POURQUOI ? COMMENT?
Par COLLECTION |
Avertissement
De nombreux ouvrages de qualité existent déjà sur le thème de l'aménagement des cours d'écoles. Aussi n'avons-nous pas voulu refaire le travail et surtout pas livrer des descriptions d'aménagements clés en mains. Notre propos vise à « faire participer tous les usagers de l'école à une oeuvre commune afin d'améliorer la qualité de la vie à l'école,... aider à l'autonomie des enfants qui se voient associés à un tel projet ».
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Plan général POURQUOI ?
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COMMENT ?
21 TÉMOIGNAGES
55 |
Mots-clés
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SOMMAIRE
- POURQUOI aménager la cour d'école ?
- D'abord, pour éviter la coupure classe-cour
- Mais aussi parce que la cour est un lieu privilégié
où les enfants se retrouvent entre eux,
où tous les enfants d'une école peuvent se retrouver,
où ils doivent pouvoir être en situation d'action, de recherche, de communication
- Lieu frontière entre l'imaginaire et le réel
- Lieu de régulation, de récupération d'énergie
- Lieu où dans la globalité de l'affectif, du sensoriel, du social, chaque enfant pourra
se construire, s'exprimer, communiquer
- Parce qu'enfin la cour peut être un lieu qui favorise des
ségrégations et génère la violence, ou devenir un lieu hostile aux plus faibles,
il importe d'y favoriser la construction de règles de vie socialisantes
- L'aménagement de la cour est donc ceuvre d'éducation et ne peut être ni négligé ni
placé au second plan
- Mais COMMENT aménager la
cour de l'école ?
- Agir sur l'espace
- Pour permettre un réel choix d'actions, une communication
- Agir sur l'équipement
- Et la sécurité ?
- Agir sur les règles de vie
- Et le rôle de l'adulte
- Qui doit mettre en route cet aménagement ?
- Qui doit le mettre en uvre ?
- Par quel processus ?
- Avec quels moyens ?
- Quelques fiches
POURQUOI
aménager la cour d'école ?
L'école,
architecturalement parlant doit former un tout. C'est le lieu dans lequel l'enfant passera
6 heures par jour durant 9 mois et ceci pendant les plus importantes années de sa vie, à
savoir celles des imprégnations, apprentissages et découvertes de son propre corps et de
son entourage immédiat; celles aussi où il commencera à domestiquer ou à essayer de
domestiquer le monde physique par ses éléments courants (eau, terre, pierres, etc.).
Les apprentissages et les découvertes,
les besoins et les envies n'étant pas programmables dans le temps ni dans l'espace,
lÉcole-lieu privilégié ne doit pas être fractionné en lieux de travail pénible
contraignant et lieux d'amusements inintéressants dans l'évolution de l'individu.
Dans l'école, la cour n'est trop
souvent qu'un lieu de récréation, un exutoire pour des enfants contraints en classe à
des travaux et à des rythmes mal adaptés, quand ce n'est pas au silence et à
l'immobilité.
La transformation de la vie de la
classe dans le sens d'une pédagogie dynamique proche des réalités, « celle
qui découle des questions de l'enfant à la vie
et de la vie à l'enfant, pédagogie active, du développement et non du
dressage... » (Rapport de la consultation-réflexion nationale sur l'école.) conduit à sortir du cadre étroit de ses
quatre murs, certaines activités trouvant leur place naturelle dans la cour ou amenant à
des allées et venues de la classe à la cour.
L'espace extérieur garde toutefois
son rôle privilégié permettant la détente et les jeux. Mais de même que les classes
s'ouvrent sur elle, la cour, dans les moments de détente et de jeux, trouvera un
prolongement harmonieux dans un accès aux salles de classe, certains enfants pouvant
aller y lire, dessiner, discuter, travailler librement.
Ce décloisonnement progressif des
lieux et de leurs statuts amène une interférence des activités. Celles qui sont vécues
plus librement dans la cour et dans le temps de récréation apporteront des éléments de
travail à la classe. L'ambiance de la classe au travail, moins sèchement scolaire,
transforme l'ambiance de la cour, moins brutalement défouloir. C'est le même enfant qui
passe d'un lieu à l'autre, d'un temps à l'autre, pour des activités plus ou moins
contraignantes. Ce n'est plus un être coupé en deux, ici élève discipliné, là enfant
sauvage.
