POURQUOI ? COMMENT ? DEMARRER EN PEDAGOGIE FREINET Par COLLECTION |
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Plan Général ·
POURQUOI ? Mots-clés
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SOMMAIRE
-
L'école est inadaptée tout le monde le sait et le dit,
mais
-
Mais POURQUOI est-elle inadaptée ?
o Il est donc nécessaire de faire quelque chose mais pas
nimporte quoi.
o L'école doit répondre aux besoins des enfants et de la
société
o Lenseignant doit donc prendre conscience de quelques
réalités
o et donc devenir un éducateur
-
Mais COMMENT introduire cette vie dans l'école ?
o Quelques conseils préalables
o Une évolution progressive, maîtrisée mais résolue
o Aller vers
l'individualisation du travail
o Et pour
l'éducateur, des garde-fous, une formation
Notre
système scolaire est inadapté. Le constat n'est pas nouveau mais c'est paradoxalement
une des raisons pour lesquelles il est aujourd'hui très difficile de s'attaquer au
problème.
Tout se
passe en effet comme si ayant tenté maladroitement de multiples greffes sur un arbre
malade, on s'obstinait aveuglément à faire le procès des greffons alors qu'il est plus
urgent que jamais de traiter le mal à la racine.
Si nous
voulons changer l'école ce n'est pas parce que nous remettons en cause son rôle
primordial de transmission des savoirs mais parce qu'il a été constaté, puis
scientifiquement établi, qu'elle s'y prenait mal.
Les
sciences de l'éducation, les chercheurs pédagogiques (I.N.R.P.
Universitaires-psycho-sociologues-pédiatres) et l'expérience des praticiens ont montré
que le discours n'est pas efficace pour l'appropriation du savoir.
Mais au
contraire l'acte d'apprendre est un acte individuel qui se réalise dans la communication,
l'expression, le tâtonnement, l'expérimentation, la vie sociale, tout ceci construit
dans une rigueur certaine.
En obligeant les enfants à travailler mécaniquement, sans
cultiver les fonctions supérieures de synthèse et de décision, en négligeant les
liaisons entre l'affectivité et l'action, l'école traditionnelle pratique journellement
de véritables lobotomies pédagogiques.
La moitié des enfants que nous traitons dans les centres,
n'auraient jamais été inadaptés, s'ils avaient eu, en temps utile, la possibilité
d'établir avec leur maître, des relations véritablement humaines.
Quand le désir naît du vécu, du milieu, le travail prend un
sens.
AUTREFOIS,
L'ENFANT ALLAIT A L'ÉCOLE POUR APPRENDRE QUELQUE CHOSE...
Cinéma,
radio, télé, journaux, lui apportent aujourd'hui des connaissances et des informations
qui l'encombrent plus qu'elles ne l'instruisent.
L'école
pourrait aider à comprendre, à assimiler, à utiliser, à classer, cet apport souvent
chaotique. Imperturbable, et coupée de l'actualité, elle continue à ajouter des
connaissances sous forme de leçons.
AUTREFOIS,
L'ENFANT ALLAIT A L'ÉCOLE POUR APPRENDRE DES MÉCANISMES...
... dont il
comprenait ou sentait confusément la nécessité dans la vie quotidienne. Au champ ou
dans la rue, il jouait, observait, faisait des expériences banales (dont il ignorait du
reste, la valeur éducative). Imperturbable, l'école accentue cette coupure d'avec la
réalité, et continue d'enseigner des mécanismes et un vocabulaire dénués de sens
(modernes ou anciens, le problème n'est pas là). L'écolier convertit des hectogrammes
et des décagrammes, remplit des « ensembles vides » (de sens ?), avant
d'avoir eu envie ou besoin de peser ou d'évaluer.
AUTREFOIS, LA FAMILLE ÉDUQUAIT, L'ÉCOLE INSTRUISAIT...
L'Instruction
Publique est devenue l'Éducation mais l'école est restée l'école. Elle pourrait être
un refuge pour des enfants insécurisés que produisent en série, crise du logement,
conditions de travail et de vie, chômage et misère. Or bien souvent, elle aggrave les
difficultés, au lieu de jouer un rôle correcteur ou compensateur.
Pourtant,
on a rarement autant parlé d'aider l'enfant à s'adapter à l'Ecole. A quelle
école ?
En 1980,
plus de la moitié des enfants ont des difficultés (qui dans certains cas, ressemblent à
des suicides scolaires). Statistiquement, il est donc devenu normal d'avoir des
difficultés. Les dyslexies, dysorthographies, dyscalculies, etc. s'abattent en
d'étranges épidémies. Le besoin de rééducateurs va croissant. Est-ce
inéluctable ? Seuls les faux réalistes et les naïfs en sont persuadés. Les moyens
nécessaires pour créer des écoles humaines, des maîtres formés à une pédagogie
adaptée, et pour changer les habitudes, seraient moins grands que ceux nécessaires pour
éponger les « estropiés scolaires ».
Le système
étant grippé, une réaction simpliste, bien que de bonne foi, fait dire trop souvent à
l'homme de la rue comme à l'universitaire distingué : « Serrez la vis »
alors que ce qui s'impose c'est de huiler les rouages, d'ouvrir l'admission d'air.
L'école ne
peut plus être coupée de la vie sociale de son environnement immédiat (famille, vie
économique, évolution des techniques, apport des médias).
De ce fait,
l'enseignant ne peut plus être seulement celui qui apporte un savoir mais celui qui met
en place des formes et des moyens de travail qui permettront à chaque enfant d'aller le
plus loin possible dans la construction de son savoir qui sera alors réellement intégré
et pas seulement plaqué en surface.
Notre
réflexion ne doit pas porter sur l'école mais sur les besoins des enfants. C'est en
fonction de ces besoins que l'on définira une politique scolaire. On verra alors ce que
l'école doit être mais aussi ce qu'elle ne doit pas être. Devrait être ainsi évité
le piège dans lequel sont tombés tous les réformateurs, qui bâtissaient un système en
apparence logique et cohérent mais prétendaient y faire entrer les enfants. C'est donc
l'école qui doit s'adapter aux enfants et non les enfants à l'école.
On ne peut
imposer à un maître un choix pédagogique précis, mais a-t-on le droit d'imposer aux
enfants des pratiques que l'on sait nocives, a-t-on le droit de les priver de pratiques
que l'on sait bénéfiques ? C'est donc, là encore, des enfants qu'il faut partir
pour délimiter le champ dans lequel s'exerceront les choix pédagogiques des éducateurs.
Permettre
à chaque enfant d'arriver à son plein épanouissement d'individu autonome et d'
« être social » responsable, co-détenteur et co-bâtisseur d'une culture.
Donc
développer :
- Sens de
la responsabilité - Sens coopératif - Vie sociale - Jugement personnel - Réflexion
individuelle et collective - Création - Expression - Communication Savoir-faire -
Connaissances utiles.
Et
s'efforcer de réduire le poids des inégalités socio-culturelles.
Esprit
dans lequel l'école doit essayer de réaliser ces objectifs.
L'école
doit assurer une véritable formation polytechnique de base qui ne privilégie pas
l'intelligence verbo-conceptuelle mais qui lui permet de se développer sur des bases
solides :
- Maîtrise
progressive par tâtonnement des matériaux de l'environnement de lenfant (objets,
êtres vivants, phénomènes naturels, patrimoine culturel, structures sociales,
techniques, outils...).
- Maîtrise
progressive par tâtonnement de ses propres « composants » (son corps, ses
facultés intellectuelles, ses déterminismes...).
La
progression n'y saurait être linéaire et graduée, encore moins normalisée. Elle sera
concentrique, avec toutes les phases du tâtonnement expérimental (progression, palier,
régression...).
Il convient
donc de respecter les rythmes individuels d'acquisition, de faire jouer à fond la
dialectique groupe individu.
L'école ne prépare pas à la vie, elle est déjà un lieu et
un moment de vie. Les enfants doivent y être en situation d'apprentissage à même la
vie, c'est-à-dire qu'ils seront engagés dans des actions réelles et non dans des
actions simulées ou ludiques seulement.
Voici,
brièvement, quelques notions de base à reconsidérer :
VOS ENFANTS
N'ONT PAS TOUS LES DÉFAUTS ET LES VICES DONT ON LES ACCABLE.
Ces défauts et ces vices sont presque toujours de la faute de
l'école :
- Si vos
enfants ne s'intéressent pas à ce que vous leur imposez, c'est que vous n'avez pas su
motiver leur travail.
- S'ils
n'ont rien à dire, c'est qu'ils ont été trop longtemps condamnés à se taire.
- S'ils ne
savent pas créer, c'est qu'ils ont été entraînés seulement à obéir, à copier et à
imiter.
- S'ils
trichent, c'est que votre système d'organisation et de contrôle est mal établi.
Nous
pouvons vous apporter la preuve aujourd'hui qu'avec une autre façon de concevoir la
classe, vous aurez obligatoirement des enfants plus curieux, plus chercheurs, plus
créateurs, plus loyaux, plus aimables, plus soucieux d'une bonne conduite sociale.
IL FAUT
ABSOLUMENT VOUS DÉFAIRE AVEC LES ENFANTS, DE LA MANIE DE L'AUTORITÉ ET DE SES
INSTRUMENTS : LA PUNITION ET LA RÉCOMPENSE.
qui placent
l'enfant dans l'obligation technique et morale de faire ce qu'ordonne le maître.
Vous êtes
démocrates - un éducateur est toujours démocrate. Vous pensez très loyalement que les
individus doivent se commander eux-mêmes. Vous approuvez dans le domaine politique
l'autodétermination. Vous faites même grève pour affirmer vos droits. Et c'est fort
bien. Mais vous ne reconnaissez aucun de ces droits à vos élèves. Vous êtes les
maîtres ; ils sont les esclaves. Vous dites, peut-être pour vous justifier :
ils sont trop jeunes pour se commander et agir librement. On disait de même des esclaves
et on le dit encore.
Or, nous
pouvons vous donner l'assurance expérimentale que les enfants sont au moins aussi aptes
que les adultes à vivre en communauté.
Au début
de vos essais, quand vous vous trouverez en présence d'enfants déformés par l'école,
il vous arrivera d'avoir encore recours à la coercition pour maintenir l'ordre dont nous
disons plus loin la nécessité. Seulement, vous le ferez à contrecur, en pensant
que vous y êtes forcés par la forme de l'école sans croire pour cela que l'enfant a
besoin, pour s'éduquer, de votre poigne solide et intransigeante.
VOUS VOUS
CONSIDÉREZ COMME CELUI QUI SAIT ET QUI ENSEIGNE A CEUX QUI NE SAVENT PAS.
C'était
peut-être vrai autrefois, mais les enfants d'aujourd'hui connaissent, sur bien des
thèmes, autant de choses que nous (si même ils les connaissent mal).
Vous ne
pouvez pas négliger ces changements qui sont la conséquence des voyages, de la radio et
de la télévision.
Il vous
faut prendre les enfants tels qu'ils sont, différents de ce qu'ils étaient au temps des
manuels et des leçons souveraines, partir de ce qu'ils savent déjà.
Pour cela
évidemment, il vous faudra reconsidérer votre méthode de travail.
NOS ENFANTS
D'AUJOURD'HUI NE SONT PLUS DU TOUT COMME CEUX DU DÉBUT DU SIÈCLE. ILS VEULENT SAVOIR,
ILS VEULENT COMPRENDRE, ILS VEULENT AGIR.
Si vous les
en empêchez en leur imposant ce qui ne les intéresse pas, ils se fermeront de plus en
plus à votre enseignement, et ils chercheront vers d'autres voies une autre forme de
culture.
VOUS CROYEZ
VOS LEÇONS INDISPENSABLES. ELLES VOUS DONNENT MAJESTÉ.
Vos enfants
ne comprennent pas ; vous allez leur expliquer, et leur expliquer encore sans prendre
garde que vos explications sont neuf fois sur dix inutiles. Quand vos enfants comprennent,
c'est qu'ils ont déjà compris avant que vous parliez.
Seules
l'observation et l'expérience sont formatives. Tout le reste n'est qu'illusion.
D'ailleurs la programmation qui est de plus en plus à la mode tend à supprimer leçons
et explications.
NOUS SOMMES
AU SIÈCLE DE L'EFFICIENCE ET DU RENDEMENT. LES ENFANTS, COMME VOUS, N'AIMENT PAS
TRAVAILLER POUR RIEN, POUR LA NOTE. ILS DEMANDENT UN VRAI TRAVAIL, DONC MOTIVE.
Vous vous
efforcerez de supprimer radicalement la scolastique, c'est-à-dire le travail qui ne sert
à rien qu'à l'école et vous chercherez avec nous les nouvelles motivations.
C. Freinet
(Éducateur n°5 - 1934)
- qui possède des connaissances mais en connaît la relativité,
- qui sait
que l'acquisition du savoir utile n'est pas une simple accumulation de connaissances mais
une façon d'appréhender des situations (quelles qu'elles soient) de les analyser, de les
communiquer,
- qui reconnaît que diverses démarches sont possibles,
- qui
accepte chaque enfant tel qu'il est, reste attentif à ce qu'il fait, l'aide à se
confronter avec les autres et à approfondir sa pensée personnelle sans se plier à une
norme.
Il ne doit pas être :
- celui qui régente...
- celui qui n'intervient pas...
Autoritarisme
et laisser-faire rendant impossible un véritable apprentissage de la liberté au sein
d'un groupe coopératif.
Il doit être :
- celui qui
aide la classe à s'organiser en cellule vivante faisant coopérativement l'apprentissage
de la responsabilité,
- celui qui
installe en classe un « milieu aidant » en installant des ateliers riches en
matériel divers incitant à la recherche.
- celui qui
est attentif aux apports de tous les enfants et qui accueille toutes les propositions
même lorsqu'elles reflètent un conditionnement extérieur,
- celui qui
favorise les confrontations, qui aide à l'analyse des situations, qui rappelle les
acquis, les décisions antérieures, qui est le garant des lois de la classe,
- qui favorise l'auto-évaluation du
travail de ses élèves, les faisant participer aux passages des brevets ou échelles.
Mais si je dois être celui qui veille à ce que cet échange
démocratique ait lieu, je n'en dois pas devenir pour autant celui qui, tirant les
ficelles, sera d'une part le seul référent et d'autre part, encore le maître.
Il ne s'agirait pas d'une éducation mais tout simplement d'un
entraînement à la dynamique de groupe !
Je dois m'efforcer de m'effacer (et c'est difficile) pour que le
groupe vive par lui-même, se crée ses propres règles (non issues de ma seule volonté)
en veillant toutefois, et c'est mon rôle « de barrière », à ce qu'un leader
ne prenne pas ma succession pour imposer à son tour !
Il serait vain de croire, qu'un petit peuple d'enfants, cellule
artificielle de vie dans un groupe scolaire, acquiert cette façon de procéder, ces
techniques de vie en un jour !
Toute cette éducation de la vie en société demande du temps et
beaucoup de patience, de redites, d'attente, de mises au point, mais on y arrive !
Ma part se situe à deux niveaux bien difficilement
« séparables » : une part affective et une part technique. Mon rôle
(tel que je le conçois et que je m'efforce de le jouer) est d'inciter, de suivre,
d'accueillir, d'aider, de retenir parfois, tout cela avec un dosage si particulier que nul
ne peut en tirer une règle, tant les choses se font en fonction des conditions du vécu
du moment et des individus.
Il est certain que je n'aborde pas tous les élèves de la même
manière, mais ceci est tellement simple à comprendre que je ne m'étends pas, j'accorde
seulement énormément de prix à l'écoute, à l'accueil, c'est, je crois, ce dont les
enfants, les ados, et je sais aussi les adultes, ont le plus besoin !
Mais maintenant, je me garde d'agir seul de façon autoritaire,
le suggère quand je sens qu'une situation est mûre afin que la réflexion du groupe
fasse le chemin nécessaire à la réalisation.
C'est pour moi, maintenant je le constate, un gage de réussite
et d'efficacité. J'essaie en effet de ne pas être ressenti malgré mon statut d'adulte
que je revendique à part entière, comme celui qui doit décider.
Et c'est une attitude qu'il n'est pas toujours facile de tenir,
surtout dans les moments de crise !
Ceci m'entraîne à aborder le côté social et
« politique » (au sens large du terme) de notre action avec le groupe classe.
- Vous êtes désarmés devant la passivité de vos élèves,
leur distraction maladive, leur peu d'amour du travail. Mais vous n'osez pas modifier
votre comportement. Vous avez trop peur d'échouer.
- D'autant plus qu'on vous a aimablement prévenus :
·
les techniques Freinet sont difficiles à
pratiquer,
·
elles supposent une préparation
particulière des maîtres,
·
il faut peu d'élèves, et votre classe
est surchargée,
·
la liberté que les techniques Freinet
supposent et préconisent, engendre le laisser-aller et la pagaille, or, le désordre ne
saurait être favorable à l'éducation,
·
les enfants ne sont pas mûrs pour la
liberté,
·
ils ne sa vent pas travailler seuls.
- Vous redoutez les échecs aux examens.
- Et vos supérieurs n'en sont peut-être pas partisans.
Or, tout cela n'est que partiellement juste, et, en tous cas,
rarement prohibitif.
Il est pourtant exact qu'il faudrait que vous soyez
normalement préparés théoriquement, psychiquement et techniquement à cette forme de
classe, sinon vous risquez d'adapter seulement les techniques nouvelles à l'ancienne
pédagogie, et il n'y aura rien de changé, comme si vous montiez un moteur neuf et
puissant sur la carrosserie des chars à bancs et des diligences.
Comme il est exact que les enfants, comme les parents, sont
habitués aux vieilles techniques, et qu'il est toujours très difficile de les entraîner
au travail nouveau.
Mais, à même votre classe, vous pouvez cependant aujourd'hui,
nous ne disons pas appliquer les techniques Freinet - ce sera l'aboutissement de vos
efforts à venir de rénovation - mais améliorer votre travail selon les principes et
avec l'apport de la pédagogie Freinet, et cela :
- sans rien bouleverser,
- sans nuire à l'ordre et à la discipline,
- sans fatigue supplémentaire,
- sans indisposer ni vos collègues, ni les parents, ni vos
inspecteurs, dans l'ordre et l'efficience.
Qui
donc oserait contredire à cet effort de modernisation qui est le propre de toute
entreprise qui ne veut pas dégénérer dans la sclérose et le vieillissement ?
C. Freinet
en
introduisant dans la classe des techniques nouvelles, des ateliers de création et
d'expression, on se heurte très vite à des problèmes d'organisation que la classe
coopérative se chargera de résoudre elle-même. (Des moments et des lieux seront prévus
pour cela : le conseil).
L'organisation
coopérative change radicalement les conditions de travail de la classe en mettant en
place une priorité de responsabilités et de compétences et non pas des hiérarchies de
personnes, en instaurant de nouvelles relations dans le travail.
D'où
conséquences sur les enfants eux-mêmes :
- Le groupe
est au service de chacun par la valorisation des réussites.
Il offre le
maximum de possibilités d'identifications et d'oppositions.
- Les
responsabilités, les métiers ont un rôle essentiel.
- L'enfant fait l'apprentissage de la
liberté avec tout ce que cela comporte de frustrations, de limites et d'interdits.
L'organisation
coopérative s'impose pour que ce qui précède soit une réalité pleinement efficiente.
Pour
certains les nécessités du travail vont conduire à la mettre en place peu à peu et
elle se substituera progressivement aux rapports autoritaires maître-élève.
Pour
d'autres, c'est dès le départ, la mise en place d'institutions qui installent cette vie
coopérative.
Dans le
premier cas, on introduit des techniques qui induisent une autre forme de travail scolaire
(cf. Pourquoi-Comment correspondance, journal scolaire, audiovisuel) dont les nécessités
vont conduire par la gestion du travail et de la vie à mettre en place une organisation
coopérative.
Dans le
second cas, les institutions sont introduites dès le départ, comme de nouvelles
techniques du travail et au même titre qu'elles.
Quelle que soit la place faite aux institutions dans la vie d'une école ou d'une classe comme dans le processus de son évolution, ce qui compte c'est le but à atteindre, le projet initial : une éducation à la vie sociale allant de pair avec la construction individuelle d'acteurs sociaux à part entière, autonomes, actifs, responsables. On peut faire le parallèle avec l'usage que font divers pays de leurs institutions et la variété de celles-ci au service d'un même idéal de démocratie.
Il est une donnée importante dans le métier d'enseignant qu'il
ne faut réduire, ni mépriser mais au contraire prendre en compte afin de lui donner
toute sa dimension dynamisante et aussi pour mieux la contrôler. C'est la sensibilité de
chaque enseignant à tel ou tel type de fonctionnement.
Il est évident qu'un modèle, qu'une technique permet de sauter,
de rompre, d'ouvrir sa classe vers un nouveau fonctionnement permettant une meilleure
valorisation des acquisitions suivant ses propres finalités éducatives.
Mais qu'à tous moments, l'adaptation du fonctionnement même des
techniques, est modulée par la sensibilité de chacun sachant qu'il est important de ne
pas les dénaturer, de ne pas les détourner.
NE
COMMETTEZ PAS L'ERREUR D'ACCORDER SENTIMENTALEMENT TROP VITE ET TROP BRUSQUEMENT, LA
LIBERTÉ A VOS ÉLÈVES.
Non
seulement parce qu'ils n'y sont pas habitués et risquent fort, en conséquence, d'en
faire un mauvais usage, mais parce qu'il faut surtout éviter de considérer la liberté
comme une sorte d'entité intellectuelle.
Or, cette
liberté intellectuelle n'existe que dans les livres. On est libre de faire quelque chose
ou de ne pas le faire. C'est dans le travail et la vie que l'enfant doit sentir et
posséder la liberté. Instituer une liberté qui n'est pas l'émanation de la vie et du
travail de la classe, c'est aller à un échec que vous devez à tout prix éviter. La
liberté ne sera pas au début. Elle sera l'aboutissement de la nouvelle organisation du
travail. Vous ne risquerez pas, alors, le désordre et l'indiscipline qui sont si souvent
reprochés à celles de nos classes qui, sous prétexte de nouveauté, placent
dangereusement la charrue avant les bufs.
NE VOUS
PRESSEZ PAS DAVANTAGE POUR UNE ORGANISATION FORMELLE DE LA COOPÉRATIVE SCOLAIRE, TANT DU
MOINS QUE VOUS N'EN SENTIREZ PAS LE BESOIN.
Organisez
d'abord le travail coopérativement, répartissez les divers services et surtout pratiquez
le journal mural et la réunion coopérative du samedi. Vous pourrez passer alors au stade
de l'organisation statutaire genre adultes. Mais là aussi, ne placez pas la charrue avant
les bufs.
NE VOUS
PRESSEZ PAS TROP DE SUPPRIMER LES MANUELS SCOLAIRES ET LES NOTES.
Avant de
supprimer les manuels, vous devrez vous être organisés pour les remplacer : par la
lecture motivée, par le travail individualisé sur fiches, et surtout par les bandes
enseignantes. Vous supprimerez les notes (dans la mesure où l'on vous y autorisera) quand
vous n'aurez plus besoin d'une motivation fictive, quand le graphique du plan de travail
parlera plus éloquemment que les notes, quand vos Brevets seront le plus vivant des
contrôles.
Jusque-là
achetez les manuels habituels qui donneront bonne conscience aux Inspecteurs et aux
parents et vous faciliteront de ce fait le travail original que vous allez faire. Vous les
utiliserez plus ou moins dans la mesure où vous pourrez les compléter puis les remplacer
par nos techniques. Vous éviterez du moins les ennuis qui pourraient vous venir de ceux -
parents ou Inspecteurs - qui gardent la nostalgie des fausses mesures que sont notes et
classements.
Les
solutions que nous recommandons ne sont jamais automatiques. Les résultats probants dont
nous pouvons aujourd'hui nous prévaloir ne sont pas obtenus forcément au départ ;
ils sont plutôt un aboutissant. Ne commettez pas l'erreur d'inverser les rôles.
DESCENDEZ
DE VOTRE CHAIRE.
Au fur et
à mesure que, dans la voie nouvelle, vous vous rapprochez de l'enfant et que vous cessez
de pratiquer les leçons ex cathedra, l'estrade vous deviendra inutile. Vous l'enlèverez
- si elle n'est pas scellée au plancher et vous vous mettrez en permanence au
niveau des enfants. C'est là plus qu'un geste symbolique, mais une réalité matérielle
de coopération.
Vous
romprez aussi dès que possible la traditionnelle régularité des tables de la classe
auditorium-scriptorium. Le travail individualisé que vous allez entreprendre suppose un
autre agencement, fonctionnel pourrions-nous dire. Et du coup, votre classe perdra cet
aspect de conditionnement, de passivité et d'obéissance, auquel tant d'enfants sont
aujourd'hui allergiques.
C. Freinet
Les Techniques Freinet de lÉcole Moderne de C. Freinet,
143 p. 11,5 x 17,5. Éditions Bourrelier - A.Colin
Un guide pratique et le compte rendu de nombreuses expériences
Parmi les techniques présentées
dans cet ouvrage, en introduire d'abord une, ou plusieurs, que l'on maîtrisera plus
facilement, par goût personnel, affinités, capacités.
