone et je lui ordonnai de lire son texte...
Le lendemain, Josépha,
rougissante, écoutait sa voix et son texte, sous le regard et l'oreille admiratifs de ses
camarades qui l'applaudirent. Après ce jour-là, elle accepta de s'enregistrer en direct
car elle avait beaucoup de choses à dire...
C'était le magnéto «
médiateur », il avait permis à Josépha de communiquer avec les autres élèves...
On se souvient de
l'émerveillement et de l'émotion des enfants découvrant l'imprimerie dans le film
« L'école buissonnière ». Dans le souci permanent d'enrichir le milieu et
les moyens d'expression, l'éducateur Freinet cherche ainsi à introduire de nouveaux
outils, à créer de nouvelles situations. Mais l'introduction de techniques
audiovisuelles dans une classe implique, en soi, une modification de certains
comportements et, donc, une PART AIDANTE spécifique du maître. Et cela dès le plus
jeune âge.
ARRIVÉE DU MAGNÉTOPHONE
CHEZ LES 2 A 4ANS, MATERNELLE DU BOIS EN RÉ.
Ce matin, le gros
magnétophone, anonyme boîte grise, est posé sur la moquette du coin langage.
On s'installe pour la
conversation dans le brouhaha habituel. Chacun veut faire sa place près du copain du
moment.
J'ôte le couvercle de la
grosse boîte, je prends le micro, je mets en route, silence rapide.
Ils sont attentifs au
mouvement des bobines, intrigués par le micro et très silencieux... puis...
- Qu'est c'est ca
maîtresse ?
- Pourquoi ça tourne ?
Quelques commentaires
que j'enregistre de loin. STOP.
On re-enroule. Quel
succès cette vitesse de bobines ! On écoute.
Alors, là, les visages
se transforment, plus graves, plus recueillis, plus attentifs, plus inquiets. Moment un
peu magique.
Nathalie, qui est la plus
grande se hasarde, elle a reconnu une voix.
- J'ai entendu Michaël.
Tous le regardent, lui
demeure incrédule. Et pourtant !
Comme je ne veux pas
faire du magnétophone un objet magique, je reprends l'enregistrement et je présente.
- Ça c'est le
magnétophone, ça c'est le micro. Et j'ose approcher celui-ci de mon visage.
Nathalie répète « le
magnétophone » et le jeu démarre.
Les plus audacieux
s'approchent comme moi du micro et jettent « le magnophone... le matophone... » (c'est
long MAGNÉTOPHONE) puis se retirent avec un rire nerveux. La plupart n'osent pas.
Que d'appréhension encore. Nathalie s'impatiente, elle a compris et veut écouter.
Allons-y. Cette fois on rit haut, on nomme fort le camarade reconnu...
Guillaume se trémousse, pour lui ça
suffit, il a quelque chose d'important à dire et c'est justement d'une telle importance
qu'il oublie le micro discrètement rapproché.
- Tu sais, mon lapin,
il est mort...
Lui et moi, nous
engageons le dialogue.
Sa plus grande surprise
sera bien sûr quand le magnétophone lui restituera mot à mot notre entretien.
On l'écoutera deux fois
de suite et on le gardera pour l'entendre encore d'autres fois, car, le magnétophone va
devenir un objet de plus en plus familier.
Jocelyne Pied
L'audiovisuel au service de lexpression orale
L'audiovisuel peut jouer
le rôle de miroir permettant aux élèves, de prendre conscience de leur degré de
maîtrise des formes du langage parlé, et au maître de son mode d'intervention.
En 4e pratique à
Béziers.
J'avais sept heures par
semaine dont une était toujours consacrée à des discussions « bilans ».
J'ai rapidement
constaté combien ces adolescents en avaient assez de l'école, de l'enseignement
intellectuel mais aussi du travail manuel. Nous avons eu de nombreuses conversations (il
m'était difficile de faire sérieusement autre chose) et j'ai vite compris quelle proie
facile ils allaient être dans les mains des exploiteurs de toutes sortes. Ne dit-on pas
« Qui détient le
verbe, possède le pouvoir » ?
Vérifier une
hypothèse...
Le stage d'août
organisé par la Commission audiovisuelle me rappela que le magnétophone pouvait jouer un
rôle décisif dans la maîtrise du langage oral. Le but a priori que je me fixais, était
d'expérimenter cette idée qui pour moi n'était qu'une hypothèse.
En outre, les discussions
étaient les seules activités qui n'avaient pas une coloration scolaire et ils s'y
prêtaient volontiers unanimement. Il ne me restait qu'à enregistrer ces entretiens. J'ai
donc introduit le magnétophone sans me poser de questions quant à la manière de le
faire. J'ai enregistré en leur demandant la permission, c'était du
« forçage-doux ». Apparemment, il n'y a eu aucune réticence. L'unanimité y
était pour diverses raisons :
- Soit que
« c'était bon » comme ils disaient, on n'était pas obligé de parler, on
pouvait paresser.
- Soit qu'on aimait
déjà parler.
Il me fallait être
vigilant, quant à l'évolution de l'expression orale ; en utilisant comme technique
l'écoute a posteriori des montages des discussions enregistrées.
COMMENT CELA S'EST-IL
PASSÉ ?
C'est dans le sens d'une
maîtrise efficace de la langue orale que j'ai utilisé et favorisé l'utilisation du
magnétophone.
Systématiquement toutes
les discussions, tous les débats ont été enregistrés. Le magnétophone au milieu de la
classe, les élèves autour plus ou moins en rond, un camarade tient le micro et le dirige
vers celui qui veut parler.
Au début, on dirait
qu'ils n'ont rien à dire ou pas grand chose. Le magnétophone est sans doute gêneur.
Alors, je parle beaucoup.
A l'écoute des enregistrements, je constate que je parle trop et souvent à mauvais
escient. Ce qui me permet de modifier mes interventions.
Puis, ils parlent de plus
en plus, mais surtout pour eux, pas pour communiquer avec un autre. On se tourne presque
toujours vers le maître, on le prend à témoin et ca suffit. Il est difficile de
s'effacer tout en restant présent pour faciliter léchange, la communication.
Certains parlent pour
parler, répètent ce qui a été dit, utilisent des slogans publicitaires de la télé
pour faire rire.
Les forts physiquement,
parlent et s'imposent. Il n'est pas question de les contredire sans que pèsent sur le
contestataire de lourdes représailles à la sortie.
Les caïds mènent la
barque avec la complicité de quatre ou cinq sympathisants, de la majorité silencieuse et
neutre et du maître qui tâtonne.
LA SITUATION ÉVOLUE...
Au deuxième trimestre,
on écoute quelques montages de discussions qui suscitent d'autres discussions. Deux
carpes, Isidore et François prennent la parole. Aussitôt, je valorise ces interventions
courageuses face aux leaders. François et Isidore prennent peu à peu confiance en eux et
s'expriment de plus en plus. L'écoute enregistrée de leurs interventions les a beaucoup
stimulés.
Ces deux nouveaux
parleurs s'expriment assez facilement et dominent sur ce plan là leurs rivaux. Peu à
peu, le rôle de leader est tenu par Isidore et François, soutenus par quelques muets qui
enfin se mettent à parler. Les nouveaux leaders l'emportent parce qu'ils s'expriment
mieux. François analyse à merveille les situations et Isidore synthétise pour être
efficace.
Patrick, le « baraqué
» au lieu d'abandonner a pris goût à ces discussions et pour rester leader, essaie de
tenir tête, a du mal, perd sa place puis devient le rival de ceux qui lui avaient
subtilisé son rôle.
Et les joutes oratoires
reprennent de plus belle et beaucoup d'élèves (en fin d'année scolaire) s'expriment à
leur tour, tantôt pour soutenir le point de vue de Patrick ou de François ou le leur.
Sur beaucoup de sujets, les leaders se sont mis d'accord par ces échanges verbaux.
Isidore joue presque
toujours le rôle de conciliateur.
C'était les principaux
orateurs, ils ont entraîné les autres qui parlaient moins souvent.
A partir du deuxième
trimestre, au moment des écoutes des montages des discussions, je constate une
évolution, un progrès surtout au « plan de structures de la phrase ».
Laissons-les parler...
- Je pense que... - Moi,
je suis d'accord avec... - Tu veux dire que... - Ce n'est pas tout à fait ça ! - Moi, je
sais que... - Je vois pas tout à fait ce que... - Moi, je voudrais pas te contredire,
mais... - C'est mon avis - Tu commences à t'intéresser... Alors tu fais une petite
synthèse... Peut-être pas sur le plan de... Avant, je parie que tu... - Tu liais
conversation avec... - C'est justement ça Il sera obligé de prouver... - Ce qu'il y a
aussi, c'est que...
Il me faut ajouter qu'au
troisième trimestre, le goût de la discussion était si grand qu'un groupe m'a demandé
de prêter le magnétophone pour enregistrer leur conversation dans une classe adjacente
à la nôtre. Cela s'est produit chaque fois que quelques élèves ont éprouvé le besoin
d'échanger leurs points de vue sur un sujet qui les intéressait. Sans ma présence, le
magnétophone a joué le rôle de pont et a facilité entre eux et moi la communication,
surtout chez ceux qui ne parlaient pas souvent en classe et qui parlaient beaucoup au sein
d'un petit groupe de copains. Ces discussions se sont toujours déroulées sérieusement.
Ils me portaient la bande en me recommandant à chaque fois de l'écouter avec beaucoup
d'attention, ce que je faisais bien sûr, puis nous en discutions.
Qu'a permis le magnétophone ? Qu'a permis l'analyse a posteriori de leurs discussions ?
Laissons-les parler à
propos de leurs entretiens :
- On n'a pas toujours de
bonnes idées pour parler et comme le sujet ne nous plaît pas, on n'en parle pas
beaucoup.
- Moi, quand jai
un sujet qui me plaît, on arrive à avoir une bonne discussion.
- S'il n'est pas
intéressant, (le sujet) j'aime mieux pas parler.
- On dit beaucoup
d'idées à la fois, on en parle assez vite, on va pas assez loin.
- Parfois, t'arrives pas
à les exploiter toutes à la fois.
- Ca nous apprend à bien
parler.
- On cherche des
termes compliqués pour...
- Avec les copains ou
avec quelqu'un d'autre, je parle mieux.
- On voit les progrès
qu'on fait..
- Moi, je pense que je
fais des progrès en écoutant les bandes.
- Au début de l'année,
t'as pas l'habitude de parler...
- Les mots y viennent
tout seuls maintenant...
De quoi ont-ils pris conscience ? Sont-ils conscients de tout ce qui s'est dévoilé à eux en prenant la parole ?
- Le vocabulaire trop
pauvre ou trop riche est un frein pour la communication.
- L'utilisation de
phrases stéréotypées est un langage superficiel.
- Les mots sont souvent
vides de sens, sans rapport avec la réalité.
- Les idées que l'on
véhicule le sont, soit par habitude, soit par opposition à...
- Les idées et la
pensée sont souvent exemptes d'action. On se leurre et on leurre les autres.
Dans un climat de
détente et de confiance réciproque, tout ceci peut amener ces adolescents à :
- Personnaliser leur
langage sans tomber dans la rhétorique, l'emphase, l'éloquence (à l'honneur dans notre
société bourgeoise : télé, radio).
- Utiliser un langage
naturel simple mais clair et précis. Il faut bien se faire comprendre et communiquer.