La cour d'école doit à la fois
répondre aux besoins des enfants et constituer un élément du milieu scolaire.
Voir témoignages pages 64-65
Mais aussi parce que la cour est un lieu privilégié
où les enfants se retrouvent entre
eux
Dans la cour, les enfants se
retrouvent entre eux sans la médiation constante de l'adulte. L'embryon de société
qu'ils forment déjà y génère ses lois propres, sa culture propre, à travers les jeux,
les comptines, les échanges, le langage même, et cela aussi est un apprentissage
important de la vie.
où tous les enfants d'une école
peuvent se retrouver
Grands-petits, filles-garçons, forts-faibles... les groupes se font, se défont, interfèrent, s'influencent, les relations individuelles se nouent.
Chaque âge a sa gamme de jeux, mais les petits sont sollicités par les jeux des grands, les grands consolident leurs acquis, en leur venant en aide, le grand rejeté par sa classe d'âge peut sortir de son isolement en allant vers un groupe de petits, les jeux très fortement connotés traditionnellement masculins ou féminins voient s'installer la mixité.
Par-delà les groupes-classes, peuvent naître et se développer les amitiés entre deux, trois enfants.
Celui qui en éprouve le besoin peut se retrouver seul.
Où ils doivent pouvoir être en situation d'action, de recherche, de créativité, de communication
La cour doit permettre un réel choix
d'actions c'est-à-dire offrir à l'enfant des structures et des matériaux riches de
potentialités mais sur lesquels il aura prise et qu'il utilisera àson gré.
Elle est trop souvent réduite à un
désert, à un univers de goudron où jeux, activités, comportements sont porteurs
d'agressivité.
A l'inverse, certains espaces dits de
jeux, trop bien aménagés et régis par des règles trop rigides, enferment les enfants
dans des jeux stéréotypés.
Voir témoignages pages 62-65
... parce qu'enfin la cour peut être un lieu qui
favorise des segrégations et génère la violence, ou devenir un
milieu hostile aux plus faibles...
Ou au contraire, dans cette plage
vide de l'emploi du temps naîtront en réaction contre une institution pesante d'autres
formes de ségrégation : le faible physiquement exclu de certains jeux, l'enfant
écrasé en classe qui tyrannise les plus petits, les grands qui monopolisent les aires de
jeux.
il importe d'y favoriser la
construction de règles de vie socialisantes.
Lorsqu'un certain nombre de personnes
doivent vivre ensemble dans un même lieu, avec des désirs et des projets différents,
leur place dans ce lieu relève de la loi de la jungle ou de la raison du plus fort à
moins qu'elle fasse l'objet de la mise au point progressive de règles de vie
coopérative, c'est-à-dire, d'un apprentissage de la démocratie.
Voir
témoignages pages 60-67-69-73
L'aménagement de la cour est donc
oeuvre d'éducation...
et ne peut être ni négligé ni placé au second plan.
Nous connaissons tout le potentiel de
situations éducatives pour la construction de l'individu dont est porteuse la cour
d'école. Il est donc indispensable que l'éducateur se soucie de ce lieu, commun à tous,
en favorisant son aménagement.
Ainsi ce potentiel devenu réalité
agissante et structurante fera de la cour un lieu « pour que se vive
l'enfance ».
Mais COMMENT
aménager la cour de l'école ?
Que ce soit sur les grandes ou
petites écoles les aires aménagées doivent être différenciées et en nombre suffisant
pour ne pas entraîner une polarisation de l'intérêt des enfants.
On ne peut quand même pas cloisonner
les différents rôles d'une cour d'école car tous s'imbriquent comme s'imbriquent les
besoins des enfants. Par conséquent il n'est pas souhaitable de faire prévaloir un rôle
sur les autres ; le jeu libre d'un enfant peut être aussi utile à son évolution et
à sa propre connaissance que la leçon de gymnastique structurée et prévue par le
maître à condition que ce jeu libre puisse avoir
lieu. L'utilisation de la cour comme terrain de gymnastique ne doit pas prédominer
pour aménager une cour d'école.
Dans son architecture générale, la
cour doit être la plus grande possible afin de permettre plus facilement l'implantation
de zones fixes (pour le matériel lourd tel que poutres, portiques) ou occasionnelles
(jeux de billes, de lutte) et mobiles.