Je me suis demandé ce qui, dans ma classe permet peu à peu aux
enfants de parvenir à une certaine structure coopérative.
Lorsque les enfants arrivent dans nos classes, ils ont déjà la
plupart du temps un vécu scolaire derrière eux et donc des habitudes : celles des
enseignants qu'ils ont connus jusque-là. Par conséquent, pour leur donner de nouvelles
habitudes (les nôtres) coopératives celles-là, il est plus facile de partir sur un
terrain inconnu d'eux. C'est pour cette raison que la correspondance me paraît être un
domaine privilégié. N'ayant aucun antécédent dans ce domaine, ils seront plus libres.
On aura plus de facilité à leur faire établir leur propre méthode, à leur faire
construire leur propre culture.
Et aussitôt cet état d'esprit déteindra sur les autres
activités, chacune d'elles se retrouvant dans la correspondance. On ne fera plus des
maths ou une enquête pour faire des maths ou une enquête mais pour communiquer ses
découvertes à d'autres. On ne pourra plus faire comme avant. La machine sera lancée.
-
Pendant longtemps encore iront de pair des pratiques traditionnelles et des pratiques
nouvelles dans votre classe.
- Une
nouvelle forme de travail suppose d'autres outils (pédagogiques) et d'autres techniques.
-
Commencez par le texte libre (ne le scolarisez pas !)
-
Conservez le manuel de lecture.
-
Respectez de nouveaux rapports élèves-élèves, élèves-maître.
-
Organisez au plus tôt la correspondance scolaire.
-
Organisez au plus tôt le travail individualisé des élèves.
- Ne
supprimez pas d'autorité notes et classements.
- Ne
supprimez pas radicalement les leçons.
- Faites
faire des conférences aux élèves.
- Peu à
peu transformez votre classe en une classe atelier.
-
« Ne vous lâchez pas des mains avant de toucher des pieds », ou procédez
progressivement, à un rythme qui sera fonction de vos propres possibilités techniques et
du milieu.
C. Freinet
mais
résolue
Si vous
introduisez une technique d'école moderne dans votre classe ne le faites pas à moitié
ou à contrecur. Que le texte libre ne soit pas prétexte à leçons de grammaire,
que la correspondance ne soit pas reléguée au rang des accessoires. Jouez le jeu !
UN EXEMPLE, LE TEXTE LIBRE
Pratiquer l'expression libre, c'est donner la parole à l'enfant,
lui donner des moyens de s'exprimer et de communiquer. C'est créer un milieu de vie
(organisation coopérative) au sein duquel cette Parole sera accueillie, écoutée,
discutée, valorisée.
Mais il ne faut pas croire qu'il suffit d'attendre pour que
l'expression de l'enfant devienne libre et jaillisse spontanément !
LA PART DU MAITRE est primordiale et aidante pour créer un
milieu sécurisant et établir les relations nécessaires à l'épanouissement de
l'individu.
LE TEXTE LIBRE n'est qu'un aspect de l'expression libre des
enfants et adolescents.
C'est une technique de vie et d'expression.
Ce n'est pas une institution.
C'est un texte écrit librement, en fonction du Désir de l'enfant, ce n'est pas une rédaction à sujet libre, ni un texte à sujet imposé.
C'est l'occasion d'un débat, d'une discussion, d'un dialogue.
Ce n'est pas un prétexte à des exercices de français (comme le
prévoit la rénovation pédagogique).
C'est l'expression choisie par l'enfant pour communiquer SA
pensée qui prévaut, même si elle ne correspond pas aux critères moraux et esthétiques
de l'adulte. Ce n'est pas d'abord un « beau texte » avec des phrases bien
structurées.
L'aboutissement logique du texte libre est le journal scolaire,
mais cela n'écarte pas d'autres valorisations : recueil personnel de l'enfant,
recueil de la classe, affichage, envoi au(x) correspondant(s).
Le texte libre peut aussi engendrer d'autres activités :
débat, théâtre, dessin, enquête, musique, poésie, maths, etc. Il rejoint ainsi dans
sa globalité, 1'organisation et la vie coopérative de la classe, véritable atomium.
Patrick Robo
N'introduisez
une technique que si vous disposez du matériel adéquat. Équipez progressivement votre
classe pour ce vrai travail auquel les enfants aspirent.
Si l'on
veut que les enfants fassent un travail sérieux, il faut leur donner un matériel fiable.
Pour les
apprentissages, des fichiers autocorrectifs rigoureusement mis au point et testés dans
les classes, à la rigueur quelques manuels.
Pour les
recherches, une documentation de qualité, bien adaptée à leur âge mais non
infantilisante.
Pour les
expériences, le travail manuel, l'expression artistique, un matériel de qualité.
Pour
diffuser leurs écrits, leur parole, leurs productions un minimum de moyens audiovisuels
de qualité (duplicateurs, magnétophones, appareil photo, imprimerie, etc.).
La Coopérative
de l'Enseignement Laïc, créée par Célestin Freinet, produit et diffuse matériel,
outils, publications nécessaires à la pratique de la pédagogie Freinet.
Ces
matériels sont sélectionnés parmi les productions de divers éditeurs et fabricants, ou
mis au point par les groupes de travail de l'I.C.E.M. et réalisés par la C.E. L.
Renseignements,
catalogues, commandes à : C.E.L. - B.P. 109 - 06322 Cannes la Bocca Cedex -
Tél. : (16).93.47.96.11.
Et à
Paris : Librairie C.E.L. - Alpha du Marais - 13, rue du Temple - 75000 Paris
Tél. : (16).1.271.84.42.
Une animation pédagogique y est assurée certains mercredis. Se
renseigner.
Tenez
compte des contraintes matérielles, des limites du milieu. Il n'est pas de travail
sérieux possible sans une bonne gestion de l'espace et du temps.
Dans une
classe aux dimensions restreintes on ne pourra pas toujours installer tous les ateliers
que l'on souhaiterait y voir fonctionner.
Dans une
journée, voire une semaine ou un mois, on ne peut mener à bien qu'un certain nombre de
projets.
Les enfants
et vous-mêmes devrez savoir faire des choix.
Par contre un peu d'imagination, la
remise en cause de quelques routines peuvent lever des obstacles apparents.
Nous placerons tous nos efforts pratiques de modernisation sous le signe de l'individualisation de l'enseignement, ce qui n'exclut nullement nos efforts de recherche et de réalisation d'une pédagogie qui doit considérer sous tous ses aspects le comportement individuel et social des individus.
Dans nos critiques des manuels scolaires et des leçons nous avons toujours dit le faible rendement de l'enseignement collectif. L'enfant, comme l'adulte, ne travaille efficacement qu'individuellement ou en équipe réduite et homogène.
Avec l'ancienne méthode des devoirs et des leçons, tous les enfants doivent faire la même chose, et dans le même temps. Le maître doit, pour cela, freiner les élèves qui pourraient aller trop vite, attendre les retardataires et se régler en définitive sur une moyenne qui ne favorise qu'une petite fraction de la masse des élèves.
Avec le travail individualisé au contraire, chacun va à son pas, à
son rythme. Le rendement est alors à 100 %. Le travail individualisé ne se satisfait
d'ailleurs pas par lui-même ; il doit s'inscrire dans un ensemble logique et cohérent
qui est la méthode générale de travail.
Nous présenterons deux formes de travail individualisé.
a) La
première se fait soit par fiches autocorrectives, soit par cahiers autocorrectifs. Nous
avons donné le branle en ce domaine comme en beaucoup d'autres en réalisant, dès 1930,
les premiers fichiers autocorrectifs. Et vous pouvez vous-mêmes pour vous convaincre des
vertus de cette technique, refaire notre expérience.
Prenez un
manuel de grammaire ou de calcul. Découpez les demandes d'exercices sur fiches carton
10,5 x 13,5 de couleur claire. Prenez le livre du maître correspondant et découpez les
réponses que vous collez sur fiches cartonnées rouges. Classez les demandes dans une
boite, les réponses (rouges) dans une autre. Vous avez un fichier autocorrectif qui, avec
pourtant les mêmes exercices, intéressera beaucoup plus les élèves.
Et cette pratique nous vaut même un
résultat inattendu : pour la première fois on fait à l'enfant une certaine confiance à
laquelle il est tout particulièrement sensible. Il se contrôle seul et se sent délivré
de la surveillance obsédante et tâtillonne du maître. Le succès de cette initiative
est une première conquête qui nous libère à notre tour du rôle de surveillant qui
nous perturbe tout notre comportement. Nous avons réalisé coopérativement toute une
batterie de fichiers autocorrectifs de calcul, de grammaire et d'orthographe, que les
éducateurs pourront compléter par des fichiers qu'ils pourront toujours réaliser
personnellement selon leurs besoins - ce qui nous vaut des possibilités d'adaptation que
ne peut offrir aucune autre méthode.
Les
fichiers de calcul opératoire ont été traduits d'autre part en cahiers auto-correctifs,
qui sont personnels à chaque élève et que ceux-ci peuvent réaliser en classe sans se
déplacer, ou dans la famille.
b) Nous
avons prévu aussi une forme de travail individualisé, rarement auto-correctif, mais qui
permet cependant de supprimer les leçons collectives ce sont les fiches-guides : en
calcul, en histoire, géographie et surtout en sciences. Le rendement en est sans commune
mesure avec celui des leçons.
Une seule
difficulté, dont nous avons prévu la solution : le travail individualisé est
évidemment plus complexe. Ce n'est plus l'ordre apparent des manuels où il suffit de
tourner les pages pour savoir où on en est.
Il nous
faut, pour ce travail individualisé prévoir une autre forme d'organisation et de
contrôle. Nous y parvenons par nos plans de travail et nos plannings.
L'école actuelle nie l'individualisation du travail dans la
mesure où elle refuse de reconnaître les rythmes individuels des acquisitions et du
développement.
Par contre elle nie tout autant sa socialisation car elle
interdit la coopération des individus, elle enferme chacun dans sa solitude face à
l'épreuve imposée à tous au même moment.
Nous réalisons exactement le contraire
- Individualisation du travail de renforcement des
acquisitions (savoir-faire-savoirs).
- Socialisation du travail (on pourrait dire par et pour le
travail), le groupe étant à la fois incitateur, aidant, exigeant, évaluateur.
Confronter son expérience à celle des autres (pendant les
réunions du Groupe Départemental par exemple).
Surtout ne pas crier sur les toits que l'on va « pratiquer
la pédagogie Freinet ».
Faire partie du Groupe Départemental I.C.E.M. pour ne pas être
isolé.
Ne pas rester seul et
donc tâcher de garder un contact en permanence avec un praticien de la pédagogie Freinet
qui pourra dépanner matériellement, moralement.
Ouvrir la classe aux parents (au moins les locaux).
Accueillir une réunion publique du Groupe Départemental dans sa
classe.
Garder le plus possible de preuves, de traces de son travail et
de celui des élèves.
Éviter de se couper de la vie du quartier, du village, de
l'école (si possible).
Ne jamais oublier de composer en fonction de SA situation locale,
ni de progresser à son propre rythme.
Savoir aussi que la mise en place de ces changements prend du
temps (des années parfois), et que dans certaines conditions il y a des changements
impossibles à réaliser seul.
une formation
Une formation, et une réflexion complétées par une pratique
personnelle deviennent indispensables pour un tel démarrage. Mais comment acquérir cette
réflexion, cette formation ? Comment renforcer cette pratique pédagogique ? A
ces questions, plusieurs réponses complémentaires :
- par la lecture de livres, dossiers, documents I.C.E.M.
- en participant régulièrement aux réunions organisées par le
Groupe Départemental (G.D.),
- en participant régulièrement aux réunions organisées par le
Groupe Départemental,
- en
s'inscrivant à des circuits de réflexion et d'échanges pédagogiques organisés sur le
plan local, départemental ou national,
- en
travaillant dans sa classe en étroite collaboration avec un praticien de l'I.C.E.M. dans
un système de parrainage / compagnonnage,
- en
demandant à faire un stage de trois jours minimum dans la classe d'un praticien du G.D.,
- en
s'abonnant à des bulletins, revues de l'I.C.E.M.
N.B. :
Pour tous renseignements sur l'I.C.E.M., ses activités, ses productions, écrire
à : I.C.E.M., B.P. 109, 06322 Cannes la Bocca Cedex qui pourra vous faire parvenir
également la liste des Délégués Départementaux.
Le texte
ci-dessus signé Patrick Robo est paru dans le bulletin « Chantiers » dans
l'Education Spécialisée - Janvier 84.
Et ce dont il est important de parler aussi à ce moment c'est du
maître qui, remis constamment en question dans sa réalité, doit lui aussi faire son
propre tâtonnement. J'ai donc aussi vécu en suivant les idées d'un autre jusqu'au jour
où je me suis engagé vraiment à rencontrer ces gens dits « Freinet »,
pendant un stage que je suis allé suivre, la même année, à Chambéry en 1968. Là,
j'ai rencontré des gens normaux que j'ai eu tendance à prendre pour des gens
formidables, extraordinaires, tout simplement parce qu'ils n'avaient pas l'allure de ceux
que je rencontrais habituellement, ils « respiraient » autrement ! Ils
savaient dire ce qu'ils vivaient avec tant de chaleur que c'en était contagieux, avec
tant de simplicité aussi. Et j'ai appris d'eux beaucoup de modestie. J'ai appris d'eux
l'absence de jugement péremptoire. J'ai beaucoup questionné. Jétais pris par le
« virus ».
L'année suivante j'ai recommencé mon « année
scolaire » en la teintant encore plus de tout ce que j'avais vécu, assuré d'une
aide, tant au niveau de mon collège où nous avons commencé à former une équipe, qu'au
niveau départemental et national où je savais trouver quand j'en avais besoin une aide
efficace, libérée du dogmatisme, sans ce pouvoir lié à la réglementation officielle.
Et c'est, je crois, ce qui importe le plus quand on débute. Il faut pouvoir trouver ou
savoir que l'on peut trouver près de soi (quand on est loin et cest souvent le cas
on s'écrit) des gens qui amicalement vont savoir recevoir ce que vous faites, savoir vous
écouter et vous dire : « Bon, voilà ce que tu fais et qui ne va pas. Je ne
juge pas que cela est « mauvais » mais as-tu pensé à ... Je fais ceci...
essaie et tu me diras... » De toute façon je crois que si l'on a vis-à-vis des
enfants qui nous sont confiés une attitude d'accueil, d'aide, d'écoute, d'exigence
aussi, on est sur le « bon chemin » si l'on peut dire ! Et c'est à
chacun de trouver les solutions qui sont possibles en fonction de ce qu'il vit. Mais
l'aide du copain cela fait bigrement du bien quand cela ne va pas.
Je ne me lasserai pas de dire combien est important ce
compagnonnage entre les êtres, qui exclut le jugement, qui est autant écoute qu'apport,
accueil que proposition. Et c'est tout simplement la « part du maître » des
groupes Freinet vis-à-vis de ceux qui commencent, comme en classe le maître a sa part
vis-à-vis du tâtonnement de ses élèves. Et j'ai discuté, et j'ai écrit de nombreuses
lettres, dont j'ai toujours obtenu réponse, et j'ai suivi d'autres stages, rencontré
d'autres personnes à qui j'ai toujours demandé beaucoup et qui n'ont jamais refusé. Un
jour, j'ai eu à dire à mon tour ce que je vivais, ce que je tentais et c'est ainsi que
j'ai pris un rôle d' « animateur » tout autant d'ailleurs que je suis
toujours resté « animé » car même aujourd'hui où je pourrais dire :
« Voilà, j'ai tant d'années de réflexion, de recherche derrière moi, je sais
donc (comme un ancien combattant !) » Non je reste à l'écoute de tous mes
camarades dont j'ai besoin et qui savent m'apporter encore beaucoup et toujours. C'est un
principe de notre mouvement dans lequel il n'y a pas de maîtres mais des camarades qui
travaillent dans le même sens pour que tout évolue. Et même et surtout près des
« stagiaires » qui sont venus dans mes classes (car dès qu'on a un peu
d'expérience, de « bouteille » les instances académiques savent fort bien
vous utiliser et donc vous confier au niveau de la formation pédagogique de jeunes
maîtres) donc, même près des stagiaires, j'apprends beaucoup car ils m'apportent
toujours quelque chose par la réflexion qu'ils m'imposent, par le regard critique qu'ils
posent sur ce que je fais, et par les discussions qui nous animent. Je sais que je n'ai
pas fini mon tâtonnement, heureusement, que tous mes doutes par rapport à moi-même, par
rapport à la vie, ne sont pas clos !
Je crois qu'il faut être très prudent et prendre conscience
que tout est un facteur de temps. Impulser dans un groupe classe, une structure, une
activité qui n'est pas ressentie comme un besoin, va le plus souvent à l'échec.
Jen ai fait souvent l'expérience. Et je ne dirai jamais assez aux personnes qui
viennent me voir ou que je rencontre dans les stages d'être prudentes, d'aller à leur
propre rythme, de ne pas avoir en tête la volonté de reproduire un modèle, de
considérer que ce qu'elles observent est un moment de mon cheminement et du cheminement
de mes gamins, qu'il faut donc le situer ainsi et n'en pas faire une base de départ.
La classe doit devenir un vrai lieu de vie par son organisation
coopérative
Donner la parole :
-
Quoi de neuf
-
Histoire d'une enquête
-
Texte libre
-
Atelier menuiserie
-
Dessin et peinture libres
-
Musique avec les 2-4 ans
Donner le pouvoir :
-
Le conseil
-
La coopérative
Agir pour apprendre :
-
Respect du tâtonnement
expérimental
-
Individualisation du travail
-
Travail individualisé
-
L'audiovisuel
-
Apprendre à lire-écrire
-
Comment j'ai démarré en
« méthode naturelle » de lecture
-
Pédagogie des maths
-
Les ateliers
En prise sur la vie sociale et l'environnement immédiat :
-
Le journal scolaire
-
La correspondance
interscolaire
La classe coopérative est souvent un
élément de la vie coopérative d'un quartier, d'un village :
-
Fête exposition
-
Les radios libres
-
Les clubs informatique
Quelques pistes d'organisation de la classe :
-
Repartir à zéro ou presque
-
Lettre à un ami brésilien
-
La rentrée
-
Mon emploi du temps
commenté par A. Blancas
-
Mon emploi du temps
commenté par P. Robo
Appelé
aussi entretien, communication, quoi de neuf, etc. ce moment de parlottes, d'échange n'a
rien à voir avec un certain entretien du matin, prévu par les I.0., support de leçon de
vocabulaire ou de morale : il ne s'agit pas de parler sur commande.
Partout,
avant de se mettre au travail, on discute, on échange, on bavarde : de la couleur du
temps aux ennuis de famille. Seule l'école bannit le bavardage, qu'il s'agit là
finalement d'utiliser, pour arriver à des échanges plus précis.
·
L'entretien est un moment important de la
journée, permettant de lui donner sa « tonalité », son
« climat ».
·
L'entretien est un moment nécessaire pour
que se crée une conscience de groupe : « Nous sommes ensemble parce que
nous pouvons (presque) tout nous dire, (presque) tout écouter, parce que nous voulons
dépasser nos émotions premières, nous comprendre et comprendre les autres ».
·
L'entretien est le reflet de l'activité
tout entière, sinon le moteur.
·
L'entretien a une nature diverse et
complexe, parce qu'il n'est pas seulement le résultat de préceptes pédagogiques, mais
qu'il est la résultante des individus qui forment ce groupe-ci, en ce lieu-ci.
·
L'entretien a pouvoir de permettre aux
« paroles » d'émerger, donne pouvoir aux paroles de se transformer.
·
L'entretien permet peu à peu d'apprendre
à se situer dans et par rapport à un groupe (acquisition des notions de distance, de
choix, d'effort sur soi-même, de don aux autres...).
·
L'entretien a des structures, des limites,
des lois que le groupe fonde peu à peu, que chacun apprend à reconnaître, à
transgresser.
·
L'entretien est aussi pour le maître un
apprentissage constant :
-mieux connaître, aimer et aider les enfants,
-être disponible
-se décentrer...
·
Lentretien enfin est un témoin -
parfois cruel - de la vie et de l'évolution du groupe.
Extrait BTR n°37
Assis en
rond (c'est préférable), chacun va dire à tous ce qui est pour lui important :
« Bonjour, quoi de neuf ? »
Un
président assure un tour de parole, et permet l'écoute de chacun. L'adulte parle, aussi,
mais surtout écoute... et apprend beaucoup de choses. Un rituel facile, permet
d'animer : « La parole est à... Questions ?... on passe... »
Une loi
garantit et protège l'échange, discutée (au conseil), elle est indiscutable
- on ne se moque pas,
- ce qui se dit ici, ne sort pas de la classe
- « gêneur deux fois : tu sors du cercle ».
Arrivent donc, pêle-mêle et selon l'époque (au
début il ne se dit que le bienséant puis...)
... et
petit à petit, se limitant à ce qui intéresse tout le monde, on en arrive aussi à
l'actualité : marée noire, inondations, le pape en France, etc.
Si des
timides tardent à parler (l'incitation et la sécurité du groupe les pousseront),
d'autres (s)étaleraient volontiers leur(s) histoire(s). Limiter le temps de parole
permet :
- De ne pas
favoriser certains exhibitionismes.
- De
fournir le réservoir de textes libres (ça suffit, tu le raconteras en T.L.).
- De la
causette sont issus beaucoup de travaux (textes, albums, enquêtes, ateliers ... ).
-
Au début l'adulte préside.
Puis un élève.
Quotidien,
ce court moment peut devenir un excellent entraînement à la conduite de réunions (ceci
n'est pas toujours vrai).
- Certains
profitent de la causette pour signaler un apport, un don : « J'ai apporté ceci
pour la classe » (le don, fonction importante).
- Beaucoup
d'enfants du siècle ont un univers aux dimensions de la lucarne de télévision. Savoir
que, s'il n'y a pas de solution-miracle, des techniques permettent d'évacuer sans
invalider, sans écraser... Des copains signalent...
- Causette
quotidienne : le public se lasse des histoires de télé. Le laisser se lasser.
- Si la
majorité a vu le film, inutile de le raconter.
- Si tous
ne l'ont pas vu : On informe rapidement... et on passe.
Mais il peut être instructif (pour l'adulte) de laisser causer (sur) la télé...
Ceci n'était pas la première enquête que nous faisions. Nous avons commencé par des enquêtes plus modestes, sur des intérêts immédiats, ne nécessitant pas un long travail de préparation ni d'exploitation. Donc, dans le vécu de chacun, l'enquête existait déjà. Son utilité aussi : d'abord nous renseigner, en tirer un document pour notre fichier, et aussi en faire profiter les lecteurs du journal et nos correspondants.
Pour moi, ces contacts avec le milieu extérieur réel, me paraissent
un indispensable complément à l'expression libre, un salutaire contact avec le monde
adulte du travail, et une bouffée d'air frais supplémentaire, dans la classe, qui a
tendance à être isolée dans l'école : classe de perfectionnement, méthodes
pédagogiques différentes, communications peu enthousiastes du maître avec ses
collègues (cf. certaines chroniques Grain de sable). Donc, en plus des lecteurs du
journal, en plus des correspondants, l'enquête est un élément de plus qui nous
raccroche au monde et nous permet d'ignorer superbement, l'école anaérobie.
Nous en avions déjà parlé au « Quoi de neuf », au sujet d'un feu. Les correspondants viennent de nous envoyer un album sur les têtards. Or, la règle implicite, veut que nous répondions par un autre album. De toute façon l'enquête est toujours accueillie avec joie : NOUS SORTONS de l'école, et l'expérience a prouvé qu'une enquête/album est toujours l'occasion pour certains d'épisodes pittoresques, et de dépassements de soi, surtout lors de la confection de l'album, oeuvre coopérative par excellence.
- Jeudi après-midi : « Qu'aimerions- nous savoir ? » Chacun
propose des questions qu'il se pose ou qu'il aimerait voir poser. L'animation est grande.
Chacun veut que ses questions soient inscrites. Certains teigneux admettent difficilement
que des questions saugrenues ne soient pas retenues (exemple Thierry : Est-ce que les
bottes, ça troue les chaussettes ? De toute façon, le fait qu'elle ne soit pas inscrite,
ne l'empêche pas de la poser). Je suis donc au tableau, et note les questions dans
l'ordre où elles arrivent. Deux élèves gênent et boudent : gêneurs deux fois, ils
resteront à l'école. Deux enfants recopient les questions.
Est-ce que les habits sont à vous ? Est-ce qu'ils peuvent griller
les feux rouges ? Est-ce qu'il arrive qu'un pompier prenne feu ? Qui c'est le patron, qui
les paye ? Combien mesurent les échelles ? Est-ce qu'on peut être mis à la porte,
est-ce qu'un pompier peut être chômeur ? (C'est évidemment Guy, qui pose cette
question, son pere est sans travail, et ça crée des disputes à la maison). Est-ce que
vous habitez à /a caserne, etc. En tout une trentaine de questions.
- Vendredi matin : Roberto, malgré sa rage de dents, a -tenu à venir. J'ai classé toutes les questions en quatre parties (et les ai recopiées au tableau).
- La vie des pompiers.
- Le matériel.
- Le feu.
- Les blessés.