- Une meilleure écoute d'autrui et
meilleure perception des autres (attention et disponibilité plus grande).
Le magnétophone peut
être un excellent outil pour améliorer l'expression orale, autrement dit la
communication.
Ne pas pouvoir
communiquer est triste pour l'individu lui-même et ceux qui l'entourent. C'est
réjouissant et intéressant pour ceux qui autorisent légalement l'exploitation de
l'homme par l'homme et sont les spécialistes de la démagogie.
La démagogie ? La prise
de conscience peut aller jusque-là : prendre conscience que la démagogie, ça existe ;
donc devenir méfiants vis-à-vis des mots et avoir cette position privilégiée qui
permet de garder la tête froide face à cette multitude de sons et d'images qui agressent
l'homme.
Raymond Blancas
Ici, l'outil
audiovisuel a joué un rôle de miroir, permettant aux élèves de prendre conscience de
leur degré de maîtrise des formes de langage parlé et au maître de son mode
d'intervention. On voit bien alors l'importance de l'organisation coopérative pour que
cela soit possible dans un climat non culpabilisant et que « l'amélioration de
l'expression orale, autrement dit la communication » ne consiste pas dans l'apprentissage
d'un modèle normatif imposé.
L'audiovisuel, outil de structuration
Lorsque l'on donne à
l'audiovisuel la charge de porter et de transmettre à un destinataire extérieur à ce
cercle, qui n'a donc pas vécu le moment de l'émission du message, alors il devient
indispensable de se préoccuper de la manière dont il va être reçu, et par conséquent
de la forme de ce message, tout autant que de son contenu.
Lorsque, pour la première fois l'enfant - l'adulte aussi - saisit un instrument audiovisuel, il y a d'abord cet attrait irrésistible pour cette chose nouvelle : une véritable frénésie de « prendre », d'enregistrer, que ce soit sur le ruban magnétique ou sur la pellicule. Dans cette première phase seul prime le désir de stocker un document : portraits de proches, si mièvres qu'en soient les expressions, échos de conversation, si futiles qu'en soient les thèmes, peu importent les qualités techniques des images comme des sons recueillis, l'essentiel est qu'on les reconnaisse, qu'on « les ait ». La primauté est donc entièrement au subjectif, encore accru par la fièvre d'entrer en possession de ces appareils aux pouvoirs quasi magiques puisqu'ils peuvent fixer et conserver des instants de vie.
Dans nos classes, une des
premières motivations qui pourra faire éclater un peu cette fascination sera la
possibilité offerte, par le truchement des moyens audiovisuels, d'entrer en relation avec
d'autres, et d'abord, évidemment, avec les correspondants : se présenter, faire entendre
nos voix, montrer comment on est, savoir comment ils sont.
Il nous est arrivé de
recevoir de tels documents animés par ce seul zèle enthousiaste : photos à peine
lisibles à cause de la mise au point imprécise ou du manque de lumière dans la classe,
bande dont l'intensité sonore empêchait l'écoute collective, bruit de fond trop
important ou arrêts intempestifs et désagréables dans l'enregistrement. Les critiques
vont alors leur train, à la mesure de la déception, tout comme pour un album peu soigné
ou un journal taché, aux tirages illisibles. Freinet raconte l'émotion intense qui
régnait dans la classe de Bar-sur-Loup lorsqu'on recevait un film de chez Daniel. Les
défauts techniques devaient certainement être nombreux et ne tempéraient probablement
pas l'enthousiasme des spectateurs. Mais quel auditeur, si peu mélomane soit-il,
prendrait encore un grand plaisir à l'écoute des cires où l'on grava les voix pourtant
mélodieuses de chanteurs tels que Caruso, s'il n'est pas en mesure de replacer cet
enregistrement dans son contexte ?
Nous rejoignons là tout
le débat sur la mise en valeur d'une production qu'elle soit texte chant, dessin... Je ne
voudrais pas l'aborder ici à son plan esthétique, voire moral, mais insister simplement
sur l'aspect communication : pour être compris, il faut au moins se faire comprendre, ce
qui nécessite un minimum d'exigences dans la forme : de certains camarades, je
préfère recevoir une lettre tapée à la machine que manuscrite, je peine moins au
déchiffrage. Avec les moyens audiovisuels cette nécessité est peut-être plus
impérieuse du fait de l'influence plus grande que peut avoir ce moyen de communication.
« Un bon croquis vaut mieux qu'un long discours », disait-on déjà bien avant
l'apparition de la photographie. Et ce n'est pas à nous qu'il faut démontrer la
supériorité d'une B.T. Sonore sur un cours magistral, le pouvoir stimulateur du disque
pour le démarrage de la musique libre dans une classe. Je comprends assez mal l'aversion
de certains pour ce minimum de technique dans la réalisation d'un enregistrement ou d'une
prise de vue, même parmi ceux qui se font les chantres d'un beau journal scolaire ou de
peintures réalisées avec des matières premières de bonne qualité. Ce refus
d'accepter les contraintes des moyens d'expression les plus modernes me paraît étonnant.
Pourtant, combien n'avons-nous pas constaté et regretté le peu d'intérêt manifesté
pour un document très intéressant dans son contenu, mais qui, présenté tel quel devant
une assistance trop nombreuse ne passait pas la rampe ?
Il est naturel que
l'enthousiasme créateur qui a vibré dans la classe pendant un enregistrement, tout le
contexte affectif qu'il porte en lui pour ceux qui ont vécu ce moment, empêchent de
prendre conscience de ces impératifs, surtout lorsque la classe, maître comme enfants,
commence la découverte de ces moyens d'expression nouveaux. Là encore, je reprendrai ma
comparaison avec le journal scolaire : les premières pages que l'on imprime dans une
classe ne sont, souvent, pas très belles. Mais quelle joie, quelle fierté, lorsqu'elles
sortent de la presse. Et les premières photos tirées dans la chambre éclairée de
jaune, et les premiers linos, et les premiers... ?
Je crois que si l'on
attrape un outil audiovisuel, ou un pinceau, une gouge, c'est avant tout pour montrer à
d'autres, pour communiquer. Il n'empêche que se pose souvent le problème du décalage
entre cet enthousiasme du moment de la création et les résultats qui pourront en
découler. Ici revient sans doute le problème de la maîtrise des techniques mises en
oeuvre les contraintes et les freins qu'elles peuvent d'ailleurs être amenées à
apporter dans l'élan de création. On constate souvent une certaine déception lorsque
les enfants prennent conscience qu'ils n'ont pas réussi à transmettre ce qu'ils avaient
vécu ensemble, dans la joie. Cela peut soit les bloquer, soit au contraire les amener à
chercher à dominer davantage les outils. Cela dépend probablement des enfants, du
moment, mais aussi, très certainement de la part du maître : après la phase de
découverte de l'outil, où la manipulation de celui-ci constitue une fin en soi, sans
aucun souci, ni de contenu, ni de forme, vient le besoin de réaliser quelque chose avec
cet outil et bel et bien pour le montrer à d'autres. Ne voit-on pas cela aussi bien en
art enfantin, en théâtre libre, en marionnettes ou dans tout autre moyen d'expression
dont la liberté d'usage est donnée aux enfants ?
Xavier Nicquevert
COMMENT DANS UN COURS PRÉPARATOIRE,
APPARAISSENT PEU A PEU, LES EXIGENCES D'ORGANISATION DU DÉBAT, DE TECHNIQUE
D'ENREGISTREMENT, ET SURTOUT DE STRUCTURATION DU MESSAGE : LE MONTAGE
C'est d'abord David qui a
emporté (il n'y avait pas 8 jours que nous étions rentrés) le minicassette pour
demander à sa mamie d'origine italienne comment était la vie quand elle était petite.
David revient à l'école
avec l'enregistrement d'une poule qui vient de pondre, de vaches meuglant et de cris
d'étourneaux. Chouette, on posera des devinettes aux correspondants !
Quant à l'interview, la
maman remplaçant la mamie-qui-soit-disant-parle-si-mal-le-français, lit un texte.
Punaise, on croirait Marie de Rabutin-Chantal marquise de Sévigné ! (Au fait,
n'aimeriez-vous pas l'entendre l'effet marquise ?) Je la soupçonne même d'avoir eu le
toupet d'imposer ses questions à David. Ne pourra-t-on jamais laisser les enfants libres
En tout cas, voilà ce
qu'il ne faut pas faire.
Puis ce sont Hélène,
Valérie et Carole qui ont chacune enregistré les poèmes qu'elles avaient écrits.
Tiens, trois filles ! Comme c'est bizarre.
Après écoute de la B.T.
Son : « Nous vivons en banlieue », les élèves ont débattu le 2 octobre durant 18
minutes, de leurs peurs.
L'enregistrement
terminé, les enfants ont voulu se ré-entendre. Rembobinage de la cassette et, en route
pour la lecture.
Cinq-six minutes
s'écoulent et déjà Karine avec son double-décimètre joue à la loterie, Estelle
murmure à l'oreille d'Elsa, Christophe feuillette un livre, Pascal se balance sur sa
chaise, Benoît s'asseoit sur sa table... Ça s'agite. Le bruit s'enfle. J'arrête le
magnétophone et m'étonnant de leur attitude, de leurs faits, de leurs gestes, je leur
demande :
« Vous ne me semblez pas
très intéressés, pourriez-vous me dire pourquoi ? », et timides, les réponses
arrivent :
Ludovic : « Ça
ne les intéresse pas parce qu'ils n'ont pas parlé ». (Murmures de désaccord),
Karine : « On
sait ce qui est enregistré et quand on le connaît, ce n'est plus intéressant ».
Stéphanie : «
Quand on écoute, à la fin on en a marre d'entendre parler ».
David : « Moi,
quand ce n'est plus bien, ça m'endort ».
Estelle : « Quand
ça ne m'intéresse plus, je n'écoute plus ».
Elsa : « C'est
trop long et certains disent des choses qui ne sont pas intéressantes ».
Valérie : « Oui,
c'est trop long et il y en a qui disent des choses qui ne sont pas de nos peurs ».
Le mot est lâché : TROP
LONG
J'interviens à nouveau :
« Vous trouvez que c'est
trop long ? Alors que diront les corres quand ils recevront cet enregistrement ? »
« ... »
« Que peut-on faire ?
Que proposez-vous ? »
« Il faut leur envoyer
ce qui est intéressant et pas le reste ».
18 volontaires se
proposent d'écouter la cassette pour choisir les moments intéressants. 7 ne se
manifestent pas.
Nous nous organisons et
formons 3 équipes de 4 et 2 équipes de 3 qui, à tour de rôle, jour après jour,
écouteront aux casques en notant les « bonnes » interventions. De manière très
succincte, ils indiqueront en colonne les noms des intervenants « intéressants » et un
mot-clé de ce qu'ils ont dit (par exemple : Zhora, squelette).
Une équipe, à ma
demande, note les noms de ceux qui sont intervenus et combien de fois ils sont intervenus.
Voilà ce que cela donne : 10 enfants n'ont pas pris la parole, c'est ÉNORME !!!
2 l'ont prise 1 fois - 3
l'ont prise 2 fois - 5 l'ont prise 3 fois - 2 l'ont prise 4 fois - 2 l'ont prise 5 fois -
1 enfant l'a prise 8 fois, moi, je l'ai prise 12 fois uniquement pour inciter à parler.
Soit, pour un total de 26 personnes, 61 interventions.