Sa matérialisation dans l'espace
doit être à la mesure des occupants. Les murs ne doivent pas servir à enfermer mais à
délimiter, ils doivent permettre une vue sur l'extérieur et ne pas couper l'école de
son environnement (il existe des cours n'ayant pour limites que des murets utilisés comme
jeux ou bancs.
Une cour spacieuse, non enfermée,
répondant aux besoins fondamentaux des enfants a de grandes chances de faire diminuer les
conflits d'agressivité dus à la promiscuité permanente et donc de favoriser un état
psychique favorable aux apprentissages. Le nombre d'accidents dans une telle cour diminue
aussi sensiblement.
Aménager une cour implique une
réflexion sur l'ensemble architectural et surtout sur la pratique pédagogique
quotidienne ainsi qu'une redéfinition des rapports entre les personnes qui y vivent !
Voir témoignages pages 62-73
pour permettre un réel choix
d'actions
Dans tous projets, même si la place
disponible est très mesurée, il faudra trouver le moyen de permettre qu'existent :
-
des groupes homogènes coin
des petits, domaine des grands,
-
des groupes hétérogènes
filles-garçons, grands-petits,
-
des groupes actifs :
jeux de ballons, courses,
-
des groupes
intrépides : acrobatie, équilibre....
-
des groupes calmes :
billes, châteaux de sable, poupées, lecture...
-
des groupes
socialisants : jeux de société, dessin collectif...
une communication
Prévoir des lieux d'affichage pour
une expression individuelle et collective, un ou deux tableaux, des lieux d'exposition de
travaux divers, d'objets fabriqués, de dessins...
Et la sécurité ?
Certains enseignants et parents refusent d'installer des équipements ou hésitent à le faire parce qu'ils craignent des chutes dangereuses.
Or, grâce à ce matériel, les
enfants apprendront à maîtriser leur corps et à en connaître les limites, à assurer
leurs gestes.
Seuls quelques-uns prendront parfois
des risques inconsidérés mais l'adulte présent dans la cour est là pour faire ceuvre
éducative.
Permettre à l'enfant de jouer, d'organiser son jeu en agissant sur divers éléments, c'est aussi lui permettre de prendre conscience de la notion de sécurité.
Bien sûr, les aires de jeux et leur
équipement doivent être non dangereux et il convient d'être vigilant car l'imagination
des enfants les conduit à détourner le matériel de l'utilisation prévue par l'adulte
et donc à prendre des risques que ce dernier n'aura pas envisagés.
Mais il faut savoir qu'un milieu
riche favorise la nécessaire éducation au risque mesuré. L'expérience montre que les
accidents sont très rares autour de tels équipements. Par contre, dans une cour
goudronnée et vide, malgré ou à cause de tous les interdits, la consommation de
mercurochrome est impressionnante.
Voir
témoignage page 60
Et la sécurité
?
S'il
faut encore vous convaincre, allons voir au bord des autoroutes ou dans certains jardins
publics. Suivons Jacques Rey :
Tout automobiliste, qu'il soit
enseignant ou parent, ne peut que se réjouir en voyant que les enfants sont pris en
compte sur les aires de repos d'autoroute. Les jeux y sont-ils dangereux ?
Le seul fait de transporter ces
équipements dans une cour d'école suffirait-il à les rendre dangereux ?
Ce qui
différencie la cour de l'aire d'autoroute c'est le plus grand nombre d'enfants qui
peuvent occuper simultanément un même équipement. Celui-ci n'est pas dangereux par
lui-même, il l'est surtout dans la tête des adultes qui ne l'intègrent pas dans un
aménagement pédagogique géré coopérativement et voient surtout les risques de
formulaires d'accidents à remplir, assortis du clignotant « faute
professionnelle ».
Ces aires aménagées ne prendront
toutes leurs dimensions éducatives que par la gestion collective (enfants-adultes).
Les adultes ne seront pas seulement
ceux qui surveillent la récréation mais ils veilleront à intégrer dans la vie
coopérative de chaque classe la prise en compte et l'essai de résolution des problèmes
relatifs à la vie dans la cour.
Comme beaucoup d'autres, ceux-ci
seront traités au cours du conseil de coopérative.
Cette pratique se prolonge par une
régulation au niveau de toute l'école. Soit par communication d'une classe à l'autre,
soit par réunions périodiques ou occasionnelles regroupant tous les enfants ou leurs
délégués.