On se partage les questions, après s'être répartis en quatre
équipes de trois ou quatre. Chacun inscrit « ses » questions. Ce ne sont pas forcément
celles qu'il a posées jeudi, mais il les note jalousement. Ce qui explique cette phrase
du compte rendu limographié dans le journal : « Danièle, sur le chemin, lisait ses
questions. Elle n'a pas vu un pylône : BOUM ! On n'a pas appelé les pompiers). Les
équipes se font en tenant compte à la fois des affinités, et des niveaux en
comportement : impossible de laisser le bébé Valérie, jouer sur le trajet ou les lieux
de l'enquête ; c'est « maman Katia », une grande maternelle, que Valérie aime bien,
qui la gardera avec elle. Christian, qui ne se pilote pas toujours, ne peut faire équipe
avec Mohamed, l'acrobate indépendant, etc. Ça discute, ça dispute, et j'utilise le cas
échéant mon droit de veto. L'expérience et une enquête interrompue (un accident avait
été évité de justesse), ont montré à tous que ces règles étaient indispensables.
Si nous discutons maintenant c'est pour qu'elles soient indiscutables sur les lieux de
l'enquête.
Nous parlons, donc, et établissons (ou rappelons) les règles sans lesquelles l'enquête n'aurait pas lieu :
- Trajet : un devant pour s'arrêter aux carrefours et un derrière pour faire activer. On marche sur le trottoir.
- A la caserne, on ne court pas, on ne touche rien sans autorisation.
On réfléchit avant de poser une question (n'y a-t-on pas déjà répondu). On écoute
poliment, puis : « M'sieur, j'ai pas bien compris ». On regarde, on écoute,
Jamais je ne me lancerai dans une grande
enquête, sur des lieux dangereux avec des gosses non habitués à la discipline
coopérative.
on note, on dessine. Quand le maître lève le bras, on s'arrête de
parler, et on se rassemble, on va dire quelque chose que tous doivent entendre.
Tout le monde est d'accord, on peut partir tranquilles. Une règle de
vie bafouée entraînerait le retour immédiat à l'école. Les deux gêneurs/ boudeurs
d'hier, resteront à leur grand regret dans une classe.
- Le vendredi après-midi : Nous partons à 14 heures, à pied
(2 km de trajet). Il fait beau, on est content. En passant le portail, les élèves «
normaux », qui attendent la sonnerie et le bon vouloir des maîtres pour rentrer,
regardent tristement les anormaux du perf. s'en aller, et leur posent des questions.
Certains frères et soeurs, d'élèves de la classe, sont au courant et le disent aux
curieux (on en a parlé dans la famille).
L'enquête durera 2 heures et demi. Les enfants ont posé leurs
questions (il y en a eu pas mal d'improvisées, en surplus, et certaines chamailleries sur
le chemin du retour, « Il a posé ma question et j'ai pas pu la dire ») ... Le caporal
chef des pompiers a exposé pas mal de choses. Tout le monde n'a pas tout entendu, ni tout
compris. Devant le zèle et le langage technique de notre hôte, j'ai dû faire le «
président de séance », pour redire en langage clair ce qui venait d'être exposé, et
permettre aux enfants de demander des éclaircissements. Sans qu'on s'en aperçoive,
Luisa, la gitane sauvageonne, et Mohamed, ont fait parier un standardiste, et ont ramené
des renseignements inattendus. Horreur, quelques photos de dames nues, à l'atelier
mécanique, ont mis de l'excitation chez les meuniers. Le grand Mario a laissé tomber :
Ils ont jamais rien vu ! ...
Sur le retour, ça discute beaucoup. On échange les impressions, on
projette déjà ce qu'on va raconter, dessiner, etc. Bref, on commence déjà
l'album.
Chacun savait qu'on ferait un album, et a rapporté le plus de
renseignements possibles. Samedi matin, je me retrouve devant le tableau, et chacun parle.
Le plan de l'enquête réapparaît, identique à celui des questions, mais cette fois avec
des réponses. Des titres, des mots techniques s'inscrivent : pompier volontaire,
standard, fourgon pompe tonne, verrins, etc. Ce qui avait été perçu d'une façon
diffuse et fragmentaire, éparpille se remet en ordre. On précise des termes, on corrige
ce qui n'avait pas été ou mal compris, etc.
Petit à petit, l'ensemble de la visite s'est inscrit blanc sur noir.
Il faut maintenant passer à la rédaction de l'album. En face des titres ou des mots
techniques, des noms s'inscrivent.
On retrouve quatre équipes. Elles sont évidemment différentes de
celles de l'enquête, car basées cette fois, sur les capacités en écriture et dessins.
Dans une classe de perfectionnement à niveaux multiples, la chose n'est pas aisée, car
là aussi, les critères affectifs et de caractères interviennent. Les ceintures de judo
en écriture, français, comportement, les résultats aux sociogrammes (avec qui aimes-tu
travailler, jouer, à qui acceptes-tu d'obéir), jouent là aussi, un rôle capital. Ce
n'est pas impossible (loin de là), mais sans organisation, il vaut mieux renoncer à ce
genre de travail et parler de « ces enfants-là » avec qui on ne peut pas faire comme
avec les autres.
Cette organisation permet en une matinée à tous, de travailler (selon son rythme)
- écrire,
- se faire corriger, mettre au point le brouillon avec le maître,
- recopier parfaitement, - se faire contrôler,
- illustrer,
... et au maître d'aider, corriger, etc.
L'entraide est de rigueur, et chacun n'apporte que ce qu'il veut et
peut, Souvent plus. L'album, uvre de tous, doit sortir. Chacun l'attend.
La feuille où chacun a écrit son texte, impeccablement (ça doit
pouvoir être lu, sinon, inutile de faire l'album), est collée sur un carton 21 x 29,7,
qu'un équipier ou l'auteur a illustré (feutres, encre de Chine, peinture, etc.) en
laissant la place du texte.
Les cartons sont assemblés en accordéon, de façon à ce que les
corres puissent l'afficher s'iis le désirent (un album agrafé est inexploitable
collectivement). Le maître s'occupe des titres (en avril, Christiane, passée ceinture
verte[1]
en écriture, pourra aussi s'en occuper). Certains tiennent à dessiner leurs titres.
C'est leur affaire, mais l'album, c'est la nôtre, il ne doit pas en pâtir : ainsi
certains progrès, chez les débiles psycho-moteurs...
Mais quel que soit son apport, chacun peut dire « notre » album.
Viviane, semi-éducable, Q.I. de 40, paraît-il, n'a retenu de la visite, que ce qui a
été l'occasion d'une victoire pour elle : quasi mutique, elle a levé le doigt, et osé
poser sa question, non prévue : « Quoi c'est ça ? » « Ça », c'est un vieux poste de
T.S.F., abandonné à l'atelier. Dans l'album, « son » poste figure un dessin, et
dessous, elle a écrit toute seule un poste.
L'album circulera dans les familles, qui
parfois écriront ce qu'elles en pensent, et le deuxième exemplaire (nous l'avons fait en
double), partira chez les corres. Un résumé, fait par le maître, tiré au limographe,
figurera dans le journal de la classe. Voici ce résumé :
Le 2 avril 1979, M. Croze, caporal-chef, nous a fait visiter... La caserne des pompiers de Béziers, et a répondu à nos questions.
o des fourgons pompe tonne pour éteindre les feux (3 000 litres d'eau et 700 mètres de lances),
o des camions portant du matériel,
Nous avons vu aussi
Autrefois, les pompiers ne s'occupaient que des feux, mais aujourd'hui, ils s'occupent de beaucoup de choses : les accidents de la route, les noyés, les asphyxiés, les gens piqués par les guêpes et les abeilles, les accidents d'avion et de trains. Les pompiers ont deux patrons : le Maire de Béziers et le Préfet de l'Hérault.
Danièle, sur le chemin, lisait ses questions, et elle n'a pas vu une pancarte : BOUM ! On n'a pas appelé les pompiers ! ...
(Résumé de notre album)
Causette du 20 avril au matin : Il y a eu un feu, les pompiers étaient là. Mohamed précise : « Il y avait un fourgon pompe tonne. Ils ont pris l'eau à la bouche d'incendie ».
L'enquête a permis aussi de rapporter une foule de « problèmes » (cf. « Artisans Pédagogiques » n° 2 P. 27). La moisson est si riche que nous les publions aussi dans le journal, au limographe.
Grâce aux pompiers... nous ne manquons plus de problèmes.
1 camion de 1000 l, 2 fourgons de 3000 l, 2 fourgons de 2500 l, une arroseuse de 5000 l,1 camion de 6000 l, 1 jeep de 300 l. Ça en fait des litres ! Et des hectolitres ?
Les « ceintures blanches » chercheront le n° 6 en mesurant dans la cour.
Les « jaunes » trouveront les opérations et ce qu'ils pourront des numéros 1, 2 et 4.
Les « oranges », s'ils trouvent les numéros 1, 2, 4 et 6 chercheront les 3 et 5, puis le 7, et peut-être passeront ceinture verte.
Cherchez vous aussi, si vous voulez...
Toutes les enquêtes ne sont pas aussi préparées. Certaines ne sont des enquêtes qu'a posteriori : un compte rendu pour le journal, après une promenade. Cette année il y a eu :
- Visite du quartier
- Les dégâts des eaux dans le quartier
- Le travail des vitriers
-
La caserne des pompiers.
L'année suivante
- Visite de la gare
- Une station de pompage l'Orb (la rivière de Béziers)
- Les vieilles rues
-
Le travail des taxiteurs.
Inutile d'allonger la liste. Tout est possible...dans la mesure où
les sorties ne sont pas entravées par des tracasseries administratives... Pour qui veut
se lancer là-dedans, mieux vaut connaître les règlements en vigueur, ne serait-ce que
pour savoir les utiliser en sa faveur, car il est normal qu'une institution aussi
fossilisée et hiérarchisée que la nôtre, émette des règlements, qui, en matière de
responsabilités, empêchent d'appliquer ses propres instructions officielles.
Les sorties d'élèves : précautions d'ordre général (voir
les textes officiels sorties d'élèves code soleil).
René Lafitte
[1] Le niveau-capacité des enfants dans la classe de René est codifié par des ceintures de couleur qui sont reconnues coopérativement par l'ensemble de la classe.
C'est une technique d'expression et une base de culture.
Il permet de prendre en compte chaque écrit, chaque parole, chaque
volonté d'expression, d'être en prise directe avec la vie de l'enfant, de donner à
l'écrit son véritable sens, à l'enfant d'être l'acteur de l'apprentissage de sa langue
par tâtonnements répétés sous un réseau d'influences diverses (textes d'auteurs...
Il, à l'enfant de conquérir progressivement son autonomie.
- En donnant à l'enfant le goût et le désir d'écrire. Alors, il trouvera toujours le moyen et le temps d'écrire.
- En écrivant, les enfants apprennent à écrire et à s'exprimer.
-
En ne faisant pas du texte libre,
un devoir. Ne pas faire de la mise au point du texte libre un exercice de grammaire.
Faisons comme l'écrivain qui fignole son texte pour le rendre clair, sensible,
beau...
C'est ce que je fais, ce n'est pas forcément ce qu'il faut
faire.
Lundi: de 14 h à 14 h 20... Quoi de neuf dire, lire, montrer.
Mardi: de 11 h 05 à 12 h ... Mise au point de texte libre.
De 14 h à 14 h 30... Texte libre (ceux qui veulent en écrivent) ou correspondance, ou techniques opératoires.
Jeudi : cf. lundi.
Vendredi : cf. mardi.
Deux séances consacrées à la mise au point et à la lecture des textes libres. C'est le minimum à accorder à cette technique.
Deux moments (le temps d'écrire) ; on peut aussi écrire à son corres, faire des opérations.
Deux autres moments pour lire encore (textes nouveaux + textes mis au
point).
Si le texte libre n'est qu'accidentel, sa valeur de motivation et
d'expression ne joue pas.
- Individuelle : corrections faites en présence de l'enfant.
- Par groupe de trois, quatre ou cinq : correction du texte brut duplicaté.
- Collective : surtout si le texte est long et nécessite un travail important de mise au net ou si l'idée peut inciter à écrire (par exemple : ABCD, j'aimerais... EFGH, avoir une vache... IJKL etc. ou bien « L'étrange Monsieur Untel ». Il respirait par les poils de son dos, il conduisait avec ses orteils...
J'ACCEPTE ET FAIS ACCEPTER : mon acceptation est la plus grande possible (fautes d'orthographe, maladresses de style, la « banalité » ... )
J'ÉCOUTE ET FAIS ÉCOUTER attentivement.
J'AIDE ET FAIS AIDER, J'ENCOURAGE.
En quelques mots, J'EXISTE et je fais partie de
l'équipe-classe.
Tout ceci ne doit pas nous faire oublier qu'on écrit aussi pour
être lu.
Le texte libre est indissociable de la correspondance et du
journal scolaire, qui lui donnent son sens d'outil de communication, et socialisent la
pensée.
Remarques : les textes libres peuvent aussi déboucher sur d'autres productions que le journal. Citons : les bandes dessinées, le théâtre libre, les albums.
Raymond Blancas
Chacun écrit ce qu'il veut, quand il veut, comme il veut, où il veut.
Chacun lit après ou pendant l'entretien du matin à la synthèse de la journée.
Chacun se corrige seul, avec l'aide d'un camarade, ou de plusieurs camarades, du maître. Il utilise des livres de grammaire, le dictionnaire, le « j'écris tout seul », son classeur de français, les fichiers.
Pour les enfants qui ont des difficultés à l'écrit, le texte peut être oral, dit au magnétophone, écrit par un copain ou le maître.
Que deviennent les textes ?
Ils sont lus à d'autres classes. Ils sont mis au journal. Ils sont envoyés aux correspondants. Ils sont mis dans un album et partent en circuit de lecture (6 classes). Ils se transforment en romans imprimés, illustrés et vendus.
Très rapidement au début de l'année des enfants ont souhaité faire des textes à suite et organiser un roman. Au fur et à mesure de l'avancée des romans, le maître tape à la machine les textes en lignes calibrées suivant le corps d'imprimerie choisi.
Des équipes de deux enfants viennent composer. Une fois composé, l'enfant met sur la presse, tire une épreuve, corrige ses composteurs. Quand la composition est correcte, les composteurs sont stockés à la suite de ceux déjà faits et l'enfant qui a composé colle tous ses essais sur son cahier de travail. Dans son contrat de travail c'est une équivalence de travail de français.
Quand il y a un nombre de composteurs suffisants on met sur la presse et une équipe effectue le tirage.
Peu à peu, une maquette du roman s'élabore. On donne alors la maquette à l'auteur du roman qui, aidé par des camarades, prépare des illustrations directement sur la maquette.
Les textes permettent un défoulement, une libération des fantasmes
et des peurs, une reconnaissance de soi-même, la communication, la traduction d'un
sentiment pour le communiquer, pour faire sentir qu'on existe.
A. Dejaune École de
Breuil-le-Sec
C.M. 1-C.M.2 (1984-1985)
Que les activités manuelles existent dans nos classes, c'est bien. Et après ? Et même pendant, à quoi ça sert ?
Le camarade qui entre en 6e, lui, il marche bien en français et en maths. Et tout le monde sait que pour « réussir », cela suffit. Alors à quoi ça sert le travail manuel ? A quoi ça me sert ?
Bien sûr, c'est plus agréable de fabriquer de ses mains que de subir rivé à sa table, mais la norme est sans pitié pour les non-intellectuels, et le diplôme paie souvent plus que la qualification professionnelle. Déjà dès la 5e, on oriente c'est-à-dire : on écarte, on met sur la touche au nom de la norme en question.
Déjà et bien avant : dès le C.P. quand il faut apprendre à lire à 6 ans et en 6 mois. Car la culture dominante sait faire prévaloir le verbe sur les activités manuelles, et distinguer les disciplines nobles des autres.
Mais qui peut prévoir quel sera l'avenir d'un enfant ?
Et si on n'abat pas cette ségrégation, la culture ne restera-t-elle pas quel que soit le système, celle d'une classe intellectuelle dominante ? Rendre donc justice aux activités manuelles et les valoriser. Oui, mais comment ?
Sans doute dans nos classes, ce qui est réalisé est-il presque toujours valorisé. Sans doute aussi - tout comme le dessin, la peinture, le chant, le théâtre, etc. - le travail manuel doit-il être reconnu hors de la classe avant que de pouvoir y prendre sa véritable dimension,
Dans nos classes coopératives, en tout cas, les enfants ont l'habitude de produire individuellement, comme ensemble.
C'est ensemble que nous avons coutume de faire nos lois et de les respecter. Et si elles ne vont pas, de les changer.
Ce qui nous permet d'agir ensemble, de créer des choses ensemble, de coopérer... Des moments et des lieux de parole sont prévus pour rendre les enfants sujets de leurs actions.
A Espondeilhan où la classe C.E.2-C.M.1 regroupe 19 enfants, l'atelier menuiserie fonctionne depuis le début de l'année scolaire à raison d'une heure et demie deux fois par semaine... (sauf quand on reçoit le colis des corres : répondre devient prioritaire).
Sur décision du conseil, pas plus de deux élèves à la fois...
La demande étant importante, on y allait au début à trois ou quatre et c'était souvent « pagailleux ». Toujours. des garçons. Pourtant, récemment, une fille et un garçon ont décidé de faire équipe ensemble pour construire un camion.
C'est surtout depuis l'introduction des fiches C.M.T. (Création Manuelle et Technique), que les enfants arrivent à réaliser. Bien sûr, ce n'est pas parfait (à mes yeux, ce n'est pas le plus important à l'école élémentaire), mais ils sont assez satisfaits. Ce qui les aide surtout, c'est de voir l'objet réalisé par le camarade. La copie est plus ou moins bonne, mais on est satisfait d'être arrivé à un résultat.
La fiche reste le point de départ.
A l'arrivée, la réalisation ne ressemble guère à la fiche il y a un produit fini qui plaît généralement à celui qui l'a fabriqué et très souvent aussi aux autres : il faut le faire et ceux qui y sont passés savent de quoi ils parlent.
Au départ, l'enfant se dit : « J'ai envie de scier, de planter des clous, de toucher du bois... J'ai envie de bricoler... »
Et les fiches C.M.T. sont pour lui sources d'idées d'objets à réaliser ; elles lui permettent d'annoncer un projet : un bateau à moteur, un camion, une voiture, une locomotive...
Et voilà, le tour est joué : il va pouvoir satisfaire son envie première, tout en fabriquant quelque chose qu'il pourra montrer, exposer dans la classe ou envoyer à son correspondant, comme ce fut le cas pour Noël, au moment des cadeaux. Ce que je constate en tout cas, c'est que les fiches C.M.T. n'empêchent pas la création : il y a souvent quelque chose en plus, en moins ; c'est différent et c'est tant mieux. Avec ces fiches, on peut les laisser tâtonner.
Bien sûr, avec ou sans fiches, ils tâtonnent. Je veux dire que quand ils tâtonnent, ils sont sujets, mais que ce tâtonnement sera plus ou moins efficace, plus ou moins flatteur, suivant le vécu de chacun.
Bien sûr, il faut veiller à ce que le matériau (lattes, couvre-joints, manches à balais, carrelets... ) ainsi que les outils permettent de réaliser, c'est-à-dire de réussir.
Au début, peu d'outils et seulement du contreplaqué. Alors, forcément, il y a eu ceux qui ont « glandouillé », ceux qui n'y sont pas arrivés, l'échec pour presque tous...
C'est à ce niveau pourtant que l'adulte doit intervenir de façon plus ou moins importante, plus ou moins subtile. Introduire par exemple des fiches, aménager un milieu compensateur...
L'enfant doit réussir, c'est important et proposer une situation qui le mènerait à l'échec serait catastrophique. Il faut au contraire préserver ou retrouver une attitude d'enfant-sujet dans le milieu où il travaille.
Quelle
qu'en soit la raison, c'est abandonner l'enfant que de le laisser tâtonner dans un milieu
et avec des outils qui vont le faire échouer. Sur ce point, je n'ai pas toujours
été lucide et au nom de la liberté, j'ai souvent laissé les enfants dans des
situations impossibles.
Raymond
Blancas (C.E.2-C.M. 1-C.M.2)
Avec le langage oral et gestuel, le dessin est un moyen d'expression naturel qui précède normalement l'expression écrite.
Par le dessin et la peinture libres, l'enfant s'exprime comme il le fait par la parole, pour les mêmes raisons vitales et avec le même entrain. Il est donc important que les graphismes obtenus soient pris en considération par l'école, qu'ils soient intégrés dans les processus normaux d'expression et de progrès.
L'évolution se fait selon les mêmes lois d'expérience tâtonnée qui ont présidé à l'évolution naturelle du langage.
1. Avoir tous les matériaux
nécessaires : papier convenable de divers formats et couleurs, crayons, markers, craies
de couleurs, pinceaux, bacs à peindre, chiffons, récipients pour l'eau claire,
gouaches...
2. Une plaque d'aggloméré sur
laquelle de grandes feuilles sont punaisées peut être le point de départ d'un atelier
peinture. (Le plan vertical est préférable pour les grands travaux).
3. Laisser aux enfants suffisamment de
temps pour réaliser leurs peintures.
4. Tout le monde ne doit pas peindre
en même temps !
5. Toute oeuvre terminée est
présentée au conseil par son auteur. Les travaux choisis par le groupe sont exposés
dans la classe.
6. Faire du dessin libre un exercice
légitime. Un cahier de graphismes pourrait être pour l'enfant une mine de richesses
intérieures.
7. Ces productions graphiques de tous
les moments peuvent servir d'inspiration pour des travaux de plus grande envergure.
8. La présence d'un miroir en classe
peut aider les enfants à dessiner des personnages vivants. 9. Les enfants peuvent
s'entraîner à dessiner sur le tableau noir.
- Être attentif à la production de l'enfant, l'aider à se dépasser, à bien terminer son oeuvre, l'encourager.
- Au conseil, attirer l'attention sur les éléments positifs et négatifs de l'oeuvre présentée.
- Essayer d'établir une chronologie en datant les travaux. Ceci permettra de noter l'évolution et les enrichissements.
Méthode naturelle de dessin
Les dessins de Patrick - Casterman - E3
Dossiers pédagogiques n° 151 - 152 - 71 - 72
Classe de village - école à deux classes
Je ne sais si l'on peut employer ici le terme de « musique », mais ceci m'importe peu, l'important, je crois, c'est que l'on puisse se comprendre ; les « purs » crieront à l'hérésie peut-être ; nous, nous continuerons pour l'instant à usurper ce terme, si usurpation il y a, et à pratiquer notre musique.
Donc, pourquoi la musique :
- Parce qu'elle est un mode d'expression en plus dans la classe et que mon souci est de favoriser un maximum de lieux d'expression. - Parce qu'à cet âge là, on découvre, on découvre son corps, ses possibilités, mais aussi l'extérieur, le monde environnant et que dans ce monde, c'est fou ce que l'on peut entendre pour peu que l'on prenne le temps de s'arrêter, de prêter attention, et d'entendre les sons, les bruits qui nous entourent.
- Parce que la musique, c'est un fait social, une communication, un langage qui permet le dire et l'écoute et que le dire et l'écoute me paraissent essentiels dans une société humaine.
Le temps que l'on y passe : deux à trois séances de 20 minutes environ par semaine, avec la possibilité d'aller à cet atelier, comme on va aux autres (cette dernière possibilité est peu exploitée).
La place dont on dispose : une grande salle (salle de jeux) attenante à la classe et quand il fera meilleur, le préau, la cour.
J'ai fait en sorte, avant de commencer d'amasser un petit capital-instruments de façon à ce que tout enfant qui le désire ait la possibilité de faire (là comme ailleurs, certains ne font pas ; ils font autre chose grâce au fonctionnement de la classe en ateliers). Notre capital :
2 cymbales d'orchestre, 1 tam-tam (type Maroc), 1 carillon (C.E.L.), 1 xylophone (fabriqué par un copain), des cymbalettes (fabrication grand-père d'élève), 1 roseau sonore (même fabrication), 1 triangle, des bâtons sonores (C.E.L.), 5 wood blocs (C.E.L.) ; 1 tube deux tons (C.E.L.), 1 tube un ton (C.E.L.), une clochette, 2 harmonicas, 1 guide chant électrique (type orgue électronique) et tous les instruments qui viennent s'ajouter de façon non permanente.
En plus on se sert de tout ce que l'on a sous la main et qui peut faire, sans oublier le corps, on a trop tendance à l'oublier.
à mon sens, on n'écoute jamais assez et pourtant, comment pouvoir être sensible à un langage ou envisager de l'utiliser si on ne cherche pas à l'éveiller en soi ; pas par du matraquage de musique classique « la seule, la vraie, l'unique ; non, mais tout simplement en réalisant que la musique ça passe par l'oreille et que techniquement l'oreille, ça peut s'éduquer ou tout au moins s'éveiller, alors... Il y a du bruit dans la classe, les décibels font l'escalade avec l'énervement : stop, stop, on arrête, plus personne ne bouge, chacun reste où il est, chut, chut, on écoute ce que l'on entend... tiens, les grands sont dans la cour, ou une voiture, un camion, un tracteur passe ; ça, c'est la chasse d'eau, etc.