Réunion de tous les
groupes qui font part de leur choix. Le premier groupe lit, un à un, ses choix et les
autres groupes indiquent si leur choix est le même. Puis, tour à tour, les autres
groupes font de même pour les interventions non encore citées.
Je note les noms des
intervenants choisis et les mots-clés. Je fais les comptes : 35 interventions ont été
retenues.
18 interventions ont
été retenues par 1 seul groupe - 11 interventions ont été retenues par 2 groupes - 4
interventions ont été retenues par 3 groupes - 1 intervention a été retenue par 4
groupes - 1 intervention a été retenue par 5 groupes.
En ayant plusieurs
équipes les copains de chaque groupe n'ont pas été forcément retenus.
A la maison, j'avais
décripté l'enregistrement original : noms des intervenants et mots-clés et je
m'aperçois que mon choix personnel aurait été assez semblable à celui de mes élèves.
Cela dit, je demande si
l'on doit copier toutes les interventions retenues ou seulement celles qui l'ont été
plusieurs fois. L'on décide de retenir uniquement les 17 interventions citées de 2 à 5
fois.
La copie de la cassette
sur le magnétophone à bande est faite en classe. Un représentant au moins de chaque
groupe était présent pour nous assurer que les interventions copiées étaient bien
celles qui avaient été retenues.
La copie terminée, nous
écoutons et, à la fin de l'audition, les remarques fusent :
Sabine : « Il
faut l'arranger ! »
Stéphanie : « Il faut le mettre
en ordre parce qu'il est en désordre ».
Hélène : « Il faut mettre les serpents avec les serpents, les araignées avec les araignées, le noir avec le noir et ainsi de suite ».
D'ACCORD !
J'écoute la bande après
la classe et, le lendemain, après avoir dédoublé 2 interventions, je propose le schéma
suivant qui est retenu :
Nous aussi nous avons
peur ! ... des serpents, des araignées, de nos rêves provoqués par des discussions,
ou des films, ou la télé, des fantômes et des disparitions, du noir, des ombres et de
la lumière, de l'inconnu, des inconnus, pour terminer par l'intervention d'Estelle qui
prétend ne pas avoir peur.
Claude Curbale
Audiovisuel, outil de
réussite, d'expression, de valorisation, de médiation, de structuration,
d'apprentissage... mais...
COMMENT
introduire cet outil
motiver et former les enfants et les adolescents à son
utilisation
SEPTEMBRE : MISE
A DISPOSITION :
J'ai 4 classes de 6e
et 1 de 5e en Sciences Humaines (30 + 30 + 24 + 24 + 17 = 125) et 1 classe de 6e
très faible en français (17).
Et j'ai mon « attaché-case » : appareil
photo, minicassette et petit matériel, mis à la disposition des élèves, en liberté
d'utilisation.
Prernière
constatation :
Mettre à la disposition
n'est pas une incitation suffisante à couper le cercle et à y pénétrer. Pour avoir
l'idée de se servir des appareils, il faudrait D'ABORD « savoir QUOI FAIRE ? », ce que
l'on peut en tirer.
Mais, pour savoir cela,
il faudrait déjà s'en être servi, avoir l'expérience.
OCTOBRE: PREMIERS
TÂTONNEMENTS:
Emmanuelle est la
première à demander le magnétophone. Elle enregistre une conversation le soir, avec sa
mère, autour de la table de cuisine. Ceci est présenté à la classe, complimenté. Mais
je ne me hasarde pas à en exprimer une « exploitation pédagogique ».
Enhardie, Emmanuelle demande l'appareil
photo. Nous établissons le contrat. Elle choisit de photographier les églises anciennes
de Caen (Xle-XIIIe siècle) et les églises récentes de quartiers reconstruits et des
villages voisins.
Les photos sont
développées sur le bureau, pendant l'heure de cours.
Le développement sans
cabinet noir (1)
(1) Voir la B.T. «
Apprenons à photographier » n° 896 et le S.B.T. « Je développe tout seul mes
diapositives » n° 433.
Première expérience de développement des diapos pendant l'heure de cours : elle fait apparaître les difficultés : temps assez long de réchauffement des produits à 20". Course à l'eau courante. Patouillage dans la classe. Elle aboutit à l'organisation suivante :
Une équipe de deux
élèves - l'un opérant et l'autre au compte-temps et à la surveillance des opérations
et petits services - développent les photos dans l'heure de cours, pourvu qu'ils aient
préparé le bain-marie à 20° pendant l'inter-classe précédent.
L'organisation
matérielle et spatiale est la suivante
Bureau :
0 Serpillière neuve étalée sur le bureau
1 Cuvette bain-marie, eau à 20°, contenant...
2 5 gourdes en plastique de 250 cc, pour les 5
produits,
3 Cuvette
pleine d'eau tiède pour rinçages,
4 Pot à eau calibré en cc, avec marque à 300
cc,
5 Petit
matériel (thermomètre, ciseaux, 2 épingles à linge, agent mouillant),
6 Compte-minutes à sonnerie,
7 Attaché-case avec liste des opérations à suivre
collée dans le couvercle,
8 Cuve à développement plein jour, chargeable en
plein jour, indispensable et pratique pour éviter le cabinet noir (référence : cuve
Agfa Rondinax U 35). Fonctionne avec 200 cc de produit pour films 36 vues,
9 Seau recevant l'eau de vidange des rinçages.
Par la suite, les enfants
s'enhardissent, et, à mesure des succès des opérations, je peux faire mon cours pendant
que deux élèves développent sur le bureau. J'ai ceil sur eux, mais c'est une
précaution inutile.
OCTOBRE... NOËL... -
TÂTONNEMENTS, ENCORE...
Emmanuelle développe ses
photos avec Ghislaine. Déception : elles sont trop noires !
Et, nouveau problème :
comment laisser les enfants avec un appare il photo et faire leur enquête en « devoir du
soir », après la classe ou un jour de congé, sans leur avoir inculqué quelques notions
de prise de vue, réglage de l'appareil ?
J'avais donc posé ce
problème, en posant comme hypothèse que le résultat obtenu était dû à la maladresse
des élèves... Il m'aura fallu plus d'un mois pour constater que c'était l'appareil qui
était détraqué.
L'appareil et la
prise de vues
Le premier appareil dont
nous nous servons permet les trois réglages distance -vitesse - diaphragme, contrôlé
par une cellule incorporée.
Explication donnée aux
élèves, avec une proposition de réglage type, pour une situation donnée (extérieur -
temps gris - intérieur ... ).
Devant les résultats
devenus régulièrement mauvais, je me suis décidé à me servir moi-même de l'appareil,
pour constater alors que la cellule était tout à fait déréglée et que l'appareil
s'enrayait définitivement.
Je demande donc à la
directrice l'achat d'un COSMIC-SYMBOL, qui possède les trois réglages mais sans cellule,
il est d'un maniement plus simple.
Avec cet appareil, on règle le diaphragme en fonction de la sensibilité de la pellicule. Il ne reste à l'enfant qu'à régler la vitesse, exprimée simultanément en chiffres et en symboles :
Et il faut, à chaque
photo, régler la distance, bien entendu. Il faut donc tester l'appareil, surtout pour
l'utilisation de la trousse permettant d'obtenir des diapositives noir et blanc à partir
d'un film noir et blanc normal et pour des cas limites (photos en intérieur sombre, sans
flash, par exemple). Tâtonnements nécessaires et éducatifs. Les enfants sont donc
encouragés à doubler leurs photos, en prenant des réglages différents. Les résultats
sont critiqués ensuite.
JANVIER-FÉVRIER -
LES CONTRATS
Après Emmanuelle, Lydie
et Isabelle prennent pour contrat : « Les services administratifs publics ou privés du
quartier ». Bien reçues au Crédit Agricole, à la Caisse d'Épargne et à l'annexe de
l'Hôtel de Ville, elles ont été rudoyées et évincées aux P.T.T.
Arnaud, à son tour prend
pour contrat la mairie du village où il habite. Réussite. Puis Joël et Ludovic : « une
ferme ». Demi-réussite : les photos prises à l'intérieur des étables sont sombres...
Mais il y a de nombreux
autres candidats qui piaffent d'impatience, trouvant que l'appareil ne circule pas assez
vite.
Il est vrai qu'une
équipe conserve souvent l'appareil une semaine : il faut trouver le temps de la prise de
vues, ensuite l'heure de développement, l'heure de mise en forme pour la présentation,
et, enfin, la présentation à la classe.
FIN FÉVRIER : LA VIDÉO... ET LA
SUITE
C'est à ce moment qu'une
deuxième aventure s'enclenche. La Bibliothèque Municipale propose son matériel de
vidéo. Les élèves de 5e sont tentés, mais, ne sachant que faire, ne sont
pas décidés. Toujours ce même cercle...
Nous les mettons d'office
devant les appareils et l'enthousiasme s'allume. On va chercher le prof de français qui
doit faire son cours dans l'heure suivante et elle s'inclut dans l'équipe.
Certains se serviront de
la vidéo pour réaliser des reportages, d'autres pour enregistrer leurs créations en
théâtre.
Mais la vidéo de la
Bibliothèque Municipale n'est pas toujours libre. C'est alors qu'ils (re)découvrent la
minicassette et l'appareil photo.
Première équipe :
Nicole, Nathalie choisissent pour contrat « l'usage des médicaments ». Elles ont
contacté pharmacien, médecin, mères de famille enfants, public de la rue. Le pharmacien
leur a dit « Je ne vois pas très bien le rapport avec vos leçons d'Histoire ».
IL FAUT MAINTENANT
DÉMONTRER EN QUOI L'AUDIOVISUEL EST l'INSTRUMENT DES SCIENCES HUMAINES.
Gabriel Barrier
En dehors même de tous
les problèmes matériels, organisationnels et institutionnels que pose l'introduction de
telles activités dans les structures d'un collège « classique », un tel témoignage
soulève clairement deux questions importantes :
- Quel est le « support
» le mieux adapté : une fois dépassé l'attrait quelque peu magique de la vidéo, n'y
a-t-il pas des techniques plus simples, plus aisées à mettre en oeuvre et parfois mieux
adaptées pour ce que l'on veut dire ou transmettre ? Nous y reviendrons plus loin.
- Comment intervenir,
comment aider, permettre les apprentissages nécessaires pour accéder à l'expression par
l'audiovisuel ?
En effet, chercher à
permettre aux enfants et aux adolescents de s'exprimer par des moyens audiovisuels et de
produire un message à la fois et « reçu » par ses destinataires, exige une « part du
maître » beaucoup plus délicate, qu'il conviendra d'analyser plus en détail.
Dans chaque cas, le
problème pour moi, en tant qu'animateur, a toujours été celui de la « part du maître
», dans une démarche que je voulais conforme à Ma conception de la Pédagogie Freinet.
En introduisant des
techniques telles que l'audiovisuel, ne se trouve-t-on pas en permanence sur la corde
raide, pour concilier deux grands principes fondamentaux de cette pédagogie :
- Apprentissage par
tâtonnement expérimental,
- Pédagogie de la
réussite.
Compte tenu des
contraintes de temps - et souvent de lieux et de moyens - dans lesquelles on est
généralement placé, compte tenu du fait qu'il s'agit d'apprentissages dans lesquels la
place du tâtonnement expérimental est difficile à situer dans certains domaines, sans
prendre des risques d'échec total ou partiel (qui se révèlent souvent
démobilisateurs), sans parler des défaillances ou des détériorations subies par le
matériel :
- Quand et où situer son
intervention ?