Ainsi les enfants seront-ils partie
prenante dans l'élaboration et l'adaptation des règles de vie de la cour. Ils en seront
d'autant plus naturellement les garants responsables.
Il leur arrivera bien sûr, individuellement ou par
petits groupes, de les transgresser. Dans quelle société cela ne se produit-il
pas ? Mais c'est leur collectivité qui
rappellera la loi, résoudra les conflits. Ils feront ainsi l'apprentissage de la
citoyenneté.
Voir témoignages pages 66-69-73
Et le rôle de l'adulte ?
L'adulte, lui, est là, vigilant en
cas de danger ou de conflit grave. Mais plus il sait développer la conscience
individuelle et collective des enfants en les responsabilisant, moins sa présence
s'apparente à la corvée de surveillance.
Non seulement son rôle reste important
mais encore il gagne en qualité.
- Il impose certaines règles
élémentaires dont les enfants n'auraient pas encore découvert d'eux-mêmes
l'importance.
- Il rappelle aux réalités,
chaque fois que nécessaire.
- Il canalise le grand groupe
afin d'éviter les grandes concentrations, les bousculades.
- Il veille à prévenir les accidents graves en évitant qu'un jeu ne dégénère, en
désamorçant les conflits.
- Il est présent activement, en participant à un jeu, à une discussion, ou encore en
aidant un enfant, en l'écoutant.
Qui doit mettre en route cet
aménagement ?
Les enseignants et les parents ont un
rôle important à jouer en intervenant auprès des collectivités locales et des pouvoirs
publics afin que la cour de l'école corresponde aux besoins des enfants.
En particulier réclamer, imposer
absolument le retour à de petits groupes scolaires.
Trop d'enfants dans un espace
insuffisant et pauvre, c'est l'ennui, c'est l'agressivité à toute occasion, c'est la
pauvreté des expériences, ce sont les gestes limités, stéréotypés.
L'école n'est alors plus un lieu
éducatif
Qui doit le mettre en oeuvre ?
S'il est un projet autour duquel peut
s'amorcer et se concrétiser aisément la collaboration parents-enseignants, souhaitée
par tous mais difficile àfaire entrer dans les pratiques, c'est bien celui d'aménager la
cour de l'école.
Encore faut-il prendre garde à ne
pas réaliser cette collaboration en dehors des enfants qui, utilisateurs premiers,
doivent être premiers acteurs du projet, de sa conception à sa réalisation.
Aménager la cour, c'est une bonne
occasion de faire vivre à l'école une réelle communauté de travail. Associer les
enfants à la conduite d'un projet, ce n'est pas seulement leur demander d'approuver les
décisions des adultes.
Voir témoignages pages 58-61-62-64-67
Par quel processus ?
Plusieurs approches du problème sont
possibles certaines plus spectaculaires, d'autres moins, toutes aussi valables.
Des enfants, des enseignants, des
parents, des élus locaux, des spécialistes éventuels peuvent se mobiliser autour d'un
projet commun et le conduire à terme.
Il peut y avoir aussi une action
lente, continue, des divers intervenants pour une transformation progressive de la cour.
L'idéal est peut-être de combiner
les deux démarches en s'adaptant aux circonstances.
Dans tous les cas nous devrons, nous
éducateurs, être vigilants à associer réellement les enfants, dans la limite de leurs
possibilités, à toutes les phases du projet, de sa conception à sa réalisation.
Voir témoignages pages 61-62-65-67-74
Un des freins les plus souvent
évoqués est la dépense importante que constitue, pour la collectivité, l'aménagement
d'une cour de récréation. En effet si l'on ne considère qu'un aménagement
« clés en main » les propositions du marché sont très onéreuses.
Il ne faut pas alors perdre de vue le
but que l'on s'est fixé - répondre aux besoins fondamentaux des enfants - et le fait que
le prix d'un matériel n'est fonction que de son coût de fabrication et de la part de
bénéfice qu'entend tirer le fabricant.
Transformer un mur de séparation en
mur à grimper, un tronc d'arbre en poutre d'équilibre, une série de buses ou de pneus
en tunnels c'est déjà amorcer à peu de frais un équipement pour lequel peuvent jouer
les démarches coopératives de projet et de gestion.
Voir témoignages pages 69-71-73-74