Notons au passage que c'est intéressant de reconnaître s'il s'agit d'une voiture, d'un camion, d'un avion, d'un tracteur ; tous des bruits de moteur, aucun le même ! Une véritable reconnaissance d'instruments...
On est calme, on est sur le tapis : « écoute ce que l'on entend... Id vent, la pluie, le tonnerre
les deux ; les trois à la fois... un véritable orchestre ! ... des sons, des bruits, il y en a plein à reconnaître, à identifier, dedans ou dehors, de dedans, de dehors.
On peut aussi faire des jeux : cacher des objets, les faire sonner, les identifier, reconnaître les séquences des « disques-bruits », inventer des histoires à partir de là...
Toutes ces séquences d'écoute me paraissent importantes, parce qu'aussi directement liées à la socialisation : je me tais, je fais attention, j'interprète, je fais, j'écoute, je dis.
D'autres formes d'écoute-decouverte : les disques.
J'essaie de varier les genres, de mettre un peu de tout, on écoute les séquences, on en parle, on les rythme ou on les danse, ou on joue avec...
Certaines séquences nous permettent de nous reposer ; on s'allonge à même le sol, certains ferment les yeux, d'autres se balancent, on écoute, on souffle... attention : ça ne dure pas plus de trois minutes...
On va essayer, nous aussi de rencontrer des instrumentistes avec leur instrument ; c'est pas simple, mais on a le temps, en cherchant bien, en demandant à droite à gauche, on trouvera bien quelque chose à se mettre sous l'oreille... Tant que j'en suis à vous dévoiler des projets ; on va essayer d'aller avec nos instruments, rencontrer une autre classe ; pas au hasard, l'école qui nous accueillera travaille depuis longtemps sur la musique ; nous, on est des novices ; là-bas, c'est des sérieux, on ira voir : nous on jouera ce qu'on sait, comme on sait ; eux joueront ce qu'ils savent on jouera peut-être ensemble. C'est ça une rencontre, chacun apporte ce qu'il peut et l'on prend ensemble ce qui est possible.
Quel instrument ! Je ne risque pas de vous retranscrire là tous les bruits que les enfants arrivent à produire avec leur corps... et si vous n'en êtes pas convaincus, essayez donc (quand on essaie quelque chose, il faut au moins trois essais, et pas en regardant par la fenêtre pendant ce temps, sinon c'est sûr que... ) demandez-leur un peu tout ce qu'ils savent faire avec leur corps. Vous pouvez aussi entreprendre un voyage autour du corps où l'on essaie de faire que toute partie fasse du bruit, émette un son, du plus fort au plus faible. Riche moment où chacun se découvre et découvre l'autre, essaie lui aussi... et quand des sons sont bien repérés, bien situés, bien rythmés, lorsqu'ils sont reconnus, alors on passe au « faire semblant » : on fait semblant d'émettre le son, semblant de produire le bruit, les mouvements y sont, mais rien ne sort, seul le geste est là ; ce n'est pas du masochisme, mais du contrôle de soi... et c'est pas évident.
Je dispose les instruments par terre ; les enfants choisissent, on pourra changer d'instrument (avec mon intervention s'il y a problème, chose qui était fréquente au début et qui ne l'est plus maintenant) ; certains se « spécialisent ». On se place « en rond » contre les murs de la salle de façon à laisser une grande place au centre, on sen servira et ainsi chacun voit l'autre.
- On frappe ensemble, mais en frappant ou jouant, chacun doit entendre un instrument précis, défini à l'avance ; par exemple : on a un guide chant électrique, donc à puissance constante, il faut que chacun en jouant entende cet instrument, ou entende le carillon, ou l'harmonica (je donne le nom de l'enfant qui joue, pas de l'instrument). C'est une façon je crois d'éviter de taper ou jouer n'importe comment et sans tenir compte de l'autre.
- Jeux fragmentés : je choisis des instruments pouvant jouer ensemble et je montre ou nomme trois enfants qui jouent ensemble, les autres écoutent.
- On joue au fur et à mesure : deux ou trois commencent, un meneur désigne du doigt l'enfant qui peut jouer ; l'orchestre prend de plus en plus d'importance.
- Un enfant possédant un instrument rythmique démarre et donne le rythme, les autres entrent en scène librement ; au fur et à mesure qu'ils « se sentent prêts ».
- Un enfant, ou un adulte joue d'un instrument et se déplace dans l'assemblée ; chaque fois qu'il s'arrête devant un enfant, ils jouent en duo.
- On rythme tous ensemble sur deux temps un meneur frappe le rythme (un enfant ou moi) avec un instrument ou sans, on le suit, on joue avec.
On accélère, on ralentit, on garde un rythme constant (ça c'est dur). On fait fort, on joue doucement : pour cela, on a un code : la main en bas signifie doucement, la main en l'air signifie fort.
Quand je suis meneur, j'accentue le geste doucement, ma main touche le sol, je suis baissé ; fort, je suis debout, ma main en l'air. Les enfants ont pris aussi cette habitude.
On rythme aussi en marchant ou courant : « les pieds disent quand on joue et comment on joue ».
L'ensemble des deux codes, assimilé par les enfants, provoque au bout du compte un double phénomène, une sorte de symbiose entre le meneur et l'orchestre car le meneur commence à donner le rythme (en marchant ou courant) et l'amplitude (en étant baissé ou droit, avec sa main qui souligne l'indication) ce qui provoque chez lui une sorte de danse soutenue par l'orchestre qui au bout d'un moment (assez rapidement), « renverse » le meneur et prend le dessus en faisant alors véritablement danser le meneur qui parfois reprend le dessus... Ce n'est pas le premier jour que l'on est arrivé là, il a fallu d'abord s'y faire un peu, mais actuellement, quand on arrive là, c'est vraiment un temps fort, on sent qu'il s'est passé quelque chose de riche et tout le monde est heureux et fatigué aussi ; on a atteint un résultat. C'est généralement sur une séquence comme cela que l'on arrête. Notons au passage la place exaltante du meneur qui obtient un résultat très perceptible de son pouvoir et ou se fait emporter par la musique.
- L'orchestre fait danser les camarades qui préfèrent danser que jouer.
- L'orchestre fait danser la marionnette à fils que j'apporte de temps à autre à l'école. Au début, seuls les disques la faisaient danser, maintenant, les enfants, par leur musique, arrivent aussi à la faire danser.
Je mets un disque avec un rythme sur deux temps ; on écoute, on s'en imprègne un peu, puis on joue tous ensemble avec le disque, on s'accompagne ; les enfants aiment bien car là aussi, il y a un résultat et des possibilités de danseurs.
1. La correspondance, le journal, les enquêtes, ont amené « la vie » dans la classe. Les événements ont été vécus par tous, mais aussi par chacun, et pas obligatoirement de la même façon. La structuration de l'espace et du temps, 1organisation du travail ont évité provisoirement les tensions, les éclats. Mais ce qui n'est pas apparu, joue. Invisible, le désordre est là, et peut-être l'éparpillement et l'éclatement du groupe. Tout a besoin d'être repris sur le plan verbal, intellectuel, symbolique, et au besoin, remanié : c'est peut-être là le rôle essentiel du conseil de coopérative.
2. A un moment donné, prévu, attendu, le travail cesse. Généralement, les participants se disposent en cercle. Un président de séance assure l'ordre qui permettra à chacun d'être entendu de tous. Un secrétaire de séance note les sujets abordés, et les décisions prises. (cf. Mise en place du conseil).
3. Très simplement, les enfants et le maître, parlent de leur vie scolaire quotidienne et s'efforcent de l'améliorer. C'est peut-être là l'important : prendre en charge leur propre administration, leur présent et leur avenir.
4. Certains « Éducateurs actifs » se contentent d'y organiser le travail, et c'est déjà un progrès. Mais est-ce suffisant ?
La classe coopérative, la classe groupe, peut fort bien aboutir à une dictature technocratique. Peut-être est-ce le but de l'école : former des citoyens, des travailleurs, des techniciens socialisés, respectueux de l'ordre. Et si l'homme était un peu plus qu'un producteur consommateur ? La classe est certainement plus qu'une usine à termites.
5. Il est bien entendu qu'au conseil, nous ne sommes pas disposés en coopérative tribunal où, face aux coopérateurs et sous le regard du « maître » siège, le bureau. En cercle, la situation est la même pour tous. Le président de séance et le maître sont dans une situation de participants, et non de dirigeants... Mais la non-directivité, la non-intervention, n'empêchent pas le maître d'exister, de protéger, d'assurer, par sa présence, la validité de l'ensemble. Éventuellement, dans des cas graves, en tant que responsable adulte de la classe, il interviendra, usant de son droit de veto : « Non, vous ne tuerez pas Christian, même s'il démolit tout ».
Au conseil, viennent à jour, dévoilés :
- le comportement de chacun,
- l'état d'avancement des travaux,
- des informations jusque-là ignorées.
- Instrument d'analyse et de décisions collectives.
- Organisation, prévision.
- Détection des défauts d'organisation (la réponse aux incidents n'est pas un discours mais une organisation nouvelle).
- Enregistrement des décisions (mémoire : rôle du cahier de décisions).
- Le conseil n'est pas nécessairement un tribunal, et la recherche de la vérité importe moins que l'élimination des conflits perturbatoires.
- L'essentiel est peut-être moins ce qui est dit que le fait que ce soit dit et entendu.
- Le « Je te critique au conseil » a remplacé le coup de pied, mais le progrès ne sera décisif, que lorsque ces conflits seront devenus inintéressants.
D'où un double phénomène indispensable
- Intellectualisation et verbalisation provoquées par l'interdiction des passages à l'acte et l'obligation de retarder l'expression jusqu'au conseil.
- Élimination des incidents et des conflits sans signification.
(moment de langage, créateur de nouveaux dynamismes)
Quand le groupe a pris conscience que l'agité, le traînard, l'opposant, étaient véritablement des gêneurs, quand chacun est convaincu que le gêneur, puisqu'il ne peut être éliminé, doit être guéri, que les punitions ne résolvent rien, on enregistre des prises en charge spontanées ou suggérées par le maître.
Elles se révèlent être, par les transferts latéraux qu'elles
favorisent, parfois extrêmement efficaces. Par le fait qu'on a parlé (pas n'importe
comment), qu'on a pris des décisions, qu'on a situé l'importance des choses, ou bien
parce que quelque chose dont on n'est pas forcément conscient, s'est dit ou s'est passé,
on « repart gonflé », plein d'un nouveau dynamisme « ça devrait mieux gazer ».
P. S.
Bibliographie :
- Vers une pédagogie institutionnelle (cf. P.S. n°1)
- De la classe coopérative à la pédagogie institutionnelle (Vasquez/Oury - Maspéro) pages 420, 463
- Qui c'est le conseil ? (C. Pochet et F.Oury Maspéro)
École de Breuil-le-Sec.
Classe de C.M.1-C.M.2, année scolaire 1984-1985.
La réunion coopérative se fait en deux temps : le vendredi 3/4 d'heure, réunion de gestion, d'établissement des lois, le samedi matin 3/4 d'heure, réunion d'organisation du temps. En classe, il y a un panneau comportant les rubriques suivantes :
- Lois concernant l'école.
- Lois concernant notre classe.
- Critique du travail des ateliers.
- Comportements.
Nous avons voulu distinguer et apprendre aux enfants à distinguer entre des lois qui concernent toute l'école et celles qui ne concernent que la classe.
Pour les lois concernant l'école, on peut faire des propositions de lois, se mettre d'accord sur ce qui serait souhaitable mais de toute façon, il faudra le proposer aux autres classes, demander leur avis et finalement prendre une décision commune. C'est là le rôle de la réunion coopérative d'école.
Le chapitre « comportements » concerne tout ce qui ne va pas entre les enfants eux-mêmes, et le maître, les problèmes de relations.
Dans la semaine, chacun (enfant ou adulte) peut noter sur ce tableau les points dont il voudrait que l'on parle.
Au moment de la réunion coopérative toute la classe se réunit. C'est l'adulte qui lit l'ensemble des rubriques. Les auteurs expliquent le problème à résoudre. Parfois l'adulte reformule le problème d'une façon plus générale. Quand tous les points (sauf les comportements) ont été précisés, l'adulte demande où chacun ira et se forment des commissions. Il s'est ainsi constitué autant de commissions que de problèmes à résoudre. A partir de ce moment, chaque groupe se met en place et commence à travailler.
Un secrétaire est désigné par le groupe et sera rapporteur des décisions de la commission. La plupart des commissions fonctionnent sans adulte. Au bout d'un quart d'heure, les commissions se rassemblent pour le bilan et les propositions de lois.
Tout au long de l'année, on a essayé d'apprendre aux enfants à élaborer des solutions, des lois et non à donner un catalogue de moyens répressifs. Le rapporteur lit les décisions prises par la commission. Plusieurs cas peuvent se présenter :
- La décision est complètement farfelue ou reçoit trop de critiques de l'ensemble de la classe. La solution semble inapplicable. Dans ce cas l'adulte reporte le point à la prochaine réunion.
- Des enfants demandent des précisions sur l'application de la loi. Les participants apportent les précisions, d'autres interviennent pour donner leur avis. A la suite de cela, la décision est notée par l'adulte et à partir de ce moment-là, elle est à l'essai pour une période de deux semaines. Après ce délai, on voit si la décision est possible à tenir ou s'il faut la transformer. Dans ce cas, on en reparle en commission et on propose une autre formulation.
Le fait de traiter les problèmes en commission empêche l'adulte d'être présent à tous les débats et d'y mettre son empreinte, voire de manipuler. Par le jeu des commissions, l'enfant prend conscience des pouvoirs de décision mais aussi de la nécessité de réfléchir pour obtenir une décision pas trop pesante dans la future vie de la classe.
C'est un point à part et qui se règle avec tout le groupe. En fait celui qui se plaint dit au grand groupe de quoi il a à se plaindre. D'autres interviennent parfois pour renforcer ou relativiser.
Il arrive, mais ce n'est pas systématique, que celui dont on se plaint se défende et s'explique. Puis l'affaire s'arrête là.
On a remarqué au long de l'année, qu'en fait, il suffit que celui qui se plaint le dise devant le groupe, pour que l'affaire s'arrête là. Parfois, un individu mis en accusation est chargé par beaucoup d'autres. Il se dessine alors les enfants qui ont des problèmes de relations et qui font du rentre-dedans.
Mais d'un autre côté, il arrive quelquefois qu'un enfant signale au groupe : « Tiens X n'a pas eu beaucoup de critiques cette semaine. Il a fait des progrès ».
Il arrive même que le seul fait d'inscrire le problème au tableau de coopé suffise à régler celui-ci. L'enfant annonce alors : « Ce n'est pas la peine d'en reparler, c'est réglé ».
Une évaluation apparaît d'elle-même. Peu à peu, on s'aperçoit (le groupe, le maître) des chicaneurs, des enfants qui sont souvent source de conflits, « des boucs émissaires ». L'important se trouve dans le fait que ce n'est plus l'adulte qui porte un jugement, mais la situation fait se révéler les comportements de chacun.
Dans la classe, il y a un endroit où chacun (enfants, adultes) peut afficher des projets de travail. Un enfant veut travailler sur la naissance des bébés, il l'affiche, un autre veut faire un gâteau surprise il l'affiche aussi. Durant la présentation d'une enquête, on se pose des questions sur un sujet, on le note et on l'affiche, à l'entretien, on parle d'un problème, on le note. Le maître propose de travailler sur un sujet, il le note, quelqu'un propose de faire venir une personne en classe pour l'interroger ou propose d'aller faire une visite, il le note.
Tous les samedis matin, on lit chaque point affiché. A chaque fois, celui qui l'a affiché essaie d'expliquer ce qu'il voudrait faire. L'adulte demande s'il y a des enfants volontaires pour travailler ce sujet. Le titre est inscrit sur un autre panneau. (Panneau qui récapitule tous les travaux de la classe et qui fait le bilan de l'avancée de ces travaux).
A la suite de cela les différents groupes de travail se réunissent pour savoir quels seront les jours et les heures où ils se réuniront pour travailler. Chacun apporte son plan de travail individuel afin de savoir ses moments libres et afin de noter les moments de travail du groupe auquel il appartient.
L'important dans le panneau des projets, c'est la garantie pour chaque enfant et pour le groupe classe que même s'il faut reporter ses désirs parce qu'on ne peut pas tout faire tout de suite, on pourra de toute façon à un moment donné en reparler soit pour mettre le projet en chantier soit pour l'abandonner si le désir, l'intérêt n'est pas assez fort. La rencontre des groupes pour décoder des moments de travail dans la semaine permet à chaque enfant de prendre conscience peu à peu :
- Des plages horaires constituant la journée
- Du dosage nécessaire entre le travail personnel individuel, le travail obligatoire et le travail en petits groupes.
- De la possibilité et de la nécessité parfois de travailler chacun en dehors du groupe et d'utiliser les rencontres du groupe pour faire des synthèses de travail.
Rendre les B.T.
Apporter des livres à la maison : Joël.
Lire des histoires aux petits : Lydie.
L'usage du papier : Guillaume.
Critiques d'ateliers, de responsabilités.
A l'atelier, il n'y a pas de tournevis Guy et Julien.
Les gommes Guillaume.
Les gâteaux Isabelle.
Je critique le responsable feutres : Angélique.
Je critique Grégory, Guillaume.
Je critique Christèle car elle se croit tout permis : Isabelle.
Je critique la classe : Jean-Luc.
Je critique les enfants de l'enquête sur l'adoption : Sacha.
Je critique Lury : Moïse.
Je critique Jean-Luc, Christophe, James ; Sandra.
Que le groupe coopératif se construise et peu à peu se prenne en
charge, voilà mon objectif. Le conseil de coopérative en est l'atout maître. Tout cela
ne se fait pas en deux jours. C'est d'autant plus long qu'on travaille sans filet, mais la
pédagogie Freinet n'est pas la pédagogie des kamikases. Elle ne demande pas au
prisonnier de s'imaginer qu'il est libre, elle l'aide patiemment à scier les barreaux...
Voici une « lime » qui a déjà servi et qui ne m'a pas déçu. On peut sans doute
rendre cet outil plus efficace. Vous verrez vous-même, quand vous l'aurez utilisée.
Trois points sont retenus. Les propositions pour la bibliothèque de l'école. Les enfants avaient à résoudre le problème de l'emprunt des livres (premier groupe).
Les enfants avaient à proposer des solutions sur comment faire pour communiquer aux autres classes nos projets:
Lire des livres à voix haute aux petits.
Communiquer nos enquêtes (deuxième groupe).
Le problème posé par le rangement des ateliers était à résoudre par le troisième groupe.
Les commissions se sont réunies, voilà les propositions faites au grand groupe.
Au début l'adulte assure l'animation des premiers conseils (référence). Toujours au(x) même(s) moment(s).
Un ou deux conseils par semaine. Un secrétaire de séance (j'assure cette tâche). Un (ou une) trésorier. Un responsable qui écrit dans un cahier, les décisions prises par le conseil (plus ou moins distinct du secrétaire et du cahier de secrétariat).
Deux animateurs par semaine, qui assurent à tour de rôle l'animation[1]
J'assure avec un enfant quand c'est mon tour, je fais le service avec un enfant quand c'est mon tour.
Affichage des lois et des règles de vie.
Pour garantir le déroulement et l'avenir du conseil, des maîtres-mots, c'est-à-dire des expressions, des mots connus et acceptés par tous, qui évitent de perdre du temps et qui permettent de parler utilement. A titre indicatif, en voici quelques-uns. A chacun de trouver les siens, de créer son rituel.
Gêneur : Pierre bavarde avec son voisin pendant qu'un camarade s'adresse au groupe. L'animateur lui dit : « Pierre gêneur une fois ». Il sait que la deuxième fois, il sera exclu du groupe, qu'il perdra momentanément la parole. Cette règle a été discutée et reconnue d'utilité publique par tous.
- Question ?
- Propositions ?
- Décision !
- Avis contraires ?
- Qui se plaint de... ?
- Témoins ?
- L'accusé a la parole ?
- Qui est pour ?
- Qui est contre ?
- Dispute de bébé on passe
Clef de voûte de l'ensemble, institution indispensable pour progresser, nous croyons cependant utile de signaler que le conseil n'est pas LA solution- miracle. Que ce n'est facile qu'en apparence : suffit-il de s'asseoir en rond et de parler ? Il serait naïf d'espérer un conseil « efficace » dès le début. Aussi pensons-nous utile d'indiquer une évolution qui, grosso-modo, a pu être constatée dans beaucoup de cas :
1. Au début, silence inhibitions personnelles, méfiance. Le remède refuser de régler les problèmes hors du conseil. Ainsi les problèmes (affectifs souvent), passent sur le plan intellectuel et deviennent langage.
2. Alors, le conseil a tendance à devenir tribunal ou bureau des réclamations. Le « Je te critique » a remplacé le coup de pied. Les séances durent une heure ou plus. Elles sont mortelles. Le groupe se lasse des histoires particulières, et « on critique ceux qui critiquent ».
- Faire suivre le conseil par un jeu de ballon, par exemple (se défouler). Les sportifs auront tendance à accélérer le conseil.
- Établir un ordre du jour auquel on « se tient », reporter les points non abordés.
- Limiter le nombre de critiques auquel chacun a droit.
- Trouvez-en d'autres et communiquez-les. Savoir que cette phase agressive, tumultueuse, difficile à vivre, n'en est pas moins utile. Avant d'être utilisable tout circuit doit être purgé. Ne pas se laisser envahir, mais ne pas éliminer trop tôt ces petites histoires et cette énergie désordonnée.
3. Enfin apparaît la phase d'efficacité : les querelles du 2 sont devenues des « querelles de bébés ». Critiques précises, propositions concrètes, projets.
Attention : Ce qui précède n'est pas une loi immuable. Selon les cas et la constitution du groupe, la phase 2 peut durer un mois, un trimestre ou plus. Elle peut être très atténuée. Il reste toujours du 1 dans le 2 et du 2 dans le 3.
Raymond Blancas (Extrait d'artisans
pédagogiques n°2 novembre- décembre 1979)
Un principe de base : l'artisan pédagogique, l'adulte, existent, restent responsables et donnent l'élan minimum indispensable au fonctionnement de l'outil. L'outil, c'est le
[1]
Au C.E.2-C.M.1-C.M.2, classe rurale, 12élèves, à Espondeilhan en novembre 79,
l'animation c'est quoi ?
Les animateurs
- Doivent le lundi matin, et chaque fois qu'ils le jugent
nécessaire, rappeler aux responsables, les tâches à accomplir pour les semaines à
venir. - Complètent le tableau-météo.
- Animent la causette du matin (10 minutes). - Animent la
séance de bilan du travail individuel (hebdomadaire).
- Animent le conseil (1 heure par semaine).
- Animent les moments de communication. Une fiche-guide que
j'ai élaborée, les aide dans cette animation.
Un
principe de base : l'artisan pédagogique, l'adulte, existent, restent responsables et
donnent l'élan minimum indispensable au fonctionnement de l'outil. L'outil, c'est le
CONSEIL.
Nous devons permettre à chaque enfant son analyse du monde. Cette attitude particulière qui se développe peu à peu est une aptitude à manipuler, à expérimenter, à observer, à mettre en relation, à émettre des hypothèses, à les vérifier, à appliquer des lois et des codes, à comprendre des informations de plus en plus complexes...
C'est ce travail de recherche réfléchie sur les matériaux physiques ou mentaux les plus divers , que nous appelons tâtonnement expérimental. Une véritable formation scientifique exige le respect de ce tâtonnement et du rythme d'apprentissage qui en découle. Par ce tâtonnement, les connaissances acquises par l'enfant sont ancrées d'une certaine manière au plus profond de lui, tout en restant relatives et révisables avec l'apport de nouveaux faits ou à l'épreuve de nouvelles expériences !
Les enfants dont on respecte le tâtonnement, nen restent pas pour autant aux balbutiements de l'histoire humaine. L'environnement fait office de mémoire des interventions humaines sur le milieu. Cela peut permettre aux enfants de raccourcir de façon prodigieuse dans leurs tâtonnements, dans leurs démarches intellectuelles, la lente gestation des acquis de l'histoire humaine. Il a fallu des millénaires pour que l'humanité arrive à utiliser la roue ; l'enfant en utilisant les matériaux à sa portée pour ses jeux, met en application très rapidement ce principe.
Nous essayons d'offrir à travers les collections B.T.J., B.T., B.T.Son, S.B.T... une information aussi rigoureuse et adaptée que possible aux enfants !
Nous supposons résolu le problème du désir de progresser. Nous ne parlons que de la classe
transformée par les techniques de la pédagogie Freinet (réalisations collectives, expression libre, coopérative... ) où maître et élèves ont le désir d'être là, de faire ensemble et d'évoluer.
Le problème qui se pose est donc de pouvoir travailler ensemble, tout en tenant compte de chacun:
- Ne demander à chacun que ce qu'il peut donner.
- Que chacun puisse aller à sa vitesse.
- Que chacun puisse se situer, voire s'évaluer par rapport à une échelle commune, permettant de s'entraîner et progresser sans effort violent. Un outil autocorrectif, le libérant de la tutelle du maître et libérant le maître pour des tâches plus importantes (il se contente de contrôler l'évolution par des tests ou de trouver des outils plus adaptés que ceux qu'il possède déjà).