- Jusqu'où laisser les
apprentis tâtonner, se dépatouiller ?
- Comment assumer
l'éventualité d'une quête qui se révélerait totalement infructueuse ?
- Comment amener le
groupe à considérer ses échecs comme positif dans sa marche vers l'appropriation des
outils ?
Ma seule ligne de
conduite constante a été, je crois, de donner à chaque fois les « coups de pouce »
nécessaires pour que, à l'échéance fixée, il y ait toujours quelque chose à montrer,
mais en même temps de donner aux groupes des éléments pour analyser les raisons des
échecs, tant il m'est apparu vrai qu'une erreur a moins de chance de se reproduire si,
ayant pu accepter la déception de l'instant, on avait pu comprendre les causes et
apprendre comment éviter cette erreur.
Xavier Nicquevert
Quels supports
audiovisuels, pour quels types de communication,dexpression et d'apprentissage ?
Donnez les appareils,
pour que l'enfant vive :
- le théâtre par
l'atelier,
- la mathématique par
l'atelier,
- le cinéma par
l'atelier...
Quand on pense que
certains critiquent la télévision par le langage... Ils disent : « on va étudier le
langage télévisé ».
NON, c'est la CAMÉRA...
Mettez la caméra dans la
main des enfants et quand ils auront filmé, ils sauront ce que c'est que mentir, ils
sauront ce que c'est que s'exprimer, et déjà toute la télévision pâlit...
Paul Delbasty
Nous sommes allés en
vendange. Jean-Pierre et Marie-Odile ont enregistré le pressoir, le bruit du jus qui
coule, l'ambiance dans la vigne, les exclamations et les silences des travailleurs.
Gérard a fait un schéma la coupe du pressoir, après en avoir parlé avec le vigneron.
Paul a pris des photos. Patrick écrira les circonstances de la visite et Corinne fera un tableau clair des poids et prix du raisin.
Jean-Paul, Nathalie et MarieAgnès, aidés par le maître, ont dessiné un organigramme
général des activités de la vendange et des travaux nécessaires pour fabriquer le
champagne (ce qui fera l'objet d'une autre étude).
Si chaque enfant pouvait, petit à
petit, acquérir la réelle maîtrise de tous ces langages, de quelles armes puissantes
nous les doterions Quelle qualité d'autonomie atteindraient-ils
Pierre Guérin
Si nous rapprochons ici ces deux citations, c'est essentiellement pour insister à nouveau sur l'importance de la définition des intentions : nous avons bien vu, à travers tous les exemples précédents à quel point, plus que tout autre outil d'expression, l'outil audiovisuel est un moyen privilégié de communication, mais aussi de démystification.
Un dossier sur « Le
cinéma à l'école » publié dans L'Éducateur en mars 1979 s'ouvrait par cette
justification de Jacques Labarre :
Pourquoi le cinéma dans
la classe ?
Il semble tout d'abord
que le choix de cette technique est dû à un grand intérêt de ma part et à l'idée que
cela m'aiderait à résoudre les problèmes d'expression de mes élèves.
Il m'apparaît de plus en
plus évident que les adolescents de C.P.P.N., au moins dans l'établissement où
j'exerce, sont tout à fait bloqués dans l'utilisation des techniques « scolaires »
d'expression telles que l'écriture et le dessin.
J'ai essayé de trouver
dans des techniques utilisant des outils assez fascinants tels que caméra, magnétophone,
appareil photo, stimuli qui feraient resurgir ces enthousiasmes si souvent menacés chez
nos élèves.
Pourquoi le cinéma ?
D'abord parce que nous ne
disposons pas au C.E.S. de matériel vidéo... sinon cela aurait sans doute donné une
toute autre orientation à nos travaux, bien que les utilisations que nous avons faites au
Centre du Mans semblent poser bien des problèmes. Sans doute ces outils sont-ils plus
complémentaires que concurrentiels.
Insistant sur
l'importance de cette démystification, il poursuit
Il serait temps de ne
plus se fermer les yeux sur la réalité de l'importance de l'image et du signe, et de se
réfugier dans des livres qui paraissent de plus en plus désuets dans la vie quotidienne.
Il ne s'agit pas non plus de faire de l'image une panacée, les deux types de
communication ont leur place, mais de fait et sans que l'école n'y puisse rien, l'image
« prend le dessus », et parfois bien à tort. Si nous refusons par notre mutisme
d'éveiller le sens critique des adolescents sur les images qu'ils reçoivent partout
autour d'eux, si nous refusons de leur apprendre certaines techniques simples, la
fabrication de celles-ci, nous nous faisons complices de toutes les aliénations que les
détenteurs de ce savoir veulent installer. Je pense en ce moment aux affiches
électorales où le portrait séduisant et en couleurs des candidats (de tous les partis
d'ailleurs), s'installe à la place de leurs programmes, ou à ces publicités de chez
Total où l'on parle de verdure, de romantisme, de bonhomie pour vendre de l'essence.
Ce sont sans doute aussi
ces raisons qui m'ont amené à utiliser le cinéma, mais je suis persuadé qu'on peut
aussi atteindre ces objectifs avec la photographie, le matériel vidéo ou tous autres
outils utilisés par les média.
Alors : « qu'importe le
moyen » : ils sont tous propres à permettre d'atteindre le but visé ?
Est-ce que tous ces
outils, tous ces « supports » ont exactement la même fonction, le même impact ?
Plus que toute autre,
la communication audiovisuelle n'existe que si elle peut être véhiculée par un ou des
appareils qui la recueillent, la diffusent, l'amplifient, la multiplient. Elle en est donc
étroitement tributaire.
Mais le but de ce modeste
ouvrage n'est pas de tenter un inventaire comparatif de tous les supports audiovisuels
existants ou à venir avec leurs avantages et leurs inconvénients, leurs performances ou
leurs spécificités technologiques. Nous voudrions plutôt demander pour quelques
instants le DROIT de RÊVER.
Imaginons donc que (les « choses ayant
réellement changé ») chaque établissement scolaire possède une dotation en matériel
permettant un choix des matériels à utiliser non plus par « ce que l'on peut avoir sous
la main », mais par la nature même du message à réaliser ou par le projet éducatif
dans lequel s'intégreront des éléments audiovisuels.
Alors, la question sera
de savoir si le diapo-son, la vidéo, ou le cinéma, ou plutôt un album ou des panneaux
de photos, ou le son seul sera le « véhicule » le mieux approprié au projet, en dehors
des contraintes économiques (lesquelles ont, néanmoins des aspects très formateurs).
Claude Curbale, quant à
lui, pense que cinéma et télévision sont « proches cousins », mais qu'ils doivent
vivre chacun leur vie propre :
« L'image ciné, même
en super 8, a pour l'instant une meilleure définition. Elle est plus lisible que l'image
vidéo. Cette dernière s'adresse à quelques personnes, alors que l'image ciné projetée
sur un écran peut atteindre un groupe important. C'est vrai que l'image vidéo est un
super moyen de tâtonnement... »
N'a-t-on pas trouvé dans
la vidéo l'outil rêvé de découverte et d'appropriation par la pratique, du
langage audiovisuel, et ce dans la forme la plus élaborée ?
En effet, ne
voilà-t-il pas enfin - sur le même support - la possibilité d'enregistrer :
- Des images en
mouvement et en couleurs, avec une facilité qui se rapproche de plus en plus de celle du
super 8.
- Le son parfaitement
synchronisé avec le mouvement, dans l'ambiance réelle.
Et, merveille des
merveilles, sans attendre un quelconque développement, il suffit de revenir en arrière,
comme avec le magnétophone, pour « visionner » la séquence enregistrée.
Plus fort encore : à
l'heure actuelle, le plus modeste magnétoscope de type « grand public » se laisse «
traverser » pour transmettre l'image électronique captée par la caméra sur un
téléviseur ordinaire.
Alors, à nous de
déceler - en direct, même si nous le voulons les erreurs, et de reprendre autant
de fois que nécessaire : une bande dure 3 heures et on peut réeffacer
Oui, mais : « ne
devons-nous faire que des tâtonnements ? » se demande C. Curbale, qui ajoute :
« Je pense que le
cinéma, par la cherté même de la pellicule qu'il faut économiser à tout prix, donne
aux images un rythme bien plus percutant que celui des images vidéo qui s'étirent en
longueur et en langueur du fait de leur support bon marché ! »
Nous reviendrons plus
loin sur cet intérêt éducatif de l'exigence d'économie dans le cinéma tel que
l'utilise C. Curbale qui reconnaît cependant que, dans le présent, la vidéo est
idéale :
« - comme outil de
tâtonnement
- pour la circulation
des images « à bon marché »
- pour la confirmation
immédiate des résultats ».
La tentation était
donc très forte d'essayer. Mais la rareté des matériels existant - souvent peu fiables,
peu pratiques et difficiles à se procurer sans-le-«
technicien-qui-seul-compétent-peut-faire-marcher-les-machines » - nous ont longtemps
empêché de vérifier comme nous l'aurions voulu cette hypothèse, avec des enfants, des
adolescents ou des adultes.
La « remise entre les
mains » d'un matériel vidéo à un public « non initié » est devenue maintenant une
pratique courante. C'est même une technique d'animation socio-culturelle très
répandue dans certains pays où l'on ne craint pas trop cette « expression démocratique
spontanée ».
Mais il serait
intéressant d'analyser quelle peut être la place de la vidéo dans ce processus
d'appropriation des langages audiovisuels par la pratique.
L'un des terrains
privilégiés d'utilisation de la vidéo pourrait bien être, à l'instar de Jacques
Labarre avec ses classes de C.P.P.N., les stages « d'insertion sociale et
professionnelle », qui accueillent souvent des jeunes issus de telles classes, et qui
sont donc pour leur grande majorité, en rupture avec toutes les formes d'expression
écrite.
Conseiller en formation
continue, X. Nicquevert a souvent l'occasion d'intervenir dans de tels stages :
La première
préoccupation des formateurs est de rechercher tout ce qui peut concourir à permettre la
constitution du groupe et surtout débloquer l'expression.
On pense donc tout
naturellement à la vidéo, avec cette idée que les jeunes vont s'en emparer que... il en
sortira bien quelque chose. Mais, la plupart du temps, ce qui « sort » est assez
décevant et peut, en tout cas difficilement sortir du cercle d'origine : on retrouve
évidemment cette « langueur » et cette « longueur » que critique C. Curbale,
mais surtout « on n'entend rien », c'est souvent flou ou ça bouge trop. Ou encore
: celui qui était à la caméra arrêtait de filmer alors que la personne qui parlait
n'avait pas fini sa phrase, ou bien, tout à coup s'est mis à filmer tout à fait autre
chose qui détourne complètement l'attention par rapport à ce qui est dit.
Toutes ces expériences
sont, en soi, très intéressantes et peuvent tout à fait entrer dans un processus de
tâtonnement expérimental.
A condition, là
comme ailleurs, qu'il y ait véritablement tâtonnement EXPÉRIMENTAL, c'est-à-dire une
analyse des défauts constatés, en essayant de trouver leurs causes, de manière à
pouvoir les éviter et, si possible, s'y prendre autrement, ou bien savoir que compte tenu
du matériel dont on dispose, il n'y a pas moyen de faire autrement, sauf à modifier
certaines conditions.
Ainsi, dans un stage
« Jeunes femmes » à Orange, où le formateur avait demandé mon aide, un groupe avait
décidé de réaliser en extérieur une séquence de « caméra invisible ». L'idée
était bonne, mais je soupçonne le formateur de n'y être pas complètement étranger.
Le projet était de
poster une fille maghrébine, sur un banc dans un jardin public, dans un endroit
suffisamment passager pour qu elle attire des passants (mâles), se laisse « draguer »
et qu'une copine arrive et lui fasse une scène en l'accusant de lui avoir pris son
copain.
On voit tout de suite
pointer /à derrière les techniques du « théâtre de l'opprimé » dAugusto Boal. Mais
les filles avaient surtout retenu l'aspect « caméra invisible », comme à la télé,
bien entendu.
Les difficultés
commencèrent dès le choix des lieux : où cacher cette fameuse caméra ?Il fallait, bien
sûr être loin, pour ne pas être remarqué. Ah oui, mais alors, quand on est loin, on
voit mal, même en « zoomant » au maximum. Et le son ? On veut entendre ce qui va se
dire. Et le micro est sur la caméra... pas moyen de « tirer un fil » pour se
rapprocher...
La tentative a donc
été faite quand même, puisqu'elles y tenaient: à la terrasse d'un café, et tout un
groupe de filles, parce que, devant la situation réelle, aucune n'acceptait de se lancer
seule... Les images furent acceptables techniquement; on voyait le groupe. Mais c'était
vite lassant : pas de changement de point de vue, ni de cadrage, toujours les mêmes
personnages de dos... Par contre, le son, n'en parlons pas : parfait, quant à l'ambiance
de la rue...
Comme ça, pour le
prestige a posteriori, je m'étais risqué à poser quelques questions du genre : « Vous
ne pensez pas qu'on n'entendra pas grand chose ? »
Mais je savais bien que
seule l'expérience pouvait les convaincre que leur projet n'était pas réalisable avec
les moyens dont elles disposaient. Je ne crois pas que cela puisse « traumatiser » au
point dôter l'envie de refaire autre chose. Au contraire, c'est bien souvent le
moyen de faire prendre conscience de la nécessité d'un minimum d'apprentissages.
Avant l'apparition de la
vidéo « grand public » jutilisais le plus souvent la diapositive - d'abord noir
et blanc, puis couleurs - dans le but de sensibiliser aux problèmes d'angles de prise de
vue, cadrages, profondeur de champ... Nous partions à la « chasse aux images » et je
demandais de photographier un même sujet sous différents angles, avec des réglages
différents du couple « diaphragme- vitesse », et lorsque nous avions les appareils le
permettant, avec différentes focales d'objectifs, en notant, pour chacun les conditions
de prise de vue. Je me suis dit qu'il devait être possible de raccourcir cela, et,
justement de permettre un tâtonnement expérimental instantané ou presque avec la
vidéo.
J'ai donc essayé de
faire la même chose avec un magnétoscope portable en mettant en place un dispositif de
contrôle instantané de l'image produite sur un moniteur qui donne une image bien plus
grande que celle obtenue dans le viseur. Je peux dire que ce système est extrêmement
efficace pour faire comprendre les notions de cadrage : plongée, contre plongée... et de
focale de l'objectif : grand angle, télé-objectif... Mais l'expérience m'a conduit à
être assez strict sur certaines consignes : la caméra est fixée sur un pied, chaque vue
est prise d'abord sans aucun mouvement de caméra.
Je suis également
arrivé à penser qu'un passage par de tels exercices un peu systématiques était
nécessaire lorsqu'était dépassé le stade « narcissique » pendant lequel il est
inutile d'essayer de demander davantage que de « faire joujou avec le matériel » tout
en se familiarisant avec le retour de sa propre image sous cette forme inhabituelle. Cette
phase reste bien évidemment tout à fait essentielle et même très délicate, la vidéo
ayant ici un impact beaucoup plus fort que tous les autres médias.
Une deuxième phase à
dépasser, c'est bien souvent l'envie de faire comme à la télé. Quoi de plus normal,
/à encore !
Ce n'est pas le lieu ici
de redire toute l'importance, mais aussi la délicatesse de la part de l'adulte pour
amener un groupe à dépasser cela et parvenir à ses propres expressions.
Et c'est précisément
dans ce domaine que je me demande s'il n'est pas intéressant de recourir à d'autres
formes d'expression et de communication audiovisuelle »
N'est-ce pas également
l'avis de C. Curbale lorsqu'il proclame : (1)
Voir
B.T.J. n° 200 « Notre cinéma à nous ».
La CAMÉRA est à la
TÉLÉ ce que L'IMPRIMERIE est au LIVRE. Elle donne une autre
dimension au langage plastique - au langage oral ou écrit - au langage sonore parce
qu'elle les associe et les entraîne dans le mouvement.
Comme ailleurs sans
doute, se pressent dans ma classe, des enfants nés sous l'étrange signe de la télé.
Des enfants de Nounours, de Kiri le clown, de Pépin la Bulle, du Manège enchanté, de la
publicité... que sais-je encore ! Ne vous ont-ils pas dit : « Monsieur, (ou maîtresse),
hier à la télé... » Ils avaient observé le monde en images.
Ces enfants de nos
classes...
« ... Ils sont le
bataillon local de lourde écoute
Sous le hérissement des antennes râteaux
Qui ramènent les foins d'ailleurs à leurs coteaux ».
Hervé Bazin
Ces enfants, j'ai
voulu et je veux, puisque c'est mon métier - les aider à se former, penser,
sentir, communiquer avec les autres.
A l'exemple de Freinet
qui avait sciemment démystifié/démythifié le LIVRE et L'IMPRIMERIE, j'ai introduit,
pour démystifier/démythifier la TÉLÉ, cette imprimerie moderne qu'est la CAMÉRA dans
ma classe.
Et, avec le désir est
entré le plaisir. Le réel s'est mêlé à l'imaginaire en devenant un outil de
développement intellectuel et affectif. C'est ainsi qu'a commencé l'aventure des IMAGES
et des MOTS.
Si vous saviez
l'intérêt et la force des images créatrices de sensations
Réaliser un film c'est
écrire un poème. Évasion certes, et si nous nous échappons ce n'est pas pour oublier
le quotidien mais pour mieux le comprendre et le dominer. Nous possédons la clé d'un
monde magique qui anime le papier, donne vie au dessin et dispose des « êtres » et des
choses en les faisant : avancer - avancer/reculer - sauter/plonger se lever/se coucher -
rire/pleurer -laver le linge plus noir - agrandir les pulls.. .
Voici un aspect très
important : l'accès concret au langage cinématographique par la découverte des
trucages, notamment, que ne permet pas du tout - ou très peu actuellement - le matériel
vidéo courant. A ce point de vue, on a peut-être rangé un peu vite dans les placards et
presque les vitrines de musées - les caméras simples qui permettent tout cela.
L'animation d'objets
Ce peut être un point de
départ intéressant pour familiariser les enfants avec les secrets de l'image animée. Ce
procédé ne limite en rien l'imagination des enfants : ils arrivent vite à créer une
histoire où les personnages sont des jetons de couleurs, des allumettes, des boutons, des
fils, etc. Ils parviennent également très vite à « faire vivre » des poudres de
couleurs ou de la pâte à modeler.
Dans un premier essai, il
peut être intéressant de remarquer les différences obtenues en filmant image par image,
puis deux par deux, trois par trois... Là encore, il est important de noter tout ce que
l'on fait, pour pouvoir comparer à la projection.
Le cinéma d'animation :
On peut travailler sur un
décor fixe où s'animeront des personnages ou des animaux, ou sur un décor mobile (qui
se déroule en utilisant un statif). L'essentiel est de ne pas « voir trop grand » : il
faut un très grand nombre de dessins variant très peu de l'un à l'autre (18 images par
seconde au moins !)
Si l'accès à l'image en
mouvement, par le cinéma ou par la vidéo est très important dans un but de
démystification des grands médias actuels, on peut se demander si l'appropriation de
l'image fixe, là encore dans une démarche de production par les enfants et les
adolescents eux-mêmes, ne constituent pas un passage privilégié, de même que l'école
du son reste et restera, selon nous la meilleure voie pour une éducation de l'oreille
et même pour un apprentissage de toute technique de montage audiovisuel.
Nous avons été très
souvent frappés - et les professionnels peut-être davantage encore - des critiques
émises par des enfants sur des films produits par des professionnels et qui mettaient en
évidence les insuffisances du son par rapport aux images.
Il ne s'agit donc pas
d'établir on ne sait trop quelle hiérarchie entre les différents supports, ou de
considérer l'un d'eux comme dépassé par rapport à un autre plus nouveau, et donc,
apparemment plus « performant ». Ainsi, comme pour le magnétophone qui permet la
meilleure approche de la communication par le son, la photographie garde, évidemment
toute son efficacité pour une approche du message de l'image fixe et peut-être même de
l'image en mouvement.
C'est pourquoi notre
choix de départ a été la diapositive noir et blanc - Parce qu'elle n'exige que des
investissements limités.
- Parce que, lorsqu'on
utilise des appareils simples, les tâtonnements « technologiques » sont limités et
permettent donc de se préoccuper principalement de l'image que l'on veut construire.
- Parce que le
développement en est simple et peut être réalisé par les enfants eux-mêmes dès le
cours moyen. Ce qui permet, une heure et demie après les prises de vues d'avoir les
résultats.
- Parce que c'est une
école de rigueur : c'est à la prise de vue qu'il faut avoir conçu l'image. La
projection permettra une critique et une découverte progressive de certains principes de
construction ou de composition de l'image.
- Parce que c'est un
facilitateur d'échanges : grâce à la grande dimension de l'image projetée, elle est
visible par tout le groupe. Elle devient donc moyen d'échanges entre les membres de ce
groupe. La pratique de telles séances où l'on étudie les travaux des membres du groupe
est extrêmement enrichissante. Les progrès sont rapides. Cet apprentissage en commun
ouvre aussi d'autres perspectives : on y prend l'habitude d'observer d'un ceil critique
une image venue d'ailleurs.
- Parce qu'elle contribue
efficacement à la formation esthétique, à l'éveil de la sensibilité. Elle focalise
l'attention sur le jeu des lignes, des formes, des lumières et laisse une large place à
l'imaginaire.
Associée à une bande
magnétique bien montée, elle permet également une excellente sensibilisation au
problème du rapport son-image trop souvent négligé par des photographes qui se
contentent de « sonoriser » leurs diapositives ou d'en faire un commentaire qui ne fait,
la plupart du temps, que répéter ce qu'exprime l'image.
Mais pourquoi pas la
couleur ? Notamment avec des adolescents, lorsqu'une certaine maîtrise des techniques de
prise de vue a été acquise.
La diapositive n'est
cependant pas un choix exclusif. Bien au contraire, l'image sur papier a, elle aussi ses
caractéristiques. Elle reste irremplaçable dans les échanges par correspondance, dans
tout ce qui nécessite un compte rendu, que ce soit celui d'une visite, ou d'un voyage ou
d'un séjour en classe transplantée.
L'audiovisuel est un outil de découverte d'autres temps, d'autres lieux et
d'autres milieux.
L'acquisition de nouveaux
savoirs permet bien évidemment d'élargir son champ d'investigation et de communication.