L'élève standard n'existe pas. La classe homogène est une vue de l'esprit, d'où nécessité
Connaissance du niveau de chacun (tests, épreuves) : par le maître, par l'élève lui-même, par les autres.
Le niveau détermine la difficulté à vaincre et les exigences :
- « programmes » à couvrir pour changer de niveau,
- examens périodiques pour changer de niveau.
Les outils sont classés et situés selon les niveaux.
Fichiers C.E.L. :
Français C.E. et C.M. : livrets autocorrectifs (math et bientôt français).
Maths B, C, D : cahiers autocorrectifs d'opérations, cahiers de techniques opératoires,
Autres exercices trouvés ou réalisés par le maître. (cf.
catalogue C.E.L. rubrique « Travail individualisé »).
On s'entraîne... si on en a le désir, mais aussi si on en a le temps.
- A l'emploi du temps, sont prévus des moments (appelés travail à la carte, travail individuel, travail aux fichiers, etc.).
- Après un travail collectif, les plus rapides ont fini... et peuvent donc travailler aux fichiers ou ailleurs.
Exemple d'organisation (fiche élaborée dans un stage I.C.E.M.)
Dans l'esprit Freinet, on peut considérer le travail individuel comme un travail au rythme propre de l'enfant, un travail respectant l'individualité.
Paradoxalement, cette individualisation du travail encourage la socialisation de l'enfant : en effet, pour des raisons d'organisation pratique, les enfants ont intérêt à s'entraider.
Exemple : classe de Henry Isabey, Faverney
En début d'année, le maître énonce
- Les contrats pour l'année ou ce que l'on doit savoir en fin d'année (selon les programmes officiels).
- Les outils pour y parvenir.
En début de semaine, le programme est décidé et inscrit sur une grille horaire. Cette grille comporte :
1. Des plages horaires « institutionnelles » et inamovibles :
- réunion coopérative
- organisation du travail (lundi matin) - communication (samedi)
- bilan de fin de journée
2) Des plages horaires à programmer ensemble :
- celles qui concernent le travail du groupe,
- celles qui concernent l'enfant face à son propre travail : son « travail individualisé ».
En début de journée, L'enfant établit un programme en fonction des impératifs horaires et des contrats à réaliser.
Les outils pour le travail individuel sont nombreux.
1) Le cahier de décisions :
Il contient notamment les décisions prises lors des réunions plénières ainsi que les diverses règles de vie établies par les enfants.
2) Le cahier de vie :
Il sélectionne et enregistre les événements importants de la vie de la classe.
Par exemple : « la maman de Nathalie a eu un bébé ».
3) Le cahier mémoire.
4) Le dossier « correspondance scolaire » :
Il permet de classer cette correspondance de façon à pouvoir la consulter rapidement au besoin.
5) La boîte à questions.
Là, toutes les questions sont accueillies par le maître.
6) Divers panneaux :
Par exemple, celui qui facilite la programmation des interventions du maître : « j'ai besoin du maître pour... » ou aussi « je propose... », etc.
Chaque enfant a :
1) La liste des activités possibles dans les matières fondamentales (maths, calcul). Par exemple, en calcul :
- apprendre à lire l'heure - jouer à la marchande
- apprendre à compter, etc.
2) Le cahier de contrôle et de brevet pour noter le résultat de ses brevets quotidiennement.
3) Le cahier des plans, des fiches réalisées, la référence de la fiche réalisée étant coloriée en vert, jaune ou rouge suivant que la fiche est réussie, assez mai ou ratée.
4) Le cahier de travail personnel où sont établis les plans de la semaine et de la journée.
Ce sont des outils personnels : le cahier de contrôles pour chaque enfant, le maître établit un système d'évaluation et il contrôle tous les soirs les cahiers des enfants. (Système d'évaluation par paliers de difficultés).
L'enfant choisit son travail en fonction de divers critères plus ou moins contraignants
- son désir, son envie
- les conseils du maître qui lui a signalé par exemple une faiblesse particulière,
- l'impératif du contrat de début d'année : il faut un minimum de travail dans chaque domaine.
Concrètement, l'enfant étudie la fiche, le livret ou tout outil mis à sa disposition, répond aux questions en rédigeant au brouillon puis au « cahier du jour », ou directement au propre.
Lorsqu'il s'agit de fiches autocorrectives, on peut :
- soit séparer les fiches de correction et exiger que l'enfant montre au préalable son travail écrit, après quoi on le laisse se corriger,
- apres un rodage, confier les fiches de correction aux enfants qui se contrôlent eux-mêmes ou avec l'aide d'un camarade.
Cela n'exclut nullement que le maître supervise le fonctionnement honnête de ce système. D'ailleurs, les « brevets » confirmeront cette honnêteté. L'esprit de confiance est à favoriser.
Les livrets comportent également l'autocorrection. Outre ces autocontrôles qui suivent systématiquement l'étude, les enfants passent des « brevets », petits examens corrigés par le maître et qui valident leur niveau.
On passe les brevets quand on se sent prêt. Le maître centralise sur des tableaux à deux entrées les résultats. Les noms des enfants d'une part, toutes les étapes d'une matière de l'autre. On marque d'une croix les brevets acquis (au crayon si le brevet a échoué). Ce tableau visualise d'emblée les progrès ou les retards de chaque enfant.
Article paru dans Chantiers
Pédagogiques de l'Est Bulletin région Ecole Moderne N° 103 de novembre 82
La multiplication exagérée des moments de vie scolaire où' l'on a recours aux moyens audiovisuels n'est à notre avis nullement souhaitable, et nous dénonçons vigoureusement la prétendue modernisation de l'école par la seule exploitation de programmes de télévision, de radiovision, de cinéma, de disques.
On peut utiliser tous ces moyens sans qu'il y ait modification profonde de la relation éducative fondamentale maître-élève.
A notre sens, seul l'appel continuel aux facultés créatrices permet une formation véritable. Donner à l'enfant un monde d'occasions motivées de créer, d'agir, doit être le premier souci de l'éducateur.
C'est pourquoi nous préconisons l'utilisation par les enfants eux-mêmes de techniques audiovisuelles simples (enregistrements sonores magnétiques, photographiques, montages audiovisuels, courts films).
C'est la clé qui leur ouvre à la fois, la possibilité de dominer la technique, et de recevoir, sans être abusés, les informations véhiculées par ces supports, lorsqu'ils sont spectateurs. Mises au service de l'expression de l'enfant, les techniques audiovisuelles permettent une authentique formation.
Nous encourageons la création audiovisuelle par les techniques actuellement les moins coûteuses : enregistrements sonores (magnétophone) et la diapositive (photo ou dessinée). L'enfant est aussi avide de s'approprier l'expérience de l'humanité rassemblée dans la documentation. Nous vendons des documents audiovisuels : Bibliothèque de Travail Sonore, Documents Sonores de la B.T., disques Art Enfantin qui répondent aux intérêts et aux questions des enfants, qui sont conçus et élaborés avec leur participation, et qui sont toujours contrôlés et mis au point dans des classes avant édition.
Dossier pédagogique n' 119 : La documentation audiovisuelle.
Pourquoi-Comment n° 3 Des techniques audiovisuelles dans une pédagogie de l'expression et de la communication.
Sommaire du Pourquoi-Comment : Introduire, organiser et favoriser les activités audiovisuelles
Nous avons dit audiovisuel, oui, mais quel audiovisuel ? Nous avons dit quel audiovisuel, mais dans quelles conditions ? Des activités audiovisuelles dans une pédagogie de l'expression et de la communication Quelques fonctions des activités audiovisuelles dans une pédagogie de l'expression et de la communication
- L'audiovisuel : outil de formation fondamentale
- L'audiovisuel au service de l'expression orale : miroir pour les enfants et le maître
- L'audiovisuel : outil de structuration
COMMENT introduire l'outil audiovisuel, motiver et former à son utilisation Quels supports audiovisuels pour quels types de communications d'expression ou d'apprentissage L'audiovisuel outil de découverte, d'autres temps et d'autres lieux
- La documentation audiovisuelle
Faut-il apprendre aux enfants et aux adolescents à « lire » l'audiovisuel ?
L'école primaire a pour but d'apprendre à lire, écrire, compter. Nous sommes d'accord avec ça. Nous parlerons donc aujourd'hui du lire-écrire.
Écrire ? Écrire à qui ? Pourquoi ? Quand ? Ecrire quoi ?...
Nous avons tous appris à écrire. Mais combien d'entre vous écrivent (je veux dire des articles, des livres... ) et combien aiment écrire ?
S'agissait-il de former des scribes ou des écrivains ?
Nous pouvons dire la même chose de la lecture et du reste : s'agit-il de fabriquer au moule de gentils consommateurs obéissants, respectueux et dévoués ?
Nous cherchons autre chose.
Le pourcentage des enfants qui apprennent mal ou pas du tout à lire-écrire, condamnerait n'importe quelle entreprise de casseroles à la faillite. Seulement, voilà, nous ne fabriquons pas des casseroles...
Dans tout ce qui va suivre, ne pensez pas aux « bons élèves », ceux qui supportent et justifient n'importe quelle méthode. Ceux-là il serait difficile de les empêcher d'apprendre à lire. Pensez plutôt à ceux qui, pour diverses raisons, apprennent mal ou pas du tout à lire ou à écrire.
En 1847, la plupart des ouvriers parisiens savaient lire et écrire (87 %). Bien avant, donc, que la scolarisation n'ait été généralisée. Comment ? Par des apprentissages mutuels. Ceux qui savaient apprenaient à ceux qui ne savaient pas. C'est là une réalité encombrante.
Comment expliquer que dans un système non scolaire, l'apprentissage de la lecture soit plus efficace que dans une société scolaire avancée (dans l'impasse ?) où plus de la moitié des enfants apprennent mal ou pas du tout ?
La sophistication des méthodes d'apprentissage (cf. On apprend à lire en dansant) ne nous semble pas pouvoir améliorer les choses. La dyslexie, la dysorthographie et autres dysmaladies vont croissant d'année en année, et les rééducations reviennent cher.
« Simples instructeurs », nous osons émettre un avis là-dessus.
Deux facteurs nous paraissent essentiels :
Or le désir naît d'un manque. « Ce n'est que quand on a des clous
à enfoncer que l'on va chercher un marteau » (R. Fonvieille). Si le milieu familial n'apporte pas la preuve d'un certain plaisir ou utilité de la lecture, c'est dans la classe que les situations peuvent imposer la nécessité de lire-écrire, ainsi qu'une certaine souffrance de ne pas savoir lire-écrire. La méthode naturelle de lecture est inséparable de l'organisation technique, pédagogique de la classe coopérative Freinet. Des situations, provoquées ou non, entraînent ce désir :
- La lecture et l'écriture (le décodage et l'encodage) ne sont pas séparés.
- On écrit pour quelqu'un (correspondant, lecteurs du journal scolaire).
- On lit la pensée de quelqu'un (correspondant, autres journaux, livres... ).
- Pour diverses raisons, ce quelqu'un, lointain, nous est cher.
Ce qu'il dit, par écrit, ça compte, ce qu'on lui dit (par écrit) ça compte aussi. Or tout ceci nous paraît fondamentalement absent de toutes les « nouvelles » méthodes. Ce qui nous fait dire, en raccourci : dans la classe normale, on lit de la lecture et on écrit de l'écriture. Dans la classe Freinet, on lit de l'écriture (des autres), et on écrit de la lecture (pour les autres).
La relation à l'écrit, imprimé, est assurée par l'imprimerie qui paraît sur ce point difficilement concurrençable :
- fractionné (compostage à l'imprimerie) lettre par lettre, mot par mot.
- Re-assemblé (montage et tirage du texte).
Et quels éléments sont manipulés ainsi ! Du langage ! ... Des morceaux de plomb, de lettres, d'éléments épars, naissent phrases, textes, idées. Du sale (encre) sort une page impeccable. A partir des « corps » d'imprimerie, quelque chose « prend corps », quelque chose, là, naît ou renaît. Si comme le disent certains psychanalystes, l'être humain se structure dans et par le langage, étonnons-nous que certains enfants, plus ou moins « éparpillés », se « remettent en marche » sans psychothérapie, grâce à l'imprimerie...
Il est surprenant que depuis 1925, cela ne soit pas ni plus connu, ni plus admis. Au-delà du sens et du désir, le reste nous paraît moins essentiel. A partir du texte imprimé, tout peut « marcher » pour apprendre à associer des phonèmes, des mots etc. L'apport de certaines sciences de l'éducation peut trouver là une application efficace. Le goût de la lecture compensée, les livres et les histoires adultes, pourra alors être efficient.
Les ouvriers parisiens avaient le désir d'apprendre et le sens de cet apprentissage était tout trouvé. Même un enfant de onze ans, assis sur des marches d'escalier devenait alors un pédagogue efficace. En 1982, on pourrait espérer faire au moins aussi bien.
Au lieu d'obliger illusoirement les enfants à lire-écrire, en les plaçant dans des situations où lire-écrire ne sert qu'à faire plaisir à l'adulte (sans parler des textes idiots qui servent pour apprentissage : « la lune pâle a lui... ») Il semble plus efficace, plus éducatif, de laisser les enfants libres d'apprendre à lire-écrire comme bon leur semble, en les plaçant dans une situation qui les oblige à le faire. Les amateurs passionnés auront remarqué qu'à aucun moment les questions de « globale » ou de « synthétique » n'ont été évoquées. On peut en effet laisser cela pour ceux que ça amuse.
Voici à titre d'exemple, quelques textes d'enfants, qui depuis ont appris à lire, sans aucun traumatisme :
Sandrine (une copine) est une grosse vache ".
Un monsieur est venu à la maison, et puisqu'il nous a
embêté, je lui ai bouché le passage avec des estrons ».
« Mon papa a la grippe des virus, et quand la grippe sera morte,
papa entendra les cloches sonner parce qu'on ira à l'enterrement de sa grippe ».
« Annie (la maîtresse), fait mal son travail, car elle nous
donne des fiches trop difficiles. .. » (Pierre,
sept ans).
« Samedi, au conseil, on m'a reproché de manquer la classe,
parce que je ne peux pas faire mes responsabilités, J'ai dit: « Ma mère vendange, je
garde mon père. Il a des crises. Il bat tout le monde. Alors des jeunes l'ont tabassé.
On n'a pas inscrit la critique sur le cahier » (Marina, 10 ans, texte dicté et mis au
point pour sa correspondante),
Pierre et Marina ont écrit ces textes à une époque où ils apprenaient à lire-écrire.
Ils ont tout utilisé (y compris l'aide de l'adulte) pour que phonétiquement ces écritures soient signifiantes et transmettent leur pensée à d'autres : ils ont appris à lire et à écrire.
Évidemment, avec ces textes, plus de progression « scientifique » possible dans l'apprentissage des phonèmes. Mais peut-être qu'en renonçant à cette logique dans l'apprentissage on respecte une autre logique souvent insoupçonnée : celle de l'être humain qui se construit selon sa propre logique.
Intervention de R. Lafitte
lors d'une conférence pédagogique,
Si vous prenez une classe de premiers apprentissages (C. P. -C.E. 1-C.E.2) le sujet est à la fois trop vaste et trop important pour être traité valablement dans le cadre de cet ouvrage. Le témoignage qui suit à propos de la méthode naturelle de la lecture vous permettra peut-être de sentir l'esprit de ce type de travail. Mais il vous sera nécessaire de vous reporter à d'autres documents (voir bibliographie ci-après). Mais le démarrage à l'école moderne que ce soit un démarrage premier ou le démarrage dans une technique précise ne peut prendre sa pleine dimension que par le parrainage d'un groupe praticien ou d'une personne. Parrainage pouvant se faire aussi bien par écrit que par des rencontres. C'est aussi une dimension importante de l'école moderne, un travail de formation coopérative.
On peut dire que le cheminement qui m'a, petit à petit amenée à la « méthode naturelle » de lecture, a commencé l'an dernier (année scolaire 82-83), année pendant laquelle j'ai eu un C.P. pour la première fois. Comme beaucoup sans doute, j'avais de très grosses inquiétudes au sujet de la lecture. Je décidai donc d'utiliser une méthode classique, tout ce qu'il y a de plus syllabique, qui me sécurisait mais ne me satisfaisait absolument pas.
J'étais depuis la même rentrée au groupe I.C.E.M. Seine-Caux, et voyait des copains travailler en « méthode naturelle ». Pourtant, leur démarche était encore pour moi très obscure et leurs diverses réussites relevaient un peu à mes yeux du miracle !
Seulement voilà ! L'année suivante, c'est-à-dire cette année, j'avais changé de poste, et n'avais plus un C.P. unique, mais trois cours, voire même quatre, à savoir une S.E. (4 et 5 ans) 1 un C.P. et un C.E.1. Ce poste, je l'avais choisi de plein gré puisque je l'avais demandé au mouvement, en me disant qu'il me serait davantage possible de changer ma pédagogie dans ces conditions que dans les structures d'école à 10 classes auxquelles je devais m'adapter l'année d'avant.
A cette rentrée donc, je me retrouve devant le choix d'une méthode de lecture et me réfugie à nouveau derrière mes conditions nouvelles : « Je ne vais tout de même pas me lancer dans la lecture naturelle, alors que pour la première fois de ma vie, j'ai trois cours ! Non mais... ! Non, non et non ! Prenons cette méthode phonétique qui existe dans la classe, et allons-y ! »
J'avais encore trouvé un biais pour y échapper OUF !
Je pensais me sentir mieux dans cette méthode phonétique, et la trouvais un peu mieux adaptée aux enfants. Mais à nouveau, je m'ennuyais dans cette méthode et j'avais l'impression que les enfants eux aussi, s'y ennuyaient. J'avais grande envie d'abandonner mes livres et de changer totalement de démarche. Pourquoi cela ?
Je pense sincèrement que ma première année à l'I.C.E.M. y est pour beaucoup, ainsi que ma première expérience au C.P.
J'avais une idée un peu plus précise de cette classe, et à force d'écouter des témoignages de « méthode naturelle » autour de moi, celle-ci ne me paraissait peut-être plus aussi brumeuse et irréelle ! Je me disais aussi que je gardais mes C.P. l'année suivante en C.E.1 et que les conditions, après tout, n'étaient pas des pires. Oserais-je dire que je me sentais un peu plus capable d'assumer cette méthode ?
Toujours est-il qu'après environ trois semaines d'école, je décidai brusquement de tout « plaquer » !!
Les enfants m'ont vue avec un peu d'étonnement ramasser les manuels de lecture et les ranger tout au fond de l'armoire.
C'était pour moi du moins, le grand lancement, le grand saut périlleux après un week-end de mure réflexion (ou d'inconscience? ) et de « tempête sous un crâne ».
J'avais pris tout de même quelques garanties. Après avoir annoncé d'une petite voix timide (pouvais-je le faire triomphalement alors que j'étais peu sûre de moi et que j'avais en fait une peur bleue !) aux copains du groupe, que j'abandonnais ma sécurité pour la « méthode naturelle », j'eus tout de suite l'assurance de ne pas être seule, que cette année serait riche en apprentissages et que j'aurais le soutien et l'aide du groupe.
Je commençais aussi (mais cette fois-ci pas pour la première fois !) une correspondance scolaire avec la classe d'un ami du même groupe qui travaillait en « méthode naturelle » et cela m'était très précieux et s'est avéré par la suite d'un grand secours pour moi.
De plus, j'eus très vite la possibilité financière de commander une imprimerie. Ça commençait bien !
En classe, j'ai donc demandé aux enfants qui le désiraient de me raconter une histoire que j'écrivis moi-même.
Ma première erreur fut d'utiliser dans son intégralité le texte choisi par les enfants après audition. Celui-ci était bien trop long pour un début de C.P., mais je mis tant d'acharnement à son étude que nous passâmes ce premier cap sans trop de difficultés. J'essayai de mettre sur le texte une structure rythmique de comptine, qui, me semblait-il, permettait une mémorisation meilleure et plus rapide.
Je commençai également à m'entourer de matériel utilisable collectivement et individuellement, à savoir : grandes étiquettes pour tableau de feutrine, mêmes étiquettes plus petites pour reconstitution des textes pour chaque élève, plus une enveloppe pour la classe, fichier non-lisants, images séquentielles pour aider au sens de l'histoire et à la logique de celle-ci.
Avant même d'avoir vécu une première rencontre, la correspondance nous aida beaucoup.
L'arrivée de la lettre collective et des textes des correspondants nous donnait un souffle nouveau quand l'apport de textes se faisait plus rare.
A l'inverse, les enfants choisissant toujours d'étudier les histoires des correspondants à une certaine époque de l'année, la production et l'utilisation des textes de notre cru s'affaiblissaient. J'eus d'ailleurs peur à ce moment-là que les enfants ne fassent plus du tout l'effort d'écrire eux-mêmes.
Heureusement, certains d'entre eux se rendirent compte que nous n'avions plus de textes « à nous » à envoyer, et se mirent à nouveau à écrire ou à me faire écrire. Je dois avouer aussi que j'encourageais fortement ce retour à la production personnelle de mes élèves et que je ne fus pas tout à fait étrangère au retour de l'équilibre. On ne se refait pas !!!
Cette réunion était un peu tardive, mais je tenais à expérimenter pendant un certain temps cette démarche de lecture naturelle, à accumuler des exemples, des arguments pour affronter les questions des parents. Mais, ô surprise, personne semble-t-il, ne s'était aperçu du changement de méthode !! Aucune question à ce sujet ne se fit entendre et je dus moi-même l'expliquer aux parents. Alors que je m'attendais à diverses questions, voire même à des pièges, d'autant plus que j'étais nouvelle dans la commune et que j'étendais mes « pouvoirs » (si j'ose dire !) sur quatre années de scolarité des plus petits, tout se passa très bien, sans heurt, avec apparemment l'adhésion des parents. Je fus très étonnée du peu de réactions, mais il faut bien dire que cela me facilitait beaucoup la tâche, et me rassurait. Car faut-il le rappeler, j'étais et suis toujours très angoissée, bien que convaincue du bien fondé de mon choix d'apprentissage de la lecture.
J'avais déjà eu l'occasion d'utiliser une imprimerie à l'école lors des deux dernières années scolaires et notamment dans mon C.P. syllabique, mais là, rien à voir avec les années précédentes. Quelle relance, quel renouveau, quelle bouffée d'air pur !! Après l'aide de la correspondance, je bénéficiai de celle de l'imprimerie. Dès que les enfants virent le résultat du premier texte imprimé, il fallut leur ménager du temps dans la journée car ils sentirent tout de suite l'utilité et le plaisir apportés par l'imprimerie.
Nous avions déjà, dans l'emploi du temps de la journée, environ trois quarts d'heure d'ateliers et de travail individualisé pour les C.P.-C.E.1, qui comprenaient essentiellement des travaux de lecture et d'orthographe. L'imprimerie trouva donc naturellement sa place parmi ces ateliers. Le travail individualisé s'en trouva renforcé et l'imprimerie fit dès lors partie intégrante de notre vie de classe alors que je l'avais vécue comme une activité quelque peu exceptionnelle les deux années précédentes.
Cela favorisa de nouveau l'apport de textes de la part des C.P. et aussi des C.E.1 pour qui l'imprimerie fut une motivation nouvelle au texte libre. Les petits de 4 et 5 ans furent également associés à ce travail, sans trop de difficulté, les C.P. et C.E.1 se donnant eux-mêmes et avec joie la charge de les former.
Les sections enfantines de 5 ans parviennent même maintenant à composer des textes avec de plus grands.
Quant aux plus petits de 4 ans, ils participent à toutes les activités d'impression et d'illustration du journal (le premier est sorti en mars) mais n'ont pas encore composé. Peut-être cette activité sera-t-elle possible pour eux d'ici la fin de l'année ?
A cette époque de l'année, je faillis de nouveau tout abandonner, ou du moins revenir à une façon de travailler plus traditionnelle et plus syllabique. Je commençais à craindre d'être inefficace, j'essayais de comparer les résultats obtenus cette année et ceux de l'année passée. Comparaison difficile car en fait l'attitude de mes élèves face à la lecture était tout à fait différente de celle de mes élèves précédents. Il me fallait accepter un apprentissage qui me semblait plus lent, bien que cette lenteur soit très relative puisque le travail est différent. Je me trouvais dans une situation d'insécurité et de peur de l'échec. Je sentais qu'il fallait aller plus loin, sortir un peu des textes mémorisés, et voir si les enfants avaient réellement les outils nécessaires pour lire un texte inconnu. A ce moment là, l'aide des copains du groupe me fut encore précieuse. Nous avions organisé des réunions supplémentaires à celles du secteur, réunions regroupant uniquement les C.P. Nous souhaitions faire de temps en temps le bilan de notre travail. Je cherchais à savoir dans ces réunions si j'étais encore dans le ton, si je faisais réellement une méthode naturelle, si mes élèves étaient à peu près aussi avancés que ceux des autres, travaillant dans le même esprit. Ces réunions me rassurèrent sur ce point, et me permirent de découvrir de nouvelles activités possibles. Et puis, si je me croyais en retard par rapport à l'an dernier, je savais que le travail se continuerait au C.E.1 dans le même esprit. Les quelques retours au traditionnel que j'avais tenté d'introduire, sous forme d'ateliers de syllabes et de repères syllabes/mots de textes, affichés dans la classe furent inutiles puisque l'atelier syllabe, notamment, fut totalement déserté par les enfants. Ce recul par rapport à la méthode globale avait donc uniquement servi de « garde-fou » à la maîtresse !
Je peux dire maintenant que je suis tout à fait heureuse d'avoir « sauté le pas », d'avoir choisi la lecture naturelle.
Évidemment, tout n'est pas gagné, et j'aurai sans doute encore des remises en question difficiles. Mais l'attitude des enfants par rapport à la lecture est cette année, tellement plus active et intelligente que je ne peux regretter ce choix. L'esprit de classe a changé aussi : c'est, d'une part, grâce à l'expression plus libre des enfants et la mise en valeur de leur vécu, et d'autre part, à la prise en charge des enfants par eux-mêmes dans le travail individualisé. Nous parvenons maintenant à faire un essai de plan de travail en début de semaine, mais là, c'est un autre domaine dans lequel il reste beaucoup à faire !
Le rythme de travail est différent aussi. Chacun prend ce qu'il peut prendre, certains étant plus avancés que d'autres bien sûr, mais la diversité des activités de lecture offre plus de plaisir et moins de contrainte. L'enfant profite bien plus des avantages de la lecture et de l'écriture, ne se heurte pas à un déchiffrage lent, difficile et pénible qui transforme souvent le français en un langage abstrait. Il comprend ce qu'il dit, le sens global de l'histoire est le premier critère de recherche pour lire, alors qu'il vient après dans d'autres méthodes.
Ma plus grande joie aujourd'hui est d'entendre un C.P. me dire : « Je veux lire ce livre à tout le monde, car je sais le lire ! » Petit livre du coin lecture certes, mais textes nouveaux que l'enfant n'a pourtant pas de mal à retrouver grâce à ses propres repères. Un dernier exemple aussi, qui est un encouragement pour l'avenir : Thomas, 4 ans, feuillette le journal scolaire enfin terminé, reconnaît les textes et leur auteur, et est capable de me dire de quoi parle chaque histoire, sans que personne ne les lui lise.
N'est-il pas déjà lecteur à sa façon ?
F. Lesterlin
Parc dAnxtot
(L'Éducateur n
Le « maître » SAIT :
- Il a la connaissance de LA réponse.
- Il a la connaissance de LA démarche.
- Il donne le MODÈLE puis le RÉSULTAT.
L'enfant applique :
- Il utilise les découvertes des autres.
- Il ne réfléchit pas, il se contente de se souvenir,
- Il travaille pour trouver un résultat car le travail scolaire consiste à répondre à des questions posées par des gens qui connaissent déjà les réponses.
En fonction de cela, la note sera bonne ou mauvaise, l'appréciation sera favorable ou défavorable, le laisser-passer sera obtenu ou refusé.
Là, les choses sont délicates, car sous un aspect de rénovation (contenu) commun, on trouve des méthodes plus ou moins actives.
Mais en moyenne, je pense que l'on peut remarquer :
Le maître
- Possède la connaissance.
- Détient la réponse.
- Connaît les démarches.
- Connaît les situations les plus riches, sur lesquelles peut se développer l'esprit mathématique.
- Connaît les situations favorisant les apprentissages.
L'élève
- Ne se contente plus d'appliquer des règles, des formules apprises.
- Il fait lui-même des recherches, plus ou moins téléguidées.
- Il doit construire la mathématique.
- Le travail scolaire consiste cette fois à agir dans ce qui est proposé. La question : « combien... » a été remplacée par des propositions : « sur ce thème... » (dans le meilleur des cas, qui n'est pas le plus général, voir les fiches de l'E. L.).
- Cette fois l'enfant fait un travail parce que l'école est un lieu où l'on fait des travaux que le maître choisit. Le maître sait que c'est utile, l'enfant fait confiance.
On en reste au stade du travail scolaire, activité justifiée par l'existence de l'école (l'école s'auto justifie).
Dans ce cas la pédagogie se veut également active. Les acquisitions se feront dans l'action et non par le dressage.
Mais les thèmes des travaux seront déterminés, non pas par le maître qui proposerait des activités mais par ce que les enfants apportent, en fonction de leur vie, de leur imagination.
Le maître :
- Possède certaines connaissances mais en sent la relativité.
- Sait qu'il existe diverses démarches et que c'est aux enfants de se les approprier selon leurs besoins et leur personnalité.
- Sait que de nombreuses situations sont mathématisables, qu'on peut aussi les étudier sous un autre angle mais que l'angle mathématique est un moyen d'approfondissement, de compréhension de la vie.
- Sait que la mathématique n'est pas un ensemble de connaissances (définitions, formules, règles) mais une façon d'appréhender des situations, de les analyser, de les resituer.
L'élève :
- S'il cherche une réponse, ce n'est pas parce qu'il y a question du maître mais parce qu'il a envie de savoir.
- S'il se construit une démarche, ce n'est pas parce qu'on lui a proposé un exercice formateur mais parce qu'il en a besoin.
- S'il propose ou choisit une recherche ce n'est pas pour faire plaisir au maître mais pour se faire plaisir à lui-même.
- Le travail n'a plus lieu de s'appeler scolaire puisque ce n'est plus l'école qui le justifie.
L'enfant ne travaille plus pour le maître mais pour lui-même. Aucune note ne vient jauger le travail (on ne voit pas d'ailleurs sur quels critères on pourrait s'appuyer dans une telle conception).
« Nous devons
essayer de faire que les enfants parlent la mathématique comme une langue naturelle »
(W. Servais).
B. Monthubert
Propos d'enfants :
Ça nous amuse. Ça nous intéresse. Ça nous apprend à bricoler. Ça nous apprend à être méticuleux. Ça nous apprend à ne pas faire de grands gestes, mais des gestes précis. Ça nous apprend à nous débrouiller. On fabrique des objets à vendre pour la coopé.
Buts du maître :
Détente, déblocage, plaisir de Créer.
Déblocage : liberté du choix, liberté de l'organisation du travail, de la réalisation, joie de créer une ceuvre, valorisation par le groupe.
Plaisir d'exister, de se mesurer à la réalité, de réaliser, de faire avec ses mains. Structuration des gestes : apprendre à être efficace. Développement de l'expérience tâtonnée pour acquérir une technique. Connaissance de la matière, apprendre à la maîtriser. Valorisation de toutes les sortes de travail.
Les ateliers permettent :
- de libérer l'enfant de la dépendance de l'adulte,
- d'accéder aux activités manuelles en dehors de l'autorité des parents,
- de dépasser les interdits de pseudo-sécurité : les outils ne sont pas des ennemis,
- de confier aux parents de vrais outils pour qu'ils ne soient pas déçus dans la réalisation, - d'apprendre à faire les gestes quotidiens des adultes qu'ils n'ont plus le droit de faire à la maison (le feu, la terre, le couteau, les ciseaux... ). Les ateliers doivent être fréquents pour permettre aux réalisations de s'effectuer rapidement, pour motiver l'enfant sur d'autres techniques.
(F. Gosselin, Méru - Oise)
L'atelier eau a été inttroduit dans la classe au même titre que les autres ateliers :
-
Répondre à un certain besoin
fondamental et à un certain plaisir.
-
Favoriser le tâtonnement.
- Permettre la réussite et la valorisation au sein du groupe.
Au niveau du matériel, j'ai introduit un matériel varié, pouvant développer l'adresse des enfants et leur permettre des manipulations d'où on pourrait peut-être tirer des lois. Le matériel n'a donc pas été mis au hasard.
J'ai sélectionné des bouteilles de forme identique, des bouteilles de même volume mais de formes différentes, des bouteilles de formes identiques mais de volume différent, des entonnoirs, un verre gradué à trois repères de couleur, une roue à eau, du matériel apporté par les enfants (bateaux, seringues, appareils à bulles, des éponges).
Au départ, les enfants ont joué librement à l'eau. Ils pouvaient fréquenter l'atelier à trois. Il s'est avéré que l'atelier semblait provoquer un certain défoulement et peut-être parce qu'il transgressait un interdit parental fréquent. J'ai donc limité le nombre des participants à deux maximum et j'ai invité les enfants à verbaliser ce qu'ils faisaient pour qu'ils prennent conscience de leurs réalisations, pour les aider à comprendre que cet atelier n'était pas différent des autres, pour que certains tâtonnements et découvertes soient explicites pour les parents et réhabilitent en eux la valeur du coin eau, pour enrichir le vocabulaire commun permettant l'échange au sein du groupe. J'ai mis les mêmes lois qu'aux autres ateliers :
- Apprendre à réparer les dégâts : éponge. - Mettre un tablier de protection.
- Retrousser ses manches.
- Mettre un tapis de serpillières au sol.
1. Remplir, vider, transvaser, laver, patouiller.
2. Mesurer.
3. Maîtriser ses gestes. Le geste devient de plus en plus affiné. Exemple : bouteille et entonnoir remplis avec le contenu du verre gradué, remplir une seringue, compter les gouttes avec une seringue ou un compte-gouttes, expériences de sablier avec deux bouteilles, une au-dessus de l'autre puis on retourne.
4. Comparaison
du volume ou de hauteur avec verbalisation du constat. Exemple : grande bouteille remplie
avec petite, petite bouteille remplie avec grande, hauteur d'eau dans le verre jusqu'à
une graduation, contenu de différentes bouteilles, comparaison du volume d'eau
nécessaire pour la même hauteur des bouteilles de volume différent, comparaison du
contenu de bouteilles de même volume par rapport à une graduation du verre.
Les enfants ont répété l'expérience, afin de vérifier s'il s'agissait d'un hasard ou
d'une loi.
5. Observation des phénomènes scientifiques. Exemple : quand on vide une bouteille, il remonte des bulles. Quand on presse fort une bouteille vide dans l'eau, l'eau monte en jet dans la bouteille. Essayer d'enfoncer un bouchon dans une bouteille pleine à ras bord. Comparer la vitesse de tour du moulin à eau selon la puissance du jet d'eau. Une bouteille pleine renversée sur l'eau ne coule pas. Les corps qui flottent, ceux qui ne flottent pas.
6. Il s'est créé peu à peu un apprentissage du vocabulaire commun au groupe : « remplir, vider, transvaser, renverser, mouiller, tremper, éponger, bouteille, litre, mesure, verre gradué, entonnoir, serpillière, seringue, comptegouttes... »
L'atelier eau a permis
- Une éducation du geste.
- Une éducation des sens (écoute, vision, goût, toucher).
- Un contrôle du geste (savoir s'arrêter pour la réussite d'une expérience ou la répéter).
- Une sensibilisation aux expériences futures. Les notions ont été introduites et le terrain est prêt pour les acquisitions.
- Un épanouissement par le plaisir et la réponse au besoin d'eau des jeunes enfants.
- Une sensibilisation et une attention à d'autres phénomènes scientifiques ayant rapport avec l'eau, dans la nature (gel et dégel sur les toits, temps de séchage de l'humidité sur les toits selon leur exposition au soleil).
Cet atelier permet en outre aux enfants présentant de grosses difficultés de pouvoir régresser en se fixant à cette activité tout en utilisant cet aspect régressif à une intégration et une mise en valeur dans le groupe. Si le matériel est structuré, si l'enfant verbalise au groupe, l'eau va devenir objet transitionnel, lien entre lui et le groupe.
Il permet s'il est défini comme les autres ateliers de la classe, selon un lieu, des lois et des limites (par exemple : temps) d'être en interférence avec ces autres ateliers.
En plus de cet aspect médiateur entre les enfants et de son appartenance au processus de vie de la classe, il présente un aspect scientifique.
Gadget, amusement, détente, travail manuel, passe-temps, lubie ?
ou
Vecteur et levier de l'expression, base d'une communauté, d'un
milieu éducatif ?
On l'a vu, le journal, objet du groupe, cristallise les individus autour de son élaboration. Il symbolise le groupe et sa parole, car il est fait des paroles de chacun. Il impose une gestion collective. Il est l'aboutissement d'une somme d'actions, d'expressions, d'analyses, d'initiatives, individuelles et collectives. C'est par lui que l'écriture devient écrit, et que les lecteurs existent. Il confère à l'expression de chacun, sa valeur de production à communiquer, à échanger. C'est par lui, (entre autre) que l'individu existe en tant que membre du groupe :
« Être dans le journal «, voir son nom au bas du texte, du dessin, ou du lino gravé, et (re)découvrir une autre image de soi.
Il fait du groupe-classe un groupe de production qui produit, existe...
Comme la correspondance, il élargit l'horizon scolaire :
- Échanges soutenus et véritables avec des enfants de milieux différents...
- Réactions des lecteurs, spontanées ou provoquées (cf. « L'échange et la certitude d'être lu ").
D'autre part, il est certain que fabriquer un journal, le rédiger, l'imprimer, le vendre, l'échanger (chaque enfant cherche dans l'autre, son propre écho) c'est un excellent moyen de percevoir les problèmes de l'information, et d'exercer l'esprit critique face à ce qui est écrit.
Bibliographie :
Pourquoi- Comment. Revue LÉducateur Dossiers Pédagogiques
n°8- 11- 101.
Sommaire du Pourquoi-Comment : Les journaux scolaires
-
POURQUOI des journaux scolaires ?
-
Être et agir vrai
-
Le journal scolaire oblige à la
reconnaissance de la parole de l'enfant, de l'adolescent
-
Il est le support de la communication
entre la classe et son environnement
-
Comme il permet la communication avec
d'autres classes
-
Il peut donc aider à la formation
civique des enfants, des adolescents
-
Parce qu'il leur offre la possibilité
d'intervenir dans la vie de la cité
-
Mais aussi parce qu'il leur impose ses
exigences
-
Parce qu'il les entraîne à construire
et à vivre une institution et ses lois
-
Parce qu'il entraîne chacun d'eux à
développer son sens critique
-
Il est un puissant outil culturel
-
parce qu'il incite, et aide chaque
enfant, chaque adolescent à se construire, à se cultiver
-
en prenant une part active à une
véritable vie culturelle - Par sa périodicité, le journal scolaire est source
d'appréhension du temps
-
Et les apprentissages ?
-
Le journal scolaire est un des outils
d'une pédagogie de la réussite
-
Mais COMMENT introduire un journal dans
une classe, une école ?
-
Comment faire vivre un journal ?
-
La réalisation du journal doit être
placée au centre des activités
-
Le contenu : qu'est-ce qu'on peut
trouver dans un journal
-
Quels articles ? Comment choisir ?
-
La correction, la mise au point
-
Le comité de rédaction
-
L'organisation coopérative du travail
-
Quels supports ?
-
Quelles techniques d'impression
o le duplicateur à alcool
o le limographe
o l'imprimerie - et au second degré ?
o les moyens de duplication rapide
o leurs limites
-
De l'imprimerie aux imprimantes
-
Récapitulation, avantages,
inconvénients
-
Quels formats ?
-
Sommaire ? Nombre de pages ?
Périodicité ?
-
Du journal imprimé au journal parlé
-
L'illustration tient une place
importante
-
Quelques techniques d'illustration
-
Afin d'être lu, le journal se doit
d'être lisible et attirant
-
La diffusion du journal
-
Comment le diffuser ?
-
Et les échanges enrichissants
-
La gestion du journal
-
Le rôle de l'adulte
-
Ce qui fait évoluer le journal scolaire
-
C'est donner à l'enfant l'occasion de s'intéresser à quelqu'un, différent et semblable, d'avoir un interlocuteur, à la fois réel et imaginaire, à qui (se) raconter.
C'est élargir son horizon, ouvrir son esprit à d'autres découvertes, stimuler ses recherches.
C'est ne plus être seul, avoir des copains, s'intéresser à eux, partager leurs joies, leurs peines, travailler pour les satisfaire, et se retrouver non plus face à face avec l'adulte mais coude à coude.
C'est apprendre à donner pour recevoir, savoir que l'autre existe, et par là me fait exister, semblable mais différent et unique.
Les conséquences scolaires, intellectuelles, affectives et sociales sont incalculables. Cette technique est un levier pédagogique d'une puissance insoupçonnée.
Bibliographie :
Pourquoi-Comment.
Sommaire du Pourquoi-Comment : La correspondance
scolaire et le voyage-échange
POURQUOI la correspondance ?
Être et agir vrai, plus des élèves mais des enfants
La correspondance et le voyage-échange
permettent d'ouvrir l'école sur la vie
En même temps qu'ils répondent à un
besoin naturel de relations
Ils aident l'individu à se construire,
à acquérir son autonomie, à se situer, à se socialiser, au sein d'un groupe qui
lui-même se construit et évolue
Et les apprentissages ?
Mais COMMENT introduire cette vie
dans la classe ?
La correspondance peut prendre
différentes formes
Avec qui correspondre ?
Qui dit choix, dit engagements
La correspondance placée au centre des
activités
La prise en charge de la correspondance
par le groupe-classe
L'enfant, l'adolescent choisit son
correspondant
Il écrit à son correspondant;
La gestion des échanges
Le rythme des échanges
Le groupe-classe écrit à l'autre
groupe-classe
La gestion des échanges collectifs
Autres échanges
Les cadeaux, ce n'est pas si facile que
ça
Le désir de rencontrer les
correspondants
L'intégration de tous au projet du
voyage-échange
Il est possible de se rencontrer en un
même lieu
Attention aux écueils
La correspondance permet à l'enseignant
d'approfondir ses recherches
Et pour les parents ?
Le groupe I.C.E.M. de Forbach-Sarreguemines a réalisé une exposition sur les travaux d'enfants et sur les pratiques des classes Freinet de la région à la M.J.C. de Forbach. Une animation sur la pédagogie Freinet avec les représentants des différents syndicats, A.P.E. a permis un large débat sur les problèmes actuels de l'école. Parallèlement à cette manifestation, la M.J.C. est intervenue à plusieurs reprises pour participer à l'animation musicale de classes Freinet (danses, chants, etc.) en collaboration avec des camarades du groupe.
Enfin plusieurs militants I.C.E.M. participent à l'animation de diverses activités au sein de la M.J.C. (adolescents surtout)
Pour sortir de l'école, du collège, pour continuer dans le village, dans le quartier, le travail commencé en classe, de nombreux camarades se retrouvent dans les M.J.C. Dans le Vaucluse plusieurs recueils de poésies du groupe Freinet ont été édités en collaboration avec la M.J.C. d'Avignon, Une action se poursuit depuis plusieurs années avec la M.J.C. de Vedène qui organise un carnaval.
Plusieurs classes du groupe participent à l'organisation de cette fête qui mêle enfants, ados et adultes dans toutes sortes d'activités.
La M.J.C. a apporté son aide avec bien d'autres organismes dont l'I.C.E.M. au Pacte du C.E.S. et a permis la réussite de l'exposition de fin d'année.
Les travaux commencés par des poètes dans les classes du nouveau C.E.S. se poursuivent à la M.J.C. par des soirées poésie.
Le groupe espère, pour renouveler cette activité, organiser un stage I.C.E.M.-M.J.C. d'impression de poèmes s'inspirant des travaux de la M.J.C. de Queuleu.
Les illustrations des journaux scolaires sont tirées avec l'aide de la M.J.C. et l'an prochain des ateliers de sérigraphie, de photo fonctionnant en commun.
Pour une pédagogie de l'ouverture sur la vie, dans les cités urbaines ou dans les villages notre place est dans les M.J.C...
Georges Bellot ICEM 84
La M.J.C. a servi de tremplin au stage régional des Garttrides : lieu d'exposition sur la pédagogie Freinet en Lorraine et aussi lieu de rencontre de l'équipe stage, des stagiaires et de la population locale avec la tenue d'un débat sur l'école Freinet, l'I.C.E.M...
Plusieurs classes Freinet de Gérardmer travaillent toute l'année avec la M.J.C.
Tous les vendredis après-midi, l'équipe organise des ateliers éclatés sur toute l'école et trois de ces ateliers fonctionnent à la M.J.C. :
- Poterie avec une animatrice de la M.J.C.
- Panneaux décoratifs en lino avec une personne contactée par la M.J.C.
- Cuisine avec une institutrice.
Enfin, la salle de spectacle est à la disposition des enfants chaque fois que nous en avons besoin...
Michèle Lambert ICEM 88
Il nous apparaît que dans le domaine de l'expression par la radio, l'expérience des autres ne peut être que d'un secours relatif, car les acquis les plus solides ne s'établissent que sur le vécu. Il faut prendre le temps de laisser se développer le tâtonnement : les participants aux deux expériences (quatre enfants) ont mené la seconde émission en tenant compte des critiques faites après la première.
Des enfants qui ne réussissent pas scolairement s'expriment plus qu'honnêtement à la radio.
2) La radio parce qu'elle permet de s'adresser réellement à d'autres, comme la correspondance, provoque, stimule, favorise l'expression vivante, vraie, profonde.
3) La radio n'est pas une fin en soi.
4) Une expression orale nécessite une oreille réceptrice/tive.
Extraits d'un témoignage de Maïté Rey
L'Éducateur n 1 5 - décembre 83
Document de L'Éducateur n° 178-179. « Prendre la parole » Plusieurs articles dans la revue L'Éducateur.
Informatique et développement. Quelque chose de plus que
l'informatique.
Informatique et développement (I.D.) est une association à but non lucratif créée en décembre 1982. Son objectif est de permettre une appropriation sociale des nouvelles technologies en favorisant « le développement économique et social local par une activité informatique et télématique ».
Elle s'est créée dans un quartier de la banlieue lyonnaise autour d'une école et d'un centre social. Les micro-ordinateurs ont été installés dans l'école et l'école s'est ouverte à la population du quartier. Elle est devenue un lieu de vie dans le quartier.
Ce travail a été mené à bien sans la moindre subvention institutionnelle : au contraire, parents, enseignants, associations, artisans... payent eux-mêmes leur formation et s'organisent pour acquérir le matériel.
Des groupes parents, enseignants, informaticiens se sont mis en place pour réaliser des programmes de gestion ou des programmes pédagogiques.
I.D. appuie toute ouverture mutuelle d'établissement scolaire et d'association de type centre social, M.J.C., etc.
- En permettant l'obtention de prix très compétitifs sur différents types de matériels.
- En réalisant des programmes de gestion informatisée.
- En formant les utilisateurs pour leur permettre la maîtrise de l'outil.
- Et en organisant des échanges de programmes.
Ainsi, ont fait appel à I.D. :
- Des associations Loi 1901 comme Interlink (échanges internationaux d'appartements pour les vacances), etc.
- Des centres sociaux, M.J.C.
- Le groupe lyonnais de l'École Moderne 1. C. E. M.).
- L'O.C.C.E, du Rhône.
- Le G.F.E.N. national.
- Le M.C.E. (Movimento Cooperazione Éducaliva) Italie -pédagogie Freinet.
Dans l'association il y a collaboration entre enseignants, parents d'élèves, professionnels de l'informatique intéressés par le projet de maîtrise sociale de l'outil.
L'expérience a fait des émules. En huit mois, cinq associations de même type sont nées, une vingtaine d'autres sont en gestation. Le cadre du département est dépassé, celui de la région aussi... Des contacts internationaux sont déjà pris permettant de faire pression sur les constructeurs pour qu'ils adaptent leur matériel et de dépasser le cadre étroit et pédagogiquement limité des marchands de logiciels. Une fédération de toutes les associations ayant les mêmes objectifs est en voie de création.
Le mode d'ouverture de l'école sur le quartier, sur la vie
associative, les institutions et l'économie a permis de motiver largement la population
du quartier. L'ordinateur redevenant ce qu'il n'aurait jamais dû cesser d'être : un
outil parmi d'autres. Dès lors « peur » et « refus » s'éloignent.. Seul au-delà de
cet outil subsiste un prétexte à la relance de la communication sociale d'où
jaillissent parfois des initiatives souvent originales mais aussi sans rapport avec
l'informatique...
Le 25 juillet 1983..
Roger Baumont (I. C.E. M. 69)
Depuis 7 ans dans ma classe unique, nous avions pris, mes élèves et moi, un certain nombre d'habitudes et chaque année, à la rentrée, nous recommencions à travailler un peu comme si nous nous étions quittés la veille. Cela repartait au quart de tour, comme une mécanique bien graissée, les enfants étant habitués à s'organiser, à vivre.
Cette année, je me retrouve dans un nouveau poste : 13 C.M.1 dans une classe de 80 m². Je dois reconnaître que ce sont de bonnes conditions de travail. Par contre, je dois aussi avouer que, même si je m'attendais à trouver une grosse différence, j'ai été quelque peu épouvanté par le comportement des gosses qui n'ont absolument ni imagination, ni autonomie par rapport à l'école.
Est-il possible que des collègues ne se posent aucune question quant à leur rôle de formation des individus ? Est-il possible que des enfants, au C.M.1, ne soient capables que d'appliquer des consignes, à condition toutefois qu'elles soient commentées en long, en large et en travers. Il faut beaucoup leur mâcher la besogne afin qu'ils soient capables d'en digérer un peu.
15 jours après la rentrée, c'était encore un concert de :
- « M'sieur, on écrit en bleu ou en noir ? » - « M'sieur, on trace un trait ? Combien de carreaux ? »
- « M'sieur, qu'est-ce que je fais maintenant ? » J'en passe et des meilleures...