L'enfant, s'il aime
effectuer des recherches, découvrir par lui-même, se construire en multipliant ses
expériences, désire aussi s'approprier l'expérience des autres pour hâter sa propre
évolution. Il peut prendre connaissance de ce « savoir et savoir faire » par un contact
direct, mais aussi en utilisant de la documentation. Cette présence autour de l'enfant,
peut être plus ou moins enrichissante pour lui, suivant la manière dont il en prendra
connaissance et selon les caractéristiques du document.
En ce domaine, notre
mouvement a réussi à définir et à promouvoir un certain type de documentation
audiovisuelle. Cette ceuvre coopérative a été possible, parce que dans des classes se
pratiquait un audiovisuel au service de l'expression libre des enfants et que des
structures permettaient de centraliser des réalisations et de les mettre en valeur.
Contrairement à la
majorité des collections documentaires existantes réalisées pour le maître, notre
documentation est faite avec les enfants et elle lui apporte des réponses à ses
interrogations dans une expression qui lui est accessible et lui fournit simultanément
des ouvertures et de nouvelles pistes de recherches. Les documents audiovisuels de la
Bibliothèque de Travail se présentent sous forme de documents sonores en partie
illustrés par des diapositives et accompagnés d'une brochure ellemême illustrée.
La documentation
audiovisuelle de lI.C.E.M.
Aucun album n'est
rigoureusement identique aux autres dans sa conception. On peut cependant distinguer :
1. Une série : reportages
: des prises de son et des prises de vue réalisées en situation. En pêche sur un
chalutier (n° 868), Dans la mine (n° 892).
2. Une série : regards
sur le passé : par ceux qui ont vécu depuis un siècle. Soldats de 14-18 (n° 880).
Quand le moteur c'était le cheval (n° 884). Naissance et petite enfance autrefois (n°
897-898).
3. Une série : des
enfants se racontent : Nous vivons en banlieue (n° 879). Vivre à la campagne
aujourd'hui (n° 893).
4. Une série : rencontre
des enfants avec une personnalité ayant une expérience exceptionnelle et capable
d'apporter les dernières réponses de la science moderne : Les origines de l'homme
avec Yves Coppens du Musée de l'Homme (n° 870). Origines de la vie avec Joël de Rosnay
(n° 872). Jean Rostand, Haroun Tazieff, Henri Laborit, Charles Fehrenbach, Paul-Émile
Victor, Robert Gessain, Philippe Taquet, Jacques Tixier préhistorien, etc.
NAISSANCE D'UNE B.T.
Son
Pour bien montrer les
liaisons étroites entre le travail audiovisuel quotidien d'expression de la classe et la
documentation voici une rapide esquisse de la genèse de l'album n° 893 Vivre à la
campagne aujourd'hui, réalisé par les enfants du cours élémentaire de Mézilles en
Puisaye dans l'Yonne avec leur instituteur Daniel Carré. Les archives sonores de cette
classe, étaient riches de documents collectés lors des trois dernières années.
a) Enregistrements
d'enfants discutant de leur vie de jeunes campagnards
- l'environnement de
forêts et d'étangs avec les animaux, hérons, sangliers, renards, etc.
- la ferme et les
activités agricoles auxquelles très jeune l'enfant participe
- les conséquences de la
vie en région et habitat dispersé. Les « voisins » à 500 m ou 1 km, le ramassage
scolaire, la tournée des commerçants, etc.
- le bourg où vivent
d'autres campagnards qui ne sont pas des agriculteurs u rs.
b) Enregistrements
effectués en enquête par les enfants s'intéressant aux artisans et commerçants : le
boucher, le boulanger, le « coop », le maréchal ferrant, le coiffeur, café, tabac, le
bûcheron en pleine forêt et divers agriculteurs, mais aussi à la vie de la commune en
la personne du maire, du facteur, des pompiers.
L'exploitation normale de
toutes ces quêtes d'information a conduit la classe à s'intéresser au plan cadastral,
aux cartes et photos aériennes de la commune, à conduire des enquêtes plus précises
sur les origines des nouveaux habitants, le lieu de naissance de leurs parents, les
activités agricoles, les itinéraires du facteur, du boulanger, de l'épicier, la liste
des lieux où s'effectuent les différents achats en alimentation, habits, ménagers, etc.
par commerçant ambulant, au supermarché de la ville voisine, dans les boutiques du
bourg, etc.
D'autres enquêtes plus
précises sur les activités agricoles, les différents types de fermes, etc.
Rassemblées et mises en
forme dans une structure d'édition toutes ces archives nées de la classe constituent une
étude remarquable de la vie dans un village de bocage où l'habitat est dispersé. Elles
nous proposent de multiples informations sensibles qui nous font pénétrer dans
l'intimité des campagnards, nous font prendre conscience de leurs joies et de leurs
difficultés, des informations qui nous interrogent et nous obligent à nuancer nos
perceptions a priori sur un mode de vie qui n'est pas le nôtre.
En ce sens la
documentation joue un rôle éducatif essentiel mais elle est aussi une somme de
témoignages historiques dépassant l'audience scolaire. C'est certainement pourquoi notre
documentation a été remarquée par des professionnels de la communication audiovisuelle.
L'académie Charles Cros a récemment encore, en 1983, décerné un grand prix du disque
à un ensemble de 8 cassettes produit par Radio France avec nos archives sonores : 5
heures de documents sur la vie depuis le début du siècle, 3 heures d'expression libre
d'enfants sur leur perception du monde qui les entoure.
NOS RELATIONS AVEC LES
CHERCHEURS
Nous estimons que notre
collection doit aussi couvrir des sujets que le hasard des glanes n'a pas apportés, nous
mettons alors ceux-ci en chantier : exemple 1936 et la condition ouvrière à cette
époque, les origines du monde, de la Vie, de l'Homme, questions qui reviennent sans cesse
dans la bouche des enfants ou dans les boîtes à questions, etc.
Dans ce cas, des
camarades orientent particulièrement leurs efforts en ce sens.
En faisant participer les
enfants aux interviewes et enquêtes, on réussit à ce que les adultes questionnés
s'adressent « naturellement » à des enfants et en un niveau de langage et de
communication qui leur est accessible. Nous faisons souvent appel à nos collègues du
C.N.R.S., très heureux de vulgariser leurs recherches.
Il faut ajouter que la
mise au point ultérieure de l'ensemble audiovisuel et du livret s'effectue aussi
OBLIGATOIREMENT en accord avec les personnes qui se sont exprimées. En aucun cas nous ne
pouvons disposer à notre gré de leur opinion pour la modifier, la tronquer, la
déformer. De plus, le refus de tout endoctrinement par l'information est présent à
notre esprit ; l'information doit provoquer la réflexion, et pour cela nous nous
efforçons d'en saisir les diverses facettes (ce qui est parfois difficile).
Lorsque les
interlocuteurs des enfants parlent de leur vie, de leur expérience, ils forcent
l'intérêt de ceux qui utiliseront cette documentation, car c'est l'Homme qui répond,
l'Homme avec ses sûretés, ses contradictions, ses interrogations. C'est l'essentiel.
Les premières B.T. Son
naquirent en 1960, elles bénéficient donc maintenant d'une longue expérience, non
seulement dans leur mode d'élaboration, tel que l'exemple ci-dessus le montre, mais dans
leur présentation. Elles se présentent actuellement sous forme d'un ensemble
multisupport qui permet des utilisations encore plus diversifiées et plus adaptées aux
objectifs, aux besoins et aux moyens des classes. Dans cet ensemble, chaque élément a sa
fonction propre :
1. Le son. 1 cassette
de 45 minutes.
Il est le témoignage
d'une relation de qualité qui s'établit toujours entre ceux qui interrogent - enfants et
adultes - et ceux qui apportent une réponse grâce à leur expérience, au savoir de
toute leur vie. Désir profond de se comprendre, de s'approprier les richesses de l'autre.
Pour celui qui questionne, c'est le désir de profiter, pour son propre tâtonnement, de
l'acquis, des interrogations et des doutes de celui qui a eu la possibilité
d'expérimenter et de réfléchir en tel ou tel domaine ; pour celui qui répond, c'est
le désir de bien comprendre le sens des questions qui lui sont adressées et de répondre
dans un langage qui permet la communication sans frelater le sens profond de sa pensée,
sans concession excessive, à la rigueur donc d'affiner aussi ses idées.
Que ce soit une personne
dont l'expérience est reconnue comme exceptionnelle par le grand public ou un « anonyme
» pêcheur breton, un ouvrier imprimeur qui évoque ses débuts en 1930, ou un jeune
agriculteur du marais Poitevin, le caractère de la relation est le même et contient
toute une charge affective. Elle accroche l'intérêt de l'auditeur qui n'a pas assisté
à la rencontre, mais qui se reconnaît, s'identifie avec ceux qui ont pu bénéficier du
contact direct, et cet auditeur a souvent sur les lèvres les mêmes questions.
On peut penser que le
contenu sonore est assez dense. Le montage qui' intervient après les enregistrements a
pour but d'apporter la concision nécessaire pour l'écoute d'un son transmis uniquement
par le haut-parleur, concision qui n'est pas utile pour ceux qui vivent la relation dans
son intégralité, et qui acceptent un certain laxisme dans l'expression orale parce que
d'autres moyens de communication existent entre les interlocuteurs.
De plus, la possibilité
de réécouter le contenu sonore autant de fois qu'on le désire permet une connaissance
plus fine de ce contenu qui résiste à l'usure et permet un niveau de préoccupation
supérieur.
2. Les images
Il nous faut souvent
insister pour bien différencier notre collection des habituels « montages de
diapositives sonorisées », commentés « avec beaucoup de musique derrière » !!!
Les B.T. Son sont des
DOCUMENTS SONORES ILLUSTRÉS ; la nuance est d'importance : ce ne sont pas des
diapositives sonorisées où, généralement, le son est un commentaire auquel - trop
rarement - est ajoutée une ambiance qui souligne tel ou tel passage.
Nous venons d'examiner le
caractère direct et vivant du contenu sonore de nos albums audiovisuels : c'est clair, je
crois, pour qui a écouté plusieurs numéros. Pourquoi avons-nous ajouté un soutien
visuel à nos documents sonores ? Lorsqu'on prétend, par l'audiovisuel, restituer un
environnement éloigné dans l'espace et le temps pour permettre une analyse, il est
préférable d'éliminer les possibilités d'interprétations erronées introduites par le
« théâtre intérieur » de l'auditeur.
Lorsque j'entends
Madame Marty, centenaire dire (B.T. Son n° 823)
« On vivait bien en
ce temps-là (1870), on n'allait pas au boucher tous les jours... » OU : « En
revenant de la foire, on se déchaussait pour économiser les souliers », je pense,
moi, adulte à quelques images dont je me souviens vaguement en feuilletant tel ou tel
livre... je pense à telle ferme du Périgord qui ne semble guère avoir changé, mais
c'est bien flou tout cela ! ...
Nous savons fort bien que
nous n'aimons pas, lorsque nous lisons, ou lorsque nous écoutons une oeuvre musicale, que
l'on nous impose un schéma de pensée par d'autres moyens d'expression... que nous aimons
modifier à loisir ces schémas de pensée. Mais lorsqu'il s'agit de documentation, il
nous semble que le problème est bien différent.
Si, pendant que Madame
Marty parle, on présente pendant un certain temps une photo prise en 1880, sur le pas de
la porte d'une ferme, et où l'on remarque costumes simples, enfants pieds nus, visages de
femmes marqués par le dur labeur, les champs où tout se fait à la main, si l'on examine
ce retour de foire avec ce paysan en blouse, à pied, portant dans ses bras un cochon de
lait, ces quelques phrases prononcées par cette vieille dame prennent immédiatement un
relief qu'elles ne possédaient pas malgré les qualités effectives de l'image sonore.
La série de douze
diapositives de chaque B.T. Son s'harmonise avec le contenu sonore, base de la
documentation, mais il constitue en lui-même un ensemble possédant sa cohérence,
apportant l'essentiel sur le sujet abordé. Il faut proscrire les doubles emplois qui
seraient nécessaires dans un montage présentant de plus nombreuses images, même si
parfois le contenu sonore déborde un peu l'objet précis photographié.
3. Le livret
d'accompagnement
Il apporte des
informations complémentaires à la partie sonore et visuelle de l'album, facilitant leur
accès, fournissant l'explication de mots, des détails de lecture de l'image
insuffisamment éclairés par les propos tenus ; et des pistes d'élargissement de
recherches, et avec référence aux autres sources de documentation.
Le livret permet, sans
perte de temps ni préparation excessive, de profiter pleinement des qualités
spécifiques de l'audiovisuel sans pour cela sacrifier l'orientation fondamentale de notre
pédagogie qui est de mettre l'enfant en contact avec la globalité d'un sujet, dans une
forme et sur des supports comparables à ceux de la vie, et que celui-ci devra
déchiffrer, analyser. Par la suite, l'enfant sera mieux armé pour appréhender avec un
oeil critique et avec plus de bénéfice l'audiovisuel de son époque.
Pourquoi trois
supports ?
Le son et l'image sont
deux voies de communication de l'expérience des autres que nous désirons nous
approprier. Mais toutes les facettes de cette expérience ne sont pas communicables de
cette façon. Nous nous efforçons de véhiculer chaque information par la voie qui lui
convient le mieux.
Pour une communication
dans l'espace et le temps, le texte écrit et la photo imprimée sont aussi à utiliser.
C'est pourquoi les B.T. Son ne peuvent être séparées des autres collections
documentaires B.T. et S. B.T.
Rien ne peut, mieux que
le son, rendre l'ambiance de ce village de la savane africaine, ou nous faire apprécier
ce chant de contestation des pêcheurs bretons asservis aux acheteurs des conserveries, ou
encore permettre à P.-E. Victor de nous initier sommairement à la langue esquimaude.
S'il nous paraît inutile
de consacrer une diapositive à un schéma d'huître ou à celui permettant de comprendre
le décalage horaire entre Paris et New York (documents faciles à se procurer par
ailleurs), par contre, une larve d'huître ou de moule au microscope, ou le poste de
pilotage d'un Boeing 747, des paléontologues dégageant un squelette de dinosaure, cette
vue de l'Inde et de l'Himalaya prise d'un satellite, et permettant d'appréhender la
dérive des continents... ces documents ont bien leur place en diapositives.
UTILISATION DE LA
DOCUMENTATION AUDIOVISUELLE
La présentation sur
trois supports permet une grande souplesse d'emploi, des approches multiples. L'entrée
est toujours possible à tout endroit du son, de l'ensemble image, du livret, selon les
besoins du questionnement initial et la démarche pédagogique adoptée. On peut projeter
les diapositives d'abord, sans le son, discuter sur elles et apporter les images sonores
ensuite. On peut procéder aussi dans un ordre inverse. On peut effectuer la projection en
synchronisation avec la cassette. L'exploration de la vue, selon un rythme assez lent se
substitue alors au schéma personnel échafaudé pendant que la voix et les bruits, de par
leurs qualités agissent sur la sensibilité du spectateur et aident à la compréhension
de la globalité du message. Les pistes d'exploration sont très diverses...
Pierre Guérin
En voici un exemple, à partir de la B.T.
Son n° 864 : « Moutons et bergers des Alpes et des Causses ».
C'est un inventaire des pistes possibles,
ce qui ne signifie pas qu'on doive les exploiter toutes, bien sûr !
Géographie :
- Relief : Alpes du Sud : vues 1, 5, 6
Alpes du Nord : vue 7 - Causses : vue 10 Altitude 900 m : vue 6 -Altitude 2 500 m vue 7.
- Situation : Départements des
Hautes-Alpes : vues 1, 2, 3, 4, 5, 6 - Département de la Savoie : vues 7, 8 -
Département de l'Aveyron : vues 10, 11, 12.
- Végétation : Alpes du Sud : vues 1, 5,
6 (arbres, herbages) - Alpes du Nord : vues 7, 8 (herbages) -Causses : vue 10 (herbage).
- Habitat : Villages des Alpes du Sud :
vue 6 (Etoile-Saint-Cyrice) - Bergerie dans les Alpes du Sud : vue 3 - Bergerie dans les
Causses : vue 11.
- Humaine : types de bergers : La bergère
d'Étoile : vue 1 (Alpes du Sud) - Le berger d'Étoile : vue 6.
Français :
- La langue, langue parlée, les accents :
accent des bergers des Alpes du Sud (disque face 1) - Accent du berger du Midi (en
transhumance) (disque face 11, première partie) - Accent des bergers et ouvriers des
Causses (disque face 11, deuxième partie).
- Les expression régionales :
? « On large les moutons » pour : on
sort les moutons.
? « Le gros fort » pour le moment où
les brebis ont le plus de lait.
- Vocabulaire : gestation, agnelage,
bercail, précipice, transhumance, sonnailles, redons, claps, clavelas, causse, devèze,
lavogne, lactation, affinage, hibernation, congélation.
Sciences
- Fabrication du fromage de Roquefort : le
champignon de fermentation, l'hibernation, la congélation.
- Maladie des moutons - vaccination
(disque).
- Naissance du mouton : vue 2 et disque
(face 1).
- La faune, le mouton, comparaison entre
les races : Préalpes du Sud (vues 1, 2, 3, 4, 5, 6) - mérinos (7, 8) - Lacaune (10, 11).
- Les chèvres (vues 5, 7).
Économie :
- Élevage pour la boucherie, pour le
lait, fabrication du fromage, peaux, gants, mégisserie, laine.
- Élevage de chèvres, lait, chevreaux,
viandes.
Folklore - couturnes :
- Sonnailles (disque face 1 et face 11).
- La transhumance... aujourd'hui (disque
face 11) - hier (disque D.S.B.T. 18 « Histoire de bergers »).
Histoire :
- La vie des bergers autrefois : B.T. Son
n° 864 (face 1) et ses compléments sonores.
Jean-Pierre Jaubert
Et l'ingéniosité permet
de tirer parti de conditions a priori peu favorables et de donner des possibilités
d'individualisation pour écouter, apprendre ou rêver.
Faut-il apprendre aux
enfants et aux adolescents à « lire » l'audiovisuel ?
Il pourra paraître
surprenant que nous posions une telle question au terme d'un livre dans lequel tous les
témoignages montrent assez d'euxmêmes les étonnantes capacités des enfants à
s'approprier ou du moins à réinvestir presque inconsciemment les moyens d'expression et
de communication audiovisuels.
Mais, suffit-il
vraiment d'utiliser pour maîtriser ?
Certes, il a été très
facile de montrer que, ici comme dans bien d'autres domaines d'expression, l'accès au «
faire-soi-même » développe l'intérêt et le désir de comprendre et d'analyser des
messages produits par d'autres, que ce soit en peinture ou en littérature, par exemple.
Nous avons également
l'aspect « démystification » des grands médias télévision, publicité, notamment -
Il est cependant important que nous nous situions très clairement sur cette question,
puisqu'elle commence à être posée publiquement :
« L'audiovisuel doit-il
être un moyen d'étude, de découverte, d'expression et de communication ou un objet
d'enseignement ? »
Pour la plus grande joie
des « faiseurs de manuels », certains universitaires au savoir « scientifique »
prestigieux répondent :
Bien sûr ! Bien sûr !
l'image s'apprend. Il faut l'apprendre pour la prendre. La comprendre. Sinon elle nous
échappe aussi sûrement qu'un drame
lyrique japonais. . .
... La « lecture courante » : jamais expression ne fût mieux venue pour définir un
objectif ! Si les messages iconographiques entrent si souvent dans le procès d'une
communication manquée, la faute en revient d'abord à l'interlocuteur (1).
Ne sommes-nous pas en
pleine scolastique : « La lecture courante » jamais expression ne fut mieux venue pour
définir un objectif ! et « si les messages iconographiques entrent si souvent dans le
procès d'une communication manquée, la faute en revient d'abord à
l'interlocuteur » sous-entendu (voir plus haut) : c'est « inintelligible, faute d'avoir
appris les codes ».
Et puisque, donc, il
FAUT APPRENDRE, alors, il FAUT ENSEIGNER
Sa voir lire l'image,
savoir s'exprimer à travers elle, ne doit pas être le privilège d'une chapelle, mais le
lot commun de tous dans une société en
constante mutation, société où l'enfant vit constamment dans le monde de l'image et
passe plus d'heures devant un récepteur de télévision que face à ses livres de classe,
où l'adulte est également cerné par elle et reçoit du matin au soir des quantités
extraordinaires de messages audiovisuels, où la formation permanente est vouée à
compléter l'instruction, où l'insertion dans le monde doit avoir le pas sur la rigidité
des structures,où la signification fait partie de notre environnement, où la
communication est le grand fait du siècle.
Cela nous fait penser à
ce réalisateur professionnel que l'on nous montrait il y a peu à FR3, qui cependant
mettait déjà davantage en pratique son « enseignement » en installant dans une classe
un dispositif sophistiqué de « circuit fermé de télévision » (où seuls des adultes
- « compétents » - manipulaient les caméras. Et ce, dans le but d'initier les enfants
au « langage télévisuel ». Et le commentateur nous annonçait - avec un rien
d'admiration - que les enfants pourraient accéder dans quelques mois à la
manipulation des appareils, « lorsqu'ils auraient acquis les rudiments » du dit «
langage ». Appliquez, mes petits, nos belles leçons !
Il ajoutait même : «
Lorsqu'ils auront appris à DEVENIR CRÉATEURS », tant il est bien connu, ma brave dame,
qu'un enfant de 8-10 ans, ça ne peut rien exprimer de personnel, avant d'avoir ingurgité
laborieusement les fameux « codes » de l'écriture poétique, de la peinture, du
modelage ou de la danse.
Mais voyons, à nouveau
à travers un exemple, ce qu'il peut en être dans une pédagogie de l'expression et de la
communication.
Après avoir lu :
« L IRE, CES T
VRAIMENT SIMPLE,
Nous avons eu envie de
faire de la LECTURE D'AFFICHE avec les enfants.
Dans ce livre, en effet,
Foucambert insiste sur la nécessité de faire acquérir aux enfants une lecture
rapide, et de leur faire vivre des situations de lectures différentes.
Les enfants sont
confrontés sans cesse à ces situations de lecture d'images et il nous semble important
de chercher à comprendre ce qui se passe dans leur tête lors de ces moments.
Un jour, Lucette s'amène
avec des affiches sur le rugby, chargée par son mari de les placer auprès des copains.
Lisez la suite :
Une précision
matérielle : nous avons présenté les affiches aux enfants du C. P. sans aucun
commentaire ; nous nous sommes contentées de noter leurs remarques. (Ce n'était pas
facile ... ) Dans les témoignages suivants, nos observations sont écrites en retrait.