Aussi, l'important étant de ne pas « se casser la gueule », je repars à zéro, presque comme si je n'avais jamais eu connaissance de l'école moderne. Beaucoup de « classes autobus » (tous ensemble, dans la même direction et en même temps, suivez l'chef !) et très peu de travail individuel (ne pas dépasser la dose prescrite, risque de dérapage).
La première chose que j'ai faite, en arrivant, à été d'étaler sur les tables des réalisations de ma classe précédente : journaux, albums, maquettes, dessins. Les enfants ont alors exploré ce monde nouveau et ont posé des questions sur le « comment ça a été fait ? » J'ai expliqué, montré, démontré... ils ont quand même pensé à demander à faire un journal eux aussi.
La première technique introduite a donc été celle du texte libre. Bizarrement ils ne le connaissaient même pas (malgré les Instructions Officielles) ; même en C.E., ils n'avaient fait que des rédactions (vendanges, champignons, neige... ).
Donc, ils écrivent (en 4 semaines, 2 élèves ont fait 4 textes, 1 en a fait 3, 5 en ont fait 2, 3 en ont fait 1 et 2 n'ont encore rien écrit). On choisit, on corrige (on enrichit, faut bien) et on imprime. Ça, ça leur plaît beaucoup. 7 textes sont sortis : 6 à 'l'imprimerie, 2 au limographe.
Parallèlement à ça, comme ils en ont l'habitude, on fait de la grammaire, de la conjugaison, de l'orthographe, de la lecture...
Pour le moment, je n'accorde qu'une petite heure de travail individuel où chacun peut choisir une activité parmi plusieurs proposées : fiches ou livrets (math ou français), recherches d'après F.T.C., imprimerie, lecture silencieuse. Rien que parmi ces activités, les enfants ont des difficultés à choisir et, quand ils ont choisi, à mener leur travail à bien. Je suis d'un grand recours et souvent je ne suis pas « assez nombreux » pour satisfaire tout le monde en même temps.
Les premiers buts que je me suis fixés
- Ambiance de classe (ras le bol des « M'sieur y copie » ou « M'sieur, untel a fait ça »).
- Écoute des autres.
- Acceptation de la différence.
- Apprentissage de l'autonomie.
Voilà donc où nous en sommes des techniques Freinet (!?)
C'est peu, mais avec des enfants passés au moule d'une pédagogie traditionnelle, il n'est pas question de parler d'autogestion. Ce n'est que peu à peu que je vais introduire de nouvelles techniques et de nouvelles méthodes de travail, faute de quoi j'irais au casse-gueule, même après 7 ans de pratiques inspirées de l'école moderne.
De plus, je me donne des garde-fous vis-à-vis des parents, des collègues, de l'inspecteur (des enfants et de moi-même aussi) :
- Chaque heure de chaque jour de chaque semaine, on remplit un bilan de travail en indiquant les travaux collectifs (en rouge) et les travaux individuels (en vert). Il ne s'agit nullement d'un plan de travail, mais d'un récapitulatif de tout ce que l'on a fait. De plus, les exercices d'applications et les fiches sont « notés » selon le système des feux (vert, orange, rouge) comme sur les cahiers d'opérations. Ce bilan est signé en fin de semaine par les parents.
- Un autre planning indique le nombre de textes écrits.
- Sur un tableau blanc, on écrit ce qu'il y a à faire et qui s'en charge. Pour le moment, il n'y a que les travaux d'imprimerie. C'est notre première ébauche de plan de travail.
Et vous, où en êtes-vous ? Comment abordez-vous une nouvelle année avec une nouvelle promotion d'élèves non formés ? Si on faisait une sorte de gerbe « Comment je redémarre » , ça pourrait peut-être en aider certains à démarrer. A vos cassettes et stylos !
Robert Besse
1) Non tu ne repars pas à zéro parce que toi Robert, tu sais où tu vas, où tu veux aller, tu as un projet pédagogique. Ce n'est pas le cas d'un collège qui, désirant abandonner la pédagogie traditionnelle, amorce timidement un changement, C'est une différence de situation extrêmement importante. La preuve en est dans le fait que (en alpiniste confirmé, et la pédagogie c'est de l'escalade) tu « assures » la progression. Je crois que c'est une préoccupation essentielle. Et si c'est ton intérêt, c'est aussi et surtout celui des enfants, ce qui est beaucoup plus important : un poisson qu'on sort de l'eau brusquement est asphyxié, pourquoi n'en serait-il pas de même d'un enfant qu'on sort brusquement d'un conditionnement pédagogique traditionnel ?
2) Tu mets en évidence l'importance qu'il y a d'introduire parallèlement des activités libératrices d'une part (le texte libre, et pour cela pas besoin de leur faire une « leçon » sur le texte libre) et des activités « socialisantes » (ce serait plutôt socialisatrices qu'il faudrait dire), bref des activités qui entraînent du travail en groupe (I'imprimerie, le tirage au limographe). Ainsi peut s'établir une communication différente entre les enfants eux-mêmes, entre les enfants et l'adulte. Tout cela n'empêche pas par ailleurs de faire maths, français, etc., très traditionnellement (du moins pendant un certain temps) mais en modifiant les rapports, les comportements, cela ouvre la voie à une autre façon de travailler qui viendra ensuite. Il serait d'ailleurs très intéressant que tu notes l'apparition successive (et la date) de nouveaux types d'activités.
3) Dans les écoles de villes à classes multiples, c'est aussi un éternel recommencement lorsque l'on n'a pas la possibilité de suivre les enfants. C'est pénible mais cela constitue une excellente formation pour apprendre à maîtriser les problèmes d'introduction d'une pédagogie différente.
4) Un problème que tu passes sous silence, peut-être parce que pour l'instant il ne s'est pas posé, c'est celui des rapports avec les autres classes, les autres enseignants. C'est peut-être le point le plus délicat du fait qu'adultes et enfants forment un groupe au sein duquel règnent des relations différentes de celles qui existent au sein des autres classes. Et ce n'est pas toujours facile... quand on est, à la merci des autres !
Extrait de Contact
24
bulletin départemental
Et c'est ainsi que j'ai mis le pied à l'étrier, comme on dit, posant des questions, assuré que j'étais d'avoir une écoute attentive et surtout une aide précieuse. Car cela me tentait maintenant !
Mais on ne passe pas du jour au lendemain d'une attitude autoritaire à une bienveillance aidante ; on ne devient pas du jour au lendemain celui qui écoute alors qu'il a toujours parlé, celui qui accueille alors qu'il a toujours décidé, celui qui partage l'effort alors qu'il a toujours jugé !
J'ai lu, beaucoup, écouté et petit à petit, sans lâcher les deux à la fois, j'ai introduit dans ma pratique pédagogique, des moments pendant lesquels mes élèves avaient la latitude de s'organiser, de créer, selon leur volonté.
Ce n'étaient alors que des « moments » dans le cursus scolaire, « pointillés » qui permettaient à mes élèves de respirer, et à moi de découvrir d'autres aspects de leur personnalité.
Je sentais que cette attitude convenait mieux à ce que j'étais et puisque je me savais aidé par des collègues prêts à m'épauler, et cela malgré toutes les difficultés, j'ai entrepris de revoir tout ce que jusqu'à ce moment j'avais considéré comme immuable : mon rôle de magistrer.
Mes élèves m'ont beaucoup aidé, ainsi que mes propres enfants et j'ai commencé à penser éducation plutôt qu'enseignement.
Suivant les conseils de Pierre Quéromain (1), j'ai agi avec prudence malgré l'enthousiasme qui me tenait mais j'ai malgré tout commis beaucoup d'erreurs, de maladresses. Car il est tout à fait extraordinaire cet enthousiasme quand on se sent placé devant une autre réalité, réalité dans laquelle les élèves apparaissent comme des êtres humains à part entière et dont il faut tenir compte, avec leurs espoirs, leurs faiblesses.
Je propose souvent qu'on regarde ce qui se trouve dans cette salle qui désormais sera la leur et dans le feu des questions la sympathie naît.
On prend connaissance aussi de « créations » des années passées, créations écrites, graphiques, visuelles.
Je ne propose pas ainsi des modèles mais je suggère des pistes afin que chacun sente qu'il a la possibilité de vivre autre chose que la dictée hebdomadaire, la rédaction, la récitation imposée puisque le choix du texte « d'auteur » reste l'apanage du maître.
Nous avons aussi tout un éventail de jeux de déblocage de l'expression, soit au niveau écrit, graphique ou gestuel, des fichiers incitateurs, mais il faut savoir qu'ils ne sont que des moyens passagers et non des fins sinon ils ne seraient que des gadgets pédagogiques supplémentaires !
(1) Le Directeur du collège du moment.
Le matin : Dès la rentrée dans la cour, les anciens sont venus autour de moi, seuls ou avec leurs parents pour déjà me parler. Pratiquement tous étaient impatients de monter en classe.
Six, sept puis huit « nouveaux » arrivent dans la classe de perfectionnement de l'autre école, dans la cour. Anciens et nouveaux se connaissent déjà un peu.
L'appel terminé, les autres classes étaient regroupées, nous montons en classe, groupés et discutant.
A l'arrivée en classe, ils sont un peu étonnés de la trouver « mal rangée ».
Volontairement je l'avais laissée telle qu'elle était après le passage du service de nettoyage. Il y avait de plus sur des bureaux des cartons de fournitures scolaires reçues.
- La classe est leur classe, notre classe : donc à eux, à nous de la ranger et de l'organiser.
Par cette prise de possession collective, après discussion, du « lieu », des lieux, un esprit de confiance, de sécurité, de coopération peut commencer à s'installer.
Chacun peut se sentir un peu chez lui, dans un monde à lui et pose déjà ses premiers repères. De plus, un respect du matériel, et de l'autre commence à naître. Après une réflexion commune (guidée surtout par les anciens), nous avons commencé le rangement et l'organisation de la classe (bureaux disposés en trois groupes après un moment de calcul - tables d'ateliers à leur place, contenu des cartons répertorié et rangé, fichiers, B.T.J, etc. installés).
Ensuite les anciens ont procédé à la visite guidée de la classe pour les nouveaux leur indiquant divers fonctionnements, quelques règles de vie, quelques lois, quelques institutions.
Puis chacun s'est présenté, moi y compris, avec nom, prénom, date de naissance, âge, adresse (certains ne connaissent pas leur adresse et/ou leur date de naissance !).
Après une discussion sur l'occupation des bureaux, à l'issue de laquelle des groupes provisoires se sont formés (groupes qui pourront être modifiés par la suite - les anciens se sont volontairement répartis dans les groupes pour aider les nouveaux), chacun s'est installé à son bureau et y rangea librement ses affaires (chose attendue avec impatience notamment pour ce qui concerne le matériel neuf et parfois inutile acheté avant la rentrée).
Suivi d'une première distribution de matériel individuel (stylos, gommes ... ) dont la liste a été écrite au fur et à mesure au tableau.
J'ai procédé alors à une présentation succincte de la classe et de son fonctionnement à partir d'un langage vérité : « Si vous êtes ici c'est parce que vous avez de petites difficultés qui peuvent être réparées. Je suis là pour vous aider et tous ensemble on s'aidera coopérativement. Mais tout dépend de chacun. Nous allons essayer de travailler en classe coopérative ».
Énoncé des trois lois fondamentales et constitutionnelles » :
A la demande de certains, chacun a recopié la liste du matériel puis a fait un dessin libre (ce qui a permis déjà d'aborder une forme de recherche au niveau de l'expression : le remplissage des formes, exemple : tuiles sur le toit, couleurs différentes dans les arbres... ).
L'après-midi :
Une certaine impatience de monter en classe à 14 h !
Inscription dans la classe
- Sur le tableau trois colonnes pour les équipes : chacun inscrit dans son équipe, son nom, son prénom.
- Sur une feuille double à colonnes, chacun inscrit ses nom, prénom, date et lieu de naissance et adresse (des manques apparaissent à nouveau « Il faudra le savoir »).
Moment de lecture-plaisir sur les livrets des casiers lecture (première utilisation importante du matériel collectif). Ceux qui le souhaitaient ont pu réaliser un dessin à partir des livrets (dessin « copié » ou imaginé).
Remarque : Ceux qui n'avaient pas de feutres ont pu utiliser ceux de la classe en s'adressant au responsable-feutres-provisoire (première approche de la notion responsable/ responsabilité pour certains).
Audition d'un chant« Mon vélo blanc » d'Anne Sylvestre et début d'étude collective de ce chant.
Moment de communication : chacun a porté des livrets qu'il a lus (occasion de rappeler la loi « On ne se moque pas » et de son respect obligatoire).
Première séance de « sport » : courses, rangements, jeu du crocodile. Aucun problème, tout s'est passé dans la bonne entente.
En fin d'après-midi, petit bilan de la journée positif dans l'ensemble mis à part un ancien qui trouve « qu'on n'a pas assez travaillé ». Certains ont demandé s'ils avaient des devoirs à la maison : « non ». D'autres ont demandé à emporter leur(s) dessin(s) chez eux.
En résumé :
Journée basée sur la notion de plaisir et de vie « ensemble dans la classe ».
- L'idée de rentrée descolarisée.
- L'importance de « prendre le temps ».
- La nécessité de commencer à FAIRE.
- L'expression et la communication.
- La prise de possession des «. lieux ».
- Le repérage dans l'espace et le temps.
- La reconnaissance individuelle.
- L'approche du groupe coopératif.
Journée calme, agréable, positive : « On s'est régalé » ont dit des nouveaux.
Des notions de la classe coopérative ont été entendues au fil des échanges : les lois, les responsables, le conseil, le matériel collectif, etc. Le démarrage est amorcé.
Une soif de faire est dans certaines têtes.
L'organisation coopérative commence à
germer. ... Le groupe ne se construit pas comme un meccano, mais comme
l'ossification de la main !
Dès l'arrivée dans la cour le groupe se rassemble et bavarde.
Dès l'arrivée en classe, regroupement autour de la grande table pour le... Quoi de nouveau ?
Présidé par moi. Les anciens expliquent rapidement en quoi consiste cette institution et je rappelle la règle pour prendre la parole. Ils donnent quelques idées de choses à raconter.
Les anciens s'inscrivent pour parler imités par quelques nouveaux. Les échanges sont agréables et sympathiques.
Chacun regagne sa place apparemment satisfait.
Élaboration collective du plan de travail pour la journée : (écrit au tableau).
- Ramasser les feuilles de renseignements. Encaisser les 17 F. Voir les affaires achetées. - Préparer le carnet de mots. Organiser le classeur. Passer des tests.
- Lire. Texte libre. Ateliers (pyrogravure, dessin, peinture, carte vapo, mobiles).
- Sport.
Réflexion collective sur l'école et nos activités à venir : pourquoi vient-on à l'école ?
Réponse des enfants
- Pour apprendre à lire, à compter, à écrire.
- Pour apprendre à bricoler, à dessiner.
- Pour apprendre les verbes, le français.
- Pour faire du sport.
- Pour faire de l'imprimerie.
- Pour apprendre à se débrouiller.
Qu'aimeriez-vous faire cette année ?
- Du sport, de la lecture, du dessin, de la peinture, des mathématiques.
- Se promener (un voyage), des verbes, des opérations, jouer avec des jeux.
- De l'écriture, des dictées, des contrôles, des conseils, le quoi de nouveau ?.
- De la lecture silencieuse, passer des ceintures, de l'imprimerie.
- Du jardinage, des enquêtes, des conférences, des ateliers, du bricolage, l'aquarium.
Désirs ? ou reproduction
d'habitudes acquises ?
Mise en application du plan de travail élaboré :
- Ramassage des feuilles de renseignements et des 17 F (cotisation de l'école) ... Quelques oublis.
- Vérification des affaires individuelles : ... le plaisir d'avoir ses affaires !
- Préparation du carnet de mots avec explication sommaire de la démarche qui sera mise en place pour l'apprentissage des mots personnels (cf. : savoir écrire des mots).
- Mise en place du classeur :
Élaboration de la page de garde « Mon classeur ».
Des repères plus personnalisés se
mettent en place et sécurisent.
L'après-midi :
- Passage de tests : blanc et jaune en opérations (sur feuilles polycopiées).
Silence et concentration.
Je donne les résultats immédiatement avec attribution de ceintures pour la moitié de la classe environ :
Première matérialisation des
réussites.
Je distribue les cahiers des opérations, de nouvelles réussites !
Satisfactions et revalorisations.
Lecture : chacun lit aux autres le début du livret qu'il avait pris hier. Les histoires d'enfants plaisent.
Au fil des lectures, j'attribue des ceintures. Coloriage des réussites sur le tableau.
Chacun réussit.
Sport : le crocodile. Le lapin-chasseurs.
Ateliers : vu le temps restant on s'oriente vers du dessin individuel pouvant conduire à une réalisation collective.
Chacun dessine une maison qui pourrait être découpée et collée sur une grande feuille pour créer un « village ».
Activité qui se déroule dans un calme étonnant pour une fin de journée !
Bilan rapide de la journée
- Satisfaction générale.
- Manque de temps pour « faire » du texte libre.
- Certains demandent des livrets pour prendre à la maison.
Remarques :
Deux « anciens » maintenant en 6ème, sont, venus « travailler » avec nous car ils n'avaient pas de classe.
Certains ont demandé à rester en classe aux récréations pour travailler.
A la récréation des nouveaux sont venus se plaindre, les anciens leur ont dit qu'il fallait en parler en « conseil ».
Des conditionnements scolaires subsistent encore. Le groupe continue à se structurer et la vie coopérative à s'installer.
L'enfant qui agit, ne s'agite pas.
Tout individu veut réussir.. L'échec
est inhibiteur.
C. Freinet
Quoi de nouveau ?
Voir cahiers. Échanges intéressants avec des notes d'humour !
L'animation a été laissée à un ancien qui a su maîtriser ce lieu de parole.
Premier partage du pouvoir.
Réflexion collective sur le plan de travail de la matinée :
Relever feuilles jaunes et 17 F. Distribuer les cahiers de classe. Lire. Travailler sur cahier d'opérations. Écrire.
Texte libre. Passer des ceintures, des brevets.
Mise en route des cahiers de
classe
Apprentissage de la présentation. Préparer la page de garde. Qu'est-ce qu'on écrit ?
Des propositions on retient : « Je suis en classe de perfectionnement à l'école Gaveau. C'est le troisième jour de la rentrée. Nous sommes 15 élèves ».
Réalisation d'une frise = détente + évolution + « graphisme ».
Lecture :
Ceux qui le veulent lisent un passage de leur livret (emprunté la veille) à la classe.
N.B. : on lit pratiquement toute la matinée tout ce qui est inscrit au tableau : plan de travail, consignes, etc.
Opérations :
A la demande, chacun travaille sur son cahier d'opérations allant de réussite en réussite.
Je supervise l'ensemble au niveau de
l'apprentissage de l'autocorrection, chose nouvelle pour tous les nouveaux ! Confiance
en soi.
Chacun note sur son cahier de classe ce qu'il a fait.
Affichage en classe du tableau général des ceintures :
Chacun vient à son tour placer ses punaises de couleurs.
Repérage sur le tableau.
Repérage dans le groupe et repérage du groupe. Matérialisation des réussites.
Reconnaissance des différences. Outil futur d'entraide.
Le groupe mosaïque s'identifie.
Bilan de la matinée et rangement
Satisfaction générale.
Les anciens demandent des feuilles pour écrire des textes libres et des nouveaux les imitent. « M'sieur, on pourra continuer pareil, lundi ? »
Patrick Robo
Donner du tirage. C. Freinet
Ceci est l'emploi du temps de l'année 80-81. 18 élèves en classe : 5 S.E., 2 C.P., et 12 C.E.1. Je n'entrerai pas dans le détail du travail au C.P., ni dans celui des S.E. qui sont occupés en permanence dans les ateliers fixes (dessin, découpage, etc.) mais participent à certains moments collectifs (causette, conseil).[1] Je ne parlerai donc que du travail avec les C.E.1.
- Lecture silencieuse : j'utilise les fichiers autocorrectifs de la C.E.L.
- Lecture puzzle : collection que je me suis fabriquée mais qui a été vite épuisée par une majorité de C.E. 1 qui lisaient vite.
- Lecture-roman : (C.E.1 et C.P. peuvent travailler ensemble au troisième trimestre (et parfois même avant). Deux groupes sont formés : un groupe de lecteurs et un groupe d'auditeurs. Je donne à chacun des lecteurs un paragraphe à préparer en fonction de ses possibilités, puis, à l'aide du dictionnaire, ils préparent des questions de compréhension destinées aux auditeurs. Le groupe des auditeurs écoute, ose des questions sur le sens des mots, joue à poser des questions « colle » au groupe des lecteurs et donne son opinion sur ce qu'il a entendu.
- Lecture-poésie : deux séances par groupe tous les quinze jours. Le samedi, j'étais seule à lire, eux à écouter et ils ne voulaient jamais que j'arrête ma lecture. Ce moment n'était pas assez long pour eux, mais j'étais la seule à manipuler ces livres dont toutes les paroles leur semblaient magiques. Pendant que la moitié du C.E.1 est en lecture silencieuse, l'autre moitié lit des poésies (beaucoup de livres et de fiches sur une étagère). Un quart d'heure avant la fin de la séance, ils lisent la poésie qu'ils ont choisie et dans la journée, ils s'arrangent pour la recopier sur leur cahier de poésie et pour l'apprendre par cur chacun à leur rythme. Le lendemain le groupe change et ceci tous les quinze jours pour qu'ils aient le temps d'apprendre la poésie qu'ils ont choisie.
Ils peuvent, au choix, écrire :
- Un texte libre.
- Une histoire (pour J Magazine).
- Une lettre pour leur correspondant.
- Préparer un passage de la grande lettre collective (seul ou à deux).
- une poésie.
- Répondre à une question des correspondants.
Un quart d'heure avant la fin de la séance, on lit les textes terminés (CE. et CP).
Au CE1 je me contente d'une correction individuelle pendant la séance et les enfants doivent recopier le texte corrigé en étude ou à la maison.
Je travaille avec le livre du C.R.D.P. de Bordeaux (réf. : « De l'oral à l'écrit » - Travaux pratiques d'orthographe. C.R.D.P. de Bordeaux, 75 cours d'Alsace Lorraine - 33075). J'axe mon travail sur l'épellation phonétique des mots et l'observation de la phrase, ce qu'on appelle la connaissance intuitive en orthographe grammaire et en conjugaison. Une fois par semaine, on fait une dictée préparée à la Damville (cf. « Orthographe et grammaire à l'école primaire - P. Damville Berger Levrault - Nancy - à commander directement à l'auteur). On constitue un cahier pour répertorier certaines règles.
En math, les élèves ont à leur disposition les livrets programmés qu'ils peuvent faire en étude ou à la maison. Ils possèdent aussi un plan du fichier math CE mais c'est moi qui leur signale les séries qu'ils peuvent faire.
En français à partir de novembre-décembre, je programme le travail individuel à partir des fautes d'orthographe, conjugaison ou grammaire qu'ils font dans les textes libres. En janvier, je dicte les « sondages » (cf. A.P. nos 7, 8 et 9), et je programme à nouveau leur travail.
Tous les jours, en rentrant à 14 heures, on se réunit pour parler dans une réunion « fourretout ». On établit un tour de parole. Un roulement s'opère :
- Un jour, on observe les dessins des petits (on ne les oublie pas !)
- Un autre, on récite les poésies.
- Un autre, je lis un roman ou un livre, un journal envoyé par une autre classe ou une enquête des corres.
La causette c'est aussi
- Un moment d'observation (objets, animaux... apportés par les enfants).
- Un moment de discussion sur un fait d'actualité ou à partir d'une réflexion d'un gosse que je souligne.
On a au moins un conseil par semaine, où on s'organise et où l'on met en place des règles de vie. Je note, j'anime, et un responsable recopie les décisions sur le cahier de décisions qu'il relit au début du conseil suivant.
- Journal (imprimerie, limographe, pochoir collages).
- Boîte avec matériel pour faire des tracés géométriques.
- Argile.
- Tableaux de plâtre.
- Collages papiers, coquillages, bois...
- Peinture (individuelle ou par groupe - fresque).
- Dessin (feutres pour album, pour les corres, recherches sur le bloc pour fresques à l'encre de Chine et lavis, au brou de noix).
Ces ateliers sont programmés et ne fonctionnent pas tous en même temps. Je sépare la préparation des albums des autres activités d'ateliers qui sont plus manuelles. Les CE1 construisent seuls leur album (recopier les textes, les disposer, les coller, décorer les pages, faire la couverture) ...
Pendant ces séances, je suis disponible pour circuler entre les différents groupes, les conseiller et m'occuper des plus jeunes.
[1] Un article paraîtra sur l'emploi du temps d'une S.E. - CP., dans lequel le travail de ces sections sera détaillé (N. D. L. R. ).
Mon emploi du temps est établi en début d'année avec les élèves et en fonction des Instructions Officielles qui régissent les classes de perfectionnement (arrêté du 12 août 1964 - je peux le prêter). Bien entendu, cette élaboration tient compte de mes orientations pédagogiques actuelles, à savoir : organisation en classe coopérative institutionnalisée basée sur la pratique des techniques de la pédagogie Freinet, et recherche au niveau de l'orthographe d'usage, que je démarre cette année. La part du maître est donc relativement importante dans cette mise en place coopérative de l'emploi du temps.