LUNDI 11 OCTOBRE,
CLASSE DE LILIANE
Marie : Je vois
un cartable et un ballon.
Gali : C'est un
joueur de rugby ; c'est un ballon de rugby. Mon frère en a un.
Thomas : Son
cartable est comme un sac. Il y met ses affaires de rechange.
Marie : Non,
c'est pas vrai, puisqu'on voit ses cahiers.
Sébastien : Il y a un truc pour
faire passer le ballon.
Gali : C'est les
cages de rugby.
Xavier : Je
crois qu'il revient de l'école. Y a des maisons je crois...
Romain Oui,
parce que s'il y allait, on le verrait de dos.
Anne H. Oui, il
y a écrit « école » là.
J'écris « ÉCOLE »,
comme sur l'affiche, puis « école ».
Marie : Il y a
l'église, puis le coq sur le clocher.
Romain : C'est
peut-être une école de sport ? Mes frères sont dans une école de sport.
Anne H. : Non,
parce que dans une école de sport il n'y a pas de cartable avec des cahiers.
Noémie : Y a
même le cahier rouge.
Thomas : C'est
peut-être comme dans notre école. C'est lui qui amène le ballon pour jouer à la
récré.
Je résume tout ce que
l'affiche nous a appris.
Gali : Il a le
coq sur les vêtements, il est de l'équipe de France.
Thomas : Non, il
a les chaussettes rouges et blanches. L'équipe de France, elles sont bleues.
Sébastien : C'est un village. Y a
plein de maisons.
Gali : Il a des
chaussures à crampon.
Je sollicite, et je
montre le cadre de l'affiche :
- « Cherchez aussi à
savoir ce que vous apprend le bas de l'affiche ».
Anne H. : Y a
écrit des choses.
Elle déchiffre
lentement et à voix haute
- « de la vi-e. École
».
Puis elle lit les deux
lignes, hésite un peu sur rugby... « ru »... puis devine rugby.
- « les points, ça
veut dire que c'est fini ».
Gali : J'y
comprends rien, dans ces deux lignes.
Les enfants parlent de
ces deux lignes. Ils n'y comprennent rien.
Xavier : Y a un
vieux, il va mourir.
Gali : On se tue
des fois au rugby. Y en avait un, il avait écrasé la main de l'autre. C'est la mort.
Je donne mon
interprétation des deux lignes
- « C'est au contraire
joyeux, comme la vie. C'est intéressant, la preuve, le garçon est content ».
Les enfants n'ont pas
l'air convaincu.
Deux choses m'ont surtout
frappée :
- La référence
permanente à leur propre vécu.
- Leur capacité
d'analyse, à partir de repères.
A - RÉFÉRENCE A LEUR
PROPRE VÉCU:
C'est un ballon de rugby,
mon frère en a un. Mes frères sont dans une école de sport. Y a même le cahier rouge
(chez nous, c'est le cahier d'écriture). C'est comme dans notre école, c'est lui qui
emmène le ballon pour jouer à la récré.
8 - ANAL YSE DES REPÈRES
PAR LES ENFANTS:
Cette analyse très
rapide (les réparties fusent et l'on a bien du mal à les noter) permet aux enfants
- de décoder le
message.
- De le prolonger par
l'élaboration d'une histoire.
Ils décodent :
C'est un joueur de rugby.
Il a des chaussures à crampons. Il a un coq sur le polo. Ce n'est pas un sac, c'est un
cartable, puisqu'on voit les cahiers. Je crois qu'il revient de l'école. Oui, parce que,
s'il y allait, on le verrait de dos. Il va sûrement pas à l'école. Il y a une maison «
École », derrière. Il va dans l'autre sens. C'est un village : il y a une église avec
un coq.
A partir de ces
informations, ils échafaudent l'histoire :
« Il y a un coq sur les
vêtements : il est de l'équipe de France », information immédiatement rejetée par
Thomas, qui utilise ses connaissances antérieures.
« C'est peut-être une
école de sport, une école de rugby » : tout de suite rejeté : dans une école de
sport, il n'y a pas de cartable ni de cahiers.
« Peut-être qu'il
arrive le dernier et ils ont déjà commencé... »
« Peut-être que c'est
les jours de vacances ».
« Il rigole, parce
qu'il voit ses copains dans la cour ».
Au niveau du message :
Gali : « Je n'y
comprends rien, dans ces deux lignes... »
Ils en ont discuté
longuement (je n'ai pas pu tout transcrire). Mais aucun enfant n'a compris. Ils sont
partis sur « la vie, la mort ». A aucun moment, ils n'ont fait le lien entre l'écriture
et le dessin plein de gaieté, de ce joueur de rugby. C'est peut-être que, pour eux, la
mort n'est pas triste.
Nouvelle séance de
lecture d'affiche, avec ces mêmes enfants de C. P., le 31 janvier :
Il me semble qu'elle
constitue une étape nouvelle pour les enfants, dans leur accession à la maîtrise des
différents langages. Mes remarques précédentes portaient surtout sur :
- L'importance du vécu
personnel de l'enfant, véritable plateforme de lancement dans l'accession à la
communication.
- La rapidité de
l'analyse des repères par les enfants et leur intégration presque immédiate (au niveau
de l'image).
- Et, par opposition, la
difficulté apparente de communication entre les enfants et l'auteur.
Ici, je note :
1. La capacité
d'élaboration d'hypothèses par les enfants, leur faculté d'argumentation
s'appuyant toujours sur un décodage très rapide de l'image.
J'en suis vraiment très
étonnée : pour ma part, je n'avais pas appréhendé ces traits qu'analyse très bien
Mikaël (cette analyse montre d'ailleurs une certaine culture au niveau de l'image, due
probablement à une fréquentation de la bande dessinée) :
« Ca se voit qu'il tombe
: il a des traits derrière... Les bonshommes sont verts, ca laisse la trace en vert, le
camion est rouge, les traits sont rouges » Arguments repris par Xavier :
« Les traits du bonhomme
sont verts, ca montre qu'il tombe ». Et par Thomas, plus loin :
« Les traits verts, ca
veut dire qu'il tombe vite ».
Toute la discussion qui
suit montre très clairement qu'il y a échange au niveau des enfants, véritable
communication, ce qui n'est pas évident, d'ordinaire, au niveau des C.P. Ils sont
sensibles aux arguments des autres, les discutent, les acceptent.
2. La liaison très
nette qui apparaît entre l'image et le code écrit.
On assiste à une
interpénétration réelle entre les deux modes de lecture, l'un s'appuyant sur l'autre,
pour accéder finalement au sens du message. Pendant que certains décodent l'image,
plusieurs autres sont centrés sur le code écrit. Il est vrai que nous ne sommes plus en
début d'année et que de nombreux enfants sont en train d'accéder à la lecture.
C'est vraiment le code écrit qui, là,
donne la clé du message. Les interventions suivantes s'appuient sur cette information
donnée par le code écrit, en l'intégrant pour progresser encore plus vers une
compréhension plus profonde du message. Pour les enfants, le code écrit et l'image
deviennent complémentaires. Ils ont accédé, me semble-t-il, au langage de l'affiche.
Au cours de cette
séance, j'ai mieux senti quelle pouvait être ma part aidante. Alors que je restais
auparavant plutôt extérieure à leur discussion, attentive, mais indécise sur
l'attitude à prendre, spectatrice, en quelque sorte, là, je sentais comment m'insérer
dans la discussion, pour l'aider à se développer positivement, afin qu'elle aboutisse à
la communication avec le message de l'auteur.
Mes interventions se
résument essentiellement à
- Une reformulation
régulière des découvertes, les faisant progressivement évoluer en des acquis.
- Un recentrement de ces
mêmes découvertes, éliminant les parasites, qui, à mon avis, ne menaient qu'à des
impasses A ma première récapitulation, j'ai volontairement laissé tomber leurs
remarques sur l'engin et le camion, pour centrer sur les personnages, ce qui me semblait
plus aidant pour l'accession au message.
Un peu plus loin,
d'autres remarques sur le tracteur sont tombées d'ellesmêmes car Sophie a décodé :
« Passager interdit », ce qui m'a, d'ailleurs évité une nouvelle formulation puisque
l'argumentation des enfants se construisait solidement. Ensuite, il m'était facile de
recentrer sur la question : « Est-il tombé, ou veut-il monter ? »
Lorsque les enfants ont
acquis la conviction que le passager était tombé, je pense que le message était
sous-jacent dans l'esprit des enfants. Ma dernière question en a simplement permis la
verbalisation. Mais il est vrai que la verbalisation est importante puisqu'elle permet la
clarification des notions, en même temps que leur intégration.
Je suis bien consciente
que, si mon intervention s'est ainsi précisée, c'est que les objectifs afférant à la
lecture d'image se clarifient pour moi. D'ailleurs, ce n'est qu'à cette condition que
la part aidante peut se développer, ici comme dans tous les domaines.
Liliane Corre
En général, toute
personne qui produit une image y met une (des) intention(s) qu'elle traduit forcément
à l'aide de techniques et d'outils : quel est donc ce grand photographe qui fut étonné
des analyses et commentaires faits par Roland Barthes sur quelques-uns de ses clichés ?
N'était-il pas hasardeux de transférer les concepts et les outils de la sémiologie du
langage verbal pour une étude systématique du langage « iconique » ?
Néanmoins, sans chercher
à « décoder », « décrypter » une image, n'est-il pas important de la regarder
comme un message, donc de rechercher ce que son auteur nous dit ? C'est très certainement
le souci de Liliane lorsqu'elle parle de « communication entre les enfants et l'auteur
».
Ici, les enfants sont mis
en présence d'un message « image-texte » et, comme toujours dans la pédagogie Freinet,
ils s'expriment en toute liberté sur ce qu'ils voient, sans consigne préalable, ni
même un rappel de la règle habituelle dans tous les échanges : « toutes les opinions
émises sont également respectables ». C'est peut-être bien cette règle (qui s'est
introduite dans la pratique par la vigilance de l'adulte) qui permet ces échanges, ces
tâtonnements par confrontation des idées, suppositions, interprétations et
contradictions conduisant vers une réponse. La démarche n'a donc rien ici d'original,
mais elle a déjà permis de mettre en évidence la capacité des enfants à la
formulation collective d'hypothèses à un stade plus précoce que ne le situe Piaget,
grâce, précisément, à ces échanges dans une démarche de tâtonnement expérimental.
Un des piliers importants
sur lesquels les enfants peuvent s'appuyer dans leur découverte du message de l'image ne
serait-il pas leur propre expérience de producteurs de messages et, là encore, les «
retours » dont peut bénéficier en permanence chacun sur ses productions ?
L'acte créateur et le
tâtonnement expérimental :
L'axiome de la
pédagogie Freinet, c'est que l'acte créateur poussé jusqu'à son aboutissement est,
par lui-même, formateur, alors que l'axiome de l'enseignement traditionnel tient pour
indispensable l'acquisition préalable de certaines techniques :
« Apprends la
grammaire, le solfège, la danse... ensuite, tu pourras t'exprimer ».
Nous refusons de
commencer par les apprentissages techniques, dans tous les domaines de l'expression,
pourquoi en irait-il autrement avec l'audiovisuel ?
Tout comme le petit
découvre la parole et l'écriture et ne parvient que progressivement à se faire
comprendre de n'importe qui, pourquoi ne pourrait-il pas balbutier avec l'appareil
photographique, le magnétophone et la caméra ?
Xavier Nicquevert