Cet emploi du temps est affiché en classe, à côté du tableau, pour deux raisons :
- Il fait partie de l'affichage obligatoire en classe.
- C'est un repère constant que les enfants vont souvent consulter.
Dès qu'il est établi au tableau (deuxième ou troisième jour de la rentrée), chaque gamin le transcrit sur une feuille qui sera intégrée dans son classeur : exercice de quadrillage et de repérage - représentation matérielle du temps et de son organisation -suite chronologique des événements... et surtout une des premières prises de possession par l'enfant de l'organisation de la classe, des lieux et des moments qui régiront la vie du groupe et des individus[2].
Cet emploi du temps, cette grille, ces repères habituels, qui me semblent de plus en plus nécessaires, voire indispensables, pour mes gamins, sont établis de sorte à laisser quand même place à une liberté d'action et d'improvisation, liée à toute la vie qui entre chaque jour en classe : vécu des enfants, vécu du maître, lettres de correspondants, journaux scolaires reçus, l'actualité... Un seul moment reste imperturbable, c'est le conseil de classe, bi-hebdomadaire cette année. Rien ne peut l'empêcher d'avoir lieu sauf la venue d'un « étranger » au groupe classe qui refuserait de se plier aux lois de la classe et surtout du conseil (cf. « Un conseil de classe » -A.P. n°3). L'emploi du temps peut être modifié en cours d'année, en fonction de l'évolution du groupe, et surtout dans le cas où il serait moins opérationnel, moins efficace.
appelée « Quoi de nouveau ? » par les enfants. Chaque matin, en entrant en classe, sous l'animation d'un élève (ceinture orange en comportement), ceux qui ont quelque chose à dire peuvent le dire en toute sécurité morale et psychologique (cf. « Quoi de nouveau ce matin ? » in A.P. n° 5/6).
ceci est lié à la recherche que je mène cette année et qui a été décrite dans A.P. n° 7. En résumé, lundi, mardi, jeudi, et vendredi, les gamins s'autodictent des mots qu'ils ne connaissent pas orthographiquement (mots personnels) et le samedi, deux à deux, ils se dictent les mots qu'ils ont appris pendant la semaine et ceux appris quinze jours auparavant.
il a été décidé en conseil que tous les jeudis matins, chaque élève porterait 50 c et le maître 1 F pour alimenter la caisse. La caisse est surtout alimentée par les bénéfices de nos ventes (calendrier, fleurs, journaux scolaires... ). La caisse est tenue par deux responsables, un ceinture verte en comportement et un ceinture orange en opérations. Avec cet argent, nous achetons du matériel, des fichiers, des livres... pour la classe. On s'approprie les moyens d'éducation !
Il faudrait plusieurs pages pour en parler. (Il vaut mieux se reporter à A.P. n° 3 et au « Memento O.C.C.I.). En bref, je dirai que cette année ils sont bi-hebdomadaires, qu'ils durent pratiquement toujours une heure, qu'ils sont présidés par un gamin ceinture verte en comportement (au début de l'année, c'est moi qui préside jusqu'à ce qu'un gamin puisse le faire sans risque pour lui, et pour le groupe, pour l'organisation de la classe coopé : je ne veux pas me permettre le luxe de prendre le risque de démolir la classe, les gamins, ou moi-même).
« Le conseil oeil, rein,
coeur, cerveau du groupe »
Fernand Oury
Outil aux multiples richesses : lecture, écriture, orthographe, dyslexie, dys... schéma corporel, latéralisation, coordination motrice, repérage, coopération, autonomie, socialisation... Nous l'utilisons pour la plus grosse partie de notre journal scolaire, en imprimant des textes libres. Travailler à l'imprimerie nécessite la mise en place d'une organisation précise ! Il y a des lois, des règles de fonctionnement, des responsables et des niveaux de compétence (ceintures de couleurs en imprimerie). Ici comme dans toute l'organisation de la classe, n'importe qui ne peut faire n'importe quoi, n'importe comment, n'importe quand, n'importe où ! Au fait, sur quels principes d'organisation construit-on et pilote-t-on un avion qui transporte 350 passagers ? L'imprimerie fonctionne tous les jours, en équipes fixes établies d'après sociogramme et d'après compétences. Une équipe pour un texte.
Les ateliers fonctionnent avec l'organisation dont j'ai déjà parlé : responsables compétents, règles de fonctionnement et lois. Ils ne sont pas imposés aux gamins et changent tout au long de l'année. Seul le travail à l'imprimerie est obligatoire puisque décidé en conseil. Pour les autres ateliers (pas plus de trois) qui sont inscrits chaque jour au tableau, les enfants qui n'impriment pas, s'inscrivent en face de celui de leur choix, en essayant d'équilibrer au maximum les groupes. On ne change pas d'atelier en cours d'après-midi. Ceux qui ne s'inscrivent pas à un atelier restent à leur place et trouvent un travail seuls, sinon je leur en procure un (qui ne les intéresse pas toujours !), mais surtout ne dérange pas la classe, ni les élèves.
Quelques ateliers pratiqués
Cette année, il a été décidé que chacun choisirait (dans le casier « poésies ») la poésie qu'il voudrait présenter à la classe, soit en la lisant, soit en la disant ; ça marche.
Musique : on fait surtout de l'audition musicale et on travaille avec la voix. On découvre aussi des instruments. L'audition de musiques très diverses plaît beaucoup.
Chant : on apprend des chants proposés par les enfants ou des chants contemporains que je leur propose.
Voilà un survol rapide au-dessus d'un nid de coucous et autour d'un emploi du temps qui reste à être amélioré par le commentaire d'autres emplois du temps, et par des échanges coopératifs au cours de nos réunions.
Patrick
Robo (perfectionnement)
L'emploi du temps n'est pas l'emploi
doux temps. (Un sur-doué espagnol) cf. A.P. n°10)
Pour ceux ou celles qui
manqueraient d'idées, voici...
« Si vous ne l'obligez pas à travailler, Toto ne fera rien, il ne pense qu'à jouer, serrez-le ! »
Les gens sérieux, qui ont subi la pédagogie autoritaire, sont devenus incapables d'imaginer autre chose que le travail sérieux ou le chahut et leur expérience leur donne raison.
Quand on a plié une baguette, il ne faut plus la lâcher, sinon...
Mais qui les obligeait à plier une baguette ?
Les réalistes ignorent que la classe coopérative exige du maître et des élèves, une organisation et une discipline très strictes.
Pour les naïfs, incapables de distinguer agitation et activité, l'ordre règne quand les marionnettes fonctionnent ensemble. Les pantins font, à la rigueur, des exercices, mais ils sont incapables de créer, de décider, de travailler en équipe. La classe coopérative ne demande plus au maître d'agir sur les enfants, mais d'agir avec les enfants. Travaillant côte à côte, adulte lenfants, sont du même côté de la barrière. Toto, imprimeur, ne peut plus être un dur - l'ex-héros de l'indépendance doit se contenter d'être un gêneur : c'est moins glorieux.
Et la classe, devenue groupe de travail, n'est pas décidée à subir ses caprices.
Si nos résultats n'avaient pas été au moins égaux à ceux de la pédagogie habituelle, nous n'aurions jamais pu vaincre la défiance et l'hostilité.
Des enfants qui savent lire, comprendre,
s'exprimer correctement par écrit, compter, mesurer, qui ont fait des enquêtes et des
conférences, n'ont guère besoin de bachoter. Mais justement parce qu'ils ont appris à
ne pas travailler sans comprendre, ils savent, quand les nécessités du programme
l'exigent, s'entraîner, tout en n'accordant aux exercices, que leur valeur
d'entraînement. Nous pensons cependant, que l'éclucation c'est un peu plus que la
préparation de l'entrée en 6ème,...
Voilà une objection qui fait plaisir. Non, les instituteurs des classes coopératives Freinet ne sont pas des maîtres d'élite. Certains le deviennent peut-être. Et ce n'est pas un hasard. Certains métiers élèvent et épanouissent l'individu : ce sont ceux qui nécessitent des relations humaines. D'autres l'enfoncent et le sclérosent : ce sont ceux qui l'aliènent en l'enfermant dans un rôle. Le métier de gardien, par exemple, ou celui de subalterne respectueux et dévoué. Il peut sembler facile de faire tenir tranquilles des enfants qui ne demandent qu'à agir, d'obtenir cet auditoire silencieux et ces jolis cahiers si commodes en cas d'inspection. Mais cela nécessite des qualités personnelles et des procédés discutables. Les techniques de la pédagogie Freinet ne sont difficiles qu'en apparence : il est plus simple d'étudier les oiseaux quand Jacques apporte une hirondelle électrocutée, que de capturer une hirondelle le jour de la leçon sur les oiseaux. Il est évident, qu'il est plus difficile de mettre au point un texte d'enfant, que de corriger une dictée. C'est plus intéressant aussi.
C'est exact. Les classes de perfectionnement, sont des bancs d'essais impitoyables pour les méthodes éducatives et le fait que les classes coopératives soient efficaces même avec ces enfants, que la pédagogie Freinet permette d'utiliser au maximum toutes les ressources de l'être, ne nous incite pas à penser qu'elle doive leur être réservée. L'air des montagnes est nécessaire aux tuberculeux. Il convient aussi aux sujets sains.
C'est aussi exact. En permettant à des enfants au dynamisme intact d'utiliser non seulement une partie de ce dynamisme pour les acquisitions scolaires, mais en provoquant continuellement leurs possibilités de création et de synthèse nous assistons à des évolutions remarquables, chez des enfants qui auraient été utilement retardés par des programmes prévus pour des élèves standards. « Les aigles ne montent pas par les escaliers ». (C. Freinet)
Si la révolution pédagogique était possible, elle serait déjà faite. Elle se fait lentement, quand les conditions le permettent, chaque fois que 'l'audace et l'initiative sont plus fortes que la tradition.
Il ne s'agit pas de détruire, mais patiemment, de construire. Il ne s'agit pas de vaincre, mais de convaincre et, pour cela, de réussir malgré les obstacles.
« Ne rien changer avant de tout changer », ce n'est pas notre apanage. L'analyse fine du présent, révélant les possibilités et les obstacles réels, doit précéder et conditionner les projets grandioses du futur.
Oui, si être empiriste, c'est aller chercher sa clef sur le trottoir où on l'a perdue même si les importants, nos maîtres, la Science, n'ont pas encore su y installer un réverbère.
Oui, si être empiriste c'est penser que la seule psychologie expérimentale ne peut étudier tous les phénomènes, que la science ne se résume pas à la statistique, que le positivisme éclairé du 19è siècle ne suffit plus, que d'autres moyens d'investigation et d'autres modes de pensée sont nécessaires, et surtout que la théorisation et la recherche ne peuvent se faire en laboratoire, sans se déplacer sur le terrain.
Non, car nous souhaitons et recherchons l'aide et la collaboration de spécialistes. Non, car nous sommes bien placés pour savoir que « étudier ce qui se passe dans la classe », nécessite des compétences non seulement en pédagogie, mais aussi dans le domaine des groupes, dans le domaine de l'inconscient, en psychologie, en sociologie etc. Mais nous pensons qu'il ne peut exister des surhommes, un sur-savoir, regroupant et synthétisant le tout, capables de penser en haut lieu en laissant aux praticiens, le soin d'appliquer.
Il existe selon nous, des théories linguistiques, mathématiques etc. mais la théorie pédagogique en est encore à la préhistoire. Il n'en est pour s'en convaincre, que d'écouter les discours vasouillards sur le « climat », la « bienveillance », l'écoute... qui masquent l'ignorance de ce qui peut se passer dans une classe.
Apprendre aux enfants la responsabilité n'entraîne pas pour nous le fait de ne pas leur apprendre à lire, à écrire, à compter. Il serait bien sûr gênant que de futurs ouvriers sachent parler en public, s'exprimer correctement par écrit, accéder aux armes et au langage de ceux qui les dominent.
Les examens existent, les enfants en auront besoin, longtemps encore nous nous sentons responsables de leur avenir, même si ce n'est qu'en partie.
Nous sommes bien placés, pour voir qu'il est illusoire ou malhonnête de parler de progrès pédagogique, quand certaines conditions ne sont pas remplies. Profession dévalorisée, locaux insuffisants, effectifs stupides, détériorent les enfants, usent les maîtres, dégradent un métier que nous persistons à croire grand. La place que tient l'éducation dans les préoccupations gouvernementales, importe plus que les intentions, les discours, les conseils, et... les tentatives. L'I.C.E.M. s'associe évidemment aux organismes qui, par leurs revendications et leurs actions, défendent la valeur de l'éducation et l'avenir des enfants, contre une société imprévoyante, soucieuse d'autres intérêts.
Si nous ne prétendons pas trouver un moyen idéal de faire du bon travail, dans de mauvaises conditions, nous n'acceptons pas pour cela que les dangers, les griefs, les réalités ou les problèmes précédents, servent d'alibi et de justification à l'acceptation d'une pédagogie retardataire et dangereuse, à l'immobilisme. Malgré les difficultés qui parfois ridiculisent nos efforts, nous refusons de démissionner.
Nous défendons l'école publique en dénonçant l'école-caserne où les soucis de gardiennage et de discipline l'emportent sur les soucis d'éducation :
- son ambiance concentrationnaire,
- sa discipline automatique,
- son organisation rigide,
- son travail de série.
Médecins, psychologues, sociologues, se doivent d'en étudier et dénoncer les conséquences. Détérioration dramatique des adultes et des enfants qui y vivent. Impossibilité d'éducation humaine, mécanisation et stéréotypie des comportements, troubles réactionnels (inadaptation, dysmaladies, troubles caractériels... ) exaspération des adultes coincés dans des situations intenables...
Nous nous contentons de révéler des possibles ce que nous faisons tous les jours.
Si on pouvait décréter l'expression libre obligatoire et la coopération forcée, on n'obtiendrait qu'une caricature d'école moderne. Les obstacles à la modernisation ne viennent pas tant de l'extérieur que de l'école elle-même : une conception pédagogique peut-être valable il y a cent ans, et adaptée aux besoins de l'époque, s'est inscrite dans l'architecture, le matériel, les institutions, les mécanismes de pensée des pédagogues et du public.
En se développant, l'école a acquis un volume, une rigidité, une inertie qui lui interdisent une évolution correcte. Cette inertie constitue pour l'école publique un danger autrement plus grave que nos critiques...
Les mêmes choses que nous entendons depuis des années. Même si vous avez la sagesse de ne faire aucune propagande, même si vous laissez à vos collègues la liberté que vous souhaitez pour vous-mêmes, vous devez attendre avec le sourire la réaction de défense du groupe menacé par l'insolite : votre seule existence a fortiori votre réussite - remet en question les fondements de la pédagogie qui a cours. Ne perdez pas votre temps en discussions. Votre interlocuteur est peut-être, souvent sans le savoir, avant tout soucieux de défendre contre vos innovations une bonne conscience et un confort intellectuel menacés. Il est peut-être persuadé qu'il ne peut exister de meilleure pédagogie que celle qui l'a élevé jusqu'à sa perfection actuelle. Bien des gens amalgament toutes sortes de pédagogies dites nouvelles, d'expériences plus ou moins hasardeuses. C'est compréhensible : une pédagogie qui s'élabore constamment est obligatoirement inconnue ou méconnue. Documentez les personnes qui s'intéressent à l'éducation sur la correspondance, le journal scolaire et la coopérative. Laissez à d'autres les joutes psychosocio-métaphysiques.
Pourtant il faut parfois répondre rapidement aux objections classiques.
Si nos résultats n'avaient pas été au moins égaux à ceux des classes traditionnelles, nos camarades des villages qui ne bénéficient pas de l'anonymat urbain, n'auraient pu poursuivre leur expérience.
Votre collègue a vu une classe qui fonctionne depuis plus de dix ans. On y utilise trois presses à imprimer, un fichier documentaire imposant, un important musée scolaire, un magnétophone, etc.
Ce même matériel encombrerait le débutant et son emploi risquerait de lui poser d'insolubles problèmes d'organisation.
C'est le fonctionnement de la classe qui, peu à peu, a permis l'accumulation et l'emploi de ces outils.
1. Pour éviter des conflits inutiles, évitez la provocation. Utilisez, si besoin est, les instructions officielles qui vous donnent raison. Vous aurez besoin de leur neutralité.
2. Conservez des témoins du travail des enfants (attention à la correspondance).
3. Ne supprimez pas, remplacez
- le journal de classe par un « journal de bord » racontant votre journée,
- les préparations par la constitution d'outils pédagogiques,
- les répartitions par un plan annuel des notions a acquérir dans chaque matière.
En 1982, surtout en ville, les parents ne sont pas contre les méthodes modernes, quand ils constatent que leurs enfants travaillent sans contrainte et que l'on s'intéresse à leur enfant. En cours d'année, organisez des réunions de parents. Montrez ce que vous avez fait, pourquoi vous l'avez fait, donnez la parole. Différenciez la pédagogie Freinet des pédagogies non-directives qui leur font peur.
Dans l'école-caserne, chacun ignore ce que fait le voisin. Ne troublez pas l'ordre établi par du prosélytisme maladroit. Intéressez plutôt vos collègues à votre travail. Vous parviendrez bien à changer un peu les choses et petit à petit, l'atmosphère de l'école.
confrontez votre expérience et vos réflexions à celles de milliers d'éducateurs engagés comme vous dans la mise en oeuvre réaliste et raisonnée d'une nécessaire évolution de l'école,
lisez la revue de lI.C.E.M.
L'ÉDUCATEUR, pour les enseignants de maternelle, 1er, 2d degré, les parents, les divers intervenants dans le champ éducatif. Revue de témoignages, de recherches, par des praticiens pour des praticiens.
La plupart des témoignages publiés dans ce Pourquoi-Comment ?
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L'éducation du travail, C. Freinet, Delachaux et Niestlé.
Les dits de Mathieu, C. Freinet, Delachaux et Niestlé.
Essai de psychologie sensible appliquée à l'éducation, C. Freinet, Delachaux et
Niestlé.
Les techniques Freinet de lÉcole Moderne, C. Freinet, A. Colin et Bourrelier.
Naissance d'une pédagogie populaire, E. Freinet, Maspéro.
La santé mentale de l'enfant, E. et C. Freinet, Maspéro.
Perspectives de
l'Éducation Populaire par un collectif de l'I.C.E.M., Maspéro.
Les équipes pédagogiques par un collectif de l'I.C.E.M., Maspéro.
L'école sous surveillance par un collectif de l'I.C.E.M., Syros.
A corps retrouvé par un collectif de l'I.C.E.M., Casterman.
Pour une méthode naturelle de lecture par un collectif de l'I.C.E.M., Casterman.
De la classe coopérative à la pédagogie institutionnelle de A. Vasquez et F.
Oury, 2 tomes, Maspéro.
Un certain goût du bonheur de M. Porquet, Casterman.
Invitation au poème par un collectif de l'I.C.E.M., Casterman.
L'aventure documentaire par Michel Barré, Casterman E3.
Pour une mathématique populaire par Edmond Lèmery, Casterman E3.
Les rois nus par Jacky Chassane, Casterman E3.
Croqu'odile, Crocodile ou pour une méthode relationnelle de lecture-écriture par
la Commission « Lecture » de l'I.C.E.M., Casterman E3.
Qui c'est lconseil ? par C. Pochet et F. Oury, Maspéro.
Des dossiers pédagogiques :
Nos simples
1 Le limographe à l'école
moderne
8 L'imprimerie et le journal scolaire
22 Raisonnement mathématique en maternelle
38 Méthode naturelle en histoire-géographie
49 Discussion sur la formation scientifique
54 L'observation libre au C.E.
73 Expérimentation en sciences à partir des questions d'enfants
79 Recherches sur l'expression orale
100 Comment nous utilisons la B.T.
110 La poésie à l'école
111 L'orthographe populaire
116 La sérigraphie à l'école
119 La documentation audiovisuelle
120 Les équipes pédagogiques (1)
121 Les équipes pédagogiques (II)
135 Réalités de l'enseignement spécialisé
141 La formation à l'I.C.E.M.
153 L'organisation coopérative de la classe
169 Voyage poésie
Nos doubles
28-29 Initiation au raisonnement logique
34-35 La coopérative scolaire
62-63 Mathématique naturelle au C.P.
69-70 L'organisation de la
classe maternelle
71-72 L'expression du mouvement en dessin
83-84 L'écologie et l'enfant
85-86 Le français à l'école élémentaire
139-140 La part aidante du maître
151-152 Les ateliers
d'expression artistique
159-160 Expression sonore et musique
161-162 Classes transplantées (neige, mer, verte)
163-164 Les pratiques en maternelle
165-166 Comment démarrer en Création Manuelle et Technique
167-168 Index alphabétique de la Bibliothèque de Travail
Nos triples
41-42-43 Raisonnement logique
en maternelle
56-57-58 Mathématique libre au C.E.2
128-129-130 Perspectives
de l'éducation populaire
154-155-156 L'enfant et la documentation
(Educ.
10, avril 81)
Pourquoi-Comment ?
1 La correspondance et le voyage-échange
2 Des activités audiovisuelles dans une pédagogie de l'expression et de la communication
3 Le journal scolaire
4 L'aménagement des cours d'école
5 Comment démarrer en pédagogie Freinet
Documents de l'Éducateur
170 La
notion de temps et les enfants de C.P.-C.E.
171-172-173 Pratique et théorie d'une écriture collective
175 Création manuelle et technique en maternelle et école élémentaire
176 Voyage poésie II
177 Absorption ou 3 études sur l'affectivité
178-179 Prendre la parole. Une expérience de radio libre en milieu rural
180 Éléments pour une éducation corporelle
Bibliothèque de Travail et de
Recherche (B.T.R.)
3 Textes libres ordinaires de Patrick
9 De la parole qui surgit
parfois (avec 1 disque)
11 Un maître, des enfants... plus tard
12 Pratique de la pédagogie Freinet
et affectivité
13 Une pédagogie sensible à
l'école maternelle
15 La fonction symbolique au C.M.
16 Créativité et pédagogies comparées
18 Dans les traces du
tâtonnement expérimental
20 A propos des textes de Patrice (B.T.R. n' 3)
21 L'enseignement des sciences
22 Fonction équilibrante du dessin libre
25 Des perspectives du tâtonnement
expérimental
26-28 Savoir écrire nos mots
29 Tâtonnement à l'imprimerie en maternelle
30 Rééduquer avant d'éduquer ?
31 Des enfants qui recherchent
32 Deux cas : Séverine - Frédérique
33-34 Aspects de la vie
affective et du dessin de l'enfant
35 Cahier annuel
36 La poésie... école de la vie
37 L'entretien du matin
38 Le travail du texte au C.E. 1
39 Histoire d'un sevrage
Bibliothèque de l'École Moderne (B.
E. M.)
Nos simples
1 Formation
de l'enfance et de la jeunesse par C. Freinet
2 Classe de neige par E. Freinet
3 Le texte libre par C. Freinet
4 Moderniser l'école par C. Freinet
5 L'éducation morale et civique par C. Freinet
6 La santé mentale des enfants par C.
Freinet
7 La lecture par l'imprimerie à
l'école par C. Freinet
15 Les plans de travail par C. Freinet
16 Dessins et peintures d'enfants
par E. Freinet
17 La grammaire par C. Freinet
26 Les maladies scolaires par C. Freinet
39 L'expression libre en classe de
perfectionnement par G. Gaudin
Nos doubles
8-9 Méthode naturelle de lecture par L.
Balesse et C. Freinet
33-34 Le fichier documentaire
par R. Belperron
40-41 Huit jours de classe par
E. Freinet
54-55 Conseils aux jeunes par
C. Freinet
Nos triples
56-57-58 Appel aux parents par C. Freinet
Nos spéciaux
20-23
Naissance d'une pédagogie populaire par E. Freinet
29-32 Bandes enseignantes et programmation par C. Freinet
La C.E.L. qui édite ce guide publie et diffuse également les autres
productions de 1I. C.E. M.- Pédagogie Freinet : des outils pédagogiques
divers (catalogue envoyé sur demande) ainsi que de nombreuses revues pour les enfants,
les adolescents, les éducateurs.
- J Magazine (pour découvrir le plaisir de lire entre 5 et 8 ans).
- B. T.J. (revue documentaire pour les moins de 12 ans)
- B. T. (pour les 10 - 15 ans)
- B. T.2 (pour les plus de 15 ans) B.T. Son (ensemble audiovisuel : cassette + diapositives + livret)
- L'Educateur (revue pédagogique 1er et 2ème degré)
- Créations (pour tous, une revue ouverte sur toutes les formes d'expression)
- Périscope (albums documentaires)
-
Dits et vécus populaires (albums
d'expression)
Pour tous renseignements, abonnements, catalogues, s'adresser à la
C.E. L. - B. P. 109 06322 Cannes La Bocca Cedex - Tél. : (93) 47.96.11.
(~)
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Dépôt légal : 2e trimestre 1985 - Imprimé en France par C.E.L. - Cannes
Photographies : Roulier : p. 5 - C.N.D.P./J. Suquet : p. 10 - J. Ueberschlag : p. 14 - C.N.D.P./P. Allard p. 20 - I.C.E.M./J. Ueberschlag : p. 25 - P. Richeton : p. 35 - G. Gouset : p. 52 - Photos